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intrigues du cardinal de Sion, le plus grand ennemi de la France. Le maréchal de Lautrec, averti par fes espions de cette rupture, fit dire au roi qu'on fe difpofoit à l'attaquer.

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Bataille de Marignan. Ann. 2525.

E prince étoit alors campé dans la plaine de Marignan à quatre lieues de Milan: fon armée étoit de quarante mille hommes. Le connétable de Bourbon, trois maréchaux de France, & un grand nombre de seigneurs la rendoient des plus brillantes. L'avant-garde étoit couverte d'un foffé bordé de foixante & douze pieces de canon, & commandée par le connétable. Les Suiffes s'avancant en un corps très-ferré, parurent à la vue du camp le 13 Septembre à quatre heures du foir. On fit fur eux une décharge de canon, qu'ils foutinrent avec leur intrépidité ordinaire. Une partie des lanfquenets paffa le foffé pour les attaquer; mais ils furent chargés fi vivement, qu'ils furent contraints de fe retirer. Le fameux Pierre Navarre, qui commandoit les Gafcons, accourut, & le combat devint furieux, fans qu'on pût faire perdre aux Suiffes un pouce de terrein. Alors François I fit avancer fes gendarmes. Ceux-ci, après bien des efforts, pénétrerent dans leurs bataillons. Les Suiffes furent rompus & mis en défordre. Le roi étoit au milieu de la mêlée, se battant comme un fimple foldat; il reçut même plusieurs coups de pique, dont la bonté de fes armes l'empêcha d'être percé. La nuit étoit déjà venue, & le carnage duroit toujours, tant les Suiffes vendoient cherement leur vie. Enfin le combat ceffa, les deux armées pafferent le refte de la nuit mêlées enfemble, & François I dormit quelques heures tout armé fur l'affut d'un canon..

Dès que le jour parut, le combat recommença: les Suiffes fe préfenterent pour attaquer l'avant-garde & s'emparer de l'artillerie: on fit fur eux des décharges fi à propos, que chaque coup emporta des files entieres. Les lanfquenets, foutenus par les gendarmes, fe battirent avec acharnement & fans s'ébranler. Ce choc terrible dura plufieurs heures. Les Suiffes, étonnés de cette résistance, parurent céder; mais une partie alla prendre en flanc l'armée des François. Ils y avoient déja caufé bien du défordre, lorfqu'Alviano, général de l'armée Vénitienne, arriva à propos, chargea en queue les Suiffes, & rompit leurs bataillons. Alors fe voyant attaqués de deux côtés, ils fe retirerent du champ de bataille, qu'ils laifferent couvert de dix mille morts; ils reprirent la route de leur pays, & dans un fi bon ordre, que leurs ennemis ne purent s'empêcher d'admirer leur retraite. Il y eut quatre à cinq mille hommes tués du côté des François. Le célébre Jean-Jacques Trivulce, qui s'étoit trouvé à dix-huit batailles, disoit, en parlant de celle de Marignan, que les autres étoient des jeux d'enfans, celle-là un combat de géans.

Les François reftés maîtres de la campagne, eurent bientôt réduit tou

tes

tes les villes du Milanez. La capitale & les autres envoyerent leurs députés. Le château de Milan ne fit qu'une foible réfiftance. Maximilien Sforce, indolent par fon caractere, remit lâchement la place, quoiqu'il eût une forte garnison; & content d'une penfion de foixante mille ducats, il fe rendit au pouvoir des François, & fut conduit en France. François I fit fon entrée dans la capitale.

Entrevue du Pape avec François I.

Le pape Léon X voyant le mauvais fuccès de fes intrigues pour fer

mer l'entrée de l'Italie aux François, tenta la voie de la négociation. Le roi avoit des prétentions fur le royaume de Naples, & défiroit dans le fonds d'avoir le pape pour ami. Après quelques conférences avec le nonce que Léon lui envoya, on convint qu'ils fe verroient enfemble à Boulogne. Ils s'y rendirent l'un & l'autre. Léon X avoit une phyfionomie aimable, un talent merveilleux pour manier les efprits, & ce talent étoit foutenu d'une grande expérience dans les négociations. François I étoit jeune, & ne fe piquoit que de droiture & de politeffe auffi céda-t-il aifément aux foupleffes artificieufes de ce pontife. Il manifefta, fans aucun détour, le deffein qu'il avoit de reconquérir le royaume de Naples. Le pape feignit habilement d'approuver ce deffein, & promit de le feconder de tout fon pouvoir. Il propofa enfuite à ce prince d'abolir la pragmatique fanction, loi refpectable qui avoit pour objet le rétabliffement de la forme ancienne des élections qui devoient être faites par le clergé, & pour l'anéantiffement de laquelle plufieurs papes avoient fait les plus grands efforts. Le chancelier du Prat, qui s'entendoit, dit-on, avec Léon, donna l'idée d'un concordat pour être fubftitué à la pragmatique fanction. Il fit valoir au roi les avantages, qu'il trouveroit dans ce nouveau réglement, par lequel le pape lui accordoit le droit de nommer aux évêchés & aux abbayes; & le roi, par forme d'indemnité du droit que prétendoient les pontifes d'en difpofer, accordoit au pape les annates, c'est-à-dire, le revenu d'un an de ces grands bénéfices. François I, ébloui par ce difcours, confentit à tout ce que Léon défiroit, ne prévoyant pas que ce concordat rendoit, fans aucune néceffité, l'églife de France tributaire de la cour de Rome. Après avoir conféré ensemble trois jours, ils fe féparerent. François I comptant trop crédulement fur la bonne foi de Léon X, revint en France.

L'année fuivante, l'empereur Maximilien vint dans le Trentin, à la tête d'une armée de plus de vingt-cinq mille hommes, & s'avança jusqu'à Milan. Mais les Milanois raffurés par la présence du connétable & des généraux Vénitiens, refuferent de lui ouvrir leurs portes, & représenterent qu'ils avoient reconnu le roi de France pour leur légitime fouverain. Dans ces circonftances, un gros de Suiffes que ce prince avoit dans fon armée, Tome XX.

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lui demanda de l'argent avec arrogance & d'un ton menaçant. Maximilien, naturellement timide, craignant quelque trahifon de leur part, quitta fon armée & reprit la route du Trentin. La conduite de Léon X, en cette occafion, fit connoître à François I combien il avoit été abufé. Ce pape lui avoit promis que les troupes de l'églife feroient employées à lui affurer la poffeffion du Milanez, & qu'auffitôt après la mort de Ferdinand, roi d'Espagne, il les joindroit à celles de France pour aider à la conquête du royaume de Naples. C'étoit dans cette efpérance que François I avoit facrifié le duc d'Urbin aux vues ambitieufes des Médicis. Léon X, infidele à fa parole, avoit attiré par fes intrigues l'empereur en Italie les Suiffes par fes fuggeftions, avoient groffi l'armée de ce prince; les troupes de l'église n'avoient pas ceffé d'être à fes ordres. Ainfi les François continuerent la guerre en Italie fous la conduite du maréchal de Lautrec, firent le fiege de Breffe & de Verone mais ce maréchal traîna en longueur fes opérations. On apprit bientôt que François I avoit fait fon accommodement avec le nouveau roi d'Efpagne; que Louise de France, fille du roi, épouferoit le roi catholique, & lui porteroit en dot tous les droits & prétentions de la Maifon de France fur le royaume de Naples, & qu'on alloit traiter de la paix. Elle fut en effet conclue à Bruxelles entre l'empereur & le roi de France.

François I entre en concurrence avec Charles, Roi d'Espagne, pour l'élection à l'Empire. Ann. 152 9.

L'EMPEREUR Maximilien étant mort en 1519, les rois de France & d'Efpagne prétendirent à la couronne impériale. Les deux concurrens mirent en œuvre, chacun de leur côté, tous les moyens qu'ils crurent propres pour réuffir. La diete ayant été ouverte à Francfort, les ambaffadeurs des deux princes y envoyerent par écrit la demande de leurs maîtres. On y agita les avantages & les inconvéniens qu'il y auroit de nommer l'un ou l'autre prince. L'électeur de Treves parla avec beaucoup de zele pour Francois I il fit l'éloge de fa valeur & de fon expérience dans la guerre ; il ajouta qu'on prenoit mal à propos ombrage de fa puiffance, que le génie françois étoit beaucoup plus propre à l'humeur des Allemands, que celui des Efpagnols naturellement fiers & diffimulés; que la qualité d'étranger étoit égale dans les deux princes, &c. Mais l'argent d'Espagne rompit toutes les mefures de la France. Les électeurs fe déclarerent pour Charles, qui fut élu empereur, & proclamé fous le nom de Charles V.

Les aiguillons de la jaloufie étoient entrés trop avant dans le cœur de ces deux princes, pour qu'ils puffent vivre en paix après un tel événement. Cette paffion fe tourna en une animofité qui caufa des guerres fans fin, & fit verfer le fang d'une infinité d'hommes.

Guerres entre François I & Charles-Quint. Ann. 222.

LA A guerre ne tarda pas à commencer. Le prétexte fut d'abord pris de celle que le duc de Bouillon venoit de déclarer à l'empereur. Ce prince ne douta pas que le duc ne fût appuyé par le roi. Charles-Quint avoit ci-devant ufurpé la Navarre fur Henri d'Albret; mais celui-ci l'ayant reprise, les Espagnols fe réunirent, battirent Henri, & reprirent ce royaume. François I ayant appris cette nouvelle, marcha contre l'empereur qui étoit alors près de Valenciennes. Ce prince n'ofa pas attendre le roi & se retira, laiffant la conduite de fon armée à fes lieutenans. François I, au lieu de profiter de fon avantage, congédia fes troupes, manqua l'occafion favorable d'attaquer l'empereur, parce qu'il fe trouvoit fans argent; ceux qui gouvernoient les finances, en détournoient une partie, & le roi employoit l'autre à fes plaifirs: car ce furent là prefque toujours les caufes des mauvais fuccès de François I, & de l'avantage que Charles-Quint

eut fur lui.

On a vu ci-deffus que François I s'étoit rendu maître du Milanez : mais le Pape Léon X, conftant dans fa politique artificieuse, conclut avec l'empereur une ligue offenfive & défenfive, dont le but étoit de chaffer les François du Milanez. Il entraîna dans cette ligue la république de Florence, où les Médicis dominoient en maîtres, & il nomma Profper Colonne pour commander les troupes de l'églife. Le viceroi de Naples & le marquis de Pescaire s'avancerent pour joindre l'armée. Cependant le maréchal de Lautrec étoit arrivé à Milan: fon intérêt étoit d'empêcher la jonction des troupes que Ferdinand, frere de Charles-Quint, levoit dans les provinces voifines du Milanez avec celles du Pape. Mais il ne le fit pas. Profper Colonne, à la tête des troupes de la ligue, paffe le Pô, pénetre jufqu'aux portes de Milan, fe rend maître de la ville. Lautrec s'étoit renfermé dans le château. Pavie, Parme, Plaisance fe rendent; Côme, affiégée par Pefcaire, capitule, & les François, fans avoir effuyé aucune défaite, perdent le Milanez en fix femaines. La mauvaise conduite de Lautrec, les menées du cardinal de Sion, qui débaucha une partie des Suiffes de l'armée Françoife, & les défordres que les François commettoient dans Milan, furent les causes de cette révolution.

La mort du pape Léon X changea la face des affaires, & caufa de grands avantages aux confédérés. Lautrec, de concert avec les Vénitiens, réfolut de tenter quelqu'entreprise; fon armée s'étoit fortifiée par l'arrivée d'un gros corps de troupes Suiffes: il marcha donc à Pavie pour en faire le fiege. Comme les travaux alloient lentement, Profper Colonne s'avança à peu de distance. Lautrec voyant le danger de fa pofition, fut d'avis de lever le fiege; mais les Suiffes s'y oppoferent, & demanderent hautement ou qu'on les menât à l'ennemi, ou qu'on leur permit de retourner chez eux. Ils attendoient impatiemment l'argent qui leur étoit deftiné. On leur représenta

qu'il arriveroit dans quelques jours; & qu'il feroit indigne à des gens d'honneur de caufer la perte du Milanez par une défertion précipitée: ils répondirent qu'il falloit ou argent, ou congé, ou combat.

Combat de la Bicoque. Ann. 2522.

LAUTREC, forcé par l'opiniâtreté des Suiffes, ordonna l'attaque du

camp ennemi ce camp occupoit le vafte parc de la Bicoque qui étoit entourré de murs & d'un foffé. Les Suiffes, impatiens d'en venir aux mains & ne voulant point attendre que leur canon fût arrivé, marcherent en premiere ligne. Ils tenterent auffi-tôt de franchir le foffé & d'efcalader le mur pendant qu'ils faifoient leurs efforts, une grêle d'arquebufades les écrafoit, ils la foutinrent avec intrépidité; mais voyant autour d'eux une foule de morts, ils abandonnerent leur entreprise. Dans le même-temps Lefcun, qui commandoit fous le maréchal de Lautrec fon frere, ayant forcé l'entrée du pont qui communiquoit au parc, pénétra dans le camp ennemi & y mit le défordre: s'il avoit été foutenu, il auroit vraifemblablement remporté la victoire, mais les Suiffes, rebutés de la perte qu'ils venoient de faire, refuferent de marcher, & voulurent fe retirer à Monza. Il fut obligé de les fuivre. On leur fit toute forte d'inftances pour les retenir; rien ne put vaincre leur obftination; ils repafferent l'Adda & fe retirerent dans leur pays. Lautrec voyant, que par cette retraite des Suiffes, fon armée étoit inférieure à celle de l'ennemi, diftribua fes troupes dans les places qui reftoient à la France, repaffa les Alpes. Les confédérés affiégerent Crémone, que Lefcun fe vit obligé d'abandonner : ils furprirent Gênes, & Pierre de Navarre fut fait prifonnier.

Evafion du Connétable de Bourbon. Ann. 1523.

FRANÇOIS I ayant appris ces nouvelles, réfolut de paffer en perfonne

dans le Milanez. Tant d'ennemis réunis pour lui en fermer le chemin, n'avoient fait que redoubler fon ardeur pour cette entreprife; fes troupes s'étoient déjà raffemblées à Lyon fous la conduite de l'amiral Bonnivet & du maréchal de Montmorenci. Mais il fut arrêté tout d'un coup par l'évafion du connétable de Bourbon. La perfécution que fit à ce prince, Louife de Savoie, mere du roi, en fut la véritable caufe: il n'avoit pas voulu répondre aux fentimens qu'elle lui avoit fait connoître, ce qui n'étoit pas bien furprenant. Cette princeffe avoit quarante-cinq ans bien révolus, le prince n'en avoit que trente-deux; il s'étoit déjà fignalé par fes belles actions, & il fe voyoit à cet âge connétable de France: ces avantages lui avoient enflé le cœur. Il rit dans l'ame de l'amour de cette princeffe douairiere, & on prétend qu'il répondit par des railleries un peu piquantes, aux

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