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par ceux qui ne peuvent en retirer aucun avantage, ou qui dédaignent d'en profiter, ou qui ne croient avoir aucun intérêt à surveiller son emploi toujours moins économique par la nature même de la chose. L'éducation gratuite est payée par tout le monde ses fruits ne sont recueillis immédiatement que par un petit nombre d'individus; elle déplace beaucoup d'hommes; elle favorise la paresse des institutions; elle diminue le prix de l'instruction aux yeux des disciples; elle retarde les progrès des sciences. L'ignorance du peuple ne permet à la vérité d'attendre paisiblement que pas la nouvelle constitution l'éleve et lui fasse sentir la nécessité de s'instruire. Le pouvoir public ne peut rester froid spectateur du long combat des lumieres et des ténebres: il est sans contredit obligé d'y prendre part pour en accélérer la catastrophe; mais que peut-il, que doit-il faire pour cela ? peu de chose en apparence, messieurs; protéger, exciter, récompenser. C'est ici, messieurs, que l'on obtient par le moins ce que l'on chercheroit vainement à produire par le plus, et je crois avoir indiqué les mesures convenables.

Ainsi donc, pour être admis aux places,

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qu'il soit nécessaire de donner des preuves de savoir; que tout homme qui veut enseiguer un art le puisse librement et fructueusement; que celui qui veut l'apprendre n'en soir empêché ni par le trop grand éloignement, ni par la trop grande cherté des maîtres, ou par celle des grades qui doivent attester qu'il a profité de leurs leçons. Mais en payant une rétribution médiocre, qu'il soit averti chaque jour du prix du temps et de celui des connoissances auxquelles il aspire, tandis que les maîtres, aiguillonnés comme lui par l'émulation de l'intérêt, donneront à leur enseignement plus de méthode et plus de perfection; que la po. lice se ́ ́borne à surveiller les professions dont les erreurs ou les fautes graves dans leurs effets ne peuvent être facilement reconnues du public; que d'ailleurs l'exércite de tous les talens soit libre; que les arts d'une utilité premiere et ceux qui procureront de nouveaux plaisirs formentare Branche importante des créations sociales, obtiennent d'une nation, généreuse sensible et éclairée, des récompenses et des honneurs publics; enfin, que le but d'éducation natłonale se rapporte à celui des autres instituions; que par conséquent elle ne dépende

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d'aucun pouvoir dont les intérêts particnliers puissent la faire tourner à leur profit, et qu'elle ne soit jamais confiée à des mains qui, loin du regard des magistrats, puissent en dénaturer le caractere.

Mais il est encore un autre moyen d'agir puissamment sur les hommes en masse, lequel peut être regardé comme faisant partie de l'éducation publique, et sans doute l'assemblée nationale ne le négligera pas : c'est les fêtes publiques, civiles et militaires, Chez les peuples anciens, elles ont enfanté des prodiges dirigées vers un but plus conforme à la nature de l'homme l'influence n'en sera que plus étendue. Après les grandes loix générales qui sont les fondemens de la société, rien peut - être ne mérite plus l'attention du législateur.

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Il ne suffit pas de considérer l'homme comme l'instrument de l'agriculture, du commerce ou des arts, instrument dont toutes les loix doivent protéger et favoriser les travaux : il faut aussi le considérer comme un être sensible dont on peut étendre l'existence par de vives affections pour le pays qui l'a vu naître, pour les institutions qui le gouvernent, pour ses semblables qui vivent sous les mêmes institutions; il

faut songer qu'en le sortant presque sans cesse de lui-même pour le mettre sous les yeux de la patrie, et l'attacher à elle par ses plaisirs autant que par la douce liberté dont il doit jouir dans son sein, l'on augmenteroit son bonheur de tout le bonheur public, et l'on nourriroit en lui toutes les vertus par les sentimens patriotiques et fraternels dont les fêtes de la liberté remplissent les ames.

Ces fêtes ne pourroient-elles pas être àla-fois le théâtre des récompenses publiques, celui des talens, le lien commun d'un grand peuple et l'école du citoyen?

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Quel effet n'y produiroient pas des couronnes de chêne, de laurier, d'olivier distribuées aux hommes vertueux, aux guerriers patriotes, anx écrivains utiles aux grands maîtres de tous les arts; des hymnes composées par les poëtes les plus célebres, chantées par de jeunes citoyens et de jeunes vierges, accompagnées de cette musique simple, mais majestueuse et touchante qui porte l'ivresse dans les grandes assemblées ; des discours appropriés aux circonstances, prononcés par des orateurs dignes des hommes libres qui vien

droient les entendre ? Vous voyez comme l'enthousiasme gagne les cœurs les plus froids! comme les larmes roulent dans tous les yeux, comme l'amour de la patrie et celui des vertus utiles au genre humain c'est-à-dire, des seules vertus, s'empare de cette jeunesse sensible qui, du moins, ne deviendra pas meilleure sans devenir plus heureuse! Des récits fideles font partager cette émotion à ceux mêmes qui n'en sont pas les témoins; chacun bénit les loix qui lui procurent tant de jouissances inconnues, et les étrangers arrivent en foule pour voir ces jeux d'une nation qui mérite son bonheur, comme autrefois ils accouroient aux jeux olimpiques de la Grèce.

C'EST en présentant ainsi au public quelques traits de son éloquence et de ses principes en matiere de gouvernement, qu'on a prétendu peindre M. de Mirabeau sous les ̧ couleurs les plus fidelles; mais nous observerons qu'une partie essentielle du héros de notre révolution manque dans cette esquisse. Pour le faire connoître tel qu'il étoit véritablement, il eût fallu développer tous les ressorts d'intrigues qui le faisoient mouvoir

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