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conomie générale de l'atmosphère, n'affectent pas partout le même caractère qu'en Europe. Ici, en effet, elles justifient le plus souvent le nom qui leur a été attribué d'anticyclone. Leur peu de mobilité, leur gyration centrifuge autour du point où la pression est maximumjointes à leur situation qui a pour résultat de contrarier la marche et l'extension des bourrasques, en font bien la contre-partie des tourbillons atmosphériques. Suivant M. Loomis, les hautes pressions américaines suivraient en Amérique la même direction que les dépressions et, par suite, ne se contrariraient pas mutuellement. Cette différence d'action à une distance relativement courte, explique en partie l'incertitude des annonces de bourrasques qui nous parviennent d'Amérique; celles-ci éprouvent sur leur trajet des modifications, des retards si considérables, que leur identification est rendue très aléatoire avec les tourbillons qui traversent l'Europe. Les recherches des savants dont nous avons exposé les théories, et nous aurions pu allonger considérablement la liste décèlent une préoccupation évidente de ne pas se restreindre à envisager les phénomènes immédiats, mais, en élargissant la base de discussion, de remonter aux causes déterminantes; de relier les accidents météoriques aux grandes lois connues et analysables qui régissent les phénomènes astronomiques. Procéder de la sorte, c'est déjà faire la synthèse d'une science en la décomposant tout d'abord en plusieurs parties distinctes, d'une indépendance relative, en réalité assez intimement liées pour que le progrès réalisé sur l'une ne soit pas sans influence sur les autres. Jusqu'ici, reconnaissons-le, les résultats obtenus ne sont pas absolument concluants, ce qui tient principalement au temps assez court sur lequel les comparaisons s'établissent et aussi à l'insuffisance du réseau météorologique qui ne permet pas d'embrasser au même moment tout un hémisphère. Indépendamment des vues nouvelles qu'elles ont dévoilées, ces recherches, bien qu'incomplètes encore, ont attiré l'attention dans une voie jusqu'alors négligée, et ce, volontairement. Il n'y a pas longtemps que tout physicien se croyait fondé à rejeter l'influence lunaire parmi les fables populaires; on n'est plus aussi exclusif maintenant. Il est même curieux de constater que la science, pas plus que les autres conceptions humaines, ne va directement à son but; elle procède par sauts, par détours, niant. aujourd'hui, mais ne faisant aucune difficulté de reconnaître le

lendemain qu'elle s'est trompée. La science, disons-le bien haut, ne lient aux théories, aux hypothèses qu'en tant qu'elles lui paraissent d'accord avec l'expérience, qu'elles lui semblent l'expression de la vérité et, suivant une parole fameuse, ne se fait aucun scrupule, quand cela lui paraît de nature à accélérer sa marche vers la connaissance du vrai, du beau et du bien, de brûler ce qu'elle a adoré, et d'adorer ce qu'elle a brûlé. Pour la science, et par ce mot nous entendons l'ensemble des connaissances positives que l'humanité se transmet d'âge en âge, il n'y a d'absolu que la recherche de la vérité et toute hypothèse, toute explication susceptible d'arrêter un instant sa progression doit être résolument écartée.

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LA CRISE AGRICOLE ET SES CAUSES

Par le nombre considérable d'individus adonnés à la culture, il n'est pas difficile de démontrer l'importance de la question agricole et de la crise qui sévit en ce moment dans notre pays. En 1882 on comptait en France plus de cinq millions de cultivateurs. Sur ce nombre trois millions et demi étaient propriétaires; deux millions cent cinquante mille individus n'exploitaient que leur propriété. Un million quatre cent mille cultivaient leur bien mais travaillaient en outre pour autrui, en qualité de fermiers, métayers ou journaliers. La proportion était donc de 72 0/0 propriétaires-cultivateurs et 28 0/0 cultivateurs non propriétaires. Il est probable que depuis treize ans la situation ne se sera pas modifiée.

En 1891, on constatait que le nombre d'individus s'occupant d'agriculture comprenait : 3,570,000 patrons, 75,400 employés et 2,890,183 ouvriers. Si nous rappelons ces chiffres c'est pour indiquer combien on doit protéger cette population agricole, qui représente le dixième du chiffre total des habitants de la France, et cela préférablement aux étrangers.

A cette première raison, il faut ajouter que cette légion d'individus ne se compose pas de riches capitalistes; au contraire, ce sont surtout des gens de situation très modeste, exploitant de petites surfaces. Sur cent cultivateurs on comptait en 1882: 38,2 cultivant moins d'un hectare de terre.

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En Amérique la situation est différente. Dans le Dakota, les neuf dixièmes des fermes étaient exploitées, en 1880, par leurs propriétaires. Dans l'Etat de Delaware, sur cent cultivateurs il y avait 57 propriétaires. Quant aux fermiers, 5 0/0 payaient leur fermage en argent et 36 0/0 se libéraient en nature. Actuellement le nombre des locations augmente et l'exploitation directe par les propriétaires diminue (1).

On ne saurait contester l'intensité de la crise actuelle et la justesse des réclamations de nos laboureurs surtout dans la culture des céréales. En France, le prix moyen de l'hectolitre baisse depuis 1871-73, époque où il était en moyenne à 25 fr. Il est tombé au-dessous de 17 fr. en 1885-86 pour remonter jusqu'à 20 fr. 58 en 1891 et retomber, actuellement, dans notre région à 14 et 15 fr.

Le colza se vendait il y a 30 et 40 ans au prix de 30 fr. l'hectolitre. Aujourd'hui il n'atteint pas 14 fr., à cause de l'affluence du colza étranger qui revient à meilleur marché même avec le prix du fret.

Le commerce des bestiaux a subi aussi une dépréciation dans la vente des moutons. Autrefois la vente des agneaux et le produit de la laine étaient un excellent appoint dans la culture. Aujourd'hui l'engraissement des moutons ne représente que la valeur du fumier parce que la laine, qui se vendait 4 fr. à 4 fr. 50 le kilogramme ne se vend actuellement que 2 fr. 40 le kilogramme.

Malgré ces mécomptes, il faut arrêter le découragement parmi les populations rurales et conserver à l'agriculture française le privilège d'assurer notre subsistance, au moins partiellement, pour éviter d'être tout à fait à la merci de l'Etranger qui, tôt ou tard profiterait de notre détresse.

L'inquiétude sur le sort de la culture n'existe pas seulement chez nous ; elle se fait sentir aussi chez nos concurrents, en Amérique, où les cultivateurs traversent une période de difficultés dont on n'aperçoit pas encore le terme. Mais il s'en faut que tous les agronomes et les économistes des Etats-Unis désespèrent de l'avenir. M. Levasseur qui nous donne ces détails, ajoute « Le sol n'a pas une fertilité illimitée. Dans plusieurs

(1) L'agriculture aux Etats-Unis, par Levasseur, Mémoires de la Société nationale d'agriculture, année 1895, p. 283.

>> contrées la terre est faliguée par une production monotone » et il faudra un assolement varié. Les progrès de l'agriculture » ont été enrayés, à partir de 1883, par suite des meilleures ré» coltes en Europe et des restrictions douanières. »

Une autre considération particulière, pour ne pas désespérer de cette crise, c'est que le blé n'est qu'une des cultures principales et ne figure (paille comprise) que pour deux milliards. dans les treize milliards de notre production agricole, de même qu'il occupe moins du quart des terres cultivées en labour ou en prairies artificielles. Dans ces conditions, on peut hésiter à croire qu'une diminution du revenu, sur une partie, entraîne nécessairement la perte de la totalité.

D'un autre côté, notre pays est plus favorisé que les EtatsUnis puisque la moyenne du rendement par hectare, est de quinze hectolitres en France alors que nos concurrents n'obtiennent que onze hectolitres.

D'ailleurs, l'histoire nous apprend que la crise actuelle n'est pas sans précédent et que tôt ou tard la fertilité de notre sol a triomphé des années calamiteuses pour l'agriculture. Ces crises se produisaient quelquefois dans des époques de prospérité pour les autres branches de la richesse publique. Il y a quatre siècles, notamment sous Louis XII et sous François Ier, on se plaignait de ce que les progrès agricoles dépassaient les progrès de la population et que, par suite, les produits de la terre, se trouvant plus offerts que demandés, l'avilissement des prix qui en résultait ne pouvait manquer de retarder quelque peu l'essor de l'agriculture. En 1520, dans la Champagne, des monastères laissaient leurs terres en friche parce que le produit n'était pas capable de compenser les frais, la main-d'oeuvre étant alors relativement assez chère selon M. d'Avenel (1).

A cette époque, en Normandie, l'acre de terre cultivé en blé, loué cent sols, rapportait seulement 250 sols ou 12 livres 10 sols, tandis qu'aujourd'hui, l'hectare de blé, pour lequel on paie un loyer moyen de cent francs, produit une valeur d'environ 400 fr. En général, l'agriculture était moins avantageuse que de nos jours comme on peut s'en convaincre par les évaluations suivantes constatées dans la paroisse de La Feuillie, à

(1) Histoire économique de la propriété, des salaires et des denrées, 1895.

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