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la volonté nationale? Cette famille pourroit même s'améliorer sous ce rapport; chaque regne pouvant offrir à chacun d'eux une royauté passagere, tous chercheroient à s'y préparer, à s'en rendre dignes, tous ménageroient l'opinion publique et apprendroient les devoirs des rois. Il me semble

aussi que l'élection pour la régence rappelleroit à certaines époques la véritable source de la royauté; et il est bon que ni les rois ni les peuples ne l'oublient.

Le systême des élections est donc trèsconvenable, messieurs, et même très-plausible, très-favorable, avec quelque légèreté qu'on l'ait traité dans un premier apperçu.

Cette question, sous le point de vue électif, a un grand désavantage à être traitée pour nous et parmi nous. Assoupis et presque incorporés à la royauté héréditaire par la plus longue des habitudes, nous l'avons reconnue comme préexistante à la constitution, nous n'avons pas même tourné notre pensée à un mode d'élection, parce que nous n'en avons pas besoin. Mais, certes, de ce que la solution de ce problême ne nous est pas nécessaire, il ne s'ensuit pas qu'il soit insoluble.

Eh! pourquoi transporteroit-on dans une

institution qui n'entraîneroit pas les inconvéniens avoués des élections les inconvéniens incontestables de l'hérédité?

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Mais, messieurs il est temps de vous faire remarquer la source commune de toutes les erreurs sur cette matiere, et notamment de l'importance exagérée que l'on attache aux diverses opinions qui vous ont été soumises; on voit toujours dans un roi, dars un régent, ce qu'ils étoient. Celui-là, l'agent presqu'unique de tous les biens et de tous les maux d'une grande nation, durant un long regne; celui-ci, un roi absoļu pendant plusieurs années. Rien de tout cela n'est plus là où une constitution existe; là où la liberté publique est établie sur de bonnes loix et sur le respect de ces loix, un roi n'est plus que l'exécuteur suprême de ces loix, sans cesse réprimé comme protégé par elles, sans cesse surveillé comme soutenu par la multitude des bons citoyens qui font la force publique : là aussi un régent, qui ne l'est que pour un nombre d'années déterminées n'est au fond qu'un ministre principal sous des formes plus augustes et plus relevées. Il y a bien là de quoi faire des intrigues, sans doute; il en existe bien, et il en existera toujours pour

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des places de commis de bureaux ; mais il n'y a point de quoi nourrir des factions. Lorsqu'on fait sonner ce mot en pareille occasion on pense aux Orléans, aux Condé, sous Charles VII, aux Montmorency et aux Guise sous François II; et l'on ne pense pas que là où il n'y a plus de roi absolu, un régent n'est plus un roi absolu.

Alors tombent toutes ces objections de l'enfant de la faveur populaire, qui, bientôt usurpateur de la royauté, rival heureux de toutes les autorités légitimes, va renverser en un moment toute la constitution, fouler aux pieds toutes les loix, et tout cela aux applaudissemens de cette nation dont l'estime et la faveur l'ont porté à une place qui, comme toute autre, a ses limites, ses surveillans, ses envieux et ses ennemis. Tout cela est exagéré, tout cela est déraisonnable. Ce qui ne l'est pas, ce me semble, c'est que le choix du régent étant en soi assez indifférent, il vaut mieux suivre la pente de nos goûts, de nos habitudes, et fixer le régent à l'avance et sous un mode invariable; et pour résumer en peu de mots les avantages que l'on vous y a montrés: 1o. que la délégation de la régence au parent le plus proche tînt davantage aux idées

reçues; 2°. qu'il seroit peut-être dangereux d'offrir le spectacle d'une régence élective à côté d'une royauté héréditaire ; 3°. que le parent le plus rapproché du trône sera censé s'être mieux préparé à remplir les fonctions de la royauté; 4°. qu'il sera plus intéressé à ne pas la laisser dégrader qu'aucun autre membre de la famille, attendu qu'il sera plus près de la recueillir. Je pense donc que le plan du comité peut être adopté.

Discours sur l'égalité des partages dans les successions en ligne directe (1).

Ce n'est que par degrés qu'on peut opérer la réforme d'une législation vicieuse, soit que le législateur craigne de renverser d'un seul coup le fondement de toutes les erreurs que son génie lui découvre, soit qu'il n'apperçoive ces erreurs que successivement, et qu'il ait besoin d'avoir déjà beaucoup fait pour connoître tout ce qu'il doit faire.

Vous avez commencé par détruire la

(1) Ce discours fut lu à l'assemblée nationale, dans la séance du 2 avril 1791, par l'ancien évêque d'Autun, et quelques minutes après la mort de Mirabeau.

féodalité; vous la poursuivez aujourd'hui dans ses effets: vous allez comprendre dans vos réformes ces loix injustes que nos coutumes ont introduites dans les successions; mais, messieurs, ce ne sont pas seulement nos loix, ce sont nos esprits et nos habitudes qui sont tachés des principes et des vices de la féodalité. Vous devez donc aussi porter vos regards sur les dispositions purement volontaires qui en sont l'effet ; vous devez juger si ces institutions d'héritiers privilégiés, de préciputs, majorats, substitutions, fidéi-commis, doivent être permises par les loix qui régleront désormais

nos successions.

Les comités de constitution et d'aliénation viennent de vous présenter un projet qui embrasse toute la matiere des propriétés relatives aux successions et partages. Les détails de cette intéressante loi vont vous occuper successivement; mais ils dépendent d'une question qu'il importe d'appro fondir, d'un principe qu'il faut reconnoître. Il nous faut examiner, relativement aux chefs de famille, ce qui concerne le droit de tester, ses fondemens et ses limites. Alors seulement nous toucherons à la source de

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