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ne peut prendre sous ce rapport aucune forme civile et légale. Le christia nisme principalement s'exclut par son essence de tout systême de législation locale. Dieu n'a pas créé ce flambeau pour prêter des formes et des couleurs à l'organisation sociale des François; mais il l'a posé au milieu de l'univers pour êtré de point de ralliement et le centre d'unité du genre humain. Que ne nous blâme-t-on aussi de n'avoir pas déclaré que le soleil est l'astre de la nation, et que nul autre ne sera reconnu devant la loi pour régler la succession des nuits et des jours (1).

Ministres de l'évangilc! vous croyez que le christianisme est le profond et éternel systême de Dieu; qu'il est la raison de l'existence d'un univers et d'un genre humain; qu'il embrasse toutes les générations et tous les temps; qu'il est le lien d'une société éparse dans tous les empires du monde, et qui se rassemblera des quatre vents de la terre, pour s'élever dans les splen deurs de l'inébranlable empire de l'éternité,

(1) C'est savoir orner d'une grande image un raisonnement bien faux : il n'y a qu'un soleil pour tous les hommes, et les hommes reconnoissent plusieurs religions.

et avec ces idées si vastes, si universelles, si supérieures à toutes les localités humaines vous demandez que, par une loi constitutionnelle de notre régime naissant, ce christianisme, si fort de sa majesté et de son antiquité, soit déclaré la religion des François! Ah! c'est vous qui outragez la religion de nos peres ! vous voulez que, semblable à ces religions mensongeres nées de l'ignorance des hommes, accréditées par les dominateurs de la terre, et confondues dans les institutions politiques comme un moyen d'oppression, elle soit déclarée la religion de la loi et des Césars! Sans doute là où une croyance absurde a enfanté un régime tyrannique ; là où une constitution perverse dérive d'un culte insensé il faut bien que la religion fasse partie essentielle de la constitution; mais le christianisme, foible et chancelant dans sa naissance, n'a point invoqué l'appui des loix ni l'adoption des gouvernemens. Ses ministres eussent refusé pour lui une existence légale, parce qu'il falloit que Dieu seul parût dans ce qui n'étoit que son ouvrage ; et il nous manqueroit aujourd'hui la preuve la plus éclatante de sa vérité, si tous ceux qui professerent avant

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nous cette religion sainte, l'eussent trous vée dans la législation des empires......

Quelle que soit l'influence de l'évangile sur la moralité humaine, jamais ni Jésus-Christ ni ses disciples ne firent entendre que l'ins→ titution évangelique dût entrer dans les loix constitutionnelles des nations. Il n'ordonne

nulle part à ceux qu'il a choisis pour publier sa doctrine de la présenter aux législateurs du monde comme renfermant des vues nouvelles. sur l'art de gouverner les peuples. Allez et instruisez les hommes en disant: voici que le royaume de Dieu approche; et lorsque vous entrerez dans une ville ou dans un hameau, demandez qui sont ceux qui veulent vous écouter, et restez-y autant qu'il le faudra pour leur apprendre ce que vous devez leur enseigner; mais si l'on refuse de vous écouter, sortez, et soyez en tout prudens comme les serpens, et simples comme les colombes.

L'évangile est donc par son institution une économie toute spirituelle offerte aux mortels, en tant qu'ils ont une destination. ultérieure aux fins de l'association civile, et considérée hors de toutes leurs relations politiques. Il est proposé à l'homme comme sa seconde raison, comme le supplément

de sa conscience, et non à la société comme un nouvel objet de mesures législatives. L'évangile a demandé, en paroissant au monde, que les hommes le reçussent et que les gouvernemens le souffrissent. C'est là le caractere extérieur qui le distingua, dès son origine, de toutes les religions qui avoient tyrannisé la terre; et c'est aussi ce qui doit le distinguer, jusqu'à la fin des temps, de tous les cultes qui ne subsistent que par leur incorporation dans les loix des empires.

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C'est donc une vérité établie sur la na ture des choses, sur les lumieres du bon sens et sur l'essence même de l'institution évangelique, que vos représentans, ô François, ne devoient ni ne pouvoient décréter nationale la religion catholique, apostolique et romaine (1) !

Mais puisque le christianisme est une économie toute spirituelle, hors de la puis

(1) On se tromperoit fort si l'on croyoit que ces motifs déciderent véritablement nos législateurs dans leur refus. Il est plus probable qu'ils étoient déjà trop embarrassés de l'influence de cette religion sur les esprits, sans lui en donner encore davantage par un décret,

sance et de l'inspection des hommes, pour quoi nous sommes-nous attribué le droit de changer, sans l'intervention spirituelle, l'ancienne démarcation des dioceses?

Certes on devroit nous demander aussi pourquoi nous sommes chrétiens? pourquoi nous avons assigné sur le trésor national aux ministres de l'évangile et aux dépenses du culte la plus solide partie des revenus de l'état !

D'après les élémens de la constitution chrétienne, son culte est l'objet de l'acceptation libre des hommes et de la tolérance des gouvernemens. Il ne peut être réputé que souffert, tant qu'il n'est reçu et observé que par un petit nombre de citoyens de l'empire; mais dès qu'il est devenu le culte de la majorité de la nation, il perd sa dénomination de culte toléré ; il est alors un culte reçu; il est de fait la religion du public, sans être de droit la religion nationale car une religion n'est pas adoptée par la nation en tant qu'elle est une puissance, mais en tant qu'elle est une collec tion d'hommes (1).

(1) La religion chrétienne étoit reçue en France, nonseulement comme une collection d'hommes, mais comme

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