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DE L'HOMME-D'ÉTAT,

E T

DUCITOYEN.

FRANC-F IE F.

Du droit de Franc-fief & nouveaux acquéts.

UOIQUE ces deux droits foient ordinairement confondus, cependant ils font différens l'un de l'autre.

Celui de Franc-fief eft dû par les non-nobles, poffédant fiefs & arriere-fiefs, rentes, héritages & autres poffeffions nobles par eux acquifes, à quelque titre que ce foit. Il confifte en une année du revenu que l'on paie tous les vingt ans

& à chaque mutation.

Celui de nouveaux acquêts eft dû par les eccléfiaftiques, communautés, fabriques, maladreries & autres gens de main-morte, pour les terres, rentes, héritages, poffeffions, ufages & autres biens, tant nobles que roturiers par eux tenus & poffédés, à quelque titre, charge & condition que ce foit. Le motif de l'introduction de ces droits eft commun à l'un & à l'autre. Quant au droit de Franc-fief dû par les roturiers, il a été établi pour compenfer le roi du non-service de la nobleffe, à laquelle les héritages Tome XX. A

nobles avoient été donnés par les rois, à la charge de les fuivre dans leurs expéditions militaires.

Les gens de main-morte y font foumis, pour compenfer la perte & le dommage, que le roi fouffre, quand quelques héritages nobles ou roturiers font en leur poffeffion, & que par conféquent il n'y a point de mutation à efpérer de leur part.

Sur le déclin de la feconde race, & au commencement de la troifieme c'eft-à-dire, vers l'an 1000, vers l'an 1000, il fut fait des réglemens pour les droits de mutation, dus à caufe de la poffeffion des fonds. Les églifes, qui auparavant acquéroient librement, commencerent à être troublées par les feigneurs, dans les acquifitions qu'elles faifoient. Louis IX, dont certainement on reconnoît le vrai zele pour la religion, décida néanmoins la conreftation en faveur des feigneurs, comme on l'a dit à l'article AMORTIS

SEMENT.

Les bourgeois, qui dès-lors poffédoient des fiefs, ne pouvant rendre les fervices militaires dus à caufe de ces fiefs,, traitoient ordinairement avec les feigneurs féodaux, qui les en affranchiffoient pour de l'argent; & les feigneurs fuzérains, en remontant de degré en degré jusqu'au roi, & le roi lui-même exigeant d'eux de groffes finances, ils ne pouvoient garder leurs acquifitions qu'à des conditions très-onéreufes : ce qui donna lieu à une infinité de plaintes, fur lesquelles Philippe-le-Hardi fit un réglement l'an 1275, par lequel il fixa ce qui feroit payé, fuivant les différens cas, par les gens de main-morte, pour les biens nobles ou en cenfive, & par les non-nobles pour les fiefs & arriere-fiefs qui feroient dans leurs mains. C'eft la premiere regle qui ait été établie fur cette partie.

Dans ces temps, les fiefs communiquoient leur franchise & leur noblesse aux roturiers qui les poffédoient, pourvu qu'ils y fiffent leur demeure; & par un ufage affez fingulier, les nobles perdoient les privileges de leur franchife, & étoient cenfés, regardés & traités comme roturiers, tant qu'ils demeuroient fur leurs héritages tenus en cenfive: ainfi c'étoit la nature de: la terre qui décidoit de la qualité des perfonnes, & la nobleffe étoit, pour: ainfi dire, réelle.

Les rois n'approuverent point cette maniere d'acquérir la nobleffe ; & pour diftinguer à l'avenir les nobles des roturiers, ils ordonnerent que les roturiers, qui pofféderoient des fiefs, feroient tenus de leur payer, de temps en temps, une certaine fomme, pour interrompre la prefcription, ce qui fut alors réglé à 40 ans.

Malgré ces précautions & ces taxes, les roturiers continuoient de prendre le titre de nobles où écuyers; & ce fut pour mettre une fin à cet abus que l'ordonnance de Blois de l'an 1579 ftatua, par l'article 663, que les roturiers & non-nobles, qui acheteroient des fiefs-nobles, ne feroient pas pour cela annoblis, de quelque revenu que puffent être les fiefs qu'ils auroient acquis; & tel eft l'ufage actuel en France.

A l'égard des gens de main-morte, il y a une infinité de réglemens qui ordonnent, qu'ils feront tenus de faire des déclarations exactes de leurs nouveaux-acquêts, & de repréfenter les lettres d'amortiffemens, & les permiffions qu'ils auront eues d'acquérir, fous peine de confifcation des biens

recélés & non déclarés.

En conformité des anciennes ordonnances, la chambre des comptes de Paris, par fon arrêt du 20 Juillet 1634, a fait défenfes à toutes perfonnes eccléfiaftiques, aux religieux & autres gens de main-morte, de pofféder à l'avenir aucunes maisons ou aucuns héritages immeubles, fans avoir obtenu des lettres-patentes du roi, duement vérifiées en ladite chambre; & a ordonné que tous héritages acquis depuis 40 ans, par don, aumône ou achat, par lefdites gens de main-morte, poffedés fans lettres vérifiées, feroient faifis & mis en la main du roi, pour être régis, après l'an de la faifie paffée, par les receveurs du domaine, fi dans ledit temps ils ne mettoient hors leurs mains lefdits héritages faifis, ou ne faifoient apparoir defdites lettres duement vérifiées.

Il y a plufieurs villes dans le royaume de France, dont les bourgeois, pour récompenfe des fervices rendus à l'Etat, jouiffent du privilege de tenir franchement fiefs & arriere-fiefs. Ceux de Paris ayant été maintenus dans cette prérogative par l'ordonnance de Charles V, de l'an 1371, ainfi qu'il s'eft pratiqué de temps immémorial, dit cette ordonnance; je crois inutile de rapporter les autres.

Les roturiers poffédant fiefs, étoient autrefois tenus de marcher au ban & arriere-ban, lors des convocations qui s'en faifoient, mais par la déclaration du 29 Novembre 1641, ils en ont été exemptés, fans être obligés de payer en compenfation, ni aucune nouvelle taxe, ni celles ci-devant dites; mais en donnant une année du revenu des fiefs qu'ils poffedent.

On a vu que cette taxe avoit été premiérement réglée à 40 ans, Philippele-Bel en fixa l'époque à 30, Charles IV, dit le-Bel, la remit à 40, ce qui fut fuivi par Philippe de Valois, Charles V. & Charles VI. Charles VIII, réduifit ce terme à 28 ans. François I, à 25. Henri II le porta à 33. Charles IX à 25. Louis XIII à 30, & Louis XIV l'a mis à 20, & c'est ce qui fubfifte actuellement, & qui a lieu également pour les nouveauxacquêts faits par les gens de main-morte.

Les Francs-fiefs & les nouveaux acquêts ont toujours marché de com pagnie, & les réglemens faits pour les uns ont été communs aux autres. Ces deux parties font comprises dans le bail général des fermes unies.

FRANCFORT SUR LE MEIN, Ville libre & Impériale d'Allemagne.

СЕТТЕ ETTE ville eft fituée dans le cercle du haut Rhin, au centre d'un territoire qui confine aux Etats de Mayence, de Darmstadt, de Hanau de Solms, &c. fur un fol fertile en toutes fortes de bonnes productions naturelles, & fous un climat dont la température eft généralement reconnue pour très-agréable & très-faine.

à

Le Mein coupe cette ville en deux portions inégales, dont la plus grande fe nomme proprement Francfort, Francfurt, Frankenfurt; & la plus petite Saxenhaufen, & dont un pont de pierre de 14 arcades & de 400 pas de longueur, fait la communication: l'une & l'autre de ces portions font fortifiées, & l'on compte près de 3000 maisons dans leur enceinte, avec un certain nombre de places publiques. Parmi ces maisons il en eft plufieurs, qui foit à titre de palais, foit à titre d'hôtels, appartiennent à des comtes, des princes, à des électeurs du faint-empire, & qui portent leurs noms : tels font entr'autres ceux de Mayence, de Treves, de Cologne, de l'ordre teutonique, de Darmstadt, de la Tour & Taxis, &c. Et parmi ces places publiques il en eft trois que l'on remarque principalement: ce font le Romerberg, la place de Notre-Dame, & le Roffmarkt: celle-ci, qui eft la plus riante & la plus fpacieuse, eft toute plantée d'arbres dont les allignemens forment un très-beau lieu de promenade; fur la feconde eft la bourse, avec l'hôtel de Frauenftein ou Braunfels, qui jadis fervoit de logement aux empereurs, & qui fait encore porter le nom de quartier impérial à toutes les maifons placées entre cet hôtel & le Romerberg; & fur le Romerberg enfin, le voit l'ancienne façade de l'hôtel-de-ville, ou Romer, grand édifice gothique, moins connu par l'ufage ordinaire qu'en font les magiftrats de Francfort & le cercle du haut Rhin, pour leurs affemblées refpectives, que par les deux deftinations périodiques auxquelles il eft confacré; deftinations très-différentes en elles-mêmes fans doute, mais cependant affez rapprochées dans leur principe, l'une étant de prêter les voûtes inférieures à l'étalage de tout ce dont le luxe & la frivolité peuvent faire emplette aux foires de la ville, & l'autre de devenir dans quelques-uns de fes appartemens fupérieurs, au temps de l'élection & du couronnement de l'empereur ou du roi des Romains, le fiege de toutes les formalités brillantes, de toutes les cérémonies d'étiquettes, attachées à cet événement folemnel; c'eft en effet dans l'une des chambres du Romer, qu'avant que de fe rendre faintement dans la chapelle d'élection, les électeurs d'Allemagne vont gravement conférer au préalable; & c'eft dans la grande falle de ce même bâtiment, qu'après fon facre ou fon couronnement religieux, l'empereur va feul à une table, & avec tout l'appareil d'un prince fervi

par d'autres princes, prendre fon premier repas. La fameufe conftitution de Charles IV, appellée la bulle d'or, que l'on dit être envisagée par le peuple de Francfort & par les princes de l'empire comme une forte de palladium, eft déposée en original dans les archives du Romer, Voyez BULLE D'OR; elle est écrite en latin, & en anciens caracteres de moines, & elle remplit un volume, in-4°. de 43 feuilles de parchemin : une boëte d'or renferme le fceau dont elle eft munie.

Peuplée à proportion de fa grandeur, autant qu'aucune autre ville de l'Allemagne, Francfort eft en même temps l'une des plus commerçantes & des plus riches de cet empire. D'entre les villes libres & impériales qui fiegent à la diete fur le banc du Rhin, c'eft la fixieme, & fes contingens, réglés non pas fur l'étendue de fon territoire, qui n'eft, que de quelques villages & de quelques forêts, mais fur fon opulence particuliere, font de 500 florins pour fes mois romains, & de 676 rixdallers 263 creutzers pour la chambre impériale. Cette ville, l'une des quatre de l'Allemagne où fe fait la recette générale des contributions du corps germanique, jouit d'ailleurs dans l'empire d'une célébrité qu'aucune autre ne lui contefte de tout temps elle appartint immédiatement à l'empereur & à l'empire: c'étoit une des ftations ordinaires des premiers empereurs Germains. Charles-le-Chauve y étoit né; fon pere Louis-le-Débonnaire y avoit bâti un palais, dont on trouve encore quelques veftiges au Saalhofe fur le bord du Mein; & l'an 794, Charlemagne y avoit affemblé un concile auquel il préfida, & dont il publia les décrets, avec autant d'autorité, que fi déjà il eût été empereur : ce concile condamna l'héréfie de Nestorius, auffi-bien que les actes de celui que l'impératrice Irene avoit convoqué 7 ans auparavant à Nicée contre les Iconoclaftes.

:

Mais un luftre éclatant & permanent pour la ville de Francfort, c'eft celui qu'elle reçoit depuis plus de 60 ans de la majesté même de l'empire dès l'élévation de Frédéric Barberouffe au trône, l'an 1152, l'élection & le couronnement de la plupart des empereurs & rois des Romains fe font faits dans fes murs; & la bulle d'or lui a confirmé à cet égard les privileges les plus authentiques. Une gloire particuliere encore pour Francfort, c'eft d'avoir été l'une des premieres villes impériales, en faveur defquelles les rois de la Germanie fe foient défiftés du droit rigoureux, qu'ils avoient de difpofer par mariage, des enfans de leurs bourgeois. En vertu de ce droit, un héraut de ces princes alloit crier dans les carrefours de ces villes, que le fils de tel ou tel bourgeois eût à époufer dans l'année la fille de tel ou tel autre ; & à point nommé, le mariage fe faifoit. Dans fon origine, ce droit pouvoit avoir été fort refpectable, il pouvoit avoir été fondé fur l'augufte qualité de pere par excellence, dont les premiers princes de la terre étoient fans doute revêtus; mais à la longue, on fent que dans fon exercice il devoit avoir dégénéré en tyrannie; l'on fent que dans la fuite des fiecles, les Etats étant venus à s'agrandir, fans que l'a

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