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propofitions de mariage qui lui furent faites plus d'une fois. Le dépit de fe voir méprifée du connétable la rendit fon ennemie implacable. Elle lui fufcita un procès touchant les biens de la maifon de Bourbon; elle mit en œuvre tant de chicanes, mit fi bien les juges dans fes intérêts, que le connétable perdit fa caufe: en conféquence, tous fes biens furent mis en féqueftre. Ce coup le réduifit au défefpoir. Le défir de fatisfaire un reffenti-. ment jufte, mais porté à l'excès, l'engagea à traiter fecrétement avec l'empereur, & l'aveugla fur les conféquences d'une telle démarche. Ainfi, après avoir obtenu de Charles-Quint des avantages qui lui affuroient le cruel plaifir de fe venger, il fe livra aux ennemis de la France. 11 auroit dû penfer qu'il alloit fe couvrir d'ignominie, s'il ne faifoit pas réuffir leurs mauvais deffeins, & s'attirer la haine générale s'ils réuffiffoient. Mais n'écoutant que fa colere, il fortit du royaume après avoir couru les plus grands dangers, & arriva au camp des impériaux dans le Milanez.

Dans une pareille circonftance, François I crut que fa préfence étoit néceffaire dans le royaume; il chargea Bonnivet de l'expédition d'Italie. L'armée Françoife, compofée d'environ vingt-deux mille hommes, paffa les Alpes, s'empara de Novarre, & foumit en peu de temps tout le pays le long du Tefin. Après avoir paffé ce fleuve, elle vint camper à douze milles de Milan. Mais l'amiral s'étant amufé à de vains pourparlers, les habitans revinrent de leur premiere terreur, & fe mirent en état d'attendre les fecours que Profper Colonne leur amena. Le chevalier Bayard avoit déjà commencé le fiege de Crémone, mais après avoir tenté quelques affauts, il fut obligé de l'abandonner, pour se rapprocher de Milan dont Bonnivet avoit commencé le blocus. Celui-ci ne pouvant plus recevoir fes convois fe vit hors d'état de continuer le fiege, & bientôt fon camp fouffrit de la difette des vivres, Sur ces entrefaites, Profper Colonne mourut accablé de vieilleffe, & avec la réputation d'un très-grand général. Il fut remplacé par le connétable de Bourbon. Les confédérés réfolurent de paffer le Tefin à Pavie pour s'ouvrir une route vers la Lomelline, où l'amiral Bonnivet avoit fes magafins; ils exécuterent habilement ce paffage, & enleverent plufieurs poftes. L'amiral manquant de vivres céda à fon mauvais fort, paffà la Seffia pour fe retirer en France. Les confédérés attaquerent fon arriere-garde qui foutint le choc avec beaucoup de fermeté. Le chevalier Bayard y recut un coup mortel d'arquebufe ce vaillant homme fentant qu'il étoit bleffé à mort, se fit mettre au pied d'un arbre le vifage tourné du côté de l'ennemi, tenant la garde de fon épée devant fes yeux, comme pour lui tenir lieu d'une croix. Le connétable de Bourbon, averti du trifte état de ce généreux chevalier, courut à lui & lui témoigna combien il le plaignoit. Mais Bayard lui répondit courageufement:,, Ce n'eft pas moi qu'il faut plaindre, car je meurs en homme d'honneur; mais c'est vous, Mon» fieur, qui fervez contre votre roi & votre patrie ". Paroles bien dignes du héros qui les prononçoit! Il mourut le même jour. Cependant les im

périaux poursuivirent les François jufqu'au pied des montagnes, & enleverent leur artillerie.

Bataille de Pavie. Ann. 1525.

IL fembloit que la guerre devoit finir. Mais les deffeins ambitieux de

Charles-Quint ne lui permettoient pas d'en demeurer-là: il voulut profiter de l'échec qu'avoient reçu les François, pour faire redouter fa puiffance jufques dans le royaume. Le connétable de Bourbon lui perfuada qu'on pourroit faire le fiege de Marfeille; il fe chargea de cette expédition, fans doute pour venir en quelque forte braver fon roi. Il entra en Provence à la tête de quinze mille hommes de pied; & de deux mille chevaux & fe rendit devant cette ville. Mais les affiégés firent la plus vive résistance. François I, qui avoit raffemblé une armée de plus de trente mille hommes près d'Avignon, vint au fecours de la place. Le connétable n'ofa l'attendre, & leva le fiege avec honte. Le roi voulut profiter de la confternation des impériaux: il fe voyoit à la tête d'une armée qui les avoit mis en fuite; il l'augmenta jufqu'au nombre de quarante mille hommes, & réfolut de poursuivre fes ennemis jufques dans le Milanez; car il ne pouvoit fe réfoudre de renoncer à cette expédition, quoiqu'elle lui cut toujours été malheureuse. A fon arrivée en Italie, Milan fe rendit. Sa mauvaife deftinée permit qu'il fe laiffat perfuader par l'amiral de Bonnivet de faire le fiege de Pavie, contre l'avis de fes principaux officiers. Il y avoit dans cette place une forte garnifon, commandée par le brave Antoine de Leve. Ce fiege avoit déjà duré quatre mois; & avoit affoibli l'armée Françoise, lorsque le connétable reçut un grand renfort de feize mille lanfquenets & un corps de troupes Efpagnoles. Avec ces nouvelles forces, il réfolut de marcher au fecours de Pavie & de combattre le roi fi l'occafion s'en préfentoit. François I avoit affoibli fon armée, il en avoit détaché quatre mille hommes de pied & fix cents hommes d'armes vers le royaume de Naples, fans efpérance d'y réuffir. On confeilloit à ce prince de lever le fiege. Bonnivet s'y oppofa. Le roi croyant fon honneur intéreffé à ne pas reculer, fit avancer fon armée : les impériaux, qui étoient venus pour jetter du fecours dans Pavie, voulurent forcer le pofte de Mirabel; ils attaquerent les François retranchés dans ce parc, & furent d'abord repouffés. Genouillac avoit fi bien pofté fon canon dans ce parc, que, dès qu'il commença à tirer, il emportoit des files entieres. Leur infanterie ayant voulu fe mettre à couvert, le roi prit ce mouvement pour une déroute; il vint avec le corps de bataille pour foutenir le duc d'Alençon, & défaire cette infanterie, mais, par-là, il fe mit imprudemment entre l'ennemi & fon canon dont il empêcha ainfi l'effet. En ce moment, le vice-roi de Naples fit avancer fa gendarmerie qui étoit entremêlée d'arquebufiers; &, comme elle n'avoit plus rien à craindre des batteries det l'ennemi, elle vint fondre fur le corps de bataille où étoit le roi. Après un

choc très-difputé, la gendarmerie Françoise ne pouvant plus foutenir les décharges continuelles des arquebufiers, commença à plier. Le roi abandonné de fes troupes qui fuyoient lâchement, fe voyant entouré d'un gros d'ennemis, & n'ayant autour de lui que quelques gendarmes & plufieurs feigneurs qui vendoient chérement leur vie, fe battit en défefpéré. Bonnivet, la Trémoille, Saint-Séverin, le maréchal de Foix & quantité de gentilshommes périrent en cette occafion pour fauver leur roi; lui-même, bleffé au plus fort du carnage, fe défendoit comme un lion au milieu d'un tas de morts. On lui crioit de fe rendre, mais il n'écoutoit rien, & ne vouloit pas furvivre à fa défaite. On avertit le vice-roi de fon danger, il accourut; & le roi, dont les forces étoient épuifées, fe rendit à lui. Le champ de bataille fut couvert de neuf mille hommes de l'armée Francoife; les impériaux perdirent à peine huit cents hommes; le duc d'Alençon paffa le Tefin avec ce qui étoit échappé aux vainqueurs. Au feul bruit de cette défaite, Trivulce abandonna Milan. Le roi fut conduit au château de Pizigithone, où il fut gardé en attendant les ordres de l'empereur. Le vice-roi & le marquis de Pefcaire le traiterent avec tout le respect dû à un grand roi. Cependant il prit un moment pour écrire ces deux mots à la régente fa mere: Madame, tout eft perdu, hormis l'honneur. Charles-Quint alors en Espagne, apprenant cette étonnante nouvelle, affecta de cacher la joie qu'il fentoit au fond de fon cœur, & défendit qu'on fit des réjouiffances. Le vice-roi ayant propofé à François I, de paffer en Espagne, pour obtenir plus promptement fa délivrance, ce prince y confentit: il fournit fes propres galeres défarmées, & fit ce voyage efcorté par Lannoy. Etant arrivé à Madrid, il reconnut la faute qu'il avoit faite, il faillit à y périr d'ennui. Ce ne fut qu'un an après que le traité de fa délivrance fut conclu le 21 Février: par ce traité, le roi s'engagea à céder à l'empereur le duché de Bourgogne & fes dépendances, ainfi que tout le reffort de fouveraineté qu'il pouvoit prétendre fur les comtés de Flandres & d'Artois. Il confentit à une ligue offenfive & défenfive avec l'empereur, & s'obligea à lui fournir cinq cents hommes d'armes & dix mille fantaffins pour achever la conquête du Milanez fes deux fils fervirent d'otages & refterent en la puiffance de l'empereur jufqu'à l'entier accompliffement du traité.

Mais dès que François I fut rentré en France, il n'eut aucun égard aux promeffes que le défir de fortir de fa dure captivité lui avoit arrachées; il y avoit dans ce traité défaut de liberté & léfion énorme. Dans le même, temps, il fe forma une ligue entre le pape, François I, le duc de Milan & les Vénitiens, pour la fureté & la liberté de l'Italie. Elle fut tenue secrete jufqu'au mois de Juin. C'étoit le délai que le roi de France avoit demandé, parce qu'il attendoit les députés des Etats de Bourgogne, & qu'il vouloit recevoir leurs représentations en préfence des miniftres de l'empereur. Elles furent telles qu'on pouvoit les attendre de gens qui aimoient leur

maître. Leur oppofition fut admife comme elle devoit l'être, la Bourgogne refta à la France; le roi offrit aux miniftres de Charles-Quint deux millions d'or pour la rançon de fes deux fils, & publia quelques jours après la ligue avec les Etats d'Italie. D'un autre côté, le connétable de Bourbon qui commandoit l'armée des impériaux réunie au-delà du Rô, ravageoit tout le pays. Il s'avança à Rome, voulut prendre cette ville dont le pape Clément VII. lui refufoit le paffage mais il y fut tué d'un coup d'arquebuse dans le moment qu'il appuyoit une échelle pour faire efcalader les murailles. Le prince d'Orange fit continuer l'affaut, la ville fut prise & faccagée de la maniere dont on l'a expofé à l'article CHARLES - QUINT. Le pape, qui s'étoit réfugié dans le château Saint-Ange, y éprouva les extrémités de la difette d'un autre côté, l'armée des François commandée par Lautrec ayant été fort affoiblie par les maladies, & lui-même étant mort, le refte des foldats & des officiers fe vit contraint de fortir du royaume de Naples.

En 1529, on fit la paix de Cambray, dite la paix des dames, parce qu'elle fut le fruit des conférences que tinrent deux princeffes; favoir, la régente de France & Marguerite d'Autriche : les conditions furent que le roi payeroit à l'empereur, pour fa rançon, deux millions d'or, qu'il renonceroit à la fouveraineté de Flandres & de l'Artois, & qu'il épouferoit Eléonore, fœur de l'empereur.

François I procure la renaissance des Lettres. Ann. 1530 & suiv. PENDANT

ENDANT quelques années de paix dont jouit François I, il entreprit de faire renaître les arts & les fciences. Ce prince étoit doué d'un efprit vif & pénétrant, d'une mémoire heureuse; il se plaifoit à la conversation des favans, il étoit libéral & ami de la magnificence, toutes qualités qui tournent au bien des arts. Les Médicis avoient été les bienfaiteurs des lettres en Italie. Ils leur avoient ouvert un afile à Florence. Le pape Léon X s'étoit fait un objet effentiel de les protéger. Il encouragea par fes bienfaits une foule de favans hommes qui parurent fous fon pontificat, & qui contribuerent à la renaiffance des lettres en Italie. François I. voulut partager avec les princes d'Italie cette gloire, & conçut le deffein de faire revivre les fciences: il honora de fes graces & de fes bienfaits les favans de fon regne. Parmi ceux qu'il diftingua le plus, on compte Jean du Belley, évêque de Paris, enfuite cardinal, Pierre du Châtel, évêque de Mâcon & qui fut fon lecteur, François Olivier, qui fut chancelier de France, Guillaume Budé, Lazare de Baif, Jacques de Mêmes. Tous ces hommes obtintent des diftinctions honorables par le mérite de leur favoir. François I. forma à Fontainebleau le commencement de la bibliotheque royale. On y rassembla de toutes parts, par fon ordre, des manufcrits qu'on alla chercher dans le Levant; ce fut par les foins de Jean Lafcaris, auffi illuftre par fa

fcience

fcience que par fa naiffance. Il inftitua à Paris le college royal pour les langues latine, grecque & hébraïque; il choifit pour remplir les chaires le favant François Vatable & Pierre Danès : il en ajouta, peu de temps après, deux autres pour la même fonction, & d'autres encore pour les mathématiques, la philofophie & la médecine. Les enfans de toute condition fréquenterent ces claffes; le peu de recherche qu'on mettoit alors dans l'éducation, la rendoit mâle & vigoureufe, propre à foutenir une étude que nos mœurs trouveroient trop pénible. Bien plus, ce prince avoit formé le deffein d'un magnifique college vis-à-vis le Louvre, pour l'entretien de fix cents écoliers, qui devoient y être entretenus & inftruits gratuitement; les guerres qu'il lui fallut foutenir empêcherent l'exécution de ce projet mais ce prince en fit affez pour mériter le titre de Reftaurateur des Sciences. La connoiffance des langues que fes foins firent revivre, donna l'être à celle de l'hiftoire ancienne, aux fciences les plus élevées, à la poéfie, à la peinture, à la sculpture, à l'architecture.

Suite des guerres. Ann. 1535.

LA mort de François Sforce réveilla les anciennes prétentions de François I fur le duché de Milan : il négocia avec l'empereur pour que le duché de Milan fût donné au duc d'Orléans fon fecond fils. Charles-Quint, fans fe montrer contraire à la prétention du roi, proposoit l'inveftiture du Milanez pour le duc d'Angoulême, troifieme fils de France, à condition. que les deux couronnes feroient une ligue pour combattre les Turcs. Le roi infiftoit pour le duc d'Orléans. Mais comme l'empereur faifoit naître fucceffivement des difficultés, François I. comprit que ce prince ne cherchoit qu'à l'amufer, & réfolut d'obtenir, par la voie des armes, ce qu'il demandoit. Son armée aux ordres de l'amiral de Chabot, fit une invafion dans la Savoye, & obligea le duc de Savoye de fortir de Turin. L'empereur, qui étoit alors à Rome, fut fort piqué que François I. eût pénétré en Italie: il parla du roi en plein confiftoire dans les termes les plus offenfans, & jufqu'à le défier dans un combat fingulier. Le cartel étoit plus digne d'un chevalier errant que d'un grand empereur; il n'épargna pas les démentis & il ne tint pas à lui que le duel n'eût lieu. Le pape effaya d'appaiser la querelle toutes les voies de conciliation furent inutiles. Charles-Quint entra en Provence par le comté de Nice, à la tête de quarante-deux mille hommes. Il fe présenta devant Marseille : mais fon armée, qui étoit déjà fatiguée par une longue marche, & manquant de vivres, ne fut pas en état de continuer un fiege : ce prince se vit obligé de le lever honteusement, & de rentrer dans le Piémont.

Deux ans après, le pape ayant ménagé une conférence entre le roi & Charles-Quint, ces deux princes convinrent d'une treve, & s'aboucherent enfuite à Aigues-mortes; mais ils ne conclurent rien. Ce fut pendant cette Tome XX.

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