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l'Europe entiere prononcer ce jugement consolateur : les députés des communes ont raison, et leur courage mérite nos éloges.

Tous les abus de l'aristocratie sont insoutenables chez un peuple éclairé ; et dès qu'il a la liberté de s'assembler pour les discuter, il lui faut plus de patience et d'attention que d'effervescence pour les réformer.

Tous les bons principes, tous les moyens sages d'un gouvernement juste et prospere, sont mis en évidence; et dès-lors que ceux qui abusent et ceux qui souffrent sont appellés en confrontation, le procès est jugé par la raison et la force irrésistible de la nécessité; car elle se trouve toujours du côté de la raison universelle. Examinez les temps qui nous ont précédés : la théocratie, le despotisme, l'aristocratie, tous les abus, tous les fléaux ont été fondés en principes par l'audace des professeurs et l'ignorance des écoliers; mais lorsque l'ignorance cesse, l'audace ne peut plus rien.

Dans une telle position, et c'est la nôtre si les trois ordres de la nation pouvoient être représentés par trois hommes modérés et éclairés, tel qu'il y en a beaucoup dans

chaque ordre, toutes les dissensions seroient promptement terminées au grand avantage de la nation. Mais les ordres privilégiés sont arrivés avec l'inquiétude d'une trop grande réduction dans leurs prérogatives, et les communes avec le sentiment de leurs forces et l'impatience d'en jouir.

LE's mandats impératifs, les pouvoirs limités, sont les plus grands obstacles qu'on puisse apporter à une sage constitution. S'ils avoient prévalu dans toutes les assemblées des bailliages, on réduisoit l'assemblée nationale à une collection de procurations discordantes, qui ne permettoient aucun plan commun, aucune opération salutaire. Ceux des députés qui s'y sont soumis se sont, sans doute, imposé de grandes entraves. Mais les états généraux doivent-ils y avoir égard? c'est ce que je ne crois pas.

Le droit d'opinion par tête est certainement notre sauve-garde contre les prétentions négatives des deux premiers ordres; et sous ce rapport ce rapport, nous ne devons pas

nous en départir.

Mais le clergé et la noblesse y accéderontils avant de savoir jusqu'où l'on veut aller dans les réclamations des communes, dont

ces deux ordres craignent l'exagération ? Il faudroit donc un accord préalable, et tel est l'expédient que je crois praticable.

Premiérement, la vérification commune des pouvoirs, qu'on a éludée jusqu'à présent, ne peut être plus long-temps différée; et quelque exemples qu'on allegue au contraire, quelles que soient les prétentions ultérieures de part et d'autre, il n'est pas soutenable de la part des deux premiers ordres de se refuser à une reconnoissance mutuelle, à une législation commune des pouvoirs de tous les députés. Si la scission avoit lieu par cette cause, ce que je ne pense pas, elle ne pourroit jamais être imputée aux députés des communes.

Mais cette vérification faite, ou pendant l'opération, comment opérer le rapprochement subséquent, la réunion des trois ordres ?

Je n'imagine d'autre moyen que de traiter par commissaires de tous les points contestés, de toutes les bases desirables de constitution; et comme je ne doute pas que notre assemblée ne s'arrête précisément à ce qui est juste et utile à tous, sans offense pour aucune classe de citoyens, il n'y aura plus de prétexte plausible de la part du

clergé et de la noblesse, pour se refuser à une délibération commune.

En procédant ainsi sur chaque objet principal, en faisant précéder la délibération commune d'une discussion par commissaires, on arriveroit peut-être à quelque réforme marquante, à quelque établissement utile que les deux premiers ordres pourroient contester; mais s'ils emploient leur prétention d'ordre à toute autre chose qu'a se défendre de l'oppression, ils seront sans forces, sans moyens pour la soutenir..

On impute aux communes de vouloir détruire tous les droits, toutes les prérogatives qu'elles ne partagent pas. Cette calomnie s'accrédite et met en défense le clergé et la noblesse : mais elle sera bientôt anéantie par des explications amiables, par des discussions de commissaires; et lorsque nous aurons bien démontré que nous sommes fermement attachés à un gouvernement monarchique, à tous les pouvoirs législatifs, aux distinctions, à la hiérarchie que comporte un tel gouverne ment, on ne prendra plus des digressions oratoires pour des principes, et des phrases mal interprétées pour un vœu général..... Cette seule parole: nous sommes les re

présentans de vingt-cinq millions d'ames. pourroit, dans un instant, instant, dans une circonstance donnée, produire de trop vives sensations, et je voudrois la ramener à sa juste valeur. Sans doute, il faut nous pénétrer de la dignité du peuple que nous représentons. Mais nous devons encore plus nous occuper et nous entretenir de sa misere, de ses souffrances et des moyens de soulagement, qui ne sont pas des idées exaltées et des discussions préalables qu'on pourroit éluder.

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Sans doute nous devons voir dans la noblesse et le clergé des classes privilégiées contre lesquelles il faut nous défendre, dont les abus doivent être réprimés; mais nous devons y voir aussi les propriétaires de la moitié et de plus de la moitié des terres du royaume. Ainsi, sous ce rapport, comment pourrions-nous être seuls l'assemblée nationale, si nous ne prouvons auparavant, par notre prudence et notre modération par la justesse de nos vues et la sagesse de nos moyens, que nous en sommes la seule partie qui défende avec impartialité les intérêts de tous.....

Ne nous dissimulons pas que la régénéra

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