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peuples pourront appréhender qu'après avoir avoir racheté, on ne les impofe de nouveau; ils peuvent avoir de l'inquiétude fur le fort de leur argent qui ne fera compté que par petites fommes, avec lefquelles on ne pourra jamais opérer en grand. Leurs craintes de payer de nouveaux impôts après avoir racheté, s'accroîtront d'autant plus, qu'ils trouveront dans vos décrets des motifs d'appréhenfion.

Toute la France connoît les débats qui précèdent vos réfolutions; perfonne n'ignore ce qui s'eft paffé au mois d'août au fujet de la dîme. Dans la nuit du il fut d'abord mis en projet que la dîme feroit convertie en rente pécuniaire, qui feroit rachetable: trois jours, de difcuffion ont été employés à compléter le décret fur ce point; & vous avez fini, Meffieurs, par arrêter que la dîme étoit abolie, mais qu'elle continueroit d'être perçue jufqu'à ce qu'il eût été pourvu d'une autre manière aux frais du culte, à l'entretien des miniftres des autels, & au foulagement des pauvres.

Depuis cela, fi revenant fur vos pas, vous vous déterterminez à décréter le rachat de la dîme, penfez-vous que les peuples ayent une grande confiance dans vos décrets? & peut-on douter que s'ils ceffoient d'en avoir, il n'en réfultât les plus grands inconvéniens. On dit, il eft vrai, pour fauver la contradiction, que fi la dîme a été abolie, ce n'a été que pour l'enlever au clergé mais que l'efprit du décret a été de la conferver au profit de la Nation. Gardons-nous bien, Meffieurs d'adopter ce Sophisme. Ce n'est pas ainfi que les Repréfentans d'un peuple libre & éclairé peuvent jouer fur les mots. Ils peuvent commettre des erreurs, ils font hommes; mais ils doivent être francs, & fe conduire avec cette loyauté fous la fauve-garde de laquelle vous avcz mis la dette nationale.

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Enfin, on objecte que l'on fait bien racheter les dîmes inféodées dues aux laïques, & que l'on ne voit pas pourquoi on ne feroit ne feroit pas racheter l'autre dîme. Il eft plufieurs fyftèmes fur l'origine des premières; quand

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on embrafferoit celui qui les affimile à l'autre dîme, il faut confidérer que plufieurs fois on a vendu des biens eccléfiaftiques, qu'on a aliéné des dîmes à prix d'argent, qu'on en a échangées contre des domaines. Quand il y en auroit eu de données à la nobleffe, elles font devenues des propriétés particulières qui ont été mifes dans le commerce, fans qu'il en foit réfukté de fervitude perfonnelle; dès-là, c'eût été une injuftice d'en dépouiller les propriétaires: on a cru devoir en décréter le rachat; mais en plaçant les frais du culte dans la ligne des dépenfes publiques, & en y fatisfaifant, au moyen des contributions publiques, les redevables de la dime inféodée ne peuvent en payer leur quote-part qu'autant 'on les affranchira de cette charge comme les autres décimables d'après cela le rachat ne veut dire autre chofe que l'indemnité des propriétaires dont la Nation doit être chargée.

Le plan de votre Comité remplit toutes ces vues, il fupprime les dîmes en général, il pourvoit aux frais du culte, il indemnife les propriétaires de celles inféodées, il fatisfait à tout, & il dégage de toutes charges des biens immenfes mis à la difpofition de la Nation. Il faut donc le préférer à celui du rachat.

Il reste à examiner un troifième plan dans lequel, en repouffant le rachat, on combat l'idée de contribution générale, pour fubftituer une charge locale proportionnée aux befoins de chaque Canton : que chacun, dit-on, paye fon curé chez foi, & ne demande rien ailleurs.

Ce fyftême paroît jufte diftributivement; mais il eft très-aggravaut pour le particulier & très-contraire au bien général. Toutes les paroiffes ne font pas également riches, & cependant toutes ont les mêmes befoins; il en est qui feroient très-foulées de payer 2,000 livres pour un curé & un vicaire, tandis que pour d'autres cela feroit peu. Voilà le mal particulier. Le bien général feroit manqué, en ce qu'on dérogeroit à ce grand principe qui

veut que chacun contribue aux charges publiques, fuivant fes facultés. Or, le culte eft une chofe publique, les miniftres des autels font employés à un fervice public, il faut donc que chacun contribue aux frais de ce fervice, non pas felon fes biens, car le pauvre qui n'a rien, a autant befoin des fecours fpirituels que le riche, mais chacun felon fes facultés. Pour arrivet à ce but, il n'y a qu'un moyen ; c'eft d'ajouter dans la maffe des contributions publiques ce qu'il faut pour le culte, & que du tout chacun fupporte la quotte-part que les facultés lui permettront de payer.

On objecte qu'on préviendra l'inégalité, en imposant les Diftricts ou les Départemens, au lieu des Paroiffes. Voilà précisément ce qui appuie le plan du Comité. En répartiffant fur tout le Royaume, l'égalité fera encore plus parfaite. Et remarquez bien, Meffieurs, que vous trouverez dans l'exécution de ce plan, un lien indiffoluble, pour conferver entre toutes les parties_du Royaume cette union que la divifion territoriale par Départemens femble diminuer ou affoiblir. Les Affemblées Nationales fans doute font bien faites pour ramener à l'unité; mais il faut y joindre l'unité de contribution, pour toutes les dépenfes. C'eft par ce nœud feul que vous tiendrez à jamais liées entr'elles toutes les parties de ce grand Empire.

Mais, Meffieurs, finiffons fur ce point; cependant ne terminons qu'en vous faifant remarquer que votre Comité ne dit point que les frais du culte feront répartis uniquement fur les terres, ni dans quelle proportion ils le feront fur les terres et d'une autre manière. Vous fuivrez fur ce point ce que votre fageffe vous.dictera, d'aprés le travail du Comité des impofitions. Quant à votre Comité des dîmes, il est persuadé qu'il faut adopter le plan qu'il a l'honneur de vous propofer comme jufte, comme conftitutionnel, et comme très avanta geux aux Peuples; mais cela ne fuffit pas : on doit auffi, même dès cette année, convertir le traitement des Ec

clefiaftiques en argent, le réduire, et retirer de leurs mains l'adminiftration des biens qu'ils poffédent.

La Nation eft forcée de prendre ces mefures par les circonftances & par les principes de la Conftitution. Une dette immenfe nous accable; nous avons promis de la payer, nous avons des biens pour y parvenir; vous avez devé la plus grande difficulté par votre Décret du 2 Novembre, en les déclarant à la difpofition de la Nation. Qu'attendons-nous pour remplir nos engagemens ?

Ce n'eft pas qu'il faille les vendre en ce moment;

il

auroit de l'imprudence: mais en attendant qu'on puiffe choifir les inftans favorables, il faut qu'ils foient immédiatement fous la main de la Nation. Vous avez ordonné qu'il feroit aliéné pour 400 millions, tant des biens du Clergé que de ceux du domaine de la Couronne. Cela ne fuffit pas pour les befoins du moment; & tant que vous ne vous mettrez pas en mesure d'effectuer vos Décrets, vous ne rétablirez pas le crédit. Si vous voulez Meffieurs, ramener la confiance, montrez aux créanciers des gages furs. Montrez-leur les biens du Clergé; & en attendant que l'on puiffe difpofer des capitaux, employez fes revenus à l'acquittement d'une partie des intérêts que vous devez. Mais pour arriver là, ne laissez plus les eccléfiaftiques adminiftrer; faites régir par les hommes de la Nation, par les adminiftrateurs des Départemens & des Districts, que les peuples auront librement élus.

A cette confidération générale, il s'en joint une particulière. On a promis des penfions aux Religieux, on en doit accorder aux Religieufes; comment les payera-t-on fi on ne s'empare de l'administration des biens qu'ils poffèdent?

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Il y a d'ailleurs une forte de partage à faire. Les dimes abolies, des bénéfices, des Corps des Maifons entières vont fe trouver fans revenu, pour ainfi dire. Faudra-t-il prendre à ceux qui ont des terres pour en donner à ceux qui n'en ont pas ? Ou bien bien chargera-t-on ceux qui en conferveront de payer une fomme

à ceux qui n'en ont jamais eu & qui n'auront plus de. diines Voyez, Meffieurs, l'embarras où l'on fe jeteroit en fuivant cette idée. Les circonftances forcent donc à

prendre l'administration des biens, & à payer en argent le traitement de chacun des Eccléfiaftiques.

C'est en vain qu'on déclamera contre les régies publiques; que l'on vantera la vigilence d'un bénéficier ou d'un ufufruitier, & qu'on déprifera celle d'un fermier. Il ne s'agira pas de régir; tout fera affermé, & en n'exigeant aucun pot de vin, en furveillant les fermiers, on aura d'auffi bon prix, les biens feront tenus en auffi bon état que par des bénéficiers ou des ufufruitiers; d'ailleurs il ne faut pas comparer les Corps adminiftratifs, élus par le peuple, qui régiront au grand jour & qui feront refponfables de leur geftion, à ces favoris à qui l'on donnoit une régie pour les enrichir, eux & leurs protecteurs, qui géroient dans l'ombre, qui faifoient un mystère de leurs opérations. Le tems de ces abus eft heureusement paffé.

Mais tous ces inconvéniens fuffent-ils à craindre, il faudroit toujours marcher. Il eft impolitique, inconftitutionnel que les corporations ayent des propriétés, fur-tout que les grands Corps ayent de grandes propriétés. Rien de plus refpectable, point de meilleur citoyen, qu'un véritable Eveque, un bon Curé, un Eccléfiaftique exact, un fage Religieux; pris individuellement, chacun mérite la vénération des Peuples, tous les égards, toutes les attentions; dans la Société, on ne fauroit trop payer en hommages, en confidérations les fervices qu'ils rendent. Mais fi on lie ce grand corps avec des propriétés, le patriotisme s'altère l'efprit de corps prend la place; c'est dans l'Etat un autre

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Etat.

Confultez l'Hiftoire, fondez le cœur humain. L'efprit de domination, qui pénètre fi bien dans les hommes femble s'enraciner davantage à mefure qu'ils fe forment en corps. La corporation établie, elle imagine tous les

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