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que

dirons, malgré les égards dus à d'imposantes autorités, la distinction nous semble réelle et très- utile à maintenir. Nous reconnoissons qu'elle est difficile à tracer, et que la limite des deux espèces de travail est indistincte. Nous la faisons consister (à-peu-près comme Smith) dans le plus ou moins de durée des produits. Mais (contre l'avis de Smith et de l'auteur des entretiens) nous ne pensons pas que l'on puisse ranger parmi les ouvriers improductifs le soldat et le magistrat, parce que ceux qui veillent à la sûreté font partie essentielle de toutes les industries. Madame B. ne fait mention des gens de lettres sous ce point de vue; elle ne les met donc pas, comme Smith, parmi les improductifs, et elle nous semble avoir raison; « les livres, (disions-nous dans l'article de la Bibliothéque Britannique que nous venons de citer) » les livres entrent dans le » commerce; il y a dans les travaux des gens de lettres » quelque chose de permanent qui se convertit en mar»chandises » (1). Il faut joindre à la suite de cette considération peu importante, le rôle considérable que le savant joue dans toute espèce de production (2).

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Si nous nous permettons d'insister un peu sur cette distinction du travail productif et improductif, c'est qu'elle se rapporte à la théorie de l'accumulation et par là même au principe de l'épargne, l'une des applications pratiques des principes généraux qui a le plus d'importance.

Après avoir traité à fond de la valeur, notre auteur parle de la monnoie, et discute.plusieurs questions liées à ce sujet. Elle en vient ensuite au papier monnoie et aux billets de banque, dont elle fait nettement conce

(1) Cette remarque a été faite postérieurement par Mr. Simonde, De la Richesse commerciale, T. I, page 93. (2) Traité d'économie politique de J. B. Say, T. I, p, 40.

voir la nature et les effets. Cet entretien sur la monnoie finit ainsi :

« CAROLINE. Quel croyez-vous que soit le rapport de la monnoie à la valeur de toutes les marchandises dont elle procure la circulation?

MAD. B. C'est ce qu'il est je crois impossible de dire. Mr. Sismondi, dans son estimable Traité sur la Richesse commerciale, compare ces quantités respectives aux puissances mécaniques, qui, bien qu'elles diffèrent en poids, se font mutuellement équilibre à cause de l'égalité de leur moment (1). Et, pour suivre la comparaison, ajoutons que les marchandises sont beaucoup plus considé→ rables en quantité, mais que la vitesse avec laquelle la monnoie circule compense ce qui lui manque en abondance ou en masse.

CAROLINE. Voilà une comparaison extrêmement ingénieuse et il me semble en vérité que l'analogie est parfaite; car moins il y aura de monnoie en circulation, plus elle passera fréquemment de l'un à l'autre en échange des marchandises.

MAD. B. Parfaite, est une expression trop forte. L'analogie ne se soutient que jusqu'à un certain point. Si elle se soutenoit toujours, il arriveroit que la monnoie et les marchandises, quel que fût leur rapport mutuel, seroient toujours en équilibre, en sorte que le prix de celle-ci ne seroit point affecté par l'abondance ou la rareté de la monnoie. »

L'entretien suivant roule sur le commerce; et trois autres encore sur le commerce étranger. En général les meilleurs principes y sont exposés avec leurs preuves. Sur un point seulement il s'élévera quelques doutes. L'auteur ne croît pas sage qu'un pays riche et populeux

(1) Que l'on nomme momentum même en français, quoique le mot moment, ou quantité de mouvement, nous sem ble un équivalent préférable. (P. P. p. )

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comme l'Angleterre compte entièrement sur le produit de son sol pour sa subsistance; elle croit mieux de dépendre à cet égard des pays à blé et de vivre habituellement d'importations. Ses argumens sont de nature à faire impression, mais ils peuvent être combattus par des argumens opposés. Mr. Benj. Bell a présenté ceux-ci avec beaucoup de force dans ses Essais sur l'agricul ture (1). Madame B. observe que si l'on ne fait des demandes aux pays à blé qu'en temps de disette, il sera difficile d'en obtenir la quantité nécessaire; et que si l'on veut en produire chez soi en quantité qui suffise aux mauvaises années, il y en aura de reste dans les bonnes; d'où résultera une baisse décourageante pour les cultivateurs et des fluctuations toujours fâcheuses. Mais, dit Mr. Bell, si l'on tentoit cette mesure, si le peuple de la Grande-Bretagne se laissoit égarer » au point de s'en fier à cette méthode pour se pro» curer une partie un peu considérable des grains dont » il a besoin, il ne tarderoit pas à rencontrer des diffi» cultés absolument insurmontables. Le tiers seulement » de la consommation nationale en grains s'éléveroit à » une valeur plus que double de tout le profit de notre » commerce avec l'étranger...... Le nombre de vais>>seaux requis pour effectuer le transport d'une telle quantité de grains seroit si grand, que tous ceux de »notre marine marchande actuelle y seroient constam» ment employés ? Et la distance des lieux qui peuvent >> seuls nous fournir des grains en parties considérables, » est telle, que souvent le peuple de la Grande-Bretagne, comptant sur ces retours, seroit exposé à de cruelles > incertitudes et à tous les dangers de la famine. » C'est donc ici une question sur laquelle on se divise, et qui appelle l'attention des hommes d'état.

(1) De la Disette, Genève, chez J. J. Paschoud, 1804, p. 148 et suiv.

A l'occasion du commerce étranger le dernier des trois entretiens où il en est question donne avec beaucoup de clarté la théorie du change et de ses variations. Nous croyons devoir extraire la partie de cette exposition qui se rapporte à ce qu'on nomme le commerce de banque, parce que dans la plupart des traités d'économie politique elle est plutôt supposée que présentée en détail, et qu'en cette matière les détails ont du prix.

« CAROLINE. Mais la prime donnée pour les lettres de change ne dispense pas, après tout, de payer en or le solde de la dette. Elle ne fait que reculer la difficulté, et substituer un individu à un autre; car enfin les négocians qui ne peuvent pas obtenir des lettres de change sont forcés d'envoyer de la monnoie métallique pour accomplir leurs payemens.

MAD. B. Je vous demande pardon. Un change défavorable se corrige lui-même en grande partie; mais cela demande, il est vrai, quelque explication. Il y a une classe de négocians qui font leur occupation de trafiquer en lettres de change; c'est-à-dire, de les acheter là où elles sont abondantes et à bon marché, et de les vendre où elles sont rares et chères. Ainsi les lettres de change deviennent un article de commerce comme l'or, comme toute autre marchandise. Il arrive donc, lorsque les lettres de change anglaises sur la Russie sont rares, que ces négocians achètent les lettres tirées sur la Russie par d'autres pays, et en garnissent le marché anglais.

CAROLINE. Mais quand les lettres anglaises sur la Russie sont rares, il peut arriver qu'il n'y aît point un surplus de lettres sur la Russie dans les autres pays pour en fournir à l'Angleterre.

MAD. B. En général quand il y a un déficit de lettres sur la Russie en un lieu, il doit y en avoir un surplus en quelque autre lieu; car quoique les exportations et

importations de la Russie avec un pays particulier puissent être inégales, la totalité de ses exportations et importations doit à-peu-près se balancer; la raison en est que s'il y avoit un excès constant d'importations, la Russie seroit épuisée de numéraire; que si au contraire, il y avoit excès d'exportations, l'argent s'y accumuleroit et la monnoie y perdroit beaucoup de sa valeur. Il faut donc qu'à la longue les marchandises achetées par la Russie égalent en valeur celles qu'elle donne en échange; en sorte que s'il y a un solde dû à la Russie par un pays, il doit y avoir un solde dû par la Russie à quelque autre pays. Par conséquent les lettres de change tirées par la Russie sur tous les pays étrangers, et celles que les pays étrangers tirent sur elle, doivent se balancer. C'est l'affaire des négocians en lettres de change de découvrir où ces effets abondent et où ils manquent, afin de les acheter d'un côté et de les vendre de l'autre.

CAROLINE. Si donc les marchands de lettres de change au lieu de garnir le marché anglais de lettres sur la Russie, achetoient le surplus des lettres de la Russie sur l'Angleterre, cela produiroit également l'effet de payer la dette de l'Angleterre à la Russie.

MAD. B. Précisément. Dans notre commerce avec l'Italie, par exemple, nous importons en Angleterre une grande quantité de soies, d'huile d'olive, et d'autres articles variés; tandis que nos exportations, qui consistent en produits de nos manufactures, ne montent qu'à de fort petites sommes. Le change en conséquence deviendroit si défavorable, que nous serions réduits à la nécessité d'exporter de l'or pour payer le surplus de nos importations, si les banquiers ou marchands de lettres de change ne venoient à notre secours. Cette classe utile de commerçans achète le surplus des lettres de l'Italie sur l'Angleterre et les envoie vendre en Allemagne, en France, en Espagne, et par tout

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