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inspirent, si la puissance romaine eût ménagé, de leur temps, à la religion le triomphe que lui assurent aujourd'hui les légis lateurs de la France (1)? Et c'est ce moment où vous rendez sa destinée inséparable de celle de la nation (2), où vous l'incorpo rez à l'existence de ce grand empire, où vous consacrez à la perpétuité de son regne et de son culte la plus solide portion de la substance de l'état (3); et c'est ce moment où vous la faites si glorieusement in

(1) Il est certain qu'un changement si subit de la part des empereurs qui persécutoient l'église naissante, ou même qui la toléroient, eussent transporté de joie ces vénérables pasteurs; encore même eussent-ils rejeté leurs bienfaits, si, renonçant à un genre de tyrannie pour en exercer un autre plus cruel, les empéreurs eussent prétendu forcer les fideles à abandonner leurs pasteurs légitimes pour en feconnoître d'autres coupables d'intrusion. Mais qu'est-ce que tout cela prouve contre les évêques de France ?

(2) Ne diroit-on pas que la religion chrétienne en France n'avoit avant la révolution qu'une existence pré. caire et telle qu'elle pouvoit l'avoir à Rome sous les Césars?

(3) Soyez plus vrai, et dites: Où vous enlevez la plus solide portion de la subsistance de ses ministres pour kes mener par la faim au schisme ou à la mort.

tervenir dans cette sublime division du plus beau royaume de l'univers, et où, plantant le signe auguste du christianisme sur la cîme de tous les départemens de la France, vous confessez à la face de toutes les nations et de tous les siecles que Dieu est aussi nécessaire que la liberté au peuple François (1); c'est ce moment que nos évêques ont choisi pour vous dénoncer comme violateurs des droits de la religion, pour vous prêter le caractere des anciens persécuteurs du christianisme, pour vous imputer, par conséquent, le crime d'avoir voulu tarir la derniere ressource de l'ordre public, et éteindre le dernier espoir de la vertu malheureuse!

Et nous ne pouvons pas douter, messieurs, , que ce ne soit dans une intention aussi malveillante qu'on cherche à insinuer que la religion est perdue, si c'est le choix du peuple qui décerne les places ecclésiastiques......

On sait, disent les évêques, à quel point la forme qu'on propose pour les élections

(1) Ce ton d'une piété dérisoire, de la part d'un sophiste impudent et sans moeurs, est fait pour exciter toute l'indignation de l'homme le moins religieux.

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n'y a pas d'exemple d'une forme d'élection sur laquelle le clergé n'ait pas eu la principale influence; cette influence est anéantie; il y a des départemens dans lesquels on ne compte pas un ecclésiastique parmi les électeurs (1).......

Ceux qui revendiquent la part qu'avoit autrefoisle clergé à l'élection des ministres de l'église sont-ils de bonne foi? Il n'y a qu'un mot à répondre : le voici. Si le clergé actuel ne doit jamais devenir constitutionnel (2) et citoyen, son intervention dans le choix des pasteurs seroit un mal public, et le foyer du trouble résideroit à perpétuité dans le sein de l'église de France. S'il prend enfin l'esprit de la révolution et de la liberté, le peuple s'honorera d'invoquer sa sagesse et d'écouter ses conseils dans toutes les grandes déterminations où il aura à sta

(1) Pages 23 et 24 de l'exposition. Nos évêques auroient pu ajouter que dans certains la plupart des électeurs sont protestans.

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(2) C'est-à-dire, hérétique, schismatique, ctc. ; car le mot constitutionnel vouloit dire tout cela avant que la constitution prétendue civile du clergé fût relégute dans la partie des loix réglementaires.

tuer pour le maintien des loix et pour la juste distribution des emplois religieux et politiques (1).

L'influence de l'ancien clergé sur les élections ecclésiastiques n'a point d'autre origine que le respect et la confiance du ple (2), Vous savez, prélats qui m'enten

peu

(1)« Cela pourra bien être ; mais ce sera toujours par une faveur du peuple, et non pas comme un droit z ce sera comme laïques, en quelque sorte, et non pas comme ecclésiastiques; en sorte qu'il sera toujours vrai dé dire que l'église, qui a tant d'intérêt à se procurer de bons ministres, n'aura aucune part à leur élec tion. Eh quoi! le soldat concourt à la nomination dé ses officiers; on vient d'autoriser les négocians à s'assembler pour nommer leurs juges, et les ecclésiasti ques seront les seuls qui ne contribueront aucunement à la nomination de leurs chefs, de leurs pontifes! On auroit dû en admettre au moins quelques uns, quand ce n'eût été que pour en imposer au peuple, diriger son choix et lui inspirer du respect pour la maison du seigneur. Qui ne sait que, dans une élection de nouvel évêque, il s'est passé dans le lieu saint les scenes les plus scandaleuses! et c'est ainsi que l'on respecte la religion, qu'on a des égards pour l'église, et que l'on prétend rétablir l'ancienne discipline ». ( Les principes de la foi sur le gouvernement de l'église, etc. »).

(2) Toute l'antiquité ecclésiastique donne ici le démenti le plus formel à M. de Mirabeau.

dez, vous savez qu'il ne tient qu'à vous de vous faire adorer des hommes et de devenir les oracles de tous leurs conseils. Ressemblez à vos anciens prédécesseurs, et vous verrez bientôt le peuple ressembler aux anciens fideles et ne vouloir rien faire sans ses pasteurs.

Quoique je n'aie pas eu dessein, messieurs, de vous exposer l'analyse et la réfutation d'un écrit qui n'a pour base que les traditions surannées (1) d'une théologie arbitraire et inconséquente (2), je ne puis néanmoins me dispenser d'attirer un moment l'attention de l'assemblée sur le fonds de la question considérée en elle-même parce qu'enfin il entre peut-être de la vraie religion dans toutes ces réflexions et toutes ces inquiétudes théologiques; et qu'autant nous devons de sévérité à l'esprit de mé

(1) M. de Mirabeau fait le plus grand éloge de l'écrit qu'il veut combattre, en avouant qu'il est appuyé sur des traditions surannées. Le mot n'est qu'impropre.

(2) La théologie ne peut être arbitraire en matiere de dogme et de discipline générale; sur tout autre objet elle peut adopter des systêmes particuliers, ec chaque théologien a le droit de défendre ses opinions, pourvu qu'elles ne soient point contraires à la foi

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