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terpeller à toute heure sur les actes de leur administration; ils ne pouvaient se défendre par aucune interprétation réciproque. Perpétuellement avilis par l'état de subordination et de crainte, ils étaient responsables d'une impuissance d'agir, qui résultait, soit de cet avilissement, soit de leurs anxiétés, soit de la défiance générale pour l'autorité dont ils étaient dépositaires. Chaque pas qu'ils faisaient semblait devoir les conduire à la haute-cour nationale d'Orléans; un décret d'urgence pouvait les y traduire à toute heure. Cette haute-cour était un pouvoir monstrueux, parce qu'il était isolé de tout autre pouvoir, et n'avait nulle influence ni sur la formation ni sur l'exécution de la loi. Son extrême faiblesse devait le rendre dépendant de l'opinion populaire, et les juges auraient eu toujours à craindre d'être massacrés par le peuple, ainsi que le furent les malheureux accusés que l'assemblće législative leur envoya.

Il me sera maintenant facile de prouver que le despotisme, si aveuglément conféré par l'assemblée constituante à l'assemblée législative, devait être exercé, non par elle-même, mais sur elle-même, et que toute la force du gouvernement était accordée par le fait, soit à des autorités secondaires, soit à des hommes, à des sociétés qui n'exerçaient aucune sorte d'autorité légale.

Tout gouvernement despotique, celui d'un seul ou de plusieurs, est trèmblant de sa nature par l'excès même de son pouvoir, et a besoin d'un appui extérieur. Les empereurs romains dépendaient de leur garde prétorienne ou des légions germaniques, gauloises, etc., comme les despotes orientaux dépendent

veaux,

aujourd'hui de leurs janissaires. Il n'était pas possible qu'en France une assemblée législative, malgré l'immensité et la souveraineté réelle de ses attributions, put concevoir l'espérance et l'ambition de régner par elle-même. Qu'aurait-on dit de ces hommes nousi on les eût vus hériter et user d'un pouvoir que la France avait à peine toléré dans ses monarques les plus magnanimes, les plus signalés par la grandeur et le succès de leurs entreprises? Qu'aurait-on dit, si, égalant leur indépendance réelle à toute leur autorité effective, ils eussent voulu régner à la manière du sénat de Rome, de Venise, de Berne, et courber le peuple sous le même joug qu'ils imposaient au roi? Il n'y avait pour l'assemblée législative que deux partis à prendre : l'un que suivit la minorité de ce corps, celui de respecter l'autorité royale, et de tâcher de lui rendre de la confiance et de l'action; l'autre que suivit la majorité par une pente irrésistible, celui de se fortifier par l'accession des sociétés populaires et de tous les genres de démocratie turbulente et séditieuse que la révolution avait fait éclore. Les sociétés populaires devaient alors appuyer de leur immense et de leur fatal crédit une assemblée qui recevait docilement leur impulsion, ne régnait que par elles, sanctionnait tous leurs caprices, honorait tous leurs attentats. Par cette espèce de transaction, d'abord secrète, et ensuite devenue évidente pour les esprits les plus bornés, l'autorité passait de mains en mains pour arriver toujours aux mains les plus viles. Un despotisme apparent restait le servile ministre de l'anarchie. La convention eut beau usurper encore plus de pouvoir que n'en avait exercé l'assemblée lé

gislative, elle eut beau se rendre le formidable et à jamais odieux épouvantail de l'Europe et de la société toute entière, elle subit plus directement encore que l'assemblée législative, le joug des sociétés populaires; elle ne put satisfaire à leurs vœux qu'en leur sacrifiant ses membres les plus distingués. Un résultat à peu près semblable s'annonce, dès aujourd'hui, dans les constitutions naissantes de l'Espagne et de Naples, constitutions qui ne sont que les images ou les copies de celle dont je signale ici les horribles défauts. Ne voit-on pas que tout l'empire de ces cortès a passé, presque dès le premier jour, dans l'enceinte de quelques clubs, de quelques cafés, de réunions perpétuellement factieuses? Quand les faits parlent aussi haut, quand ils sont aussi uniformes, aussi facilement prévus; quand le bon sens suffit pour les prophétiser, quand ils se répètent après un long intervalle d'années, peut-on trop déplorer le fanatisme imbécile de ceux qui veulent placer la liberté au milieu de ces constitutions absurdes, de ces vastes ruines de l'ordre social? Peut-on trop se défier de ceux qui, bien persuadés des conséquences inévitables d'un tel système, veulent encore une fois y précipiter les peuples, et même y ramener leurs malheureux compatriotes?

FIN DU SEPTIEME VOLUME.

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Paris causé par la disgrâce de M. Necker, 71. Renouvellement du ministère, 76. — Témoignages de regret donnés par l'assemblée aux ministres renvoyés, 78. Ce qui se passe à Paris, ibid. Prise de la Bastille par le peuple, 81. Massacre de Delaunay, Flesselles, etc... 88.. Nouvelles instances auprès du roi pour le renvoi des troupes, 93. Le roi vient à l'assemblée nationale, 98.- Députés envoyés à Paris pour calmer le peuple, 100. Départ de plusieurs princes, 104. Le roi se rend dans la Capitale, ibid.

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LIVRE SECOND.

L'assemblée nationale s'empare des pouvoirs, 112. Meurtre de MM. Foulon et Berthier, 114. Retour de M. Necker, 121. Meurtre de M. de Belzunce, 129.-Incendie des châteaux, 130. Nuit du 4 août, 135. - Moteurs des insurrections populaires, 149.-Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 153. - Principes de la constitution, 155. Influence des orateurs du Palais-Royal sur l'assemblée, 157.-L'assemblée décrète une chambre unique, 159. L'assemblée décrète le véto suspenMirabeau en butte aux attaques des deux partis, 168. Emprunt d'abord de trente millions, ensuite de quatre-vingts, 169. Détresse du trésor royal, 172. Discussion au sujet de la ligne de succession au trône, 178.- Observations du roi sur les décrets du 4 août, 180.

sif,

162.

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