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ariftocratie refferrée, puifque la prérogative d'entrer dans le grand confeil & de parvenir aux premieres charges eft attribuée à foixante & onze familles patriciennes, & que les autres citoyens jouiffent des immunités du droit de bourgeoifie, fans pouvoir prétendre aux honneurs de la magiftrature. Cependant toute la bourgeoilie a droit de fuffrage dès la premiere origine de la ville, dans les élections d'un premier chapelain ou curé, d'un chancelier ou fecrétaire de la ville, & d'un bourg-meftre. Les bourgeois des vingt-fept paroiffes de l'ancienne banlieue font affociés au même privilege pour l'élection d'un nouvel avoyer, qui eft le chef du gouvernement, La ville même eft divifée en quatre quartiers ou bannieres. Chaque quartier fournit un banneret, quinze fujets pour le confeil des foixante, & vingt-huit autres encore pour le grand confeil. Les vingt-quatre membres du confeil étroit ou petit confeil, ajoutés aux précédens nombres, completent celui de deux-cents. Il faut être né dans une des familles patriciennes prérogées, être adopté par une des treize tribus bourgeoifes, & avoir vingt ans complets, pour être éligible pour le grand confeil; l'âge de trente ans donne la capacité d'entrer dans le corps des foixante. Il faut être de ce dernier ordre pour avoir l'entrée dans le petit confeil. Pere & fils, ou deux freres, ne peuvent fiéger en même temps dans le corps des bannerets & des vingt-quatre.

Les deux avoyers, qui alternent, d'année en année, dans leurs fonctions, préfident à ces divers confeils. Le ftatthalter ou lieutenant eft après eux le premier en rang; depuis un fiecle cet honneur eft attribué au plus âgé des vingt-quatre. Les charges de tréforier, de bourg-meftre, de commiffaire général, font enfuite les plus diftinguées. Les bannerets ont le rang après les confeillers du petit confeil; ils préfident au confeil fecret ou confeil d'Etat, compofé de vingt-quatre membres, pris du corps des foixante, fix de chaque banniere.

Le grand confeil confirme & complete le petit confeil & les foixante; il eft à fon tour fujet au même grabaut qu'exerce le confeil fecret. La plupart des élections fe font par un fort appellé aveugle, blinde wahl, & qui mérite cette épithete à la rigueur; les noms des afpirans font cachés dans des boîtes, où les électeurs jettent leurs balottes, fans savoir sur qui tombent leurs fuffrages.

Le petit confeil eft juge de haute police; il juge encore en dernier reffort des procès en matiere civile. Il eft auffi juge criminel; cependant, quand l'accufé eft bourgeois de la capitale ou d'une des paroiffes de l'ancien diftrict, la fentence eft prononcée en préfence du grand confeil, auquel eft réservée la prérogative de mitiger la peine ou de faire grace. Deux. corps de juftice civile, l'un pour la ville, préfidé par le bourguemaître, l'autre pour le reffort de l'ancien diftrict, appellés chambres de droit civil & de droit rural; une chambre d'appellations pour les caufes jugées en inférieure dans les bailliages; une chambre édictale pour les difcuffions des

débiteurs

débiteurs insolvables; un conseil de guerre pour le département militaire, voilà quels font, après les divers corps des confeils, les principaux tribunaux pour l'adminiftration publique. Nous n'entrerons pas dans de plus grands détails fur ces commiffions fubordonnées. Cette diftribution, toujours néceffaire, eft à peu près la même dans tous les gouvernemens des pays policés; elle fe retrouve même dans toutes les conftitutions municipales des villes un peu confidérables; elle eft fur-tout très-femblable dans les divers cantons ariftocratiques de la Suiffe.

On évalue la population du canton de Fribourg à 73,000 ames. La force militaire de cette république confifte en quatre compagnies bourgeoises & onze régimens de milices.

Le pays, non compris l'ancien diftri&t, eft divifé en dix-neuf bailliages. La commiffion des baillifs dure cinq ans ; ils font choifis par le fort aveugle, de la maniere ci-deffus indiquée. Les baillis d'Illens, de Plasayon & de Bellegarde, habitent dans la ville de Fribourg; les autres réfident dans des châteaux. La partie orientale du canton eft plutôt un pays de pâturages que de grande culture. Cette obfervation regarde fur-tout les bailliages de Corbins & de Gruieres. Le refte du canton eft un pays affez riche en fruits & grains de toute efpece, & en fourrages. Il comprend, outre le diftri& de la ville & les trois bailliages ci-deffus nommés, les bailliages fuivans: Farvagnié ou Pont, Montagny, Surpierre, Romont, Vuippeus, Vauruz, Bulle, Rue, Attaleus, Châtel-Saint-Denis, Font ou Vuiffens, Cheires, Eftavayer & Saint-Aubin. Dans ces derniers bailliages on trouve quelques vignes, dont le produit ne fait pas un objet considérable; Il y a de l'aifance & de l'induftrie chez le peuple de ce canton; ils font bons cultivateurs & se bornent à peu près à cet objet. Le commerce du bétail & les fromages font le principal article d'exportation. Eftavayer près du lac de Neufchâtel, Romont, Bulle & Gruyeres, font les quatre villes les plus considérables du canton. Cet état, comme celui de Berne, eft divifé en deux portions, dont la plus grande fait ufage d'un patois françois ou romand, pendant que dans l'autre on parle un allemand corrompu. La capitale, placéé au centre, fe reffent de cette diverfité, dont l'origine ne peut être que très-ancienne: on y parle dans des quartiers oppofés un langage différent, & quelquefois des habitans d'une ville qui n'eft pas grande, ne s'entendent pas fans truchement. Les citoyens de Fribourg ont confervé les ufages, la fimplicité & l'économie frugale du vieux temps; & même l'habitude du fervice de France n'a pas encore changé bien fenfiblement les mœurs; peut-être, parce que les perfonnes qui font une fortune dans cette carriere, fe fixent à-peu-près en France, & évitent par-là à leur patrie le dangereux exemple du luxe. On loueroit davantage ces citoyens de cet attachement aux habitudes de leurs peres, s'il ne venoit pas vraisemblablement des mêmes caufes qui les ont empêchés de faire des progrès fenfibles dans les fciences & dans les arts.

Tome XX

S

La religion catholique romaine eft, non-feulement dominante, mais feuie tolérée dans les états de la république de Fribourg. Nous avons obfervé plus haut, avec quel foin le magiftrat de Fribourg, au temps de la réformation, fermoit l'accès aux apôtres de la nouvelle doctrine. L'exclufion févere dont ce gouvernement fit une loi contre tous ceux qui adhéroient à des dogmes profcrits par la cour de Rome, partoit au refte d'un principe adopté également dans toutes les ariftocraties de la Suiffe, de l'une & l'autre communion; cette loi étoit devenue néceffaire pour prévenir les troubles intérieurs de ces petits Etats. Les citoyens rejettés par la communion dominante dans leur patrie, avoient du moins une retraite fûre dans des lieux voifins, où leur parti religieux dominoit à fon tour; cette compenfation autorisée par les traités particuliers entre quelques Etats romains ou proteftans de la Suiffe, confervoit l'ordre & le calme, en fixant des limites aux domaines des deux églifes. Il femble, que par une fuite de leur conftant attachement à l'ancien culte, les Fribourgeois aient voulu dédommager l'églife des pertes qu'elle faifoit par la fuppreffion des monafteres dans les cantons voifins. Dans aucun Etat catholique, peut-être, à proportion de fon étendue, les fondations religieufes n'ont été plus fréquentes, depuis le XVIe fiecle, que dans les terres de la république de Fribourg. Depuis que l'évêque de Lausanne a été dépoffédé de fon fiege par les Bernois, fes fucceffeurs, avec le confentement du gouvernement de Fribourg, font leur réfidence ordinaire dans cette ville.

FRISE, l'une des Provinces-Unies des Pays-Bas, & la cinquieme des Sept qui forment l'affemblée des Etats-Généraux.

LE

E nom de cette province, déjà connu des Romains, dérive, fuivant l'opinion la plus vraisemblable, de l'ancien mot allemand friffen, qui fignifie creufer, & l'on en juftifie l'origine par les foffés & les digues, dans l'enceinte defquelles demeuroient les peuples qui le portoient; car, relativement à la mer, les lieux compris dans cette enceinte, étant comptés parmi les plus bas, que le continent de l'Europe eût à fon nord-ouest, il en réfultoit que les Frifons fe voyoient dans la néceffité continuelle de se défendre contre les eaux, par des digues & autres ouvrages de cette nature. Cette enceinte étoit auffi beaucoup plus vafte autrefois qu'elle ne l'est aujourd'hui le nom de Frife fe donnoit, dit-on, à tout le terrein qui se trouve entre l'Escaut, l'embouchure du Wefer & la mer d'Allemagne : l'on appelloit Frifons occidentaux, les peuples qui habitoient entre l'Escaut & la Flie; & Frifons orientaux, ceux qui tenoient le pays depuis la Flie jufqu'au Wefer. L'on réputoit les uns & les autres pour Germains, & euxmêmes fe donnoient pour tels, comme il paroît par ce paffage de Ta

cite, tiré des Annales, liv. 23. §. 54., paffage que l'on cite ici par préférence à nombre d'autres, vû l'éloge qu'il fait des peuples dont il détermine la nation: il porte donc en fubftance, » que deux ambassadeurs de » ces peuples, envoyés à Rome fous le regne de Néron, étant allés au » théâtre de Pompée, & s'informant des différentes places affignées aux » divers spectateurs qui pouvoient s'y rencontrer, il leur fut dit entr'au» tres, que fur les bancs des fénateurs, s'admettoient auffi par honneur, » les ambaffadeurs des peuples qui fe diftinguoient par leurs vertus & par » leur amitié pour Rome; fur quoi les Frifons s'écrierent, aucun mortel ne furpaffant les Germains en valeur & en bonne-foi, nous allons donc auffi nous affeoir fur ces bancs: ce qu'ils firent, ajoute l'hiftorien, la fatisfaction de l'affemblée, qui envisagea cette faillie, comme un » trait de la franchise des anciens temps, & comme la marque d'une gé» néreuse émulation ». Mais quoiqu'il en foit de l'étendue que pouvoit avoir autrefois la Frife, l'on fait qu'actuellement le nom de Weft-Frife ou Frife occidentale, eft celui de la Nord-Hollande; & que l'on appelle Oft-Frife ou Frife orientale, une principauté d'Allemagne, fituée dans le cercle de Weftphalie, & dont Embden eft la capitale, & le roi de Pruffe le fouverain. Quant à la Frife dont il s'agit ici, fes bornes font, au feptentrion, la mer d'Allemagne ; à l'occident, la Flie; au midi, le Zuiderzée, & l'Over-Yffel; & à l'orient, l'Over-Yffel encore, avec le pays de Drenthe, & la province de Groningue. C'est un pays qui peut avoir 12 lieues du fud au nord, & 11, du couchant au levant. L'air en eft généralement humide, & le fol y varie felon les lieux. Dans les quartiers occidentaux & feptentrionaux, lefquels font au-deffous du niveau de la mer, la province abonde en pâturages, qui nourriffent par multitude, des bœufs, des vaches, des brebis, & fur-tout des chevaux, remarquables par leur grande taille, & fort recherchés pour le trait. Dans les quartiers orientaux, & même dans les méridionaux, où le terrein eft moins abaiffé l'on cultive avec fuccès le froment, les pois, & d'autres légumes. Vers l'Over-Yffel & le pays de Drenthe, il y a de belles forêts; & dans nombre d'autres endroits, on a de la tourbe, qui n'égalant pas en bonté, il eft vrai, celle de la province de Hollande, n'en a pourtant pas été fouillée avec moins de diligence, & a formé dans fes creufages, les lacs de Tjeuke, de Sloter, de Fljueffen, de Heeger, de Sneeker, de Bergum & plufieurs autres. La Frife enfin, pour donner une idée générale de fon produit & de fon importance pour l'Etat, la Frife, entrée dans l'union d'Utrecht de l'an 1579, non pas toute de plein faut, mais par divifion, les députés, de fes nobles s'étant laiffés devancer par ceux des villes & des villages, la Frife, dis-je, contribue à peu près d'un neuvieme aux charges de la République, fa quote-part des impôts eft de 11 florins, 10 fols, 11 deniers, pour chaque centaine de florins, que les Etats-généraux ordonnent de lever; contribution bien forte affurément, & qui fuppose bien des

richeffes dans une province qui n'ayant pas 140 lieues en quarré, eft membre d'un Etat, dont les dépenfes annuelles vont quelquefois à nombre de millions.

Cette province fe divife en trois quartiers, dont le premier s'appelle Ooftergo, le fecond Weftergo, & le troifieme Zevenwolde ou les fept forêts. L'on y compte II villes, dont Leuwarden eft la principale, 336 bourgs & villages & environ 136 mille habitans. L'on obferve, que bien que la nobleffe du pays foit affez nombreuse, & poffede même, de très-ancienne date, plufieurs châteaux répandus dans la contrée, cependant aucun de ces bourgs & villages n'y porte le titre de feigneurie, affez commun, comme on fait, dans les autres provinces des Pays-Bas. L'on obferve de plus, que l'antique amour de la liberté, & l'attachement aux anciens ufages, femblent avoir jetté dans la Frife, des racines plus profondes que dans aucune autre des Provinces-Unies: le peuple s'y habille encore à la vieille mode, & la langue qu'il parle, eft tellement celle de fes propres ancêtres, que le refte de les compatriotes modernes ne la comprend pas.

Il eft auffi de la conftitution particuliere de la Frife, de partager chacun de fes trois quartiers en un certain nombre de préfectures, que l'on appelle en langage du pays grietnyen, ou proprement grietmanyen: il y en a 30 dans la province, favoir, 11 dans l'Ooftergo, 9 dans le Weftergo, & to dans le Zevenwolde; & dans ces 30 préfectures ne font point comprises les jurifdictions des 11 villes, lefquelles forment encore une forte de quartier féparé. Chacune de ces grietnyen a dans fon reffort un certain nombre de villages, & eft compofée d'un préfident, de deux ou de trois affeffeurs & d'un fecrétaire : l'on ne plaide par devant elles que des causes civiles, & l'on peut appeller de leurs fentences, à la cour provinciale qui fiege à Leuwarden.

Les Etats de la Frife s'affemblent ordinairement toutes les années, au commencement de Février, à Leuwarden, & en présence du prince Stadthouder. Ils confiftent en 82 perfonnes appellées plénipotentiaires, & tirées des grietnyen & des villes : celles-ci, au nombre de i en nomment chacune deux; & celles-là, au nombre de 30, en nomment aussi chacune deux, avec cette différence, que la nobleffe & les villages concourant éga-. lement à l'élection des députés des grietnyen, le choix en tombe toujours, & fur un gentilhomme, & fur un villageois propriétaire de biens-fonds, & homme riche. Dans leurs délibérations, ces Etats embraffent fouverainement toutes les affaires politiques & militaires de la province, fes finances, la diftribution & le remplacement des charges, &c. Et pour l'exé cution de leurs ordres à ces divers égards, il y a un college de députés, compofé de neuf membres, que l'on change tous les trois ans; les villes fourniffent trois de ces membres, & les grietnyen fix. La cour provinciale de Leuwarden, eft le tribunal fuprême de la Frife : elle feule prend

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