Page images
PDF
EPUB

pour les hommes trompés le point d'appui et la lumiere.

D'ailleurs comme les mauvaises loix peuvent porter sur toute autre chose que la prérogative royale, pour la réduire ou l'étendre, le monarque, averti par l'improbation du sénat, useroit avec plus de confiance de son droit de veto; et c'est alors que personne n'en contesteroit l'utilité.

Ainsi, messieurs, la plus grande facilité des discussions, l'utilité de la révision, la confusion possible dans une nombreuse assemblée, les mouvemens que peuvent y exciter l'éloquence, la prévention, l'impatience et beaucoup d'autres motifs qui nous ont été développés me font adopter la proposition de deux chambres également électives, avec la différence que le sénat ne pourroit être renouvellé que tous les sept ans, et que les sénateurs seroient choisis sans distinction de naissance parmi les hommes qui se distingueroient dans les magistratures civile et militaire, et dans le ministerę ecclésiastique.

J'ENTRE dans la discussion qui vous occupe, sans égard à aucune des circons tances qui nous environnent.

2e année. Tome XII.

F

J'examinerai non seulement ce qui est utile, mais encore ce qui est juste; car une assemblée législative ne procede pas comme les conquérans par le droit du plus fort. Ses principes sont ceux de la plus austere équité; et si dans des temps malheureux le salut du peuple en exige la violation ce ne sont pas des principes, mais la nécessité impérieuse qu'il suffit d'exposer.

[ocr errors]

Nous ne sommes point réduits messieurs, à cette nécessité funeste : des combinaisons sages et mesurées des plans séveres, mais équitables, peuvent concilier les droits et les intérêts de l'église avec les droits et les besoins de l'état. C'est dans l'espoir d'y parvenir que j'ai pris la parole; et je crois avoir trouvé la vérité en la cherchant de bonne foi, en ne compliquant point la question, en laissant à leur place les faits et les principes.

Je considere, d'abord, d'où proviennent les propriétés appellées biens du clergé, qui est-ce qui a donné, qui est-ce qui a reçu, qui est ce qui possede? Je trouve des fondateurs qui instituent, des églises qui reçoivent, des ecclésiastiques qui possedent sous la protection de la loi. Je trouve que le droit du donateur n'est point

contesté; qu'il a stipulé les conditions de sa donation avec une partie contractant l'engagement de les remplir; que toutes ces transactions ont reçu le sceau de la loi, et qu'il en résulte diverses dotations assi gnées aux frais du culte, à l'entretien de ses ministres, et au soulagement des pauvres,

Je trouve alors que ces biens sont une propriété nationale, en ce qu'ils appartien, nent collectivement au culte et aux pauvres de la nation.

Mais chaque bénéficier n'en est pas moins possesseur légitime, en acquittant les charges et conditions de la fondation.

Or, la possession, la disposition des revenus est la seule espece de propriété qui puisse appartenir au sacerdoce; c'est la seule qu'il ait jamais réclamée. Celle qui donne droit à l'aliénation, à la transmission du fonds par héritage ou autrement ne sauroit lui convenir, en ce qu'elle seroit destructive des dotations de l'église ; et parce qu'elle a des propriétés effectives il falloit bien qu'elles fussent inaliénables ; pour qu'elles ne devinssent pas excessives, il falloit bien en limiter l'étendue; mais comme l'incapacité d'acquérir n'est pas celle de posséder, l'édit de 1749 ne peut

influer sur la solution de la question présente; et j'avoue qu'il me paroît extraordinaire qu'on emploie contre le clergé les titres mêmes conservateurs de ses propriétés, ainsi que toutes les raisons, tous les motifs qui en composent le caractere légal.

Un des préopinans a dit que les corps étoient aptes à acquérir, à conserver des propriétés, mais qu'elles disparoissent avec leur existence; qu'ainsi le clergé, ne formant plus ordre dans l'état, ne pouvoit être aujourd'hui considéré comme propriétaire.

Mais il ne s'agit point ici de biens donnés à un corps les propriétés de l'église sont subdivisées en autant de dotations distinctes que ses ministres ont de services à remplir. Ainsi, lors même qu'il n'y auroit plus d'assemblée du clergé, tant qu'il y aura des paroisses, des évêchés, des monasteres, chacun de ces établissemens a une dotation propre, qui peut être modifiée par la loi, mais non détruite autrement qu'en détruisant l'établissement.

90

C'est ici le lieu de remarquer que plusieurs des préopinans établissent des principes contradictoires, en tirant néanmoins les mêmes conséquences. Tantôt, en considérant le clergé comme un être moral, on

a dit: les corps n'ont aucun droit réel par leur nature, puisqu'ils n'ont pas même de nature propre ; ainsi, le clergé ne sauroit être propriétaire. Tantôt on le considere comme dissous, en qualité de corps, et on dit qu'il ne peut plus posséder aujourd'hui de la même maniere qu'il possédoit pendant son existence politique, qui lui donnoit droit à la propriété. Enfin, un troisieme opinant a dit, dans une suite de faits, que le clergé n'a jamais possédé comme corps; que chaque fondation avoit eu pour objet un établissement et un service parti culier, et cette assertion est exacte. Mais je demande si l'on peut en conclure qu'il soit juste et utile que cet établissement, ce service et ceux qui le remplissent soient dépouillés de leur dotation? Or, c'est la véritable et la seule question qu'il falloit présenter; car celle de la propriété pour les usufruitiers n'est point problématique. Le clergé possede: voilà le fait. Ses titres sont sous la protection, sous la garde et la disposition de la nation; car elle dispose de tous les établissemens publics, par le droit qu'elle a sur sa propre législation et sur le culte même qu'il lui plaît d'adopter; mais la nation n'exerce par elle-même ni ses

L

« PreviousContinue »