Page images
PDF
EPUB

les bons livres, la communication des corps et des individus qui ont créé l'empire de l'opinion l'étendent tous les jours aucun voile n'est plus interposé entre la tyrannie et ces moyens, et la classe indigente de la société, ces hommes patiens dans leurs souffrances, mais redoutables dans leur désespoir, ne peuvent plus être mus si facilement par l'esprit de faction, qui ne trouve plus d'aliment. Une puissance de réflexion et de sentiment qui ne ressemble à aucune autre s'est formée au milieu de nous; elle se coordonne avec la volonté générale, et se présente, en cet instant de crise, comme l'avant-garde de nos forces; la nation voit ce qu'elle a à faire. Une foule de citoyens de tous les ordres, distribués dans toutes

les parties du royaume, veillent pour la

multitude, qui voit, qui entend encore Henri IV lui adressant ces paroles: Ralliez-vous à mon panache blanc, vous le trouverez dans le chemin de l'honneur. Nous ne souffrirons donc pas l'interposition d'aucun ordre, d'aucun pouvoir entre le roi et la nation; car c'est une chose sainte et salutaire que l'autorité royale dans toute sa pureté. Les hommes pervers et ambitieux qui la dégradent, en l'exagérant à

leur profit, en empoisonnent les canaux ; mais ils ne sauroient en corrompre la source, et nous distinguerons parfaitement aujourd'hui l'auguste fonction du roi, son pouvoir, ses intérêts, qui s'unissent à ceux du peuple, des intérêts et du pouvoir de ses délégués, qui agissent en sens contraire, et qu'il nous importe de contenir. Nobles des villes et des campagnes, voudriez-vous être le troupeau des pasteurs de la cour et de la capitale? Tel est le sort qui vous menace; si vous vous séparez du peuple qui vous honore, pour vous unir, non pas aux ordres, mais aux partis dominateurs, vous déliez le faisceau d'armes pour en faire briser les fleches une à une.....

Pourquoi donc redouteriez-vous, messieurs, l'égalité d'influence du tiers - état? N'est-ce pas un assez beau privilége qu'entre vous et le clergé, n'étant qu'un cinquantieme du tout, vous soyez réputé la moitié? Chacun de vous voudroit-il se présenter à la nation avec les prétentions et les principes de ceux qui s'appellent hauts et puissans seigneurs, et qui feignent d'ignorer qu'après Dieu le plus puissant seigneur c'est un peuple éclairé ?

Ah! cinq cent mille nobles ne peuvent

préférer cette dangereuse et puérile vanité au véritable honneur, celui de régir librement sa personne et sa fortune, sous l'autorité de la loi à laquelle on a consenti; car enfin, messieurs, vous êtes, comme les plébéiens, à la merci des hommes puissans, sous un gouvernement arbitraire; et plutôt que d'être admis en nombre égal à l'examen et au redressement des abus, vous consentiriez à les laisser subsister! il faudroit bien alors les redresser sans vous; car nous en sommes oppressés.....

Voilà, messieurs, si vous me permettez de le dire, à quoi se réduit cette grande question. S'agit-il de vous opposer à l'égalité de l'impôt ? Il n'est plus temps: la révolution est consommée; tout le monde paiera dans les mêmes proportions, ou le peuple ne paiera rien. Cet intérêt particulier détruit, vous n'en avez plus à dé.. fendre qui ne soient également chers à tous les citoyens; car vos droits, vos honneurs, considérés comme récompense de services. rendus, font partie de leurs espérances; vous allez donc vous asservir, sans vous en douter à l'esprit et aux intérêts conventuels des grandes corporations; les administrateurs de cette loterie vous promet

tent des ternes et des quines qui ne sont que pour eux, et vous allez risquer votre patrimoine pour gagner quelques lots. Ah! messieurs, je vous le répete encore avec l'abbé de Mably que deviendra la noblesse quand elle aura perdu son crédit sur le peuple, et qu'il en sera opprimé ?

Nous ne dissimulons pas, messieurs, que le peuple a plus besoin d'être gouverné ét d'être soumis à une autorité protectrice, qu'il n'a d'aptitude à la diriger.

Sans doute il ne peut exister de bonheur public que lorsque la justice, les lumieres et les succès du gouvernement maintiennent sa supériorité; lorsqu'il la perd, lorsque des fautes ou des malheurs lui rendent indispensables les conseils et l'appui des peuples, l'intérêt général, le salut de tous, nous commandent de nous rallier avec ordre et respect autour des grandes vérités sur lesquelles l'éternelle justice fonda la base de toute société.

La circonstance importante où nous sommes a développé toutes les idées publiques; une grande masse de lumieres s'est élevée autour de nous, tous les voiles sont déchirés, on remonte à l'origine de

toutes les institutions; et quand on y est parvenu, quand c'est le peuple en corps. ou la partie éclairée de ce peuple qui découvre et définit les pouvoirs et les distinctions qu'il a créés ou tolérés, l'agitation que produisent dans les esprits ces hautes pensées ne permet pas toujours de s'arrêter à ce qui est juste et utile. Au milieu de cette foule de maux nés dans l'état social, il est peu d'innovations qui ne paroissent être le vœu de la raison; mais si nous sommes attentifs à sa voix, nous la trouverons toujours sévere circonspecte et non inconsidérée dans ses

mouvemens.

C'est, messieurs, cette raison supérieure à tous les talens à toutes les séductions des plus nobles passions, qui doit diriger le zele ardent dont nous sommes animés pour le salut de la patrie; et le premier commandement que nous en recevons est l'unité de vues, de sentimens et d'intérêts dans toutes les classes de la nation.

QUOI! n'étoit ce pas débuter avec assez d'avantage dans l'assemblée nationale, que d'y arriver précédés de la faveur publique et de la justice de nos réclama

« PreviousContinue »