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DE

L'HOMME PUBLIC;

O U

ANALYSE RAISONNÉE

DES PRINCIPAUX OUVRAGES

FRANÇOIS ET ÉTRANGERS, Sur la Politique en général, la Législation, les Finances, la Police, l'Agriculture et le Commerce en particulier, et sur le Droit naturel et public.

PAR M. CONDOR CET, Secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences, l'un des Quarante de l'Académie Françoise, Député du Département de Paris à l'Assemblée Nationale, et autres Gens de Lettres.

SECONDE ANNÉE.

TOME DOUZIE ME.

A PARIS,

Chez BUISSON, Libraire, rue Haute

Feuille, N°. 20.

I 79 I.

Quelque foible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d'y voter suffit pour m'imposer le devoir de m'en instruire.

J. J. Rousseau, Contrat social.

BIBLIOTHEQUE

DE

L'HOMME PUBLIC.

Principes et Maximes politiques de
M. Malouet.

EN lisant les différens journaux patriotiques, je m'étois fait de M. Malouet l'idée d'un ennemi dangereux de la liberté, d'un chef d'aristocrates, d'un fauteur de la tyrannie. J'ai lu ses opinions, et j'ai souhaité dans mon cœur que l'assemblée constituante eût pu se pénétrer de son esprit de modération, et de la sagesse de ses principes.

« Lorsque les hommes, écrivoit-il aux syndics de Riom, sont réunis en grande masse et qu'on veut les servir, il faut, je crois, ne pas chercher uniquement à leur plaire, mais leur parler convenablement à leur dispo sition. Il faut échauffer leur courage s'ils sont foibles, et le tempérer s'ils sont forts; leur parler de leur dignité, de leurs forces, s'ils ne les sentent pas. Mais s'ils les exagerent, le courage de la sagesse est de les avertir du danger, et de les faire descendre de la hau

teur de leur imagination aux idées simples et justes qui conduisent seules à d'heureux résultats ». Voilà, ce me semble, quels doivent être les principes et surtout le caractere de tout homme qui veut conduire des hommes à un but également éloigné de tout excès.

Nous ne saurions mieux faire connoître celui de M. Malouet qu'en citant le passage suivant de la même lettre:

« Il y a, dit-il, dans notre assemblée ( alors du tiers'état) beaucoup d'esprit et de lumieres, et j'y suis arrivé avec les dispositions que vous me connoissez. Ma conscience, mes devoirs, sont pour moi au-dessus de tous les succès, et même des talens que j'estime, que je chéris sans prétendre à leur célébrité. Jugé foible ou téméraire, suivant les circonstances, et d'après les préventions de ceux qui m'entendent, vous me connoissez cette espece de courage qui ne craint point les attaques personnelles et qui ne s'en permet aucune ».

Nous remarquerons que si ce courage n'a pas succombé sous les efforts d'un certain parti, il a été du moins cruellement fatigué. Voici ce que M. Malouet avoue lui-même, après avoir terminé sa carriere politique: «Quant à moi, dit-il, rassasié de tout ce que j'ai vu d'intrigues, d'hypocrisie, de vanité, de déraison et de scélératesse, je reste convaincu qu'il faut une vertu surnaturelle, ou une ambition forcenée, pour s'élancer dans cette mêlée, et que les hommes sages, mais d'une vertu commune, doivent fuir les affaires et les emplois publics dans les temps de trouble Je ne sais, ajoute-t-il, ce qui arrivera de toutes nos sociétés politiques, et si elles seront toujours, malgré les révolutions, sous le joug des plus méchans ou

des plus habiles; mais j'y vois les mêmes germes de corruption dans la vanité et la lâcheté de nos meurs. Le vrai courage paroît n'avoir rien de commun avec un sentiment profond de justice, et il en est inséparable. La liberté semble être une propriété commune à tous les hommes, et il n'y aura jamais que le vrai courage et la parfaite justice qui pourront s'en saisir; toutes les passions viles seront éternellement l'apanage des tyrans et des esclaves ».

Que peut la noblesse quand elle a perdu son crédit sur le peuple ou qu'elle l'a laissé opprimer (1).

Obser, de l'abbé de Mably, liv. vt, pag. 195.

LISRZ IS Ez donc, messieurs, lisez l'abbé de Mably, consultez nos historiens; et que les annales du monde vous éclairent sur vos vrais intérêts. Que voulez-vous, qu'allez-vous et qu'allons-nous devenir? Quoi! c'est au moment où la vérité, la lumiere ont pénétré dans toutes les conditions, où les dernieres classes du peuple voient et entendent, où la monarchie est dans une crise effrayante; c'est l'instant

(1) Cette épigraphe, pleine de sens, est à la tête d'un petit écrit de l'auteur, intitulé: Avis à la noblesse,

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