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du pain pour nos soldats. D'après cela, quand la troupe a été rangée sur la place de l'hôtel de ville, tous les citoyens sont venus en pleurant pour nous loger chez eux malgré la municipafité. Nous n'avons point d'armes pour monter la garde; nous la faisons monter à nos soldats avec des bâtons; on nous traite de scélérats et de sans-culottes. Dans le fait, Messieurs, presque tous les officiers et les soldats n'ont que des pantalons, comme en voilà. (Applaudissements.) Nous avons arrêté avant-hier, deux hommes qui voulaient enrôler nos fédérés pour les ennemis. Ils leur ont dit que c'était sous le nom de M. le duc de Barbançon et que nous en saurions davantage si nous voulions aller au château de Barbançon, pour savoir s'il y avait des armes ; mais n'en ayant pas nous avons craint que cela ne fût pour nous massacrer, et nous n'avons pu y aller. La municipalité, Messieurs, s'est emparée des hommes que nous avions arrêtés, et n'a pas voulu que nous poussions l'affaire plus loin. Ainsi nous demanderions que l'affaire fùt suivie, pour savoir si ces gens-là ont des armes.

M. le Président. L'Assemblée nationale prendra en considération ces faits. Elle vous invite à assister à sa séance.

:

L'orateur Messieurs, on a trompé vos commissaires envoyés à Soissons; ils vous ont dit que c'était du verre tombé par accident dans la farine; c'était du verre pilé. (Murmures.)

M. Thuriot. Messieurs, je crois que dans ce moment, une des mesures principales à prendre est de tâcher de découvrir les coupables, et d'autoriser les municipalités à faire des perquisitions. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que nous soinmes depuis très longtemps en guerre avec une portion de l'Empire français; par conséquent cette portion doit être surveillée. Il faut donc que des autorités constituées puissent faire des perquisitions dans tous les châteaux et demeures, où il est nécessaire de savoir s'il y a des armes et de la poudre. En conséquence, je demande que l'Assemblée nationale décrète à l'instant que les corps administratifs et municipaux seront autorisés à faire toutes visites et perquisitions domiciliaires, pour savoir s'il y a des armes ou munitions de guerre dans toutes les maisons possibles; (Applaudissements) et que si les municipalités ou les corps administratifs le trouvent convenable, les armes soient enlevées après procès-verbal, et en donnant reconnaissance précise des objets qu'on aura enlevés.

M. Brival. Pour armer plus promptement les fédérés qui sont ici, je demande qu'on leur donne les fusils des ci-devant gardes du corps.

par

M. Thuriot. Pour ce qui regarde les faits ticuliers des deux bataillons qui sont à Noyon, je crois qu'il faut décréter que les officiers qui sont à la tête, soit des bataillons, soit des compagnies, enverront un état exact de ce qui s'est passé dans cette ville, et en même temps décréter que la municipalité rendra compte de sa conduite. Avec ces deux comptes différents, nous serons à portée de prononcer définitivement.

(L'Assemblée renvoie la pétition à son comité militaire et cependant décrète que les officiers qui commandent soit les bataillons, soit les compagnies de résidence à Noyon, et les officiers municipaux de cette ville, rendront respectivement compte des faits qui donnent lieu à la plainte de l'officier pétitionnaire. Elle adopte ensuite la proposition de M. Thuriot sur les me

sures générales de sûreté que les circonstances commandent d'autoriser les corps administratifs et municipalités à faire chez les particuliers et partout où ils jugeront nécessaire, la recherche des armes et munitions de guerre.)

Suit le texte du projet de décret rendu sur ce dernier point:

« L'Assemblée nationale considérant que dans les circonstances présentes, le salut de la patrie exige que les citoyens soient armés, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les corps administratifs et les conseils généraux de communes sont autorisés à vérifier dans les maisons, tant des villes que des campagnes, les armes et les munitions qui pourraient s'y trouver; et de les faire enlever des maisons suspectes, après en avoir dressé procès-verbal et donné reconnaissance aux propriétaires.

M. You, membre de la commune de Paris, est admis à la barre.

Il s'exprime ainsi :

Monsieur le Président, nous sommes chargés par le conseil général provisoire et permanent de la commune de Paris, de vous annoncer que le calme est parfaitement rétabli dans la capitale. Des patrouilles nombreuses surveillent la tranquillité publique, celle de tous les citoyens et celle de tous les représentants du peuple français. M. le commandant général vient de donner tout à l'heure des ordres pour qu'il soit porté vers cette Assemblée 20 hommes par bataillon. Nous avons examiné, en passant, l'incendie; il n'y a aucun danger; les deux extrémités des bâtiments qui touchent au Carrousel ne touchent à aucuns bâtiments. D'ailleurs, il y a des pompes établies, et l'Assemblée nationale peut être bien tranquille.

M. Louvet, au nom du comité de législation, présente un projet de décret tendant à déclarer qu'il n'y a pas lieu à accusation contre le sieur Saint-lluruge (1). Ce projet est ainsi conçu:

« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de la procédure instruite d'abord à Lille, ensuite à Péronne contre Richard Alexis Saint-Huruge, et envoyé au Corps législatif par le tribunal de Péronne, décrète qu'il n'y a pas lieu à accusation. »

(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

M. Choudieu. Je demande, par suite, que M. Saint-Huruge soit mis en liberté, et qu'on renvoie au comité de législation l'examen de la conduite du juge de paix qui s'est permis de décerner un mandat d'arrêt contre lui.

M. Thuriot. La Constitution défend expressément d'attenter à la liberté individuelle sans cause légitime; et toutes les fois qu'il plaît à un juge de paix de faire arrêter un citoyen sans cause légitime, il prévarique, et je le trouve, par conséquent, dans le cas d'être dénoncé lui-même pour cause de forfaiture. En conséquence, je ne demande point le renvoi à la commission pour faire une loi qui existe, mais je demande le renvoi au comité pour examiner avec attention la conduite de ce juge de paix et, s'il y a lieu, à accusation contre lui pour cause de forfaiture.

(1) Voy. Archives parlementaires, 1a série, t. XLVI, seance du 11 juillet 1792, page 341, l'envoi d'une procédure instruite contre le sieur Saint-Huruge par le tribunal du district de Péronne.

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M. Thuriot. Il est constant, Messieurs, qu'il existe une coalition entre les juges de paix contre la liberté publique. Nous savons que ces juges créés pour le bonheur du peuple, n'ont cessé de le vexer, par une condescendance aveugle à toutes les volontés du pouvoir exécutif; ils n'ont donc plus, et ne doivent plus avoir la confiance des citoyens de Paris. Je demande donc que l'Assemblée, considérant que le plus grand nombre des juges de paix établis dans la ville de Paris n'ont pas la confiance des citoyens, et que, pour faire régner l'ordre, il est très important que cette confiance se rétablisse, décrète

les assemblées des sections procéderont sans Julai sasa nomination de nouveaux juges de paix. Et comme il n'est pas naturel que ceux qui peuvent s'être bien conduits souffrent de l'incivisme des autres, je demande que l'on décrète la faculté de réélire ceux dont la conduite ne mérite aucun reproche.

M. Brival. Non seulement les juges de paix, mais tous les membres des autres administrations, et je propose de faire concourir tous les citoyens à cette élection. (Applaudissements.)

L'Assemblée adopte la proposition de M. Thuriot ainsi amendée.

Suit le texte définitif du décret rendu :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'une partie des juges de paix de Paris ne jouissant plus de la confiance publique, il importe, dans les circonstances actuelles, de les renouveler, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1er.

« Les sections de Paris seront convoquées sans retard pour procéder, suivant les formes ordinaires, à la nomination de nouveaux juges de paix.

Art. 2.

« Pourront être réélus ceux de ces fonctionnaires qui jouissent de l'estime publique.

Art. 3.

Tous les citoyens âgés de vingt-cinq ans, domiciliés à Paris, au moins depuis un an, seront admis à voter pour cette élection. »

M. Romme propose des moyens de créer surle-champ une cavalerie extraordinaire qu'il propose de monter sur les chevaux des écuries du roi qui sont à l'École militaire.

M. Taillefer. Je demande le renvoi à la commission pour savoir si nous pouvons disposer de ces chevaux.

M. Grangeneuve. J'observerai à cet égard qu'il était autrefois offert 600 chevaux au roi comme chef du pouvoir exécutif, comme roi; aujourd'hui que la nation a pourvu d'une autre manière à son sort, ces 600 chevaux reviennent, appartiennent à la nation.

M. Rovère. Les chevaux appartiennent à la nation; mais dans tous les cas il faut les mettre sous la main de la nation, et sous la sauvegarde de la municipalité.

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« Les gendarmes nationaux qui ont eu des chevaux tués dans la journée du 10 août, garderont provisoirement, en remplacement, ceux qu'ils ont pris à l'Ecole militaire. »

M. Thuriot. Je demande que pour hâter la formation du camp décrété ce matin, formation qui devrait, s'il est possible, être faite en quarante-huit heures, vous nommiez 4 commissaires pris dans le sein de l'Assemblée. (Applaudissements.)

(L'Assemblée charge la commission extraordinaire des Douze de nommer demain ces 4 commissaires.)

Une députation des pompiers est introduite à la barre.

L'orateur de la députation demande du secours. Il y a 900 toises en feu. On tire sur eux. On les menace de les jeter dans l'incendie. En vain MM. Merlin et Lecointre ont représenté au peuple que le château était une propriété nationale. Malgré cette mauvaise réception, comme ils ne peuvent voir de feu sans chercher à l'éteindre, ils s'y sont portés quatre fois. Si la garde nationale ne manoeuvre pas avec eux, ils ne répondent de rien. Et si le feu continue, et gagne les pavillons de Flore et de l'Infante, il fera dans la rue Saint-Honoré les plus affreux

ravages.

(L'Assemblée applaudit au zèle des pompiers, en ordonne mention honorable, et décrète qu'il leur sera délivré un extrait du procès-verbal pour montrer au peuple.)

La députation sort de la salle. (Nouveaux applaudissements.)

Plusieurs citoyens se présentent à la barre et annoncent qu'ils ont recueilli des effets, bijoux et autres objets.

M. Grangeneuve. Je demande que les commissaires de la commune fassent un inventaire de tous les objets que renferme le château et de tous ceux qui y seront apportés.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Grangeneuve.)

M. Pieyre offre, au nom des membres du directoire du département du Gard, 2,000 livres qu'ils verseront dans la caisse du receveur du district; de M. Lacombe-Maudiargues, administrateur du conseil, 165 livres; et de M. Pierre Chabanel, 315 livres, montant des avances qu'il avait faites pour l'expédition de Jalès, et dont l'Assemblée a ordonné le remboursement. (Applaudissements.)

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

M. Vincens-Planchut fait hommage, au nom de M. Lenort, ancien commandant aux colonies, de titres intéressants pour la nation, sur l'Ordre de Malte.

(L'Assemblée ordonne la mention honorable et autorise M. Vincens-Plauchut à déposer ces titres aux Archives.)

La séance est suspendue.

Il est trois heures et demie du matin.

PREMIÈRE ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGIS-
LATIVE DU VENDREDI 10 AOUT 1792.

RAPPORT (2) fait au nom du comité des secours publics, sur les secours provisoires à accorder aux hôpitaux pour 1792, par JEAN-BAPTISTE BO, député de l'Aveyron.

Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité des secours publics les pétitions de plusieurs administrations d'hôpitaux; toutes vous imposent la douloureuse impossibilité de remplir envers des malheureux le devoir de l'assistance.

se portaient, avant la Révolution, à 33 millions, sont réduits à 20. Les sommes décrétées en 1791, pour leur faire des avances provisoires, se portent à 4 millions 500,000 liyres; et celles accordées en 1792, à 1 million 500,000 livres sur laquelle somme de 6 millions il reste à la disposition du ministre celle de 825,388 livres, qui eût été absorbée et insuffisante depuis longtemps, si la loi du 25 juillet n'eût présenté, dans son exécution, des difficultés qui ont paralysé les demandes des hôpitaux, sans faire cesser leurs besoins.

D'après ce calcul, Messieurs, les hôpitaux sont évidemment en souffrance, et quelle que soit la position de vos finances dans la circonstance pénible où se trouve l'Etat, il suffira à votre comité de vous indiquer le besoin de l'homme souffrant, pour que vous alliez au-devant de lui. L'humanité est la vertu de l'homme par essence; et l'homme par essence est l'homme libre.

Si vous n'aviez, Messieurs, qu'à accorder aux hôpitaux des indemnités conformément à la loi du 10 avril 1791, votre comité n'aurait à son tour qu'à vous proposer une nouvelle destination de fonds pour l'année courante; en vous assurant que si les grands intérêts qui vous occupent dans ce moment vous donnent du relâche, et vous permettent de soumettre à votre discussion les différents rapports que votre comité a préparés depuis quelques mois pour le complément de l'organisation générale de secours, vous ne serez pas obligés d'admettre des mesures provisoires, qui ne peuvent avoir jamais ce caractère de grandeur et de justice qui constitue une bonne législation. Mais, Messieurs, en décrétant de nouveaux fonds pour 1792, il reste à savoir si vous adopterez les bases des lois du 10 avril et 25 juillet 1791. Votre comité ne se permettra que de courtes réflexions sur celle du 25 juillet, parce qu'il n'est pas douteux que l'indemnité de toutes les suppressions qui n'ont tourné au profit de personne, doit être à la charge de la nation; qu'ainsi les hôpitaux qui en réclament, en vertu de la loi du 10 avril, doivent être autorisés à les exiger pour 1792. Mais cette loi n'étend point l'indemnité sur la suppression des octrois, qui formaient la grande masse des revenus des hôpitaux; et celle du 25 juillet n'accorde des fonds que comme secours les provisoires, qui seront avancés successivement à titre de prêt, à la charge par les municipalités de rétablir ces avances dans la caisse de l'extraordinaire, par le produit des sols additionnels aux contributions foncière et mobilière, et sur les droits de patente; de donner en garantie de ces avances le seizième qui leur revient dans le produit de la vente des biens nationaux dont elles sont soumissionnaires; et à défaut de cette garantie du seizième, les administrations d'hôpital, ou les municipalités, seront tenues de présenter, sur l'avis des directoires de district et de département, les capitaux des rentes et des biensfonds que peuvent posséder les hôpitaux.

Comme le dénuement de tous ces hôpitaux tient aux mêmes causes, votre comité a pensé qu'en les mettant sous vos yeux, et plaçant à côté le remède, un seul et même rapport satisferait à toutes les demandes qui vous sont faites. La situation diséteuse des hôpitaux provient de la perte de leurs rentes sur les biens nationaux, de la suppression des dimes, des droits de havage, minage, brassage sur les boissons, des droits de contrôle, des droits de péage, et surtout de la suppression des octrois, d'un accroissement sensible de pauvres, dù aux calamités physiques et politiques qui affligent l'Etat. L'Assemblée constituante, par une loi du 10 avril 1791, avait ordonné une indemnité équivalente aux pertes qu'éprouvaient les hôpitaux, maisons de charité, et fondations pour pauvres, par la suppression des objets ci-dessus désignés, à l'exception des octrois. Elle avait pensé sans doute pour ceux-ci, que les communes jouissant du bienfait de leur suppression, devaient les remplacer, en faveur des hôpitaux, par une imposition équivalente; mais, comme il était essentiel de ne pas suspendre leurs revenus, une loi du 25 juillet 1791 accorde une somme de 3 millions, pour servir à titre d'avance aux hôpitaux privés de leurs octrois, et qui auraient des besoins pressants et momentanés. Aucune loi n'a prévu, ni pourvu à l'extinction subite des revenus de quelques hôpitaux qui n'avaient d'autre hypothèque que la bienfaisance de quelques particuliers, dont la vertueuse ostentation a passé avec l'espoir d'une distinction orgueilleuse.

Il résulte, Messieurs, de toutes ces suppressions, que les revenus des hôpitaux français, qui

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 660, l'adoption du projet de décret présenté par M. Bo.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Secours publics, no 14.

Votre comité, Messieurs, a trouvé dans cette loi une série rigoureuse de formalités quelquefois impossibles à remplir, ainsi que l'expérience l'a démontré. Quelques municipalités, d'abord, se sont empressées d'y adhérer, pour calmer les besoins impérieux de leurs hôpitaux; mais bientôt elles ont résisté à un besoin renaissant ; d'autres n'ont pu donner en garantie des effets qu'elles avaient déjà hypothéqués; quelques-unes enfin n'ont eu ni seizième à leur disposition, ni propriétés d'hôpital à offrir, ni sols additionnels

pensa

[Assemblée nationale législative.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 août 1792.]

de libres de sorte que plusieurs hôpitaux n'ont pu recevoir de l'Etat, faute de cautionnement, des avances en remplacement de leurs pertes, et qu'ils ne subsistent que par une disposition bienfaisante de quelques administrateurs, qui se sont épuisés pour fournir à ces asiles de souffrance, aux dépens de leurs revenus et de leurs capitaux, en attendant que vous prononciez, ou sur la modification de la loi du 25 juillet, ou sur l'organisation définitive des hôpitaux. Mais, Messieurs, ne pouvant statuer dans ce moment sur celle-ci, votre comité pense qu'il est indispenpensable de créer de nouveaux fonds pour l'année courante; et que vous devez renoncer à demander aux municipalités, pour garantie des avances que vous ferez aux hôpitaux, le produit de leur seizième dans la vente des biens nationaux, puisque vous ne pouvez pas les forcer à cet engagement, et que la vie d'un malade ne doit pas tenir à la générosité d'une commune, lorsque la nation lui doit la subsistance. Il n'a pas paru non plus à votre comité de la plus exacte justice, de faire supporter à une commune l'imposition totale des sommes avancées à un hôpital qui est ouvert à tous les malheureux des cantons et districts du département, et même à tous les passants. Ce n'est pas à une branche du tronc à nourrir toutes les feuilles de l'arbre. Dès qu'un hôpital est d'une ressource commune à tous les infirmes qui s'y présentent, sa dépense doit être, ou aux frais de la nation, ou tout au moins aux frais du département, comme l'observent trèsbien les municipalités qui ont des hôpitaux dans leur enceinte.

Enfin, Messieurs, votre comité pense que quand les hôpitaux ne donneraient en garantie des avances qu'ils recevront, que tout ce qu'ils possèdent en propre; quand ce cautionnement ne consisterait que dans les droits naturels des pauvres, leurs souffrances et leurs bénédictions; vous n'en seriez pas moins empressés d'acquitter envers eux le plus doux et le plus saint des devoirs.

Voici, Messieurs, le projet de décret que votre comité vous propose, après s'être concerté avec le comité de l'ordinaire des finances (1).

DEUXIÈME ANNEXE (2)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGIS-
LATIVE DU VENDREDI 10 AOUT 1792.

RAPPORT (3) fait, au nom du comité de l'examen des comptes sur la comptabilité du sieur Bertin, ci-devant receveur général des parties casuelles, par M. François Ille, député de l'Ariège.

Messieurs, un des moyens les plus indispensables pour triompher des ennemis de la liberté et de l'égalité consiste à établir une balance exacte entre les recettes et les dépenses de la nation, et comme, dans un Etat libre, il ne peut y avoir de dépenses que celles qui sont reconnues nécessaires, on ne peut, sans un préjudice

(1) Voy. ci-dessus, mème séance page 660, l'adoption de ce projet de décret.

(2) Voy. ci-dessus, même séance, page 673, l'adoption du projet de décret, présenté par M. Ille.

(3) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Comptabilité, no 15.

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des plus notables, négliger aucune des res-
sources qui doivent concourir à l'acquit des dé-
penses.

La comptabilité des divers agents de l'ancien
système des finances est mise au nombre des
ressources de la présente année : il est donc
très important de connaître au plus tôt le résultat
de leurs comptes, afin de faire verser à la Tréso-
rerie nationale les fonds qui restent entre les
mains des comptables, au grand détriment de
la nation. La négligence de ces derniers, les
longs délais qu'ils osent réclamer pour éloigner
l'époque de la remise de leurs comptes, et en
retarder par ce moyen la vérification, annoncent
assez la nécessité d'user à leur égard d'une juste
sévérité.

Les commissaires de la comptabilité vous ont adressé des observations sur un mémoire présenté par le sieur Bertin au sujet des divers objets de sa recette : vous avez renvoyé le tout au comité de l'examen des comptes, qui m'a chargé de vous en faire le rapport. Je vais donc vous présenter les divers objets de la comptabilité du sieur Bertin, la division qui a été suivie pour rendre ses comptes, et enfin un projet de décret qui pourra concilier les intérêts de la nation avec les devoirs et les réclamations du comptable.

La recette des revenus casuels était composée : 1o Des droits de survivance et de mutation payés par les acquéreurs d'offices ou par leurs héritiers, et du montant des finances de certains offices, tels que ceux des secrétaires du roi près la chancellerie, et autres, qui se levaient annuellement aux parties casuelles; c'est ce qu'on appelait l'ordinaire des parties casuelles;

2o Des droits nommés prêts et annuel, et centième denier, payés annuellement par les titulaires, pour la conservation de leurs offices, qui seraient tombés vacants aux parties casuelles, si ces droits n'avaient pas été payés dans l'année de leur décès;

3o Des finances des maîtrises créees par édit d'août 1776;

4o Des finances des offices de grands-maîtres des eaux et forêts, dont l'édit du mois d'août 1784 ordonnait la consignation;

5° De la finance des offices de gardes du commerce, dont l'édit de juillet 1778 ordonnait aussi la consignation;

6° Enfin, des finances des offices municipaux créés par édit d'octobre et novembre 1771, payées par différentes villes pour rentrer dans le droit d'élection des maires, échevins, consuls et autres officiers municipaux.

La comptabilité de tous ces objets se divise en deux parties: la première comprend l'ordinaire. des parties casuelles, le prêt et annuel, et le centième denier, avec les finances des nouvelles maîtrises. Les comptes en étaient rendus annuellement à la Chambre des comptes de Paris. Tous les comptes de cette première partie ont été apurés et corrigés, à l'exception d'un seul, relatif aux finances des nouvelles maîtrises pour l'année 1787, qui reste à apurer. Le sieur Bertin en rapporte l'état final, par lequel il est constitué en debet de la somme de 327,633 l. 13 s. 11 d., qui aurait dû être versée au Trésor public dans les dix premiers jours de janvier 1788, suivant l'article 7 de l'édit de suppression de l'office de receveur général des parties casuelles du 9 octobre 1787. La quittance des fonds versés au Trésor public devait être visée avant la fin du même mois par deux commissaires du roi

nommés à cet effet; cependant, la somme de 327,633 1. 18 s. 11 d. n'a été payée que le 20 octobre 1791, c'est-à-dire plus de trois ans et demi après l'époque à laquelle le payement aurait dù être fait. La nation a donc éprouvé un double préjudice, en ce qu'elle a été privée de ce capital, et qu'elle a néanmoins payé au comptable les intérêts de sa finance.

Il paraît donc indispensable de prendre en considération le retard du versement de la somme de 327,633 1. 18 s. 11 d., lors de la correction du compte des finances des nouvelles maîtrises relatif à l'année 1787, pour en faire acquitter les intérêts. A cela près, le sieur Bertin a rempli ses obligations sur la première partie de sa comptabilité.

La seconde partie, dont il n'était point compté à la chambre des comptes, comprend la finance des offices de grands-maîtres des eaux et forêts, des gardes du commerce, et celles des officiers municipaux, payées par différentes villes pour rentrer dans leur droit d'élection; enfin, les sommes payées par divers particuliers pour la conservation de leurs offices.

Le sieur Bertin observe qu'il n'avait point de caisse particulière pour cette recette; que les fonds en étaient versés dans la caisse unique des parties casuelles, dont les états de situation étaient remis tous les mois au ministre des finances, qui disposait de ces fonds, comme des autres deniers du Trésor public.

Ici se découvre un de ces abus si multipliés dans l'ancien système des finances, et qui étaient la source des fortunes énormes qui excitent aujourd'hui de si vifs regrets parmi les auciens agents du fisc. Des sommes très considérables restaient entre les mains du sieur Bertin, sous prétexte d'une formalité des plus frivoles. Les finances des offices étaient versées dans la caisse des parties casuelles. Dans l'acte de consignation, le nom du sujet auquel devait être expédiée la quittance de finance restait en blanc; et ce n'était qu'au moment que la quittance de finance était expédiée, que le receveur des parties casuelles était obligé de comprendre les sommes versées dans sa caisse, dans les états remis au ministre des finances. Il s'écoulait souvent dix à douze ans entre la recette faite par le sieur Bertin et le versement des fonds au Trésor public. Cet ordre de choses, entièrement à l'avantage du receveur, lui procurait des fonds considérables dont il pouvait disposer pendant plusieurs années; et ce qu'il y a d'inconcevable, c'est que l'Etat était aux expédients pour se procurer de l'argent; tandis qu'une vaine formalité retenait des sommes très considérables en stagnation dans la caisse du receveur des parties casuelles.

L'ordre de la comptabilité, ainsi que l'intérêt de la nation, exigent donc que le sieur Bertin rende un compte général de la seconde partie de sa recette. Il offre de compter incessamment des offices de grands-maîtres des eaux et forêts, et de ceux des gardes du commerce, mais il demande une année pour présenter les comptes des sommes payées par les villes et les titulaires, sous prétexte qu'il a beaucoup d'acquits à réunir, et que des réclamations qu'il se croit en droit de former nécessitent des recherches devenues très difficiles par le long cours de sa comptabilité.

Il vous paraîtra, sans doute, Messieurs, qu'un délai de deux mois est suffisant, surtout si vous considérez que le sieur Bertin n'a pas dû négli

ger, depuis 1787, époque de la suppression de son office, jusqu'à ce jour, des recherches qu'il croyait devoir tourner à son profit.

Il est essentiel d'observer que le comptable doit être obligé de former un état certifié de lui, contenant les noms des villes qui, pour rentrer dans leur droit d'élection, ont payé le prix des offices municipaux, en distinguant celles qui ont rempli les formalités nécessaires pour conserver la propriété, de celles qui ont joui du droit d'élection sans remplir les formalités indispensables, telles que l'expédition des quittances de finance, l'acquit des droits de mutation, de centième denier, et de marc d'or. Ces villes ne peuvent point réclamer de remboursement, tandis que les premières y ont un droit incontestable.

TROISIÈME ANNEXE (1)

A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU VENDREDI 10 AOUT 1792. DISCOURS DE PIERRE-ANASTASE TORNÉ (2), évêque et député du Cher, sur les grandes mesures nécessaires pour sauver la patrie (3), le 9 août 1792, l'an IVe de la liberté (4).

Messieurs, quand un représentant de la nation monte à cette tribune pour proposer des moyens de sauver la patrie, quand il vient discuter la grande question, s'il est nécessaire de sacrifier le roi au salut du peuple, des ménagements pusillanimes seraient une lâcheté, des réticences graves une haute trahison, des demi-mesures une ineptie, et la crainte de se compromettre un coupable égoïsme. Cependant, je n'oublierai pas que, dans cette grande cause, je dois parler en juge impartial, plutôt qu'en orateur véhément plus l'opinion publique parait s'être prononcée pour la déchéance du monarque, plus je m'imposerai le devoir de préférer le calme de la raison aux mouvements de l'éloquence, la modération à l'énergie, la prudence à l'emportement, et la profondeur de la discussion à l'agrément des saillies.

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 645 le décret prononçant la déchéance du roi.

(2) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Le, n° 116.

(3) J'étais un des premiers inscrits pour la parole sur la question de la déchéance du roi; mais le projet de décret de la commission extraordinaire ayant été mis aux voix sans discussion, je n'ai pas eu occasion de prononcer mon discours. Comme il tend à faire adopter les mêmes dispositions que celles qui ont été adoptées, s'il n'a pas servi à provoquer ce décret, il servira du moins à le justifier, et c'est pour cela que je le fais imprimer.

(4) Pour bien juger de ce discours, il ne faut pas perdre de vue qu'il a été fait et remis à l'impression avant les événements du 10 août ainsi qu'en temoigne l'attestation de M. Baudouin, imprimeur de l'Assemblée.

a Je certifie que le discours de ce M. Torné m'a été remis le 9 du présent mois d'août, pour être imprimé, en attendant qu'il le prononçåt à la tribune de l'Assemblée nationale; mais les evenements du 10 m'ayant privé deux jours de mes ouvriers, et les décrets urgents que ces événements ont rendu nécessaires ayant surcharge nos presses, l'impression de ce discours n'a pu être achevée que le 25 du courant.

Signé: BAUDOUIN, imprimeur de l'Assemblée nationale. >>

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