VENISE (le 16 Septembre. ) On apperçoit une grande fermentation dans le corps de la nobleffe de la république, divifé en 6 claffes, comme on le fçait. La plus pauvre, & en même tems la plus nombreufe, dans laquelle il regne plus d'union que parmi les autres, s'eft oppofée à tout ce qu'on a voulu faire, & a demandé une reddition de compte & la caffation de tous les décrets rendus touchant l'économie, le clergé, & plufieurs autres articles. Depuis ce moment, il y a eu tous les jours de grands confeils, & cette nobleffe n'ayant pas voulu acquiefcer à ce qui avoit été propofé, il a été enfin résolu d'établir des correcteurs & réviseurs pour toutes les affaires propofées; ce qui a été généralement approuvé : on s'occupe actuellement de leur élection. On fe flatte qu'alors les affaires reprendront leur cours ordinaire. En attendant, on a fufpendu l'exécution du décret tendant à fupprimer tous les couriers d'état. Ceux-ci feront continués encore cette année dans leurs offices, jufqu'à ce que la Quarentie (cour de police) ait pris d'autres informations à leur fujet. C'est le chevalier Tron, obligé de quitter le grand confeil, & reçu dans le confeil des dix, qui avoit propofé ce projet, ainfi que celui de fermer tous les cafés à la 3e. heures de la nuit. L'un & l'autre avoient fort aigri les efprits.

MODENE (le 25 Septembre.) Le gouvernement vient de faire publier deux reglemens pour faciliter & accélérer l'exécution de la nouvelle loi, dont on a parlé, relativement aux fépultures qui feront à l'avenir hors de la ville. Par le premier, on ordonne aux curés & à tous les directeurs des différentes églifes de cette ville, de donner une note exacte des fépultures particulieres qu'ils ont dans leurs églifes, afin que le gouvernement af

figne aux propriétaires les places dont ils ont befoin dans le cimetiere public; elles leur feront données gratuitement; ils pourront les orner& les décorer à leur gré; ils en jouiront feuls. Ceux qui ont des oratoires publics ou des chapelles dans leurs campagnes, pourront, s'ils le veulent, les deftiner à leurs fépultures; mais ils ne pourront y faire enterrer aucun mort qui ne fera pas de leur famille. Par le fecond reglement, il est enjoint de déclarer les morts au moment de leur décès, d'en dire les noms furnoms qualités, âge, de faire connoitre auffi la maladie qui les a enlevés. Les maitres fuivront ce reglement par rapport à leurs enfans & à leurs domeftiques, lorfque ces derniers mourront dans leurs maifons; c'est à la ville même que feront portées ces déclarations; ceux qui font chargés d'enfévelir & de tranfporter les morts, ne pourront le faire fans un billet qu'ils iront prendre à l'hôtel-de-ville, où on ne le délivrera que d'après les déclarations. La ville tiendra un livre où feront enregistrées les déclarations & les permiffions; ce livre fera foi en juftice. Les curés, à l fin de chaque année, porteront le double de leurs livres à la ville; les hommes chargés du transport des cadavres, feront payés par la ville, & ne prendront en conféquence, rien des parens du défunt, même à titre de gratification.

On mande de Milan qu'on continue d'y faire beaucoup de réformes dans les maisons religieufes de l'un & de l'autre fexe. Le gouvernement, à ce qu'on affure, a ordonné que les tierçaires de tous les ordres faffent profeffion, & habitent dans les couvens auxquels ils appartiennent, ou qu'ils quittent l'habit régulier, & rentrent tout-à-fait dans le monde ; ces efpeces de moines font en effet des êtres amphibies, mondains & folitaires; il faut qu'ils optent & qu'ils foient

l'un ou l'autre. On vient de fupprimer auffi dans la même ville, le couvent des religieufes de Ste. Lucie. Après la vente de leurs maisons & de leurs effets, à laquelle on va procéder, elles feront réparties dans différens monafteres, avec les penfions qui leur feront affignées.

GENES (le 16 Septembre.) Le comte de Putbus, préficent de la Pomeranie Suédoife, & chevalier de l'ordre de Malte, a ouvert ici fous la direction des freres Boggiani & Perfico, avec l'approbation du roi de Suede, un emprunt de 72000 ducats d'Hollande pour 15 ans, à 4 & 3 quarts pour cent d'intérêt,

Les princes Sapieha & Supielow, & les comtes Potocki, Potohiki Vétruski, Polonois, qui voyagent en Italie, font arrivés en cette ville pour y voir ce qu'il y a de curieux.

On écrit de Marseille qu'en moins d'une femaine il étoit arrivé douze navires chargés de . grain, dont le prix étoit confidérablement diminué, & qu'on y en attendoit encore une grande quantité des côtes d'Afrique.

On vient de rappeiler dans cette ville tous les Imembres du confeil des fages qui en étoient abfens, & tous les officiers qui avoient obtenu des congés. On parle beaucoup de divers armemens qui fe font dins plufieurs endroits de l'Europe & furtout à Turin; cette cour fe propofe d'augmenter fes troupes; elle en porte le nombre de 30 mille à 60 inille.

"LIVOURNE ( le 20 Septembre. ) Le départ de l'efcadre Ruffe pour l'Archipel, donne lieu à diverfes conjectures. On n'apperçoit point de motif plus apparent de la réunion des forces navales de la Ruffie dans ces mers , que la crainte de voir le grand- feigneur refufer de ratifier le ttaité de paix conclu par le feu grand

vifir. Le comte Alexis Orlow eft encore à Florence, où il restera, dit-on, jusqu'à l'arrivée d'un courier de Paros.

Le vaiffeau de guerre ruffe le Saturne, arriva ici le 15, venant de Paros; il fut fuivi le 16, par un autre vaiffeau de la même nation.

Le duc de Luxembourg, qui étoit arrivé ici de l'ifle de Corfe avec plufieurs officiers François, eft parti pour Florence..

On a reçu ici, avec beaucoup de magnificence & de cérémonie, l'image miraculeufe de NotreDame des Graces de Montenero, qui y fut tranf portée le 8 de ce mois. Elle entra dans la ville au fon des cloches, & au bruit de plufieurs décharges d'artillerie; les rues étoient tapiffées, ornées d'arcs de triomphes; tout le clergé féculier & régulier alla au devant d'elle en proceffion; on la plaça fous un dais magnifique, derriere lequel marchoit le grand- duc, notre augufte fouverain, que fa piété avoit porté à affifter à cette pompe édifiante. Il y eut des illuminations fuperbes la nuit fuivante; le lendemain on tira un feu d'artifice; & dans la nuit qui fuivit, toute la ville fut encore illuminé. L'image a été portée dans l'églife des capucins, à qui elle appartenoit, & d'où on l'avois prife pour la tranfporter à Monténero. Les étrangers qui étoient venus pour jouir de ce fpectacle religieux, étoient au nombre de 30 mille; il n'y a eu ni tumulte, ni désordre; tout s'est paffé avec la plus grande décence.

Il eft fort queftion de la fuppreffion prochaine du tribunal de l'inquifition dans plufieurs états d'Italie. On peut le regarder comme aboli à Milan, puifqu'on l'a interdit de fes fonctions, & qu'il lui eft défendu d'y admettre de nouveaux membres à la place de ceux qui viendront

mourir.

Il y a plufieurs mois qu'on a répandu dans tou

te l'Italie des prophéties qui annonçoient la fin prochaine du fouverain pontife. C'est à cette occafion qu'on a arrêté la prétendue prophêteffe dont on a parlé, ainfi que quelques religieufes de Valentano, foi-difant infpirées, & leurs directeurs. L'état de langueur dans lequel le St. pere fe trouve depuis quelque tems, fait craindre que l'événement ne juftifie ces prédictions, qui font naître bien des foupçons fur les ennemis de ce refpectable chef de l'églife.

Il court ici divers bruits relativement aux circonftances où fe trouvent les affaires générales de l'Europe, depuis la conclufion de la paix entre la Porte & la Ruffie. Ils peuvent avoir quelque fondement; mais il ne convient pas de les rendre publics avant qu'ils foient bien conftatés.

TURIN (le 17 Septembre.) Le roi a fait une promotion dans les différens départemens de fes troupes. Dans celui des gardes, dont S. M. eft le chef, & après elle, le prince de Piémont, le comte de Nangis a été fait général & inspecteur gén. de l'armée; le comte de Vallaife, lieut.-gén. infpecteur; le Sr. d'Ifcharner, lieut.-gén.; & le Sr. de Zicten, major-gén. Dans le fecond département, qui eft celui de Savoie, fous les ordres du duc de Chablais, capitaine-général, le Sr. Fâtio, lieutenant général infpecteur, le comte de St. Sebaftien, lieutenant- général; le prince Victor; major-général; le comte de Carpené. Dans le troifieme, qui eft celui de Montferrat, fous - les ordres du Prince de Carignan; capitaine-général, le duc de Montferrat, général; le chevalier Solar, lieutenant-génér al; le Sr. Kalbermatten, major général. Dans le département des provinciaux, le comte de Priope, lieutenant général inspecteur; le comte d'Andon lieutenant-général; le Sr. de Berner. & le che