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nulle, & les avantages réfultans de l'opération feront tou-
jours certains. Ils le feront d'autant plus, qu'il faut bien
faire attention que lorfqu'on a porté à 130,000,000 liv.
les frais du culte, & qu'on n'a réduit qu'à 3,000,000 liv.
le premier bénéfice, on n'a pas entendu par là dire qu'il
falloit impofer 130,000,000 liv. à la place de la dîme,
ou augmenter les contributions de 130,000,000 liv. Votre
formidable Comité des penfions vient de vous trouver
près de 15,000,000 liv. fur les dépenfes du livre-rouge;
il vous en ménagera au moins autant fur les penfions.
Votre Comité des Finances n'a pas achevé les réductions
fur les dépenfes générales; en forte que raifonnablement
on peut dire que l'accroiffement des contributions publi-
ques n'ira
n'ira pas à 100,000,000 liv., & cependant on fera
déchargé des dîmes qui coûtent 133,000,000 liv., & on
aura acquis un revenu de 48,000,000 liv. ; on fera dif-
penfé de rien impofer pour former un fonds d'amortif-
fement. Les avantages qui réfultent du plan de votre Co-
mité font donc affurés; mais ce n'eft pas tout, il faut
démontrer qu'ils font juftes & conftitutionnels.

Il eft en effet jufte & conftitutionnel que chaque Citoyen qui profite des dépenfes publiques y contribue fuivant fes facultés; il n'y a que le pauvre qui ait droit d'en être exempt. Il est au contraire injufte & inconstitutionnel qu'une claffe de Citoyens paye feule une partie des dépenfes publiques dont tous profitent. Le culte eft un fervice public, c'eft un devoir de tous; il eft pour l'édification & la confolation de tous, & tous font cenfés en ufer, parce que les Temples font ouverts à tous: l'EtreSuprême y eft invoqué pour tous; les Miniftres des autels compofent la milice fpirituelle, qui, comme l'armée donne des fecours à tous. Eft-il quelqu'un qui fût écouté, s'il demandoit d'être exempt de payer fa quote-part des dépenfes de la guerre ? Il en eft ici de même, & tant que la dîme a fubfifté, un abus criant a dominé ; les propriétaires des terres, & encore de certaines terres feu

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lement, ont fupporté une énorme contribution que tous devoient partager. Il eft temps, Meffieurs, que cette injuftice ceffe. Vous avez détruit un grand nombre d'abus, peut-être moins majeurs: on vous reprocheroit d'avoir laiffé fubfifter celui-ci. Au furplus, Meffieurs, voyons fi pour vous en détourner, on vous propofe un meilleur plan.

Tous ceux que votre Comité connoît fe réduisent à trois principanx. Dans le premier, on perfuade qu'il n'eft befoin d'aucune contribution, parce que les biens du Clergé, distraction faite de la dîme, fuffifent, diton, pour fournir à tous les frais du culte. Le contraire eft évident, du moins dans l'Etat actuel des chofes. Il pourroit y avoir affez de revenu pour le traitement des Miniftres dans l'organifation future; mais quand nous ferions au pair en ce moment, il faudroit toujours faire l'opération propofée par votre Comité, notre état de détreffe nous y force: d'ailleurs, c'eft une chofe tres-impolitique, très-oppofée à une bonne Conftitution, que de laiffer de grandes propriétés à une corporation quelconque; la Nation ne doit pas même en retenir, elle doit toutes les mettre dans les mains des particuliers. Ce grand principe fera plus, développé dans un inftant.

Dans un fecond plan, on propofe de faire racheter la dîme par les redevables; celui-ci a des partifans, & leur raifonnement mérite bien d'être réfuté. Ils le font porter fur une feule base: favoir, que la dîme est une charge réelle; ils ajoutent qu'elle exifte depuis treize fiècles , que les propriétaires des terres ne les ont achetées qu'à cette charge, qu'ils n'ont jamais compté d'en être délivrés; que les en dégager, c'eft les enrichir aux dépens des autres Citoyens qui ne payoient pas de dîme. Tout cela les conduit à conclure que c'eft une juftice de les faire racheter par les décimables..

Attaquons ce fyftême dans fa base. Qu'est-ce qu'une charge réelle & foncière? qu'est-ce que la dîme proprement

dite?

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dite? Une charge réelle & foncière eft le réfultat d'un contrat par lequel l'un a donné fon fonds, à condition qu'on lui rendroit en nature, ou qu'on lui payeroit en argent, une partie de fon produit; ce double engagement eft indeftructible fans le concours des deux contractans, à moins que la prefeription ne vienne à le frapper de mort. Le preneur ne peut fe dégager de la charge qu'en abandonnant le fonds; les arrérages s'en accumulent, il faut un tit pour l'exiger.

La dîme a-t-elle tous ces caractères? Non, Meffieurs, non, & très-fermement non; on défie de montrer que la dîme, proprement dite, foit le produit d'une convention, d'un contrat quelconque. Il n'eft pas propofable de dire que le Clergé ait concédé toutes les terres far lefquelles la dîme fe perçoit : il n'y a cependant que ce principe qui ait pu produire un contrat; auffi la dîme ne s'arrérage jamais; auffi peut-on fe difpenfer de la payer; on n'a qu'à laiffer fon fonds fans culture, ou la convertir d'un fruit décimable en un fruit non-décimable. Il est vrai que la jurifprudence a réglé que, lorfque la converfion portera fur une certaine étendue, comme le tiers, ou la moitié de la Paroiffe, la converfion fera fans effet. Mais on peut encore fe jouer de cette jurifprudence en fe tenant en deçà des limites qu'elle preferit. L'abandonnement du fonds ne peut jamais avoir lieu au profit du décimateur, il ne faut pas à celui-ci un titre comme au bailleur de fonds. Si l'on produit des titres en fait de dîmes, c'eft pour en établir la quotité ou la qualité, comme pour prouver qu'elles font inféodées. Que faut-il pour exiger la dîme? montrer le clocher; il vous dit que là où il eft, il existe une Paroiffe, une Eglife, un culte public, & dès Miniftres. C'eft-là un fervice public la dîme, dans fa fubftance & dans fes accidens n'étant pas une charge foncière, & étant deftinée à acquitter un fervice public, elle eft néceffairement une contribution publique.

:

Rapport de M. Chaffet.

B

Or, on n'a jamais racheté une contribution publique; une Nation peut bien en fubftituer une à une autre; mais non exiger un capital à la place. Dire qu'il faut faire racheter les dîmes par les redevables, autant vaut dire que les taillables doivent fe racheter de la taille. En vain l'on répondra que la taille eft générale, & que la dîme ne l'eft pas; qu'elle ne fe perçoit que fur certains fruits, & que dès là c'eft une charge particulière. Si la chofe eft ainfi, c'eft par un double abus.

D'abord la dîme, dans le principe, n'étoit qu'une offrande volontaire; elle n'eft devenue obligée que fous Charlemagne, & alors, fuivant les Conciles, elle étoit due de tous les fruits quelconques, même fur l'industrie.

En fecond lieu, ç'a été une injuftice de dégager les uns & de laiffer les autres grevés de cette charge. Il eft vrai que le motif du dégagement a été louable, ç'a été pour empêcher le Clergé de trop s'enrichir dans cette idée, on a permis que certains fruits, fur lefquels on demeureroit un certain temps fans percevoir la dîme, en feroient exempts; mais avec cette envie de foulager une partie des peuples, on n'en a pas été moins injufte envers l'autre partie, en rejettant fur elle tout le poids de l'impôt, & il eft temps de réparer cette injuftice.

C'eft une bien foible raifon que de dire que c'eft mal-à-propos enrichir des gens qui n'y penfoient pas, en les dégageant d'une charge fous laquelle ils avoient acheté leurs terres. D'abord, s'imagine-t-on que ces mêmes terres ne payeront plus rien? eft-ce qu'elles ne fupporteront pas une portion des frais du culte ? dès-là tout ne fera pas bénéfice pour les propriétaires.

Et, Meffieurs, faut-il donc être jaloux du bénéfice qu'ils auront, lorfqu'en dernière analyfe on ne fera que leur rendre juftice. Qu'est-ce que l'on propofe? l'égalité de l'impôt. Et cn eft fâché de ce que cette égalité favorife ceux qui payoient tout ! Mais a-t-on bien réfléchi? Quand vous avez, Meffieurs, fupprimé fans indemnité

Vous

tant de droit abufifs, avez-vous été arrêtés par cette confi dération que vous faifiez le bien de ceux qui les devoient; l'avez-vous été feulement par les grandes pertes que d'autres éprouvoient? comment, Meffieurs n'avez pas balancé à détruire, lorfqu'il en pouvoit réfulter la ruine des uns, & vous héfiteriez à réformer, parce que d'autres peuvent gagner. Quels principes, quel fyftême on veut vous faire adopter !

Mais, dit-on encore, ceux qui ne payoient pas la dîme, vont être grevés d'une nouvelle charge par la répartition générale des contributions, dans lesquelles feront pris les frais du culte.

Eh bien, Meffieurs, ces gens-là étoient des privilégiés, ils cefferont de l'être, voilà tout le mal qui peut en réfulter. Voulez-vous en conserver dans ce genre? adoptez le rachat précisément vous aurez des perfonnes qui feules fupporteront les frais du culte, & d'autres ne payeront rien.

Ce n'eft pas tout, le rachat feroit rempli de difficultés long, ruineux, & d'une mefquine reffource. Les difficultés feroient fans nombre; il faudroit des experts, donner un état de chaque fond, de fon produit, vérifier le tout, & tout cela ne pourroit pas fe faire fans, frais, fans beaucoup de longueur.

D'un autre côté, il ne faut pas fe perfuader que tous les redevables rachètent dans la même année. Il y aura donc ici un fonds racheté, là un décimable, au milieu un troisième qui fera en litige; l'embarras fera inextricable, ou n'en fortira jamais, & puis doit-on efpérer que l'on rachetera beaucoup de dîmes? Il y aura en concurrence le rachat des droits féodaux, l'aliénation des immeubles du clergé & de la couronne, la vente de ceux de beaucoup de particuliers. Dès-là on ne doit attendre que peu d'empreffement à racheter les dîmes, & craindre que toutes les fpéculations faites fur ce ra

chat ne foient illufoires.

Une réflexion peut les rendre abfolument nulles. Les

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