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DE LA

RÉVOLUTION DE FRANCE,

PAR A. F. BERTRAND DE MOLEVILLE,
ANCIEN MINIstre d'état.

TROISIÈME PARTIE,

Comprenant les années 1793, 1794, 1795, 1796,
1797, 1798 et 1799, jusqu'à l'avènement du gou-
vernement consulaire. (18 Brumaire an vIII.
9 nov. 1799.)

.....

Quæque ipse miserrima vidi

Et quorum pars.

...

TOME DOUZIÈME.

A PARIS,

CHEZ GIGUET ET MICHAUD, IMPRIM.-LIBRAIRES,
RUE DES BONS-ENFANS, No. 6.

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HARVARD
UNIVERSITY
LIBRARY
MAY 25 1945

Coolidge Funk

HISTOIRE

DE

LA RÉVOLUTION.

LIVRE DEUXIÈME.

Annales de la République depuis l'avènement de la constitution des démagogues jusqu'à l'insurrection de thermidor.

CE période renferme un peu plus de treize mois,

puisqu'il commence le 23 juin 1793, et qu'il finit le 28 juillet 1794. C'est l'histoire de la longue tyrannie du décemvirat français, jusqu'à ce que la nation, épuisée par tant de sang qu'elle avoit laissé répandre, et lasse de son abjection, respirât un peu par la défaite de la montagne et le supplice de Robespierre: on ne rencontre dans aucune histoire de l'antiquité un système plus froidement raisonné pour la dégradation de l'espèce humaine : les Busiris, les Phalaris et les Néron étoient des philantropes en présence de nos despotes révolutionnaires. Ces scènes de destruc

tion sont pénibles à décrire. Vingt fois j'ai été tenté de jeter au loin une plume qui me sembloit trempée dans le sang, mais Tacite étoit devant moi; il m'a appris que l'histoire qui pouvoit être le plus utile aux hommes étoit celle qui exigeoit le plus de courage de la de la part de l'écrivain qui se dévouoit à la tracér.

D'ailleurs les annales de ces treize mois d'erreurs et de crimes ne sont pas toutes souillées de sang humain : il y a des momens où les accès de la fièvre démagogique s'appaisent, où les tyrans de la république prennent un grand caractère, où la grande conspiration contre les sujets semble s'expier par des victoires contre les étrangers: ces momens reposent l'imagination affaissée, et je m'y arrête avec plaisir pour adoucir les teintes trop sombres de mon tableau.

Ajoutons qu'à côté de l'orgueil des tyrans est la magnanimité des victimes: il n'y a aucun peuple chez qui, pendant treize mois de massacres, des proscrits aient déployé une magnanimité plus soutenue, un courage plus calme, une vertu plus pure : les oppresseurs grinçoient des dents en signant les listes de proscription, et les martyrs de la patrie sourioient avec dignité en marchant à l'échafaud.

Malheureusement la plupart de ces dévoûmens sublimes sont inconnus, parce que les révolutionnaires en étouffoient la célébrité; parce

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