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Pooralee qui passe à Beja. Les Bezumjas allumèrent un grand feu et employèrent une partie de la nuit à chanter leurs exploits. Voici comment l'auteur en parle.

« Le tableau de cette scène donne une idée très-nette des dispositions sauvages des Bezunjas et en général de plusieurs tribus des Belooches. Toute distinction, tout respect pour les chefs étoient mis de côté. Eux-mêmes, comme leurs gens, s'emparoient de temps en temps des instrumens de musique et se mettoient à chanter avec une sorte de fureur, leurs airs favoris. Ils s'agitoient, crioient et se démenoient jusqu'à en perdre la raison. Le vacarme devenoit alors universel. Les auditeurs crioient et chantoient eux-mêmes en applaudissant, jusqu'à-ce que tous fussent dans un état d'épuisement complet.

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(La suite à un autre cahier.)

VARIÉTÉ S.

LA CHAMBRE DE VOLTAIRE、
Article communiqué).

POURQUOI le petit bourg de Fernex voit-il accourir de tous les coins de l'Europe une foule de voyageurs ? C'est pour visiter la demeure du chantre du bon Henri, du défenseur des Calas et de l'humanité. Objet de leur hommage particulier, la chambre de Voltaire a été religieusement conservée telle qu'il la laissa en partant pour Paris en février 1778 (1). Il n'y a de changé que les

(1) Qu'est-ce qui put engager Voltaire, au cœur de l'hiver, Voltaire âgé de 85 ans, à quitter une retraite où il vivoit

rideaux de son lit que les curieux ont emportés par lambeaux, comme une relique littéraire. La chambre de Voltaire offre aux regards des curieux son portrait, peint par La Tour, et fort bien conservé quoiqu'en pastel et fait depuis plus d'un demi siècle. Celui de son Emilie, la marquise du Châtelet; celui du Garrick Français, Lekain (1). Ceux de Frédéric et de Catherine

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depuis si long temps et où il auroit vécu sans doute longtemps encore, pour aller mourir d'une indigestion de gloire au milieu du tourbillon de Paris? Fut-ce uniquement, comme l'ont dit ses mensongers historiens, par la vanité de se voir encore applaudi à l'âge de Sophocle par les modernes Atheniens; ou fut-il la dupe et la victime de quelqu'intrigue ténébreuse? Biographe imprudent, je ne chercherai point à lever le voile qui couvre encore cette époque de son histoire. Quoi qu'il en soit, il partit. Ce voyage, et son séjour à Paris furent pour Voltaire un triomphe continuel. Mais il y succomba bientôt étouffé sous les roses, et comme Spartacus, étonné de sa gloire. Pendant son voyage les maîtres de poste ne confioient point à leurs postillons la conduite de cet homme illustre. Un seul en étant empêché par son grand âge, songe, dit-il à son premier postillon, à l'honneur que tu as de mener ce grand homme. Il y a cent rois au monde, mais il n'y a qu'un `Voltaire. En arrivant à la barrière de Paris, les commis aux douanes lui ayant fait les questions d'usage. Messieurs, leur dit-il, il n'y a que moi qui sois ici de contrebande. → En arrivant il fut à pied, malgré son âge et le froid, chez son, ami d'Argental, qu'il disoit être né pour faire plaisir : comme Rameau pour faire de la bonne musique; d'Argental qu'il appeloit depuis 40 ans son ange tutélaire, et il lui dit en l'embrassant. J'ai suspendu mon agonie pour venir, vous voir... De tous les hommages que Voltaire reçut à son retour à Paris, celui auquel il fut le plus sensible, fut d'entendre une femme du peuple, à qui l'on demandoit quel étoit cet homme qui entraînoit la foule après lui; répondre: Eh! ne savez vous donc pas que c'est le sauveur des Calas?

(1) Lekain, le plus grand tragédien français, et l'ouvrage

donnés à Voltaire par ces deux souverains du nord, et les gravures des gens de lettres Français ses contemporains ou ses devanciers, d'Alembert, Diderot, Marmontel (1), Thomas, Delille, les deux Corneille, Boileau, Racine, La Fontaine; entre lesquelles on remarque celles des Anglais Shakespeare, Pope, Milton (2), Franklin (3), et Newton (4).

de Voltaire. Fils d'un orfèvre de Paris., mais passionné pour la tragédie, il vouloit entrer au théâtre. Pour l'en dissuader Voltaire lui objecta aussi fortement qu'inutilement le préjugé qui s'élève contre cet état; et pour donner plus de poids à ses paroles, il lui offeit, 15,000 francs s'il vouloit suivre à l'état de son père. Lękain, qui avoit la conscience de son talent, résista à cet argument qui auroit convaincu tout autre ; et pour prix de son désintéressement, il devint le Roscius mo-> derne.

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Voltaire qui faisoit plus de cas de la poétique que des poésies de Marmontel, disoit : Il ressemble à Moyse qui conduisit les autres à la terre promise, mais qui n'y entra pas lui-même. bir

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(2) On demandoit un jour à Voltaire ce qu'il pensoit de Milton, Les anciens y répondit-il, ont recommandé de sacrifier aux Grâces,, et' Milton a sacrifié au Diable.

(3) Au retour de Voltaire à Paris, Franklin étant vēnu le voir, et Voltaire lui parlant anglais, Mad. Denys dit à son oncle que tobie la compagnie étoit privée du plaisir d'entendre leur conversation. Ma nièce, lui répondit Voltaire, j'ai cédé à la vanité de parler la même langue que Mr. Franklin. Le philosophe américain lui ayant présenté son petit-fils, le pria destui donner sa bénédiction: God and liberty, (Dieu et la libertë), "di Voltaire en mettant ses mains sur sa tête. Voilà la seule bénédiction qui convienne au petit fils de Mr. Franklin. "(4) Voltaire est le premier qui aft fait connoître Newton aux Français. Il avoit tant d'admiration pour lui, qu'il disoit :' C'est lui qui mènera là bande dans la vallée de Josaphat. Et un jour qu'on parloit à Fernex de sa sublime découverte sur la

La bibliothéque de Voltaire, composée de six à sept mille volumes, chargés de notes de sa main, sa bibliothéque, dis-je, qui occupoit une grande et belle pièce voisine de sa chambre, n'y est plus. Après sa mort elle fut transportée à Pétersbourg, au palais de l'Hermitage, par les ordres de Catherine, qui l'acheta des héritiers. de Voltaire, et la paya avec une munificence impériale. (Elle leur en donna cinquante mille écus ). Elle ne s'en tint pas là. Elle fit venir à Pétersbourg le secrétaire de Voltaire, afin qu'il rangeât sa bibliothéque dans le même ordre où elle étoit à Fernex. Quand cela fut fait elle s'y rendit, fit en entrant une profonde révérence au buste de Voltaire, et adressant la parole à Vagnières, Monsieur, lui dit-elle, Voilà l'homme à qui je dois tout ce que je sais et tout ce que je suis. Et après avoir

gravitation des corps célestes. Voltaire s'écria dans son enthousiasme : Ah! sans doute qu'il étoit du conseil des Dieux le jour qu'il fit cette découverte.

L'amour de Voltaire pour les Anglais, qu'il regardoit comme la première nation du monde, rappelle ce mot charmant de lui; le peuple anglais, disoit-il, ressemble à la bière forte dont il fait sa boisson. L'écume est au-dessus, la lie est au fond, mais le milieu est excellent. Magré son enthousiasme pour le caractère du peuple anglais, Voltaire parlant un jour à lord Littleton, s'écria:

Fier et bizarre Anglais, qui des mêmes couteaux
Coupez la tête aux rois, et la queue aux chevaux.

Quant à l'histoire d'Angleterre, elle lui paroissoit souillée de scènes si horribles qu'il disoit que : C'étoit au bourréau à l'écrire, puisque c'étoit lui qui avoit terminé presque toutes leurs querelles. Un jour que chez la maréchale de Luxembourg on parloit des différens de la France et de l'Angleterre, et que cette dame témoignoit le désir qu'elle avoit que ces différens pussent s'accommoder: Madame, dit Voltaire, en montrant l'épée du maréchal de Broglie, voilà qui arrangera tout.

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comblé Vagnières à Pétersbourg de bontés et de présens, elle lui fit don en partant d'une pension viagère de 1500 livres. Dans la bibliothéque de Voltaire, Fernex, il y avoit une trappe, par où Vagnières, qui couchoit au-dessous, montoit quand inspiré par les muses, au milieu de la nuit, le poëte avoit besoin de la plume de son secrétaire.

On s'étonne de la petitesse du sallon de Voltaire, de ce sallon où, pendant vingt ans, il reçut tout ce qu'il y avoit de plus grand et de plus illustre en Europe. Mais l'on ne s'en étonnera plus, lorsqu'on saura que Voltaire fut son propre architecte, et que par une distraction excusable chez un poëte, tout en dressant luimême le plan de sa maison, il avoit oublié de tenir compte de l'épaisseur des murailles, ensorte qu'il fallut prendre-celles-ci sur la grandeur des appartemens.

Le parc qui entoure la demeure de Voltaire n'a pas changé. On regrette seulement de n'y plus trouver les jardins à la hollandoise, et la pêcherie à la manière de Montreuil établis par Voltaire, le pavillon octogone où il élevoit des vers-à-soie, la maison de marbre, où étoient ses bains, et ces allées couvertes, sous lesquelles il faisoit le tour de son parc sans être aperçu des curieux qui accouroient à Fernex, moins encore pour voir Voltaire que pour dire je l'ai vu ; et qui, pour me servir de l'expression de Voltaire lui-même, venoient le voir comme la bête du Gévaudan.

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Ceci rappelle quelques anecdotes sur Voltaire, relatives à son séjour à Fernex. Un inconnu demande à le voir. Dites que je n'y suis pas, crie Voltaire de sa voix tonnante. Je l'entends, dit l'étranger. Dites que je suis malade. — Je lui tâterai le pouls, je suis du métier. Dites que je suis mort. Je l'enterrerai: ce ne sera pas le premier, je suis médecin. — Voilà un mor‐ tel bien opiniâtre. Qu'il entre! Vous me prenez done pour une bête curieuse? Oui, pour le phoenix.

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