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1789. d'adresse, d'à-propos et d'autorité, mais dont le temps a justifié les bases. Le péril ne fut pas grand ou plutôt n'exista jamais pour les acteurs de cette scène, et cependant vous eussiez entendu parler du serment du jeu de paume comme de celui des Thermopyles.

joignent

149 députés se Le lendemain la salle des états-généraux à l'assemblée resta encore fermée aux députés du tiers-état; nationale. mais ils se rendirent à l'église Saint-Louis.

du 23 juin.

Quels furent leur joie et leur orgueil, lorsqu'ils virent arriver cent quarante-neuf députés du clergé qui venaient reconnaître l'assemblée nationale, s'y réunir et fournir le secours de l'autel à la résistance qui se Séance royale préparait contre le trône. Le 23 juin, le roi se rendit à la salle des états-généraux dans un appareil dont la faible magnificence effarouchait des esprits prévenus. Les minis→ tres, les prélats, les courtisans, les dames même se présentaient à l'imagination comme les satellites du despotisme; quant aux soldats, leur contenance incertaine élevait l'audace de ceux qui allaient braver un roi déjà tant de fois impunément bravé. Mais voici qui enflamma encore davantage leur facile courage tous les ministres ont pris place, un siége reste vide parmi eux, et c'est celui de

M Necker. Son absence fait calomnier des plans que lui-même a conçus; son absence est une protestation, et la protestation de M. Necker paraît équivalente à celle de la nation tout entière.

Le roi, dans un premier discours, se plaignit, non comme un souverain irrité, mais comme un père inquiet, des discordes qui se prolongeaient entre les trois ordres. Il annonça que, comme défenseur des lois de son royaume, il venait réprimer les atteintes qui avaient pu leur être portées, et terminer de funestes débats. Le garde des sceaux lut une première déclaration dont l'objet était de régler le mode de délibération des trois ordres. Cette délibération se ferait en commun pour les objets de finance et d'administration; elle se ferait par chambre pour les lois constitutionnelles. La distinction des trois ordres était conservée. Un second discours du roi annonçait des bienfaits, c'est-à-dire, de nouveaux droits ajoutés à nos libertés anciennes. Je puis dire, sans me faire illusion, ajouta sa majesté, que jamais aucun roi n'en a fait autant pour sa nation.

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Pendant la lecture de cette déclaration, les députés du tiers état restèrent aussi

mornes, aussi sombres que si on fût venu

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leur signifier le firman d'un despote. La seconde déclaration du roi, accordait la convocation périodique des états-généraux, leur participation aux actes de l'autorité législative, l'admissibilité des Français à toutes les charges, la suppression des priviléges en matière d'impôts, celles des corvées, la garantie de la dette publique, la liberté du commerce et de l'industrie, des états particuliers pour toutes les provinces, la liberté individuelle, sauf le cas d'une suspension momentanée si des troubles sérieux la rendaient nécessaire.

Peut-être eût-il été plus sage que le roi s'arrêtât après l'énumération de tels bienfaits; mais ses conseillers avaient jugé, contre l'avis de M. Necker, qu'au langage de la bonté, il était à propos de mêler celui de la force, surtout après le téméraire serment du jeu de paume. Le roi, dans un troisième discours, parut se défier de la prompte obéissance des députés. «Si vous m'abandonnez, dit-il, dans une telle entreprise, je ferai seul » le bien de mon peuple.» Ces paroles, dans la bouche de Louis XVI, furent bien loin de produire l'effet qu'elles auraient produit dans la bouche de Louis XIV. Enfin le roi termina la séance en ordonnant aux trois ordres de'

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se séparer tout de suite et de se réunir le 1789. lendemain dans leur salle respective.

La noblesse et le clergé, à l'exception de quelques curés, obéirent à l'ordre du roi: les députés du tiers-état se tinrent immobiles. Le marquis de Brézé, maître des cérémonies, se présenta et leur dit : «Messieurs, » vous connaissez les intentions du roi. » « Oui, Monsieur, lui répondit Mirabeau, »> nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au roi; et vous, qui ne sauriez » être son organe auprès des états-généraux, » vous qui n'avez ici ni place ni voix, vous » n'avez nul droit de nous rappeler son discours. Je déclare que nous ne quitterons » nos places que par la puissance des baïon» nettes. » Cette phrase qu'il prononça d'un ton héroïque, mais qui présentait pourtant un singulier mélange d'audace et de prudence, fut reçue avec de vives acclamations par l'assemblée nationale. «Telle est notre >> résolution, s'écrient à la fois la plupart des » députés. Messieurs, dit l'abbé Sièyes, » vous êtes aujourd'hui ce que vous étiez hier.»> Barnave, Pétion et l'abbé Grégoire s'emportèrent contre un coup d'état qui leur paraissait rappeler les actes les plus violens du despotisme. Pendant qu'ils prononçaient leurs

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discours, l'assemblée était troublée, non par la puissance des batonnettes, mais par un bruit d'ouvriers auxquels on avait commandé d'enlever des tapis et des siéges. Les députés sourirent en voyant que le gouvernement, qui pouvait recourir à la force, descendait à la tracasserie. Mirabeau éleva la voix : « Je » bénis la liberté, s'écria-t-il, de ce qu'elle » mûrit de si beaux fruits dans l'assemblée »> nationale. Assurons notre ouvrage, en décla>> rant inviolable la personne des députés aux » états-généraux. Ce n'est pas manifester une > crainte, c'est agir avec prudence; c'est un » frein contre les conseils violens qui assiégent le trône. » L'assemblée adopta cette résolution à une majorité de quatre cent quatre-vingt-treize voix contre trente-quatre. M. Necker est Cependant le roi était rentré dans son triomphe daus palais, déjà poursuivi par de nouvelles irréle peuple. solutions, par mille craintes, et par ces repentirs qui désolent perpétuellement les âmes faibles. Le peuple de Versailles, quoique composé de vieux serviteurs du château, avait fait entendre des cris séditieux sur le passage du roi. Les gardes-françaises suivaient son cortège d'un air morne, mécon tent, et paraissaient partager les sentimens du peuple. Ni le roi ni la reine n'osait té

reconduit en

son hôtel

(23 juin.)

par

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