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On donnera aux Municipalités un intérêt local & oppofé, en décrétant que le quart, ou telle autre portion de ce que les ventes produiront par de-là le prix d'eftimation, leur fera remis pour leurs befoins particuliers. Ainfi, tandis que les Départemens & Diftricts chercheront à enfler l'eftimation, pour faire diminuer la mafle des contributions publiques, les Municipalités chercheront à la faire diminuer pour augmenter d'autant la part qui leur reviendra à la vente. Le jufte milieu fe trouvera néceffairement entre les deux extrêmes. De plus, les Municipalités auront un intérêt direct à la bonne administraion de ces biens en attendant la vente, parce que ce fera encore un moyen, & d'attirer les acquéreurs, & de faire monter le prix. Ainfi, l'intérêt des Municipalités fera que les biens foient eftimés fort peu, & vendus fort

cher.

Pour conftater parfaitement l'étendue des propriétés nationales, & affurer à jamais le gage des affignats, il eft abfolument nécellaire' de faire lever géométriquement le plan de la circonférence de chaque article, & d'en faire tirer quatre copies. L'une reftera dépofée au Bureau de la Municipalité, la feconde au directoire du Diftrict, la troifième à celui du Départemenr, & la quatrième à la caiffe de l'Extraordinaire. Sans doute ce travail ocçafionnera une certaine dépenfe, mais lui feul peut répondre de la confervation des biens nationaux; & quand on travaille pour la durée, on ne doit jamais regretter une dépenfe d'un moment. L'avance en fera faite par chaque Municipalité, & rembourfée fur la première rentrée des impôts que la caiffe de l'Extraordinaire remplacera par des affignats. On pourra régler cette dépenfe à une fomme fixe par arpent, les plus forts articles compenfant les foibles, en y ajoutant vingt-quatre livres par Municipalité, pour le tranfport de l'arpenteur.

Mais, quelque importante que foit cette opération, elle ne doit pas retarder la confection ni la remife des états

eftimatifs. Il fuffira de décréter, que les Communautés ne commenceront à jouir de la diminution des impôts, que du jour auquel elles auront fait remettre les copies des plans de tous les articles compris dans leur arrondiffement, à la caiffe de l'Extraordinaire.

Les Départemens feroient imprimer enfemble tous les états estimatifs de leurs Diftricts. Cette opération ne devroit pas être plus longue pour toute la France que pour le plus étendu des Diftricts. Et auffitôt qu'elle feroit terminée, l'Affemblée Nationale feroit imprimer & publier un extrait ou table des états eftimatifs des quatre-vingt-trois Départemens; cet extrait ne contiendroit: que chaque article & fon prix, en renvoyant à la page de l'état détaillé du Département.

En ordonnant ce travail, l'Affemblée auroit décrété en même temps, que, dans les deux mois, à compter du jour de la fanction, les créanciers publics rapporteroient leurs titres de créances à la caiffe de l'Extraordinaire, pour y être vérifiés & liquidés fous l'infpection de Commiffaires, membres de l'Affemblée, & nommés par elle. Il eft inutile de s'étendre fur les formes de cette liquidation; il fuffit d'obferver que fa durée dépendra uniquement du nombre de Commis qu'on y emploiera, & qu'elle peut être achevée en moins de temps qu'il n'en faudra pour faire l'état eftimatif des biens, fi l'on force les créanciers à s'approcher, en déclarant déchus tous ceux qui n'auront pas remis leurs titres dans les deux mois après les publications néceffaires, à moins qu'il ne juftifiaffent de leur abfence hors du Royaume.

Comme il faudra fabriquer un très-grand nombre d'affignats, car je propofe, pour ôter tout attrait à la fraude, & faciliter la circulation, de les faire feulement de 25, 50 & 100 liv., il eft indifpenfable de commencer à les faire, en même temps qu'on travaillera à l'eftimation des biens, & à la liquidation de la dette.

Il n'eft pas impoffible de rendre la fraude prefque

phyfiquement impraticable, en offrant des prix confidérables aux artistes, tant nationaux qu'étrangers, qui préfenteroient les plus fûrs moyens d'y obvier, & en multipliant un peu les fignatures de la caiffe de l'Extraordinaire.

Il ne feroit fabrique d'affignats que pour la fomme précife, à laquelle s'éleveroit l'eftimation des biens fi elle n'égale pas celle de toutes les dettes publiques; & feulement pour la fomme des dettes, fi l'eftimation des biens les égale ou les furpaffe, en forte qu'il n'y eût pas un feul affignat dont la valeur correspondante en biens-fonds, n'existat bien connue dans un point quelconque du Royaume.

Je propoferai qu'avant de déterminer la maffe des biens nationaux, deftinée à fervir de contre-valeur aux affignats, on commençât par diftraire une portion destinée au foulagement des pauvres dans chaque Département ou District; & cette portion feroit adminiftrée à part, pour être employée, foit en revenu, foit en capital, fuivant les règles qui feroient prefcrites par l'Assemblée Nationale.

Ce feroit donc à l'inftant où la dernière de ces trois opérations feroit terminée, que l'Affemblée décréteroit qu'il ne feroit plus fait de fonds pour les rentes correfpondantes au capital qu'elle feroit en état de faire rembourfer, & que l'on commenceroit à délivrer les affignats aux parties prenantes.

Les fonds néceffaires aux honoraires & retraites de tout le Clergé, feroient formés par la fuppreffion de cent & quelques millions de rentes viagères, lefquels n'auroient coûté à la Nation qu'un milliard en affignats: c'eft à-peu-près la valeur des fonds qui ne produifent rien aujourd'hui, c'eft-à-dire, des maifons d'habitation fupprimées dans les villes. La Nation profiteroit donc fur-lechamp, fans aucun remplacement, de tous les autres biens portant revenus, & elle jouiroit, à fon feul profit, des revenus de tous ces biens, jufqu'à ce que les porteurs

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d'affignats euffent jugé à propos de les acquérir: or, c'eft ce qui n'auroit pas lieu de long-temps, au moins pour la majeure partie, comme il eft aifé de s'en convaincre. Au point où font defféchés tous les canaux de la circulation, par le refferrement du numéraire, il eft clair que la totalité, ou la majeure partie des affignats, faifant abfolument fonction de monnoie, feroit abforbée par les befoins & autres emplois utiles, & ne reviendroit entre les mains de ceux qui voudroient les convertir en biensfonds, qu'après avoir parcouru & vivifié comme une sève bienfaifante, toutes les différentes ramifications de l'agriculture, des manufactures & du commerce, & qu'elle n'en fortiroit pour devenir moyen d'achat de fonds, que quand les acquifitions foncières feroient évidemment le meilleur emploi qu'on en pût faire. Or, on peut croire que nous n'en ferions pas de fi tôt à ce nec plus ultrà de la prof périté.

Ainfi la Nation auroit bien payé toutes fes dettes, en valeurs préférables à l'argent comptant; & cependant elle jouiroit encore long-temps du revenu des biens deftinés à réaliser ces valeurs.

C'est ici que fe retrouve en entier le double avantage de ne point attacher d'intérêt aux affignats. Premièrement, l'économie d'une dépense non moins confidérable qu'inutile, ou plutôt nuifible. Secondement, la rapidité de la circulation, objet peut-être plus effentiel encore que le paiement de la dette publique.

En effet, comme nous l'avons établi en principe, plus haut, l'argent ne circule que parce que dans le cours ordinaire des chofes, il ne rapporte rien tant qu'on le garde, & qu'il faut ne l'avoir plus pour en jouir. Ce feroit donc fuivre une marche abfolument contraire à fon but, que d'attribuer des intérêts à des valeurs deftinées fpécialement & pour l'intérêt direct du Corps, & des individus de la Nation, à parcourir la circulation

le plus rapidement, & à l'animer le plus long-temps pof

fible.

Si l'argent reite aujourd'hui refferré par l'effet de la crainte, de l'efpérance, de la cupidité ou de la méchanceté, parce qu'il porte avec lui fa valeur intrinfèque, quoiqu'il ne produife rien étant gardé, tous ces motifs détermineroient bien plus évidemment à refferrer des affignats, qui outre une valeur relative, égale & même fupérieure à celle de l'argent, comme nous allons le démontrer, auroient encore l'avantage de rapporter un intérêt quelconque à leurs poffeffeurs.

On ne doit pas craindre que cette maffe énorme d'affignats occafionnât un renchériffement extraordinaire dans les denrées; tout ce qui ne pourroit pas entrer utilement dans la circulation, viendroit à chaque inftant s'anéantir par les achats de biens nationaux.

On ne doit pas craindre non plus que leur circulation fit difparoître ou refferrer davantage le numéraire monnoyé. En effet, quand deux valeurs font en même temps dans la circulation, la plus précieufe des deux force l'autre à fe montrer, parce qu'on fe défait toujours par préférence de la valeur à laquelle on attache le moins de prix. Or, il est évident qu'on préféreroit les affignats à l'argent; d'abord à caufe des avantages ordinaires d'un papier folide fur la monnoie, & encore à caufe des avantages particuliers que les affignats auroient fur tous les autres fignes d'échange, avantages que nous allons établir & démontrer.

L'opération n'auroit plus aucune bafe certaine, s'il pouvoit arriver que les affignats ne fuffent pas anéantis à mefure qu'ils feroient réalifés par l'acquisition des fonds affectés à leur fûreté.

1o. La deftruction des affignats feroit le feul moyen d'empêcher que leur furabondance pût jamais être nuifible a commerce, en élevant le prix des denrées au-deffus de fon taux naturel, taux qui doit toujours être, pɔur

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