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vétiens, qui bientôt après furent appellés Sequani; & fous Honorius elle étoit comprise dans la Maxima fequanorum. Vers l'an 408 les Bourguignons, ayant paffé le Rhin, s'en emparerent, & elle demeura unie au royaume qu'ils formerent bientôt des autres terres qu'ils ufurperent dans la Gaule, jufqu'au temps des enfans de Clovis, qui la réunirent à l'empire François dont elle fit partie jufqu'au déclin de la race de Charlemagne. Elle entroit dans la fomme des pays que Louis-le-Débonnaire donna à Lothaire I fon fils aîné, auquel fuccéda Charles-le-Chauve; & c'eft vers ce temps qu'elle fut appellée Haute Bourgogne, ou la principauté d'Outre Saone.

Quelque temps après la mort de Charles-le-Chauve, elle fut foumise au nouveau royaume que Raoul ou Rodolphe I, furnommé d'Eftralinghen, d'un château d'Alface où il avoit pris naiffance, & gouverneur de la Transjurane, trouva à propos de fe former, fondé fur une adoption de l'empereur Charles-le-Gros. Mais dès l'an 1002, elle eut des comtes particuliers, dont le premier fut Othe ou Othon Guillaume dit l'étranger, fils d'Adelbert II roi d'Italie, & de Gerberge comteffe de Maçon. Renaud III, l'un de fes fucceffeurs, refufa de rendre hommage à l'empereur Lothaire II, parce qu'il n'étoit pas du fang des rois de Bourgogne. On dit que c'eft de ce refus d'hommage que la province commença à prendre la dénomination de Franche-Comté.

Othon I, neuvieme comte de Bourgogne, prit le titre de comte Palatin, & après la mort, elle paffa, par le mariage de Béatrix fa fille, dans la fa mille des ducs de Meranie, où elle refta jufqu'à ce que Philippe-le-Hardi dernier duc de Bourgogne de la premiere race, la réunit au duché de ce nom, auquel elle demeura conftamment attachée jufqu'à la mort de Charles-le-Téméraire, tué devant Nancy, en 1477, & en qui s'éteignit la feconde race de ces ducs. Marie, fon héritiere & fa fille, porta ce comté en mariage à Maximilien, archiduc d'Autriche, dont le petit-fils Charles-Quint l'unit, avec le duché de Bourgogne, aux Pays-Bas; & dès-lors elle fit partie du cercle de Bourgogne dépendant de l'Empire romain, & appartint à la monarchie d'Efpagne. Louis XIV s'en rendit maître en 1668, en vertu des droits de la reine fa femme; mais il la rendit bientôt après, par le traité d'Aix-la-Chapelle. Il la reconquit en 1674, & elle lui fut cédée par la paix de Nimegue, en 1678.

Suivant les dénombremens faits, on compte dans la Franche-comté 2,134 villes, bourgs, villages, paroiffes & communautés, & environ 665 mille perfonnes de tout âge, de tout fexe, & de tout état, non compris 2,000 prêtres, curés, religieux & religieufes.

Les principaux tribunaux de juftice & de finance de cette province font 1o. un parlement qui tient fes féances à Besançon, & qui eft compofé d'un premier préfident, de cinq préfidens à Mortier, de trois chevaliers d'honneur, de quatre maîtres des requêtes, de quarante-cinq confeillers, de deux avocats-généraux, d'un procureur-général, &c. 2°. une chambre des comp

tes qui tient fes féances à Dole: 3°. cinq préfidiaux compofés chacun de deux préfidens, d'un lieutenant particulier, de huit confeillers, de deux avocats du roi, d'un procureur du roi, &c. & dont les appels reffortiffent au parlement: 4°. quatorze bailliages, qui, avant l'édit du mois de Seprembre 1697, reffortiffoient au parlement; mais depuis cet édit les appellations s'en portent aux préfidiaux. On fuit dans tous ces tribunaux les difpofitions d'une coutume particuliere qui fut rédigée en 1499.

FRANCHISE, f. f.

CE mot, qui donne toujours une idée de liberté dans quelque fens qu'on le prenne, vient des Francs, qui étoient libres: il eft fi ancien, que lorfque le Cid affiégea & prit Tolede dans l'onzieme fiecle, on donna, des Franchies ou Franchises aux François qui étoient venus à cette expédition, & qui s'établirent à Tolede. Toutes les villes murées avoient des Franchifes, des libertés, des privileges jufques dans la plus grande anarchie du pouvoir féodal. Dans tous les pays d'Etats, le fouverain juroit à fon avénement de garder leurs Franchises.

Ce nom qui a été donné généralement aux droits des peuples, aux immunités, aux afyles, a été plus particuliérement affe&té aux quartiers des ambaffadeurs à Rome; c'étoit un terrein autour de leurs palais; & ce terrein étoit plus ou moins grand, felon la volonté de l'ambaffadeur : tout ce terrein étoit un afyle aux criminels; on ne pouvoit les y poursuivre: cette Franchise fut reftreinte fous Innocent XI à l'enceinte des palais. Les églifes & les couvens en Italie ont la même Franchise, & ne l'ont point dans les autres Etats. Voyez ASYLE. Il y a en France plufieurs lieux de Franchifes, où les débiteurs ne peuvent être faifis pour leurs dettes par la juftice ordinaire, & où les ouvriers peuvent exercer leurs métiers fans être paffés maîtres mais ce n'eft pas un afyle, comme le temple.

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Cette Franchise, qui exprime originairement la liberté d'une nation d'une ville, d'un corps, a bientôt après fignifié la liberté d'un difcours, d'un confeil qu'on donne, d'un procédé dans une affaire mais il y a une grande nuance entre parler avec franchife, & parler avec liberté. Dans un difcours à fon fupérieur, la liberté eft une hardieffe ou mefurée ou trop forte; la Franchife fe tient plus dans les juftes bornes, & eft accompagnée de candeur. Dire fon avis avec liberté, c'est agir avec indépendance; procéder avec Franchise, c'eft fe conduire ouvertement & noblement. Parler avec trop de liberté, c'eft marquer de l'audace; parler avec trop de Franchife, c'eft trop ouvrir fon cœur.

On demande fi les Franchises, relativement aux criminels, font juftes, & fi les conventions entre les nations de fe rendre réciproquement les cou

pables, font utiles ou non. Dans toute l'étendue d'un Etat politique, il ne doit y avoir aucun lieu indépendant des loix. Leur force doit fuivre un citoyen comme l'ombre fuit le corps. La Franchise & l'impunité ne different que du plus au moins; les Franchises invitent plus au crime, que les peines n'en détournent. Multiplier les Franchises dans un pays, c'est y former autant de petites fouverainetés; parce que là où les loix ne commandent point, il peut fe former de nouvelles puiffances ennemies des loix communes, & il peut s'établir par conféquent un efprit oppofé à celui du corps entier de la fociété. On voit dans toutes les hiftoires que les Franchifes ont été le berceau de grandes révolutions dans les Etats & dans les opinions.

Quelques perfonnes ont prétendu qu'en quelque lieu que fe commette un crime, c'eft-à-dire, une action contraire aux loix de la fociété, elle peut être punie par-tout ailleurs : comme fi la qualité de fujet étoit un caractere indélébile; comme fi le nom de fujet étoit fynonyme & pire que celui d'esclave; comme fi un homme pouvoit habiter un pays & être foumis à une autre domination, & que fes actions puffent être fubordonnées à deux fouverains & à deux codes de loix, fouvent contradictoires entr'eux. On veut qu'un crime atroce fait par exemple, à Conftantinople, puisse être puni à Paris, par cette raison abftraite, que celui qui bleffe l'humanité mérite d'avoir tous les hommes pour ennemis, & doit être l'objet de l'exécration univerfelle. Cependant les juges ne font pas vengeurs de la fenfibilité humaine en général, mais des conventions qui lient les hommes entr'eux. Le lieu de la peine ne peut être que celui où s'eft commis le crime, parce que c'eft-là feulement, & non ailleurs, que les hommes font forcés de faire du mal à un particulier pour prévenir le mal public. Un fcélérat qui n'a point rompu les conventions d'une fociété, dont par l'hypothese il n'étoit pas membre, peut bien être craint & chaffé de cette fociété, mais non pas puni par les loix qui ne font faites que pour maintenir le pacte focial, & non pour punir la malice intrinfeque de l'action. Mais eft-il utile que les nations fe rendent réciproquement les coupables? Je fais bien que la perfuafion de ne pouvoir trouver un lieu fur la terre, où les crimes puiffent demeurer impunis, feroit un moyen efficace de les prévenir. Cependant je ne puis approuver l'ufage de rendre les criminels, jufqu'à ce que les loix devenues plus conformes aux befoins & aux droits de l'humanité, les peines rendues plus douces, l'affoibliffement du pouvoir arbitraire & de celui de l'opinion, donnent une entiere fureté à la vertu haïe, & à l'innocence opprimée, & jufqu'à ce que la tyrannie afiatique demeurant confinée dans les plaines de l'orient, l'Europe ne connoiffe plus que l'empire de la raifon univerfelle, qui unit toujours de plus en plus les intérêts des peuples & des fouverains.

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FRANÇOIS I, Roi de France.

FRANÇOIS I, comte d'Angoulême & duc de Valois, fuccéda à l'âge de vingt ans à Louis XII, fon oncle, à la mode de Bretagne, & fon beau-pere, & il forma la quatrieme branche de la race des Capets appellée des Valois-Angoulême.

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Avant de monter fur le trône, & dans l'âge où les paffions commencent à fe faire fentir, il fut touché des charmes de Marie d'Angleterre, feconde femme de Louis XII, jeune & belle princeffe, & il ofa lui faire connoître fes fentimens. Le comte d'Angoulême étoit l'homme de la cour le mieux fait le mérite de fa figure ne fit que trop d'impreffion fur le cœur de Marie, & elle ne s'offenfa point qu'il lui parlât de fon amour. Il en avoit déja obtenu un entretien particulier; & il y voloit, lorfque Grignaux, chevalier d'honneur de la reine, l'ayant rencontré plus galamment ajufté qu'à l'ordinaire, lui demanda en riant (a), quelle grande conquéte il méditoit. Le jeune comte s'expliqua fur quoi Grignaux fronçant le fourcil; Paque-Dieu, lui dit-il, à quoi pensez-vous? voulez-vous perdre une couronne qui vous attend, & vous donner un maître? Le prince fut frappé de ces paroles: il ouvrit les yeux, & fentit tout le préjudice qu'il pouvoit fe caufer à lui-même en fuivant fa paffion; il s'en rendit le maître, & n'alla pas plus avant. Il fit plus; il eut foin qu'on éclairât la conduite de la jeune reine de fort près, de peur que le malheur qu'il évitoit ne pût lui arriver par quelqu'autre événement. Mais la mort de Louis XII, qui arriva un an après, en 1515, le tira d'inquiétude; & comme ce prince ne laiffoit point d'enfans, François I, par le droit de fa naiffance, monta fur le trône.

Jamais prince ne foutint mieux que lui durant les premieres années, la haute eftime que l'Europe avoit conçue de fon mérite : c'eft ici le lieu de le faire connoître, & de donner une jufte idée de fon caractere.

François I, avoit un courage à l'épreuve des plus grands périls de la guerre; & la gloire que le préjugé attache à la bravoure & aux exploits militaires, étoit fa paffion dominante il montroit dans toutes les actions une vraie grandeur d'ame, ne cherchant à être fupérieur aux autres que par plus de générofité; incapable de tendre des pièges à fes ennemis, il ne leur oppofoit que fon courage. La franchise de fon caractere fe peignoit fur fa phifionomie, & fes paroles étoient le tableau fidele de fes pensées : il fe piquoit d'être bon, affable, libéral; il honoroit de fes faveurs toute efpece de mérite. Mais avec toutes ces excellentes qualités, il eût été à fouhaiter qu'il eût eu moins d'attachement pour fes plaifirs, plus de fecret

(a) Brantome, Dames galantes, p. 117,

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dans fes affaires d'attention & de fuite dans l'exécution de fes deffeins, & que de fes favoris il n'en eût pas fait fes miniftres & fes généraux. François I, dit Mezerai, étoit vaillant & généreux, religieux à tenir sa parole, plein de franchife, mais trop livré à la paffion pour les femmes ; il étoit clément, familier, affable en un mot, ce prince avoit des vertus éclatantes & des vices ruineux.

Mais par cette raifon même fon regne en eft d'autant plus admirable: car n'eft-il pas bien étonnant que ce prince, ordinairement peu favorifé de la fortune, mal fervi par fa propre mere, livré à des favoris imprudens, trahi par ceux qu'il honoroit de fa plus étroite confidence, ait pu réfifler auffi glorieufement qu'il a fait à l'empereur Charles-Quint, c'eftà-dire, à un ennemi dont les Etats étoient de beaucoup plus grands que la France, qui avoit plus d'argent & plus de troupes que lui, qui étoit un grand guerrier & un des plus fins politiques, fecondé prefque toujours par quelque puiffance? De forte que tout confidéré, il eft plus glorieux à François i d'avoir confervé fon royaume dans de telles circonftances, qu'il n'eft glorieux à Charles-Quint de ne l'avoir pu conquérir. On pourroit dire de ces deux princes, que l'un fans l'oppofition de l'autre, eût pu parvenir à la monarchie universelle; & que puifqu'on fe liguoit plus fouvent en faveur de Charles-Quint qu'en faveur de François I, l'on redoutoit plus le roi de France que l'empereur.

A peine François I fut monté fur le trône, qu'il manifefta un ardent défir de recouvrer le duché de Milan. Louis XII y avoit renoncé, mais sa renonciation ne pouvoit porter préjudice aux droits que François I, avoit fur ce duché du chef de Claude de France, fa femme, fille de Louis XII, & arriere petite-fille de Jean Galeas Visconti. Maximilien Sforce poffédoit alors ce duché. Le pape Léon X, qui en avoit démembré Parme & Plaifance pour les donner à son frere Julien de Médicis, inftruit des deffeins du roi de France, forma une ligue avec l'empereur, le roi d'Espagne & les Suiffes, pour défendre l'entrée de l'Italie aux François. De ces trois puiffances, les Suiffes furent les feuls qui voulurent agir leurs fuccès paffés, & fur-tout la victoire qu'ils avoient remportée à Novarre, leur enfloient le courage, & ils crurent fe fuffire à eux-mêmes. Ils pénétrerent avec une grande armée dans le Piémont, s'emparerent de Suze & de Pignerol, & fe rendirent maîtres des paffages des Alpes.

Cependant François I, qui n'avoit alors que vingt ans, étant parti de Grenoble, conduifit fon armée en avant; & inftruit par le duc de Savoie d'une route moins pratiquée pour paffer les Alpes, il arriva dans la plaine de Coni. Aimar de Prie qui conduifoit un détachement fur la route de Genes, fe rendit maître d'Alexandrie & de tout le pays le long du Pô. Les Suiffes voyant leurs mesures déconcertées, & la lenteur du pape & des Espagnols à leur envoyer de l'argent, confentirent à livrer le duché de Milan au roi moyennant une groffe fomme: mais cette négociation fut rompue par les

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