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» Je m'aperçois que depuis quelques instans, l'op» pression qui me tourmentait faisait des progrès plus » prompts, plus rapides; ma voix n'a plus de passage, » la strangulation s'opère sous les efforts d'un lâche, et » des ministres d'occultes volontés se disputent entre >> eux l'honneur de mes dépouilles.

» C'est à vous, Jupiter, c'est à vous, maître suprême, >> de vouloir peser dans votre sagesse le crime des uns, » le repentir des autres! Quoi qu'il en soit, vous aurez » à juger... >>

Et Joraël reprend avec une éloquence remplie de dignité :

<< Ce ne serait pas de la clémence, mais une vérita»ble cruauté, d'épargner les bourreaux du dernier des » Condés. Jusqu'alors ils sont restés libres, impunis; » l'un d'eux est dans la tombe... Les autres sont jugés >> par leurs contemporains.

» Au milieu de ses plus horribles souffrances, l'ame » d'un héros était assiégée par les pensées les plus dou>>loureuses, tant il craignait de reconnaître les traits » du monstre qu'il ne voulait pas accuser ! Quelle main » frappe le duc de Bourbon ? le mystère a couvert ce for» fait... Il est des cœurs ingrats qui, ne l'ayant jamais » aimé, ont voulu l'en punir..... Ici, je m'arrête; ma >> bouche est muette, et respectera un généreux silence.

» Je me bornerai à dire que l'opinion générale est >> en faveur du moderne Marc-Antoine. L'horrible >> catastrophe qui a mis fin aux jours d'un vieux soldat » est un attentat régicide, et non un suicide! L'avenir >> réserve une sanglante épreuve à celui qui l'aurait

commandé... et, malgré la générosité de l'illustre > prince, on cric toujours vengeance!.....

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Et l'assassin? son nom ne peut être un mystère (1).

» Il est naturel de ne représenter aux yeux des mor> tels que ce qu'il leur est possible de comprendre; › d'ici là, ils doivent flotter dans une pénible incertitude. Ce n'est pas dans des momens de troubles po>litiques qu'on peut ouvertement fronder la dépendance des oracles de Thémis. Tout est paralysé; le › barreau français est au milieu d'un océan tout prêt › à l'engloutir!!! Ainsi donc, sur cette terre de lar>mes, vaut mieux écouter que parler. Le vrai sage n'offre que le centre de la pyramide, parce que lui› même ne veut voir et admirer que le centre; le secret est la science, et le cri se rapporte au premier » principe d'où tout descend, et où tout remonte.

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» Dans le sanctuaire de l'immensité, la faveur y est » inconnue, et ne saurait sacrifier dans un temple. Ici » la vérité préside aux délibérations de l'Olympe. Elle » dira le duc de Bourbon n'aurait-il pu rédiger un › dernier codicille? l'original d'un tel acte serait-il dé» posé entre des mains fidèles? oui! certes! cet origi» nal nous l'avons sous les yeux. D'innombrables dif>>ficultés ont empêché de le produire ; on a pu reculer au » moment décisif. Qu'on se figure le fracas que produit » un vieux chêne, qui, tranché dans sa racine, tombe » dans un vallon, et entraîne par sa chute les arbres du voisinage. Tel eût été le bruit produit par le choc des

(1) Hécube.

passions. Si l'existence d'une telle preuve eût été dé>> montrée, si un arrêt de la cour souveraine eût nommé » le coupable...

Mais s'il lui reste encore une ombre de vertu,
Par des remords cruels sans cesse combattu,
II voit qu'en trahissant son ame s'est trahie,
Et qu'il couvre ses jours de honte et d'infamie.

Soutenez-moi, grands dieux !

J'ai trompé ! j'ai trahi! ce prince vertueux !

Ce mot magique fut entendu au moment où Joraël ajoutait :

Dans tout ce que j'ai dit je reste inébranlable :
On devient criminel en sauvant un coupable.

Et le juge accusateur requiert un plus ample informé et dépose au pied du trône olympien des conclusions formelles, tandis que Silaël, génie du feu, balbutiait la défense.

Après avoir entendu l'innocence reconnue, la réplique de Joraël fut foudroyante! Cependant la cour céleste a remis, au 27 août 1834, pour prononcer souverainement : jusque-là, la lutte sera sanglante, mais le cri du désespoir pourra se faire entendre..... Ainsi parle Mercure au nom de Jupiter.

DES

DIEUX DE L'OLYMPE,

EN FAVEUR

DE Mme LA DUCHESSE DE BERRY ET DE SON FILS.

La gloire et l'honneur du Lombard,
Fille de Charlemagne et sœur du roi Bernard,
Vous demande un arrêt effroyable, mais juste.....
Et vous montre son deuil dans ce conseil auguste,
Où déjà l'assassin par ma voix est cité.
Juges des souverains, organes d'équité,
Les tems sont arrivés de venger l'innocence.
Toujours la tyrannie a détruit la puissance;
Le tyran sacrilége enfin sera puni ;

Le bras de Dieu l'accable et son règne est fini.

(Louis I, acte Ier, scène 11.)

Dieux! je tremble à mon tour! Vous parlez!.....

Rien ne cause plus d'embarras que de se trouver en présence des immortels, auxquels on ne peut en imposer par le sentiment respectueux qu'ils inspirent. Aussi les roses du plaisir et celles de l'ambition paraissaient étouffées dans une royale famille, par le froid glacial des convenances. De douloureux souvenirs s'emparaient tour-à-tour de celui dont les moindres pensées, dont les moindres actions étaient à découvert. Il eût

voulu éviter qu'on lui rappelât ses promesses envers la branche aînée, tige des Arsacides!!!

« Plus puissant que lui, prononçait Mercure, ten» tera d'envahir son pouvoir; ses flatteurs, en plu>> sieurs rencontres, lui promettront leur appui, mais >> il aurait tort s'il en attendait quelque chose; le règne » du sabre est déjà commencé. » A peine le messager des dieux avait-il ainsi parlé, que je vois un illustre personnage traduit à la barre du tribunal suprême. Oromasine (1) prend la parole, et commence en ces

termes :

«< Chef suprême du plus bel empire du monde ter» restre, votre noble orgueil est flatté, je vous vois » fier de régner sur un peuple de braves; auriez-vous » trouvé votre palais imparfait, il vous fallait plus >> grand encore... Entendez-vous les foudres gronder » sur les Tuileries? c'est la révolution de juillet en fr >> reur; c'est la voix d'un génie infernal imposant la » guerre au monde et à vous le règne de la terreur... >> Tout s'évanouira à la fin; vous resterez seul aver >> votre conscience, et n'aurez alors pour appui que les >> nobles exilés proscrits par vos marionnettes (2)... Déjà » Charles et ses fils ont plaidé votre cause devant la » cour céleste; ils n'ont pu la gagner...

Je ne puis qu'annoncer de dures vérités :

Qui ne sert que son Dieu n'en a pas d'autre à dire.

(1) Génie du premier ordre.

(2) S. A. R. monseigneur le duc d'Orléans a-t-il réellement signé l'arrêt de bannissement de sa royale famille? M. le duc de ***, ex-ministre, pair de France, paraîtrait en douter. (Note de l'Auteur.)

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