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deux députés de la délégation s'étoient rendus a Dantzig pour y prendre part aux négociations qui font ouvertes entre les commiffaires du roi de Pruffe & le magiftrat de cette ville. Il ne s'y en eft rendu aucun; & s'ils s'y étoient préfentés, on ne doute pas que les Dantzikois n'euffent refufé leur médiation, parce qu'ils fçavent qu'ils ne dépendent que du roi de Pologne feul, & non du corps de la république, & qu'ils font d'ailleurs.convaincus des difpofitions de la plupart des membres de la délégation à leur égard.

Les avis qui viennent de loin sont souvent incertains, & même contradictoires. On avoit à peine répandu la nouvelle que les Autrichiens avoient évacué la partie de la Moldavie qu'ils occupoient, qu'on a appris qu'ils avoient paffé le Dniefter pour pénétrer dans cette province. Le Sr. Witte, commandant de Kaminieck, à qui cette irruption avoit d'abord cufé quelque inquiétude, a dépêché un courier à Warfovie pour en informer la commiffion de guerre. On ne devine pas quel peut être le but du mouvement de ces troupes, dont on fait monter le nombre à 30 mille hommes. On prétend que les Ruffes, qui n'en étoient pas prévenus, en ont été alarmés. Quoiqu'il en foit, cette marche imprévue eft un myftere que le tems feul pourra dévoiler.

On avoit cherché à ternir la réputation du Sr. François Angeli, colonel au fervice de Ruffie (voy. Tere, quinz. d'Août, pag. 25) en lui attri buant des intrigues odieufes dont il ne fut jamais capable. Il n'eft que trop jufte de défabuser le public fur fa prétendue correfpondance avec les rebelles des provinces afiatiques de Ruffie. Il eft prouvé que le Sr. Angeli a paffé l'été dernier à Vienne, où il avoit obtenu la permiffion de fe rendre, pour prendre les eaux de Baden; il y étoit encore au mois de Février, & fe rendit enfuite, pour des affaires qui lui font perfonnelles, à Konig berg, où

i eft peut-être encore actuellement. D'ailleurs, il n'a point fervi dans le corps de troupes ruffes, deftiné à agir contre les féditieux, & le régim nt qu'il commande eft cantonné en Lithuanie, c'eftà-dire, à plus de 300 lieués du foyer de la révol te. Avant que de partir en 1770, pour la campagne de Moldavie, cet officier écrivit un mémoire ayant pour titre : Mémoire pour mon fils après ma mort, & dont on a trouvé moyen de fe procurer une copie. Nous en citerons le commencement & la fin.

Mon fils, Allemagne vous a vu naître, & vous jouiffez aujourd'hui en Ruffie d'une fortune brillante. Vous la devez à l'honneur qui a toujours guidé votre pere, & à l'ame bienfaifante de l'impératrice, qui a bien voulu récompenfer, d'une maniere augufle, des talens qui fe font développés à fun fervice; mais je ne dois point vous laiffer ignorer qui je fuis, & comment étant né dans une terre que j'idolátre encore, je me trouve tranfplanté für un fot étranger. Ma patrie eft la France, &c.

Cet aveu, mon fils, eft celui d'une ame qu'un fentiment irréfiflible entraîne fans ceffe vers la terre qui l'a vu naître; mais le même fentiment me feroit prodiguer mille vies, fi je les avois, pour éter nifer ma reconnoiffance envers l'augufte fouveraine qui me comble de diftinctions & de bienfais. L'impératrice de Ruffie a fur moi ces droits facrés que l'honnête homme fçait fceller de fon fang, lorfque l'honneur & le devoir ont parlé; & telle eft la vérité que je veux être éternellement gravée dans le cœur de mon fils... Mes veilles, mon fang & ma vie font à la Ruffie, puisque je lui dois ma fortune & ma ré putation; mais mes derniers regards feront pour la France, & mon dernier foupir fera la vive expreffion du regret profond de ne pas mourir dans fon Jein, & pour elle.... O Ruffie, ma bienfaitrice! O France, ma chere patrie !... O mon fils, quand vous Odobre, 1774. ae. quinz.

B

lirez ce mémoire de la pénible carriere qu'a parcou rue votre pere, fouvenez-vous qu'il s'eft facrifié pour la gloire & la défenfe du pays qui l'a comblé de biens, mais qu'il eût préféré de fe facrifier mille fois pour prouver qu'un François ne connoit le bonheur qu'au fein de fa patrie, & en mourant pour fon

rci.

Quand on penfe & quand on s'exprime ainfi on eft incapable de faire rien qui puiffe être indigne d'un galant homme, & d'un homme d'hon

neur.

ALLEM A GN E.

HAMBOURG (le 9 Odobre. ) La Porte Ottomane & la cour de Ruffie n'ayant pas encore puhé le traité de paix qu'elles ont conclu, on ne içait quel degré de confiance méritent les copies de cet acte, qui paroiffent depuis quelques jours, On prétend qu'elles doivent leur origine à une traduction italienne, imprimée à Florence par ordre du comte Alexis Orlow, fur l'original qu'il avoit reçu par un courier de la cour de Pétersbourg. Cetraité contient 28 articles, dont nous allons donner le précis.

1. Dès ce moment & pour toujours toutes les hoftilités efferont entre les deux puissances contractantes.

2o. Si après la conclufion & la ratification de ce traité, les fujets de l'un ou de l'autre empire viennent à sommettre des excès fur les terres de l'une ou de l'autre puiflance, ils feront livrés de part & d'autre, excepté ceux Qui pafferont en Ruffie pour y embraffer le rit grec, & les fujets qui fe rendront en Turquie pour y profeffer le maométifme; tout autre transfuge fera livré.

3. Tous les Tartares de la Crimée fans exception font déclarés indépendans des deux puiffances, & uniquement foumis leur kan de la race de Gengis-Khan, qu'ils élixont unasimement " & qui gouvernera felon les loix fans en rendre compte à aucune puiflance étrangere. Ni la Ruffie, ni la Porte ne fe mêleront aucunement de leurs affaires, foit particulieres, foit publiques, parce que ce peu-· ple formera une puiffance qui ne dépendra que de dieu seul,

Quant à la religion, le kan reconnoitra fa hauteffe comme premier calife, mais fans aucune influence fur la liberté politique & civile de cet état. La Rullie cede à ces Tartares toutes les villes fortereffes, ports, &c. de Crimée, à l'exception de Kertfch & de Jenicalé, avec leurs diftricts qui restent à la Ruffie, comme la fortereffe d'Oczakow, & fon diftrict restent à la Porte, qui s'oblige de ne mettre jamais de troupes dans les places reftituées, laiffant les Tartares en pleine liberté, comme auffi doivent faire les

Ruffes.

4. Les deux puissances jouiront chacune dans fes états, frontieres, fortereffes, villes, &c. de toute la liberté fondée fur le droit naturel, par conféquent de reconftruire & de réparer ce qu'elles jugeront à propos.

5o. Après l'heureuse conclufion de cette paix, la Ruffie entretiendra toujours à Conftantinople un miniftre du fecond rang, pour lequel la Porte aura tous les égards qu'elle a pour les miniftres des plus grands potentats. Le miniftre de Ruffie aura rang après le miniftre impérial & royal, fi celui-ci eft revêtu du même caractere; mais s'il eft plus élevé, le miniftre Ruffe fuivra le plénipotentiaire de Hollande, & celui de Venife, fi en ce cas, il y avoit auffi de la différence.

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6. Dans le cas où quelques perfonnes attachées au fervice du miniftre de Rue voudroient embraffer le mahométifme, après avoir volé ou commis quelques crimes elles ne feront reçues qu'après la reftitution & le châtiment; à quoi leur conversion ne les fouftraira point.

7°. La fublime Porte promet une protection durable à la religion & aux églifes chrétiennes ; elle promet auffi aux miniftres de Ruffie d'écouter dans tous les cas les remontrances qui lui feront faites en faveur de l'église chrétienne érigée à Conftantinople.

8°. Permis à tous les fujets Ruffes d'aller vifiter librement & fans rien payer, Jérufalem, & les autres lieux faints.

9°. Les interprêtes au fervice du miniftre Ruffe feront traités avec eftime & avec bonté.

10°. On regardera comme non-avenues toutes les conquetes qui auront pu être faites pendant la conclufion du traité. 11. Pour établir une balance fixe des avantages des deux puiffances elles jouiront de l'entiere liberté de la navigation fur les mers qui baignent leurs empires refpectifs, & les fujets des deux états commercerone librement les uns avec les autres par terre, comme par eau.

12. En cas que la cour de Ruffie veuille faire des traités

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de commerce avec les Africains, comme Tripoli, Tunis, Alger, la Porte promet d'interpofer pour cela fon autorité & fon crédit, & de garantir les traités qui feront conclus.

13. La Porte donnera à l'impératrice de Ruffie dans tous les actes publics & autres, le titre de Temamen Buscie. lerin Padifciach, c'est-à-dire, impératrice des toutes les Ruffies.

14. Outre la chapelle d'ambaffade qu'a le miniftre de Rule, ainfi que ceux des autres puiffances, la cour de Ruf. the aura la liberté de faire conftruire une églife du rit grec au quartier de Bey-Uglu, dans le faubourg de Galiatha; cette églife, fous la protection du miniftre Ruffe, fera exempte de tout droit.

1. Les conteftations qui pourront inopinément furvenir par rapport aux frontieres, feront terminées fur le champ par des commiffaires que nommeront à cet effet les gouverneurs ou les commandans.

16. La Ruffie cede à la Porte toute la Beffarabie avec la ville d'Ackerman, de même que Kilia, Ifmaïlow, & autres dépendances, ainfi que la fortereffe de Bender, la Valachic & la Moldavie, avec toutes les fortereffes & villes, &c. à condition cependant d'une amniftie générale pour ces provinces, la liberté du culte de la religion chrétienne, la conftruction des nouvelles éghfes, & la réparation des anciennes, la reftitution des biens enlevés aux couvens & aux particuliers, nommément à Brahila, Choczim, Bender, &c.; d'accorder au clergé les égards qui lui font dus; d'accorder aux familles qui voudront quitter le pays, la permition d'emporter leurs biens, & l'efpace d'un an pour prendre leurs arrangemens; de ne rien exiger d'eux sai à titre de droit, ni fous prétexte d'anciennes dettes de n'impofer aucune contribution à ces provinces à caufe de la guerre paffée, ni de les foumettre à aucun impôt pendant 2 ans, à compter de la date du préfent traité : après ce tems les habitans de ces pays payeront tous les 1 ans leur tribut fans rien donner ni aux pachas, ni aux gouverneurs. Il fera permis aux fouverain's de la Moldavie

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de la Valachic d'avoir leurs envoyés auprès de la Porte; & la Porte permettra que le miniftre de Rulie fe mêle des affaires de ces ambaffades pour le bien des deux états. 17. La Ruffle reftitue à la Porte toutes les ifles de l'Archipel, aux mêmes conditions portées dans l'article précédent, auxquelles elle joint celle qui permet aux habitans de porter toutes fortes de fecours à la flotte ruffe pendant les 3 mois qu'elle doit encore refter dans ces contrées.

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