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acquifes les obfervations du petit nombre de naturaliftes qui ont suivi de plus près les Abeilles, nous penfons qu'on peut & qu'on doit faire quelque différence entre elles. Les unes ont pour objet les travaux, la généra tion, la multiplication, l'anatomie & la connoiffance des différentes parties du corps des Abeilles. Les autres concernent les procédés merveilleux, les manoeuvres ingénicufes, l'induftrie raifonnée, l'amour décidé pour le bien commun, ou même cet inftinct fingulier qu'on femble accorder avec complaifance à ces infectes. Les premieres doivent être regardées comme inconteftables, parce qu'on a eu tout le tems, tous les moyens & toute la facilité de les vérifier, de les répéter & de les conftater. Les fecondes, fur lesquelles nous nous sommes principalement écartés de nos conducteurs ordinaires, ne nous paroiffent pas avoir le même dégré de certitude & d'autorité. Ce font moins des faits qu'on ait bien vû & revû que des conféquences qui n'ont

pas une liaison néceffaire avec les procédés que l'obfervateur a remarqué. D'ailleurs, il y a des obfervations qu'on ne peut faire hors de la Ruche, & il eft bien difficile de fe mettre à portéc d'en bien voir le dedans. Les manoeuvres qu'on a le plus à coeur de fuivre, fe font fouvent dans des endroits trop éloignés des yeux du fpectateur ou trop peu éclairés, & en général tout le fait trop tumultuairement dans une Ruche, & avec trop de vivacité, pour qu'on puiffe être bien fatisfait de ce qu'on a vû. Nous avons fans doute des obligations effentielles à la fagacité & au travail constant des naturaliftes qui dans ces derniers tems ont obfervé les Abeilles. Ils ont corrigé ou plûtôt détruit bien des rapports dictés par l'amour du merveilleux. Un grand nombre de faits, qui dans l'hiftoire des Abeilles parurent des merveilles & des prodiges aux anciens, ou ont été entiérement rejettés, ou ont perdu ces titres trop faftueux & peu mérités. Mais feroit-ce faire injure à ces obfervateurs d'ailleurs fi laborieux

fi

& fi judicieux, que de penfer qu'ils n'ont pas encore détruit toutes les fables, & que quoique leurs rapports foient presque toujours très-exacts, les conféquences qu'ils en ont tiré font quelquefois libres & arbitraires, quelquefois peut-être l'effet de l'amour qu'ils avoient pour le fujet qu'ils examinoient? Je suis perfuadé, dit M. de Reaumur lui-même, que ces mouches admirables ne m'ont pas tout montré à beaucoup près, qu'elles fe font réservées encore des myfleres qu'elles pourront découvrir à quelqu'un qui les obfervera dans de nouvelles circonstances, & avec une nouvelle affiduité. Ne pouvons-nous pas ajoûter que celui qui les fuivra dans de nouvelles circonstances, & avec une nouvelle affiduité, ne leur trouvera peutêtre pas tant d'efprit qu'on leur en attribue encore aujourd'hui, ou que tout au moins il trouvera des compenfations à faire bien défavorables à leur induftrie & à leur intelligence? L'exemple de M. de Buffon, & la lecture attentive que nous avons fait de ses ou

vrages nous ont autorifé à ne pas paroître trop crédules. Nous nous fommes efforcés de réduire & de mettre en œuvre ce que ce profond philofophe nous a donné fur la nature des animaux. Les bornes que nous nous étions prefcrites ne nous ont permis que d'analyfer fon fyftême, & peutêtre aurions-nous mieux fait de n'y pas toucher, que d'entreprendre de mettre en dialogue, & d'abréger un long difcours qui ne peut l'être fans perdre beaucoup de fa force & de fa beauté. On ne s'appercevra que trop qu'il n'y a de lui qu'une partie de ce que nous avons dit fur cette intéreffante matiere. Nous fouhaiterions fincérement que tout le reste de cet entretien lui appartint également, & qu'en général tout notre ouvrage ne fût qu'un nouvel abrégé des phyficiens & des obfervateurs que nous avons lû. Le pu blic ne pourroit qu'y gagner, & nous -n'y perdrions qu'une gloire à laquelle nous n'afpirons pas, celle d'auteur & d'original. Mais il ne fera encore que

trop évident & trop fenfible, que le plus fouvent nous avons manqué de reffources, & que nous avons été abandonnés à nous-mêmes, foit dans tout ce qui eft relatif à cette nouvelle conftruction, foit dans bien des chofes qui ont rapport à l'hiftoire des Abeilles.

Ce que nous venons de dire fervira à répondre à deux demandes qu'on nous a déja fait, & qui avoient tout l'air d'une critique. Eft-ce l'histoire des Abeilles que vous nous préparez, nous ont dit les premiers? cette question ne tendoit qu'à nous faire fentir ce que nous n'ignorons pas, qu'il eft très-difficile, & prefqu'inutile de vouloir manier des fujets qui ont paffé par les mains de M. de Reaumur, & que M. Bazin a li agréablement abrégé. Eft-ce d'un calendrier fimple pour toute l'année que vous allez nous enrichir, nous dit les autres? il eft vifible qu'on craignoit l'ennui & le dégoût qu'entraîne néceffairement une méthode féche de pratiques & d'opérations purement méchaniques. Nous répondons que nous

nous ont

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