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cord à cet égard avec le Premier Miniftre des Finances, dont l'expérience eft auffi précieuse qu'utile aux Représentans d'une Nation qui aime à lui conferver fa confiance.

Quant à la mesure de l'intérêt annuel, plus de difficultés le font présentées à l'examen attentif qu'a fait votre Comité des obfervations, & des Adreffes même, ou répandues dans fon fein, ou publiées par la voie de l'impreffion.

Il feroit trop long de vous rapporter en détail la diverfité des opinions à cet égard; elles fe réduisent à deux, celle qui infiste pour un modique intérêt, & celle qui en propofe un plus confidérable.

Sans doute, Meffieurs, s'il ne s'agiffoit que de délivrer des Affignats en paiement à vos créanciers, fans leur imprimer le fceau du numéraire national, il feroit jufte de leur accorder un très grand intérêt; car vos créanciers, comme nous l'avons déjà obfervé, obligés de s'en fervir pour fe liquider de gré à gré avec les leurs, feroient sans cela une perte qui deviendroit une cruelle injuftice. Avec ce gros intérêt même, l'Affignat qui n'auroit pas l'avantage de la circulation, pourroit, malgré fa valeur intrinsèque, fe négocier de plus en plus à perte, par la concurrence des vendeurs preffès d'acquitter leurs engagemens tous à-la-fois : de-là une nouvelle fource d'agiotage, & même une route ouverte à la malveillance. Il feroit impoffible de vous offrir la mefure certaine de l'intérêt à donner à un pareil Affignat: vous lui attribueriez huit & dix pour

cent, peut-être fans fuccès, puifque d'autres effets fur la place fe négocient & s'achètent à une perte plus grande; & en vérité, de pareils calculs font indignes de vous. Mais du moment où les Affignats deviennent un papier circulant dans tout le Royaume, il eft inutile que l'intérêt foit auffi fort. 1 feroit même dangereux qu'il fût trop confidérable. La prudence nous confeille, à raifon des circonstances préfentes, de ne nous livrer à aucun excès, en plus comme en moins.

La raifon la plus apparente que donnent les partifans d'un intérêt plus fort, eft d'indiquer ce moyen comme produifant le double avantage d'affurer dans ce moment le fuccès d'une opération fur laquelle repofe le fort de l'Etat, en déterminant à recevoir avidement les Affignats, & de diminuer promptement la maffe des billets en circulation, par le defir de les conferver. Nous rendons hommage à ces deux confidérations, & nous ne les perdons point de vue dans l'avis auquel nous nous fommes fixés.

Ceux qui demandent, au contraire, que l'intérêt foit très-modique, craignent qu'en en forçant la proportion, on ne nuife à la négociation des effets de commerce, & même aux placemens relatifs aux entreprifes de l'Agriculture & des Arts. On nous a représenté de toutes parts que l'efcompte montera en proportion de l'intérêt accordé au billet circulant, & que cet accroiffement, qui fera d'un & demi ou deux pour cent, peut être nuifible aux opérations actives du commerce. Nous ne devons point diffimuler que ceft-là

l'opinion de beaucoup de perfonnes recommandables par leur expérience dans les affaires de la banque & du commerce, confidéré dans fes rapports avec les changes.

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Il est difficile de faire difparoître tout-à-fait cette objection qui résulte de l'élévation plus que probable de l'efcompte. Il paroit, de plus, incontestable que les Affignats prennent faveur, comme votre Comité ne peut en douter, le porteur de l'Affignat, qui confentira à l'échanger contre l'effet d'un, particulier, pourra bien y mettre quelque condition à fon avantage, qui augmenteroit certainement le prix de cet échange. 11 eft vrai que cette crainte même fait préfager le fuccès des Affignats relativement au tréfor public; & cette observation n'eft point indifférente: il n'en eft pas cependant moins jufte de prendre des précautions pour ne point expofer les commerçans à des pertes trop grandes, en introduifant un numéraire dont le cours fût nuifible à celui des lettres-de-change.

Mais il nous paroît auffi démontré que le commerce, tant maritime qu'intérieur, a moins de crainte à cet égard que la banque : ce font les droits de commiffion qui produifent en partie l'élévation de l'efcompte: il n'en eft pas de même vis-à-vis du commerce, & fur tout vis-à-vis des manufactures. Dans bien des Villes, l'argent fe prête directement aux commerçans, à cinq pour cent; & pourvu que l'intérêt de l'Affignat foit un peu inférieur, on nous affure que le commerce n'a rien à craindre, & que s'il étoit réduit à quelques

facrifices, l'augmentation du numéraire, en encourageant les travaux, lui offrira des bénéfices équiva

lens.

Nous ne devons pas d'ailleurs perdre de vue les différentes destinations de l'Affignat ayant cours. L'une eft de ramener le numéraire d'argent dans la circulation, par l'avantage qu'il aura fur les efpèces ftagnantes & non productives; & de l'élévation de l'escompte même, naîtra dans l'efprit des poffeffeurs de l'argent, le defir de placer en Affignats, pour profiter à leur tour du bénéfice de cette élévation : mais il ne faut pas oublier, non plus, que les Affignats devant fuppléer pendant quelque temps aux efpèces qui nous fuient, il feroit dangereux de trop diminuer la rapidité de leur circulation par un intérêt trop fort.

C'est dans cette combinaifon difficile des deux contraires que confifte le fuccès du nouveau numé

raire.

L'opinion des Députés extraordinaires du Commerce, qui ont affifté plufieurs fois à votre Comité des Finances, a fur-tout influé fur notre détermination: nous avons leur avis par écrit, & ils infiftent pour que l'intérêt des Affignats ne foit pas au-deffous de quatre & demi pour cent. Il paroît que cette propofition rapproche les deux extrêmes; que fi elle produit l'effet de faire féjourner les Affignats dans les porte-feuilles, il en résultera néceffairement que l'argent reparoîtra, parce qu'il n'y aura pas d'autre numéraire qui le fupplée; qu'elle fera regarder

l'Affignat comme affez productif pour engager fon détenteur à le garder, & le poffeffeur de l'argent à defirer fon échange contre l'Affignat, mais pas affez cependant pour nuire à fa circulation.

C'et de ce contre-poids que dépend le fuccès d'une opération neuve à beaucoup d'égards; c'eft fur elle que votre Comité médite depuis long-temps. Il a jeté fes regards dans l'avenir, il les a ramenés fur le moment préfent; il ne s'eft point diffimulé combien de canaux de dérivation fe multiplieront autour du nouveau fleuve dont les eaux font destinées à vivifier le Corps politique. Le Premier Ministre des Finances ofe à peine tenir le gouvernail dans cette route nouvelle.

Votre Comiré vous propofe donc, Meffieurs, de donner quatre & demi pour cent d'intérêt aux nouveaux Affignats. Ce taux intermédiaire fe place affez heureusement entre les deux opinions oppofces, & il nous offre de plus deux avantages, qui, quoique fecondaires, ne font point du tout indifférens pour le fuccès de l'opération.

Le premier eft de donner une fraction très-nette pour l'intérêt par jour, & l'autre de rendre infiniment facile l'échange des billets de la Caiffe d'Efcompte contre les Affignats.

Avant d'entrer dans quelques détails à cet égard, votre Comité fe plaît à rappeler qu'il ne s'agit point ici de calculer les conditions d'un emprunt; il s'agit de balancer des forces contraires, & de trouver le modérateur le plus sûr. Il feroit auffi imprudent

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