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» plus avant, & qu'il retournât fur »fes pas; Genghizkhan qui vit lui» même cet animal, demande à Ye»liu-tchou-tfai ce qu'il en penfoit: »Prince, répondit ce fage Miniftre, » cet animal s'appelle Kiotouan, il » eft fi vîte à la courfe que dans >>un jour il peut faire huit à dix » mille ly, & il entend les langues » étrangères au refte, il eft doux, » & il a horreur du carnage. Il y a "quatre ans que votre Majefté fait » la guerre dans les pays occidentaux, fans doute que l'augufte Tien ne voit pas avec plaifir la défolation » de tant de peuples, & qu'il vous envoie cet animal pour vous le faire connoître; fi, vous conformant à fa volonté, vous accordez la vie » à tant de malheureux, vous vous » procurerez une fécilité fans bor»nes. Genghizkhan se disposa auffitôt à s'en retourner. Cette fable pouvoit être rejettée dans les notes, ou au moins accompagnée de quelques réflexions du P. de Mailla, qui

dans cette partie ne s'annonce plus comme fimple traducteur. Genghizkhan, fans doute touché de cette apparition & fe rendant aux confeils de fon Miniftre, ne voulut point aller ravager l'Inde; il repassa donc à la Chine, pillant & foumettant tous les endroits qu'il traverfoit. Malgré tant de conquêtes & de pillages, les Mogols, jufqu'en 1227, n'avoient ni tréfors ni magafins; ils vivoient de la chaffe, de leurs beftiaux & de ce qu'ils enle voient aux peuples vaincus, s'habillant de la peau des animaux, fans foupçonner qu'il y eût une autre marière de vivre plus policée & plus conforme aux devoirs de la fociété. Ils étoient fi accoutumés à cette vie errante & vagabonde, que lorsqu'ils fe virent maîtres de plufieurs provin ces de la Chine où ils trouvoient peu de pâturages pour leurs beftiaux, les Seigneurs de la cour de Genghizkhan propofèrent à ce Prince de faire main baffe fur tous les habitans qu'ils com

fidéroient comme des

gens

inutiles,

& de laiffer croître l'herbe dans les terres qu'ils cultivoient pour en faire des pâturages qui lui feroient d'un, grand fecours. Le Miniftre Ye-liutchou-fai s'oppofa à ce deffin en faifant fentir que par les impôts on pouvoit tirer de la Chine de très-grands avantages. Les Mogols avoient tué une infinité de monde pendant tous les fiéges qu'ils avoient faits, quoique Genghizkhan eût pris la réfolution l'été précédent d'épargner la vie des hommes; mais il avoit négligé de l'annoncer à fes troupes pour réparer cet oubli, dit l'Hiftorien, il ordonna cette année qu'on publiât partout les ordres à cet effet. Ce fut dans la même année, 1227, que ce Prince mourut; fes fucceffeurs continuèrent de faire la guerre dans la Chine. Les mœurs téroces des Mogols s'adoucirent un peu; Ye-liuichou fai y contribua beaucoup, en établiffant des loix parmi eux. Aux prifes des villes on en égorgeoit les

habitans; à la prise de celle de Kaifong fou qui étoit alors la capitale des Niutche dans la Chine, ce ne fur qu'aux inftances d'Ye-liu-tchou tfai qu'on abrogea la loi barbare qui avoit lieu en de pareilles occafions; ce qui fauva la vie à un million quatre cens mille familles. Ce fut égale ment à fon instigation que les Mogols commencèrent à étudier la doctrine de Confucius, à faire conftruire des colléges & à les fréquenter. Kublai khan, qui monta fur le trône en 1260, acheva d'adoucir les mœurs barbares des Mogols. Par l'extinction totale des Tartares Niutche, & par la ruine de la Dynaftie des Song, famille chinoife qui régnoit dans le midi, il devint Empereur de toute la Chine. Sous ce Prince l'adminiftration prit une forme plus réguliere; il raffembla autour de lui plufieurs Gens de Lettres, & devint un des plus grands Empereurs que la Chine ait eu. Un jour qu'il étoit à s'entre tenir avec eux, il les confulta fur

les caufes d'un tremblement de terre qui étoit arrivé la veille: un d'eux indiqua cinq caufes; la première, ditil, vient de ce que les Princes fouffrent à leurs côtés des ames baffes'; la feconde, de ce qu'ils entretiennent trop de femmes; la troisième, de ce que des intriguans fe réuniffent contre l'intérêt public; la quatrième, de ce que la juftice employe des châ timens trop févères; la cinquième, enfin de ce qu'on fait trop facilement la guerre. Une feule de ces cinq raifons, dit le Lettré, fuffit pour occafionner un tremblement de terre. Le Tien qui aime un Prince fur le trône comme un père aime fes enfans, donne ces mouvemens extraordinaires à la terre pour les faire rentrer en eux-mêmes. C'est à de pareilles caufes que les Chinois attribuent tous les phénomènes, les éclipfes, &c. On peut louer leur zèle pour le bien public, mais on n'a pas une grande idée de leur science.

Jufqu'au règne de Kublai-khan,

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