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menacés, détruit le goût du travail, introduit la fraude et l'infidélité, engendre les vols, les assassinats, les forfaits; et, chose horrible! qu'elle offre le hideux spectacle du gouvernement exerçant le plus vil des escamotages, et mettant l'innocence bien-être des hommes au misérable prix de quelques millions (1).

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Il ne s'agit point actuellement de savoir comment l'administration des ponts et chaussées sera organisée, mais s'il y en aura une. Comment concevoir que des routes d'un royaume de vingt sept mille lieues quarrées puissent ne pas s'enchevêtrer sans un centre commun? Je ne répondrai qu'à une seule objection épisodique. Je dis qu'on a toujours confondu la cause avec l'effet. Les ponts et chaussées ont été sans doute l'instrument d'une quantité de vexations; mais les administrateurs peuvent être réputés coupables, si l'intrigue a su obtenir tel chemin inutile, tel pont magnifique, au lieu d'un pont nécessaire, tel canal avantageux à un particulier plutôt qu'au commerce. Mais je de

(1) Monarchie prussienne.

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mande aux préopinans de, me répondre avec la même niaise liberté avec laquelle je parle je demande comment il seroit possible que les chemins s'unissent, s'entrelacent, sans une administration centrale.

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L'ASSEMBLÉE a décidé qu'il y auroit des corps électoraux, c'est-à-dire, que les élec, teurs, une fois nommés dans les assemblées des cantons, exerceront pendant deux années le pouvoir qui leur aura été confié. Le plaisir de simplifier l'administration, de rendre les assemblées populaires moins fréquentes, et d'épargner au peuple, le seul impôt qu'aucun avantage ne compense, celui de la perte du travail, vous a inspiré cette mesure: elle m'a fourni aussi l'idée d'un article additionnel que j'en crois inséparable, et sur lequel je demande l'attention de l'assemblée...ch bitir.i

Comme le despotisme est la mort du gouvernement purement monarchique, les factions, les brigues, les cabales sont le poison du gouvernement représentatif. On intrigue d'abord parce que l'on croit, srvir la chose publique; on finit par intriguer par corruption. Tel qui ne recueille des suffrages que pour son ami, les donneroit bientôt

à l'homme puissant qui les échangeroit pour des services, au despote qui les acheteroit avec de l'or. Lorsqu'une influence quelconque s'exerce sur des suffrages, les choix populaires paroissent être libres; mais ils ne sont ni purs 'ni libres; ils ne sont plus le fruit de ce premier mouvement de l'ame qui ne se porte que sur le mérite et la vertu. Cette influence étrangere, qui raviroit ainsi au peuple sa propre souveraineté, seroit bien plus dangereuse pour celui dont les intentions n'ont point encore pu changer le caractère, et dont le caractere, même sous le despotisme, c'est-à-dire, dans un temps où la moitié de nos défauts étoit cachée, a toujours paru très-susceptible de cet esprit de parti qui se nourrit de petites intrigues, dé cet esprit de rivalité qui inspire les cabales, de cet esprit de présomption ambitieuse qui porte à rechercher toutes les places sans les mériter. Par- tout où ce germe destructeur infecte et vicie les élections publiques, le peuple, dégoûté de ses propres choix, parce qu'ils ne sont plus son ouvrage, ou se décourage, ou méprise les loix; alors naissent les factions, et les officiers publics ne sont plus que les hommes d'un parti; alors s'introduit la plus dange

reuse des aristocraties', celle des hommes ardens contre les citoyens paisibles, et la carriere de l'administration n'est plus qu'une arêne périlleuse; alors le droit d'être flatté, de se laisser acheter et corrompre une fois chaque année est le seul fruit, le fruit perfide que le peuple retire de sa liberté.

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Ne vous y trompez pas; déjà la plupart de ces maux menacent d'attaquer notre régénération politique ; si presque par-tout les choix populaires nous ont donné de bons administrateurs ne l'attribuons qu'à la premiere et bouillante verve du patriotisme; car presque par-tout, et chacun de vous peut en juger par sa correspondance, l'esprit de cabale s'est manifesté dans les élections.

D'abord, les électeurs s'accorderont pour ne placer que les hommes tirés de leur sein; et par cela seul le tableau, sinon des éligibles de droit, du moins des éligibles de fait, se trouvera réduit à quarante mille citoyens pour tout le royaume. Si cet inconvénient étoit à craindre même avec des électeurs non permanens, que sera-ce lorsformant un coprs ils en prendront que l'esprit; lorsque ce corps aura des places à distribuer à presque tous ses membres

et que chacun trouvera ainsi pour son suffrage plus de compensation à recevoir et à offrir?

S'agira-t-il de participer à une élection importante? la tactique de ce genre de succès est déjà connue ; il se formera des coalitions de voix ; on échangera une masse insuffisante de suffrages pour d'autres suffrages; des hommes intriguans, sans être véritablement portés par l'opinion publi

que,

obtiendront ainsi frauduleusement une trompeuse majorité, déjoueront leurs rivaux, et prendront la place du véritable citoyen, qui ne connoît pas ce genre d'agiotage, ou qui s'y refuse.

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Un seul moyen est propre à prévenir le danger des élections populaires; il est sémais conforme aux regles; il est surtout indispensable depuis que vous avez changé les rassemblemens d'électeurs en corps permanens le citoyen chargé d'une fonction publique ne peut déserter son poste pour en prendre un autre. Appliquez ce principe aux électeurs : si leurs fonctions doivent durer deux années, ils ne peuvent remplir aucune autre place, ni sur-tout se la donner à eux-mêmes; par-là vous allez tarir la source de la plupart des intrigues

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