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incessamment désolés sans aucun profit sensible

les souverains.

pour

Il me seroit aisé de déduire la même vérité des intérêts particuliers de toutes les cours de l'Europe; car je ferois voir aisément que ces intérêts se croisent de manière à tenir toutes leurs forces mutuellement en respect: mais les idées de commerce et d'argent, ayant produit une espèce de fanatisme politique, font si promptement changer les intérêts apparents de tous les princes, qu'on ne peut établir aucune maxime stable sur leurs vrais intérêts, parceque tout dépend maintenant des systèmes économiques, la plupart fort bizarres, qui passent par la tête des ministres. Quoi qu'il en soit, le commerce, qui tend journellement à se mettre en équilibre, ôtant à certaines puissances l'avantage exclusif qu'elles en tiroient, leur ôte en même temps un des grands moyens qu'elles avoient de faire la loi aux autres. 1

Si j'ai insisté sur l'égale distribution de force qui résulte en Europe de la constitution actuelle, c'étoit pour en déduire une conséquence importante à l'éta

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Les choses ont changé depuis que j'écrivois ceci; mais mon principe sera toujours vrai. Il est, par exemple, très aisé de prévoir que, dans vingt ans d'ici, l'Angleterre, avec toute sa gloire, sera ruinée, et, de plus, aura perdu le reste de sa liberté *. Tout le monde assure que l'agriculture fleurit dans cette île; et moi je parie qu'elle y dépérit. Londres s'agrandit tous les jours; done le royaume se dépeuple. Les Anglois veulent être conquérants; donc ils ne tarderont pas d'être esclaves.

* Il avoit d'abord écrit, aura perdu sa liberté. Voyez le motif de cette correction dans la Correspondance (Lettre à M. de Bastide, du 16 juin 1760).

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blissement d'une association générale; car, pour former une confédération solide et durable, il faut en mettre tous les membres dans une dépendance tellement mutuelle, qu'aucun ne soit seul en état de résister à tous les autres, et que les associations particulières qui pourroient nuire à la grande y rencontrent des obstacles suffisants pour empêcher leur exécution; sans quoi la confédération seroit vaine, et chacun seroit réellement indépendant, sous une apparente sujétion. Or, si ces obstacles sont tels que j'ai dit cidevant, maintenant que toutes les puissances sont dans une entière liberté de former entre elles des ligues et des traités offensifs, qu'on juge de ce qu'ils seroient quand il y auroit une grande ligue armée, toujours prête à prévenir ceux qui voudroient entreprendre de la détruire ou de lui résister. Ceci suffit pour montrer qu'une telle association ne consisteroit pas en délibérations vaines, auxquelles chacun pût résister impunément; mais qu'il en naîtroit une puissance effective, capable de forcer les ambitieux à se tenir dans les bornes du traité général.

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Il résulte de cet exposé trois vérités incontestables l'une, qu'excepté le Turc, il regne entre tous les peuples de l'Europe une liaison sociale imparfaite, mais plus étroite que les nœuds généraux et lâches de l'humanité; la seconde, que l'imperfection de cette société rend la condition de ceux qui la composent pire que la privation de toute société entre eux; la troisième, que ces premiers liens, qui rendent cette société nuisible, la rendent en même temps facile à perfectionner; en sorte que tous ses membres

pourroient tirer leur bonheur de ce qui fait actuellement leur misère, et changer en une paix éternelle l'état de guerre qui règne entre eux.

Voyons maintenant de quelle manière ce grand ouvrage, commencé par la fortune, peut être achevé par la raison; et comment la société libre et volontaire qui unit tous les états européens, prenant la force et la solidité d'un vrai corps politique, peut se changer en une confédération réelle. Il est indubitable qu'un pareil établissement donnant à cette association la perfection qui lui manquoit en détruira l'abus, en étendra les avantages, et forcera toutes les parties à concourir au bien commun mais il faut pour cela que cette confédération soit tellement générale, que nulle puissance considérable ne s'y refuse; qu'elle ait un tribunal judiciaire qui puisse établir les lois et les réglements qui doivent obliger tous les membres; qu'elle ait une force coactive et coercitive pour contraindre chaque état de se soumettre aux délibérations communes, soit pour agir, soit pour s'abstenir; enfin, qu'elle soit ferme et durable, pour empêcher que

les membres ne s'en détachent à leur volonté, sitôt qu'ils croiront voir leur intérêt particulier contraire à l'intérêt général. Voilà les signes certains auxquels on reconnoîtra que l'institution est sage, utile, et inébranlable. Il s'agit maintenant d'étendre cette supposition, pour chercher par analyse quels effets doivent en résulter, quels moyens sont propres à l'établir, et quel espoir raisonnable on peut avoir de la mettre en exécution.

Il se forme de temps en temps parmi nous des es

péces de diétes générales sous le nom de congrès, où l'on se rend solennellement de tous les états de l'Europe pour s'en retourner de même; où l'on s'assemble pour ne rien dire; où toutes les affaires publiques se traitent en particulier; où l'on délibère en commun si la table sera ronde ou carrée, si la salle aura plus ou moins de portes, si un tel plénipotentiaire aura le visage ou le dos tourné vers la fenêtre, si tel autre fera deux pouces de chemin de plus ou de moins dans une visite, et sur mille questions de pareille importance, inutilement agitées depuis trois siècles, et très dignes assurément d'occuper les politiques du nôtre.

Il se peut faire que les membres d'une de ces assemblées soient une fois doués du sens commun; il n'est pas même impossible qu'ils veuillent sincèrement le bien public; et, par les raisons qui seront ciaprès déduites, on peut concevoir encore qu'après avoir aplani bien des difficultés ils auront ordre de leurs souverains respectifs de signer la confédération générale que je suppose sommairement contenue dans les cinq articles suivants.

Par le premier, les souverains contractants établiront entre eux une alliance perpétuelle et irrévocable, et nommeront des plénipotentiaires pour tenir, dans

un lieu déterminé, une diéte ou un congrès permanent, dans lequel tous les différents des parties contractantes seront réglés et terminés par voie d'arbitrage ou de jugement.

Par le second, on spécifiera le nombre des souverains dont les plénipotentiaires auront voix à la diéte; ceux qui seront invités d'accéder au traité; l'ordre, le

temps, et la manière dont la présidence passera de l'un à l'autre par intervalles égaux; enfin la quotité relative des contributions, et la manière de les lever pour fournir aux dépenses communes.

le

Par le troisième, la confédération garantira à chacun de ses membres la possession et le gouvernement de tous les états qu'il possède actuellement, de même que la succession élective ou héréditaire, selon que tout est établi par les lois fondamentales de chaque pays; et, pour supprimer tout d'un coup la source des démêlés qui renaissent incessamment, on conviendra de prendre la possession actuelle et les derniers traités pour base de tous les droits mutuels des puissances contractantes; renonçant pour jamais et réciproquement à toute autre prétention antérieure; sauf les successions futures contentieuses, et autres droits à échoir, qui seront tous réglés à l'arbitrage de la diéte, sans qu'il soit permis de s'en faire raison par voies de fait, ni de prendre jamais les armes l'un contre l'autre, sous quelque prétexte que ce puisse être.

Par le quatrième, on spécifiera les cas où tout allié infracteur du traité seroit mis au ban de l'Europe, et proscrit comme ennemi public; savoir, s'il refusoit d'exécuter les jugements de la grande alliance, qu'il fit des préparatifs de guerre, qu'il négociat des traités contraires à la confédération, qu'il prît les armes pour lui résister ou pour attaquer quelqu'un des alliés.

Il sera encore convenu par le même article qu'on armera et agira offensivement, conjointement, et à

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