Page images
PDF
EPUB
[merged small][ocr errors]

SUR

LES BIENS DU CLERGÉ,

Prononcé à la Séance du Mercredi 14 Avril, par M. ROYER, Curé de Chavannes, Député d'Aval.

MESSIEURS,

Le choix libre d'une Nation, auffi attachée à la Religion de fes pères, que chère & fidèle à fes Rois, vous impofe des devoirs facrés à remplir; & fuppofe que vous avez puifé, dans des fources pures, les connoiffances préliminaires & les principes qui doivent fervir de bafe à vos réfolutions. Ces fources vous font connues: familiarifés avec la lecture de nos plus célèbres Publicistes, Canoniftes & Jurifconfultes, certainement vous ne prendrez point, pour guides, des Auteurs fans nom, dont les Ouvrages, plus propres à égarer qu'à éclairer, ne peuvent vous diriger dans la difcuffion des objets foumis à vos décifions.

Il s'agit d'une réforme générale; mais pour y parvenir que d'abus à corriger, que d'obftacles à lever. Faut-il moins que des vertus vraiment patriotiques pour en tenter le fuccès? Lui feul auffi juftifiera la confiance dont vous honorent le Prince & la Nation, & prouvera que l'Empire François a trouvé, dans fes Représentans, des organes incorruptibles de la vérité & de la justice.

Oui, Meffieurs: la vérité vous éclairera dans la recherche des abus que vous aurez à dévoiler & à combattre. A leur finiftre afpect le fentiment d'une tendre commifération fur le fort déplorable de leurs malheureuses victimes, vous armera du glaive de la juftice pour en couper la racine. Alors, la paix, fruit précieux de cette triple alliance, couronnera enfin vos glorieux & pénibles

travaux.

Déja, Meffieurs, vous les entrevoyez, ces crians & funeftes abus que la raifon, de concert avec la Religion, vous ordonne de profcrire. Hélas! ils avoient investi le Trône, après avoir déshonoré le Sacerdoce. Mais un Roi qui ne veut régner, fur un peuple libre, qu'en fe foumettant lui-même à l'empire des loix, vous confie le foin de les bannir à jamais de l'enceinte de fes palais; & le Clergé, n'écoutant que la voix de la Religion, vous invite, vous preffe d'en purger le fanctuaire.

Il eft donc bien important, Meffieurs, de ne pas fe méprendre dans le choix des moyens qui doivent opérer une fi heureuse révolution, & préparer la régénération entière de l'Empire François. Ce nom feul, vous en conviendrez, Meffieurs, doit faire difparoître toute rivalité. Un feul & même intérêt, la gloire du Souverain, effentiellement liée au bonheur de fes peuples, déterminera vos réfolutions, fera le terme de vos travaux, & l'unique but auquel vous vous efforcez d'atteindre.

Mais, quels font ces moyens? Comment les diriger? Vous devez là-deffus, Meffieurs, être extrêmement en garde contre l'aftuce des Thémiftocles modernes, & vous

montrer de vrais Ariftides. Tout moyen injufte; quelque affuré qu'en puiffe être le fuccès, excitera certainement votre jufte indignation, & fera réprouvé auffitôt que propófé.

Enfin, Meffieurs, parmi des Chrétiens, parmi des Catholiques, la Religion étant le bien fuprême, prenez garde qu'on ne vous induife en erreur par les preftiges d'une vaine philofophie, ou d'une fauffe politique. Gardiens de la foi & de la morale, les Miniftres des autels méritent, fans doute, votre vénération. Afsurés, d'ailleurs, du zèle pur & défintéreffé qui les anime, en donnant toute votre attention à la réforme des abus qui les font gémir, vous refpecterez les pieufes intentions de vos pères. Leurs ombres, invifibles témoins de vos débats de vos délibérations, treffailliront ou frémiront, fuivant le parti que vous allez prendre. Puiffent les générations futures n'avoir qu'à exalter vos noms, vos vertus & vos travaux. J'entre en matière.

Votre Comité des Dîmes vous a préfenté, Meffieurs, un Projet de Décret, relatif à l'administration des biens. eccléfiaftiques, à l'entière abolition des dîmes, aux frais du culte, à l'entretien des Miniftres des autels, au foulagement des pauvres, & aux penfions des Eccléfiaftiques, tant Séculiers que Réguliers, de l'un & de l'autre fexe. C'est pour entrer dans les vues de votre Comité, que je viens foumettre à vos lumières, Meffieurs, quelques réflexions relatives à la queftion fur laquelle vous avez à prononcer, & dont le réfultat, en juftifiant la fagaffe de vos Décrets, prouvera à tout l'univers. que les Légiflateurs François favent allier, aux intérêts politiques de la Nation, les droits facrés de notre augufte Religion & fermera à jamais la bouche des téméraires & injuftes cenfeurs de la droiture de vos vues, & de la pureté de vos intentions.

Pour parvenir plus efficacement au but que je me propofe dans le développement des réflexions que je viens

[ocr errors]

d'énoncer, il eft important, Meffieurs, il eft indifpenfable, 1. de fixer avec fageffe les bornes du Pouvoir fpirituel & celles du Pouvoir temporel; 2°. d'examiner fans partialité, la nature, l'origine, la deftination & l'adminiftration primitive des biens du Clergé; enfin de foulever un coin du voile qui déroboit à la vue d'un peuple outragé & écrafé, des abus cent & cent fois frappés des anathêmes les plus fulminans.

S. Ier

Il y a deux puiffances par lefquelles le monde eft fpécialement gouverné celle des Pontifes & celle des Rois de la terre. La foi, la morale, la difcipline intérieure, voilà le diftrict de l'Eglife. La profpérité temporelle, l'obfervation des loix, la confervation & le foutien du Corps politique, voilà le diftrict de l'Etat. L'Eglife, par fes inftructions, & plus efficacement par fes exemples, doit faire aimer l'Etat & fes Loix; intéreffer tous les fujets à fa profpérité, faire connoître le bonheur de la paix & le mérite de la fubordination, & montrer l'image de la divinité dans la perfonne de ceux en qui réfide la plénitude de la puiffance. L'Etat doit protéger la Société religieufe, la maintenir dans la jouiffance de fes droits naturels, & procurer l'exécution de fes loix. L'Eglife, comme fociété purement religieufe n'a, d'elle-même, ni pouvoir coercitif au-dehors, ni jurifdiction territoriale; & l'Etat n'a de fa nature ni influence fur les opinions, ni empire fur les confciences. L'autorité de l'Eglife eft purement fpirituelle; & c'eft aux Princes, en qualité de Magiftrats fuprêmes, de veiller fur la police extérieure de l'Eglife, d'admettre ou de rejeter les canons de difcipline, felon qu'ils leur paroiffent conformes ou contraires aux maximes reçues dans leur état & au bien de leurs fujets,

Que les Pasteurs fe renferment donc dans les fonctions

« PreviousContinue »