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D. Pendant votre séjour au Temple, n'avez-vous pas été informée exactement des affaires politiques, et n'avez-vous pas entretenu vos correspondances avec les ennemis de la république, par l'entremise ou la facilité de quelques officiers municipaux qui étoient de service auprès de vous, ou par quelques personnes par eux introduites dans votre habitation?

A répondu, que depuis quatorze mois qu'elle est renfermée elle n'a eu aucune nouvelle ni connoissance des affaires politiques; qu'elle n'a eu aucune correspondance, et qu'elle ne l'auroit même pas pu; que depuis le commencement d'octobre, on avoit ôté de chez eux, plumes, encre, papier et crayons; qu'elle ne s'est jamais adressée à aucun officier municipal, étant à croire que cela eût été inutile, et qu'elle n'y a vu qui que ce soit au monde autre qu'eux.

-A elle représenté que sa réponse est contradictoire avec les déclarations faites par les personnes qui habi

toient et habitent le même lieu.

A répondu qu'il n'y a pas beaucoup de personnes quí habitoient le Temple, qu'il n'y avoit qu'eux; et que celles qui le déclarent, osent le prouver; que cela n'est pas vrai.

D. Si depuis qu'elle est à la Conciergerie, il n'y a pas été introduit dans le lieu qu'elle habite différentes personnes : si l'une d'elles ne lui a pas remis un œillet dans lequel étoit un écrit ; et si ce n'est pas elle qui a ramassé cet œillet d'après les signes réitérés qui lui ont été faits par la même personne?

A répondu qu'il est entré différentes personnes dans la chambre qu'elle habite, mais avec les administrateurs de police; qu'elle ne les connoît point, qu'il y en a eu qu'elle a cru reconnoître; qu'il est vrai qu'il a laissé tomber un œillet comme elle l'a déjà déclaré une fois, mais qu'elle y prenoit si peu d'attention, que sans les

signes elle ne l'auroit pas ramassé, et qu'elle l'a relevé dans la crainte qu'il ne se trouvât compromis, si on le trouvoit.

D. N'avez-vous pas reconnu cette personne, comme étant au château des Tuileries le 20 juin, et pour être une des personnes restées auprès de vous ledit jour 20 juin?

A répondu, oui.

D. N'avez-vous pas reconnu cette même personne pour s'être trouvee au château des Tuileries le dix août ?

A répondu, non.

D. Savez-vous son non?

A répondu; non, qu'elle ne s'en rappelle pas si elle l'a su.

D. Il est difficile de croire que vous ne sachiez pas son nom, car cette personne s'est flattée que vous lui aviez rendu de grands services, et on ne rend pas ordinairement d'aussi grands services que ceux annoncés, sans connoître la personne qui en est l'objet, d'une manière plus ou moins particulière?

A répondu qu'il seroit possible que ceux qui ont rendu service l'oublient, ou que ceux qui l'ont reçu s'en ressouviennent; mais qu'elle ne lui a jamais rendu de service, et qu'elle ne le connoissoit pas assez.

D. Si elle a répondu au billet trouvé dans l'œillet? R. Qu'elle l'a essayé avec une épingle, non pas de lui répondre, mais de l'engager à n'y pas revenir, au cas qu'il s'y présentât encore.

D. Si elle reconnoîtroit la réponse?

R. Que oui.

D. A elle montré et représenté le billet servant de réponse, et piqué d'épingle, l'a reconnu.

D. Si elle n'a pas fait un mouvement au moment où cette personne s'est présentée à elle?

Ř. N'ayant vu aucun visage depuis 13 mois, il est assez simple qu'elle ait été saisie dans le premier moment, ne fusse que par l'idée du danger qu'on pourroit courir en venant dans la chambre qu'elle habitʊit; qu'après elle a cru qu'il étoit employé quelque part, et qu'elle s'est rassurée.

D. Ce qu'elle entend par les expressions, j'ai cru qu'il étoit employé quelque part, et je me suis rassurée!

R. Comme il étoit arrivé plusieurs personnes chez elle avec les administrateurs, qu'elle ne le connoissoit pas, elle a cru qu'il pouvoit être employé dans quelque place aux sections ou ailleurs, et qu'alors il ne couroit plus de dangers.

D. Si les administrateurs de police lui ont souvent amené du monde!

R. Qu'ils étoient presque toujours accompagnés d'une, deux ou trois personnes à elle inconnues.

D. Les noms des administrateurs qui venoient le plus souvent la voir ?

R. Que c'étoient Michonis, Michel, Jobert et Marie not qui venoient le plus souvent.

D. Si ces quatre administrateurs ont toujours égale ment amené des personnes à elle inconnues?

R. Qu'elle le croit, mais qu'elle ne s'en rappelle pas.

D. Si elle a quelque chose à ajouter à ses différentes réponses, et si elle a un conseil?

R. Que non, attendu qu'elle ne connoit personne. D. Si elle veut que le tribunal lui en nomme un, ou deux d'office?

R. Qu'elle le veut bien.

D'après quoi, lui avons nommé d'office, pour conseils et défenseurs officieux, les citoyens TronçonDucoudray et Chauveau-de-la-Garde.

Lecture faite de l'interrogatoire ci-dessus, et des

réponses qu'elle a faites, a déclaré persister dans lesdites réponses, et n'avoir rien à y ajouter ni diminuer; et a signé le présent interrogatoire avec nous, ledit accusateur public et le greffier.

Signé, Marie Antoinette.

Hermann, président; Fouquier, accusateur publié, et Fabricius, greflier.

Nota. Les interrogatoires ci-dessus ont été copiés littéralement sur les originaux,

CHAPITRE XX.

CHAPITRE XX.

Jugement de Marie Antoinette, et acte d'accu

sation.

Extrait du procès-verbal d' Audience, du 23vendemiaire l'an 2.

L'ACCUSÉE introduite à l'Audience où étoient présens Amand-Martial Hermann (1), président; Etienne Foucault (2); Joseph-François-Ignace Douzé-Verteuil (3); Marie-Joseph Lane (4), juge; AntoineQuentin Fouquier (5), accusateur-public; et Joseph Fabricius (6), greffier.

Sont entrés les citoyens Ganney (7); Martin Nico

(1) Guillotiné le 18 floréal an 3.

(2) Guillotiné le même jour que le précédent.

(3) Depuis nommé accusateur - public près le tribunal révolutionnaire établi à Brest,

(4) Guillotiné le 18 floréal an 3.

(5) Idem.

(6) Depuis incarcéré par ordre du comité de salut pu blic; élargi après le 9 thermidor, il a repris le nom de Paris qu'il avoit quitté; puis a accompagné l'ex - député Fréron dans le Midi.

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