Page images
PDF
EPUB

on peut à volonté échanger ces fignes', préférablement aux monnoies d'or & d'argent.

Il eft poffible, il eft quelquefois utile de fubftituer de ces fignes à l'argent même. L'Angleterre en eft un exemple: quoique le crédit de fa banque ne repofe que fur un fecret, & que ce fecret foit en définitif rien, ce crédit prouve feulement que l'ordre & la fageffe valent Louvent autant & quelquefois plus qu'une richelle réelle.

Ces fignes peuvent étre préférés à l'or & à l'argent quand ils font impoffibles à contrefaire, en même temps qu'ils ne font qu'indiquer une réalité quelconque contre laquelle on peut les échanger à chaque inflant; auffi l'argent de banque d'Amfterdam vaut-il couramment plus que la monnoie.

Mais l'argent de banque d'Amfterdam ne peut avoir cours que dans l'enceinte de la ville, parce que fa réalité eft entaffée toute entière dans les caves du feul Hôtel-de-ville d'Amfterdam.

Nous feroit-il donc impoffible d'établir en France des fignes de valeurs réelles, préférables aux billets de banque d'Angleterre, & même à l'argent de banque d'Amfterdam, en ce que leur circulation n'éprouveroit aucune difficulté dans tout le Royaume? Non, fans doute, cela n'eft pas impoffible. Pour le démontrer avec la dernière évidence, il fuffit de favoir fi la Nation pofsède des valeurs réelles, bien fûres, bien libres, bien franches, toujours croiffantes, à-peu-près également réparties fur tout fon territoire, & dont les porteurs de fignes repréfentatifs puiffent fe mettre fur-le-champ en poffeffion par de fimples actes de volonté.

Or, la Nation pofsède bien évidemment pour plufieurs milliards de valeurs de cette espèce dans les biens jadis affectés au Domaine & à l'entretien fort furabondant de fon clergé. Ces valeurs font bien franches & libres de toute hypothèque, dès que la Nation fe charge de pourvoir elle-même à la fplendeur du trône, aux ap

pointemens des Miniftres du culte, à la dette du clergé & aux dettes des eccléfiaftiques contractées avant la deftruction des Ordres, à l'entretien des temples & des presbytères, aux frais de l'inftruction publique & au soulagement des vrais pauvres. Donc la Nation peut dès-àpréfent & fans l'entremise d'aucun agent étranger, mettre en circulation effective une maffe de fignes égale à ces valeurs, ou à la portion de ces valeurs qu'elle croira devoir faire entrer dans le Commerce.

La Nation le peut j'ai établi plus haut que cette opération eft auffi indifpenfable que preffante; il ne s'agit donc que des moyens de l'effectuer. Ces moyons font auffi fimples que l'idée dont ils dérivent. Voici ceux que je propofe : ils fe réduifent à trois qui doivent fe correfpondre & s'employer en même temps.

2o. Connoître la véritable valeur des biens dont la Nation peut difpofer.

2o. Liquider la dette nationale.

30. Enfin créer une fomme d'affignats SANS INTÉRETS, égale fans plus à la valeur des biens que l'Af femblée Nationale jugera à propos de mettre dans le commerce; ceffer de faire fonds pour une fomme de rentes, égale à celle que produit le capital de cette valeur, & rembourfer ce capital en affignats, lefquels feront fonction de monnoie, en concurrence avec l'or & l'argent, & fans aucune différence que celles qui seront détaillées ci-après, & qui feront toutes à l'avantage des affignats.

Si la fomme des valeurs réelles ne fuffit pas pour payer toute la dette, il paroît indifpenfable d'obferver alors l'ordre qui fuit.

Payer d'abord toute la dette criarde ou exigible.

Enfuite le capital des tentes viagères, parce que c'eft au fecours du moment actuel qu'il importe le plus de venir, & parce que la fomme de ces rentes étant fpécialement destinée à fonder les honoraires & retraites du

clergé, fe trouvera employée pour la majeure partie en dépenfes de même nature.

Puis les finances de toutes les charges, maîtrifes, priviléges & autres aliénations de droits communs à tous les Citoyens, les cautionnemens, fonds de finances, &c.

Puis les capitaux des rentes foncières, fuivant la nature des intérêts qu'elles produifent. Puis enfin les capitaux des emprunts négociés directement avec l'étranger, s'il veut accepter nos affignats.

Pour connoître la jufte valeur des fonds fur lefquels doivent porter les affignats, & mettre l'acquifition de ces fonds à portée des fortunes les plus médiocres, il paroît néceffaire d'ordonner que dans tous les Départemens il foit procédé fans délai, auffitôt après la formation des Districts, à l'état détaillé des biens nationaux renfermés dans leur arrondiffement, & à l'eftimation contradictoire de ces biens.

Ces états devroient être faits de manière que chaque héritage ifolé, quelque peu étendu qu'il fût, formât un article à part.

Les feuls héritages contigus, ou feulement féparés par des hayes, chemins vicinaux, & foffés creufés de main d'homme, feroient compris dans un même article.

Mais il eft indifpenfable d'ordonner que quand les héritages contigus formeront des objets trop confidérables, ils foient divifés en articles de dix mille livres & au-deffous.

Pour parvenir à l'eftimation contradictoire de chaque article, la feule qui puiffe jamais défigner la valeur réelle, il fuffit d'oppofer l'intérêt particulier de chaque Municipalité à l'intérêt général du Département ou du District.

Les Départemens & Districts auront intérêt à faire porter les eftimations au plus haut prix, parce que la fomme des contributions de toute la France diminuera en raifon des rentes que l'on éteindra avec la valeur des biens

nationaux.

On donnera aux Municipalités un intérêt local & oppofé, en décrétant que le quart, ou telle autre portion de ce que les ventes produiront par de-là le prix d'eftimation, leur fera remis pour leurs befoins particuliers. Ainfi tandis que les Départemens & Districts chercheront à enfler l'eftimation, pour faire diminuer la mafle des contributions publiques, les Municipalités chercheront à la faire diminuer pour augmenter d'autant la part qui leur reviendra à la vente. Le jufte milieu fe trouvera néceffairement entre les deux extrêmes. De plus, les Municipalités auront un intérêt direct à la bonne adminiftraion de ces biens en attendant la vente, parce que ce fera encore un moyen, & d'attirer les acquéreurs, & de faire monter le prix. Ainfi, l'intérêt des Municipalités fera que les biens foient eftimés fort peu, & vendus fort

cher.

Pour conftater parfaitement l'étendue des propriétés nationales, & affurer à jamais le gage des affignats, il eft abfolument néceflaire' de faire lever géométriquement le plan de la circonférence de chaque article, & d'en faire tirer quatre copies. L'une reftera dépofée au Bureau de la Municipalité, la feconde au directoire du District, la troifième à celui du Départemenr, & la quatrième à la caiffe de l'Extraordinaire. Sans doute ce travail ocçafionnera une certaine dépenfe, mais lui feul peut répondre de la confervation des biens nationaux; & quand on travaille pour la durée, on ne doit jamais regretter une dépenfe d'un moment. L'avance en fera faite par chaque Municipalité, & rembourfée fur la première rentrée des impôts que la caiffe de l'Extraordinaire remplacera par des affignats. On pourra régler cette dépenfe à une fomme fixe par arpent, les plus forts articles compenfant les foibles, en y ajoutant vingt-quatre livres par Municipalité, pour le tranfport de l'arpenteur.

Mais, quelque importante que foit cette opération, elle ne doit pas retarder la confection ni ia remife des états

eftimatifs. Il fuffira de décréter, que les Communautés ne commenceront à jouir de la diminution des impôts, que du jour auquel elles auront fait remettre les copies des plans de tous les articles compris dans leur arrondiffement, à la caiffe de l'Extraordinaire.

Les Départemens feroient imprimer ensemble tous les états estimatifs de leurs Diftricts. Cette opération ne devroit pas être plus longue pour toute la France que pour le plus étendu des Diftricts. Et auffitôt qu'elle feroit terminée, l'Affemblée Nationale feroit imprimer & publier un extrait ou table des états estimatifs des quatre-vingt-trois Départemens; cet extrait ne contiendroit que chaque article & fon prix, en renvoyant à la page de l'état détaillé du Département.

que

En ordonnant ce travail, l'Affemblée auroit décrété en même temps, que, dans les deux mois, à compter du jour de la fanction, les créanciers publics rapporteroient leurs titres de créances à la caiffe de l'Extraordinaire, pour y être vérifiés & liquidés fous l'infpection de Commiffaires, membres de l'Affemblée, & nommés par elle. Il eft inutile de s'étendre fur les formes de cette liquidation; il fuffit d'obferver fa durée dépendra uniquement du nombre de Commis qu'on y emploiera, & qu'elle peut être achevée en moins de temps qu'il n'en faudra pour faire l'état eftimatif des biens, fi l'on force les créanciers à s'approcher, en déclarant déchus tous ceux qui n'auront pas remis leurs titres dans les deux mois après les publications néceffaires, à moins qu'il ne juftifiaffent de leur abfence hors du Royaume.

#

Comme il faudra fabriquer un très-grand nombre d'affignats, car je propofe, pour ôter tout attrait à la fraude, & faciliter la circulation, de les faire feulement de 25, 50 & 100 liv., il eft indifpenfable de commencer à les faire, en même temps qu'on travaillerá à l'eftimation des biens, & à la liquidation de la dette. Il n'eft pas impoffible de rendre la fraude prefque

« PreviousContinue »