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monarque: ils doivent jouer le Déferteur, où l'on
crie vive le roi.

F

Les comédiens François ont auffi voulu jouer
une piece fufceptible d'allufions heureuses, ils
ont affiché Héraclius; ils fe flattent que cet
endroit Montrons Héraclius au peuple qui l'at-
tend, &c. fera la plus grande sensation & sera
faifi avec avidité.

16 Juin 1774. Les poëtes ont donné l'essor à
leur imagination: MM. Dorat, le Mierre, Du-
rofoy, &c. fe font fignalés; mais on ne trouve
encore rien digne du monarque.

Un M. Perfon, dit chevalier de Berainville,
a composé une médaille allégorique fur le nou-
veau regne, il y a joint des vers; ila préfenté
le tout à M. le duc d'Aumont, premier gen-
tilhomme de la chambre, pour qu'il voulût
bien faire agréer cet hommage à S. M. Le
feigneur lui a répondu que le roi n'aimoit
point les lettres, qu'il prendroit ces vers avec
indifférence, les mettroit dans fa poche, &
les Уу laifferoit fans les lire & fans en faire au-

cun cas.

18 Juin 1774. Un étranger connu fous le nom
de chevalier de Lorge, a fait un portrait en
pied de la reine, qu'il a expofé, pendant
quelque temps, aux Tuileries, & où l'on l'al-
loit voir à des heures indiquées, sous le titre
du tableau d'un amateur. Il paroît que les
artiftes le critiquent beaucoup, & n'en font pas

Contents.

19 Juin 1774. Quoiqu'on ne parle plus guere
de madame Dubarri, un plaifant s'eft avifé de
mettre en vers l'Hiftoire des Ponts il
a intis

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Les Ponts ont fait époque dans ma vie,
Dit l'Ange (1) en pleurs dans fa cellule en Brie ;
Fille d'un moine & de dame Giroux,

J'ai pris naiffance au fein du Pont-aux-choux.
A peine a lui l'aurore de mes charmes
Que le Pont-neuf vit mes premieres armes.
Au Pont-au-change à plaifir je fêtois

Le tiers, le quart, foit noble, foit bourgeois.
L'art libertin de rallumer les flammes
Au Pont-Royal me. mit le scepte en main.
Un fi haut fait me loge au Pont-aux-Dames (2),
Où j'ai bien peur de finir mon deftin.

22 Juin 1774. On avoit trouvé à la ftatue de Henri IV, fur le Pont-neuf, écrit en gros ca racteres le mot Refurrexit. On en a depuis attaché un autre tout-à-fait naïf, & qui rappellant le fameux propos de ce bon roi › pere de fon peuple, preferit à fon fucceffeur ce qu'il dois faire pour imiter parfaitement ce modele. Voici le distique :

Refurrexit J'approuve fort ce mot,

Mais pour y croire il faut la poule au pot.

23 Juin 1774. On raconte que monfieur l'abbé de Sainte Genevieve fe trouvant à dîner dans une maifon où il y avoit beaucoup de monde

(1) Nom qu'elle portoit étant fille. (a) Le Pont-aux-Dames en Brie.

de

jeunes gens l'entreprirent & le turlupinerent fur fa fainte, dont la puiffance paroiffoit bien nulle aujourd'hui, dont la châffe avoit été découverte & defcendue fi inutilement. Il les laiffa dire, & quand ils eurent fait tous leurs reproches: eh bien! Meffieurs, qu'avez-vous » à reprocher au ciel, répondit-il eft-ce qu'il » n'eft pas mort ?

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6 Juin 1774. Perrin Lucette, efpece de paftorale qu'ont jouée hier les Italiens, ne doit pas fon foible fuccès au muficien qui eft le fieur Ciaforelli. La mufique en eft petite & médiocre, même dans cette efpece. Le poëme eft très-peu de chofe auffi: il eft même bizarre par le mélange de mœurs très - fimples, avec un dénouement magnifique & romanefque. C'eft cependant celui-ci qui a été fort applaudi à raifon d'une action noble & généreufe, fur laquelle le parterre s'eft enthousiasmé, & eft forti de la langueur où il étoit. Il a demandé l'auteur & le muficien a profité de ce mot géné rique pour fe produire de bonne grace aux yeux des fpectateurs.

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26 Juin 1774. La célébrité du chevalier d'Eon de Beaumont rend intéreffante une collection de les œuvres qu'il vient de donner au public fous le titre de fes Loisirs. Ils font immentes car ils contiennent 13 volumes in-8".

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27 Juin 1774. Les comédiens le Kain & Préville viennent d'obtenir un privilege pour une école de déclamation dont ils feront les profeffeurs le premier pour le tragique, & le fecond pour le comique. Cette inftitution, qui pourroit être bonne, a befoin d'être développée

& perfectionnée, pour en tirer tout le parti poffible,

18 Juin 1774. M. de Boynes n'a pas été épargné dans les vaudevilles, épigrammes & bons mots qui courent fur les miniftres. Voici la chanfon fur lui.

On rit d'un miniftre bourgeois ( 1 )
Que chacun abandonne,
Pour n'avoir dans tous fes emplois
Fait plaifir à perfonne :
Je crois que c'eft injuftement
Que fi fort on le fronde,
Car il va faire, err s'en allant,

Plaifir à tout le monde.

29 Juin 1774. Outre les fpectacles du colysée & du wauxhall de Torré, un autre du même genre attire les amateurs. C'eft au lieu où étoit autrefois celui des freres Ruggieri qui donnoient des feux d'artifice. On y voit des courfes de chevaux Anglois très-curieufes. Le fieur Hyam, la demoiselle Mazon & un enfant montent ces courfiers, au nombre de huit, dans tous les fens poffibles, & font des exercices qui exigent alternativement la plus grande force & la plus grande adreffe. Le fieur Hyam offre cent louis de pari contre celui qui exécutera quatre de fes plus beaux tours.

30 Juin 1774. Copie d'une lettre de M. le comte Dubarri, écrite de Lausanne à M. de SaintR ****** fon ami.

Voilà mon rêve fini, mon cher ami, &

(1) Son nom de famille eft Bourgeois.

après m'être endormi en France, je fuis tout étonné de me réveiller en Suiffe; je me vois dans la capitale du pays de Vaud & dans une ville où l'induftrie qui m'eft propre trouvera difficilement à s'exercer. Les mœurs y font fimples, les femmes y font fages. Les hommes y font francs & les filles y font obfervées. Les loix y font féveres. Que voulez-vous que je devienne? Ce n'eft pas là mon élément. Le jeu & la galanterie y font peu recherchés : & fi l'on vouloit trafiquer des Suiffiennes, il faudroit les vendre à la livre. L'ait ne contribue pas à les rafiner, & leurs goûts font plus matériels que délicats. Tout ce qui m'environne me paroît étranger. Je vois de la fimplicité, de la bonne foi, de la continence, de l'amitié, de la réferve, & toutes les vertus me parlent Suiffe & je n'en connois pas une feule.

J'étois à Paris à la tête d'une milice brillante, & les filles n'oublieront jamais combien mon ciédit a fait fleurir leur empire. La saison étoit favorable pour faire fructifier mes talents, & leur reconnoiffance devroit m'élever des trophées dans la place du Palais-Royal : j'avois établi dans ma famille le canal des graces & des richeffes; c'étoit une fource dont le débordement & le limon engraiffoient mes domaines. Par quelle fatalité la jeuneffe détruit-elle un cours que la vieilleffe fortifioit de plus en plus ? L'on m'a à peine laiffé le temps d'emporter une partie du produit de mes travaux, & je me vois réduit à boire & à rêver à la Suiffe, fans éprouver les marques de confidération que les ames nobles me prodiguoient à la cour: mon plus grand embarras eft de favoir où je pourrai faire agréer

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