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L'un d'eux remet une lettre adressée à M. Brissac.

D'autres rapportent qu'on a trouvé dans l'appartement de l'épouse du roi une boîte renfermant des bijoux.

(L'Assemblée décrète que la boîte sera remise à l'épouse du roi; elle renvoie la lettre de M. Brissac au comité de surveillance et ordonne que les autres objets précieux seront remis à la municipalité de Paris.)

M. Thuriot. Je demande qu'un secrétaire soit chargé de recueillir tous les actes de patriotisme et de vertu, tous les traits qui peuvent caractériser le vrai civisme; et que celui en particulier qui vient d'être énoncé à la barre soit à l'instant recueilli et envoyé à la commune. Il est important que tous les actes de vertus soient publiés dans un moment de fermentation. En conséquence, j'insiste pour que ma motion soit mise aux voix.

(L'Assemblée adopte la proposition.)

Un membre: Je demande en même temps que la commune soit tenue de prendre des mesures pour le soulagement des blessés.

(L'Assemblée adopte la proposition,)

M. Jean Debry (Aisne), au nom de la commission extraordinaire des Douze, présente trois projets de décrets sur la forme que l'Assemblée donnera à ses décrets pendant la suspension du roi, et sur le mode qu'elle emploiera pour les faire parvenir aux départements et s'assurer que l'envoi en a été fait. Ces projets de décrets sont ainsi conçus :

Premier décret.

« L'Assemblée nationale décrète que, jusqu'à l'organisation du nouveau ministère, le comité des décrets est provisoirement chargé de faire l'envoi de toutes les lois et de tous les actes du Corps législatif. »>

(L'Assemblée adopte le projet de décret.)

Second décret.

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est important d'adopter sur-le-champ une mesure quí puisse constater que ses décrets auront été remis à leur destination,

Décrète que les porteurs de décrets ou autres actes du Corps législatif prendront un récépissé des corps administratifs ou des individus auxquels ils seront chargés de les transmettre. » (L'Assemblée adopte le projet de décret.)

Troisième décret.

"L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe de régler la forme de ses décrets pendant la suspension du pouvoir exécutif, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

«Art. 1er. Les décrets déjà rendus et qui n'auraient pas été sanctionnés, et les décrets à rendre qui ne pourraient l'être à cause de la suspension du roi, porteront néanmoins le nom de loi, et en auront la force dans toute l'étendue du royaume. La formule ordinaire continuera d'y être employée.

«Art. 2. Il est enjoint au ministre de la justice d'y apposer le sceau de l'Etat, sans qu'il

soit besoin de sanction du roi, et de signer les minutes et expéditions des lois qui doivent être envoyées aux tribunaux et aux corps administratifs; les ministres arrêteront et signeront ensemble les proclamations et autres actes de même nature. »

(Il s'élève des discussions sur ce dernier projet de décret. On fait remarquer que pendant la suspension du chef du pouvoir exécutif il serait inconvenant d'employer la formule royale. On demande le rapport du décret en ce qu'il consacre l'usage de cette formule.)

(L'Assemblée ordonne le rapport et décrète qu'à compter de ce jour tous ses décrets seront imprimés et publiés sans préambule et qu'ils seront terminés par le mandement accoutumé et signés par le ministre de la justice au nom de la nation.)

M. le Président cède le fauteuil à M. Merlet, président.

PRÉSIDENCE DE. M. MERLET.

Les membres du comité de la section des Postes, demandent à être introduits.

L'orateur de la députation donne lecture de la pétition ci-jointe :

« Monsieur le Président,

« Les citoyens de cette section chargent leurs commissaires d'aller à l'Assemblée nationale, et d'y prendre les renseignements nécessaires sur ce qui s'y passe et dans la ville, et de mettre les commissaires en état de tranquilliser le peuple, et de dissiper leurs inquiétudes.

(Suivent plusieurs signatures.)

M. Blanchard. Je demande qu'on lui donne communication des décrets rendus.

M. Quinette. Je demande que l'Assemblée ordonne que trois de ses membres, réunis aux commissaires de la trésorerie nationale, dresseront un procès-verbal de l'état actuel des caisses de la trésorerie, lequel procès-verbal sera incessamment rapporté à l'Assemblée nationale. (L'Assemblée adopte la proposition de M. Quinette.)

Un grand nombre de aéputés prêtent le serment décrété ce matin.

M. Duhem. En vertu des ordres que nous avons reçus de l'Assemblée nationale, nous nous sommes transportés au château où nous avons vu plusieurs citoyens qui paraissaient vouloir se disposer à quelques excès. Nous avons trouvé de bons citoyens, dont le cœur était ulcéré par la perte de leurs frères. Ils nous ont fait des propositions exagérées; mais il faut observer que ces citoyens, dans la chaleur de la motion qu'ils venaient de faire, ne savaient point les détails de votre séance, ne savaient point les décrets que nous avions portés; nous les leur avons expliqués. Les citoyens se sont calmés; ils se sont reposés sur la justice de l'Assemblée nationale, et de la Convention nationale future, et nous ont juré tranquillité, fidélité et soumission à la loi. (Applaudissements.)

M. Dusaulx. M. Duhem vous a dit vrai à tous égards. Ces citoyens, je ne les connais point. Je ne viens point les accuser, il s'en faut beaucoup; mais je leur ai parlé longuement; je leur ai représenté que la nation française ne saurait se

souiller par des actes qui révolteraient l'humanité. C'est votre vou, c'est le vœu de la nation, leur ai-je dit ils ont pleuré. Je me suis retiré, Messieurs, mais sans les avoir convertis. Ainsi ces messieurs n'ont pas reussi plus que moi : non pas qu'on ne puisse triompher de leur égarement momentané, et ce triomphe est digne de l'Assemblée il est aussi grand que le triomphe de la liberté, car la liberté est sœur de l'humanité. Je demande que parmi vous, vous preniez des hommes connus dans la Révolution, qui vous répondent de mourir plutôt que de laisser commettre un crime, pour empêcher qu'il ne soit attenté aux jours d'un citoyen. Nommez donc, Messieurs, des membres qui se consacrent le jour et la nuit jusqu'à ce que nous puissions vous répondre que la tranquilité soit rétablie. Je fais la motion, Messieurs, que vous nommiez quatre commissaires qui, avec leur marque distinctive, parlent au peuple, et puisent dans leur cœur ces puissantes raisons qui ont tant d'empire sur l'esprit du peuple, et obtiennent de lui qu'il respecte des jours qu'il a toujours vénérés. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète la motion de M. Dusaulx.) M. le Président. Je nomme pour commissaire, MM. Dusaulx, Thuriot, Broussonnet et Kersaint.

M. Dusaulx. J'observe qu'il serait essentiel qu'un des huissiers nous accompagnât.

(L'Assemblée adopte cette nouvelle motion.) Un membre: Il parait que le peuple désire connaître le décret qu'on a rendu. Le procureur général du département a emporté l'expédition du décret. Je crois que au lieu de se risquer à envoyer des commissaires qui ne seront point peut-être écoutés favorablement dans cette fermentation, il est beaucoup plus sage d'envoyer à l'instant l'ordre au département de se transporter dans les Tuileries, et dans tous les endroits où il y a de la fermentation, pour y lire le décret de l'Assemblée nationale. Voici le projet de décret que je vous propose :

« L'Assemblée nationale decrète que les officiers de la maison commune rendront compte, d'heure en heure, de ce qui se passe dans la ville de Paris; que des commissaires nommés par la commune, se rendront sur-le-champ à la commission extraordinaire, pour conférer avec elle sur les mesures à prendre, et que chacun des bataillons de la garde nationale parisienne formera, pour la garde du Corps législatif, une augmentation de 20 hommes. »

M. Duhem. Je demande la question préalable sur l'augmentation de la garde de l'Assemblée. L'Assemblée n'a pas besoin d'augmentation de force quand elle à un million d'hommes qui la respecte.

M. Gossuin. Je demande que les commissaires que vient de nommer M. le Président, aillent avec le département partout où leur présence sera nécessaire; ils sont connus de tous les citoyens de Paris, et je crois que les citoyens ont en eux la plus grande confiance.

M. Thuriot. Messieurs, moi je déclare que je ne marcherai pas avec le département. Si vous Youlez vous servir du département, la mesure des commissaires devient inutile; sans le dépar tement, les commissaires de l'Assemblée nationale iront avec plaisir. (Applaudissements.)

(Les commissaires partent; des deputés prêtent le serment décrété ce matin.)

M. Kersaint. Je viens de la place Vendôme, il y a une grande fermentation; on n'y connaît pas encore vos décrets, et il semble qu'on voudrait prolonger les désordres en gardant le silence sur vos opérations. Donnez donc, Messieurs, des moyens, afin que le peuple connaisse les décrets que vous avez rendus. (Applaudissements.) J'engage tous les citoyens présents à aller les publier. (Applaudissements.)

(Un grand nombre de citoyens des tribunes sortent, l'Assemblée les applaudit.)

M. Chabot. Je demande que le citoyen généreux qui a déjà arraché des larmes à l'Assemblée nationale, qui connaît et qui est reconnu parmi tous les bons citoyens de Paris (ce bon citoyen s'appelle Clément, et il faut que toute la France l'apprenne), je demande, dis-je, que M. Clément, soit chargé de porter en votre nom des paroles de paix à tous les citoyens; et je ne doute pas, Messieurs, que les citoyens ne se prêtent à favoriser tous les sentiments qui animent les représentants du peuple, à maintenir le calme et la tranquillité dans les différentes sections de Paris; car quand on saura que vous aurez coupé le mal dans sa racine, en suspendant le pouvoir exécutif, vous verrez renaître l'ordre et la tranquillité parmi les citoyens, et vous jouirez vous mêmes du calme qui vous est nécessaire pour vous livrer aux grandes opérations qui doivent enfin sauver la patrie. Je demande que ma motion soit mise aux voix. (Applaudissements.)

(Le citoyen Clément était sorti avant que M. Chabot eùt fini de parler.)

M. Henry-Larivière. J'ai l'honneur d'assurer à l'Assemblée nationale que cette enceinte était environnée d'un peuple innombrable qui paraissait avoir de grandes inquiétudes, et être effeclivement dans la fermentation. Mais cela n'est pas étonnant, ils étaient dans une ignorance profonde de ce que vous aviez fait. Mais dans l'espace de quatre à cinq minutes, je me suis porté dans les differents groupes. Là, je leur ai rapporté de la manière la plus fidèle tous les travaux que vous aviez faits pour le bien du peuple, pour le maintien de sa souveraineté. Le peuple à remercié en frappant des mains, a béni le ciel et ses représentants, et s'est retiré dans le plus grand ordre. (Applaudissements.)

Plusieurs membres distribuent à des citoyens l'expédition du décret pour la lire au peuple. Des députés prêtent le serment décrété ce matin.

Un membre: Je sors de la terrasse des Feuillants, plusieurs citoyens se sont présentés à moi. Ils m'ont demandé ce qui s'était passé dans l'Assemblée, je leur en a fait le rapport; ils ont exigé que j'allasse avec eux au jardin des Tuileries, je leur ai exposé ce que les circonstances exigeaient. Ils m'ont conduit avec tranquillité. Ils m'ont même dit que je devais aller devant le château, qu'il y avait encore quelques particuliers qui se portaient à des excès, et ils ont paru espérer que mes sollicitations les feraient cesser. Ils m'ont reconduit par la cour du Manège où ils ont exigé qu'à chaque groupe je fisse le même rapport. Ils ont tous paru être très contents.

M. Merlin. On ne peut pas se dissimuler que les ennemis du peuple vont faire l'impossible pour vos armées. Je demande donc qu'à l'instant l'Assemblée nationale nomme douze commissaires qui se rendront dans les armées, trois dans chaque. (Applaudissements.)

(L'Assemblée adopte la motion de M. Merlin.) Des citoyens sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Le peuple a cru que le pouvoir exécutif ne devait pas être seulement suspendu, mais déchu. C'est dans l'assassinat commis ce matin par les gardes suisses du palais des Tuileries sur le peuple de Paris, c'est dans ce fait que le peuple a vu la déchéance; c'est dans ce fait qu'il a vu que le pouvoir exécutif a agi criminellement contre le peuple. Eh bien, Messieurs, aux termes de la Constitution, le pouvoir exécutif a encouru la déchéance quand il a dirigé des forces contre le peuple. Eh bien, ces forces, et cela n'est pas équivoque, elles étaient dans le château des Tuileries; elles étaient aux ordres du pouvoir exécutif, et sans doute la Constitution s'est formellement expliquée à cet égard. Voilà, Messieurs, le vœu du peuple.

M. Vergniaud. Je demande la parole, et je suis bien aise de pouvoir m'expliquer pendant que les pétitionnaires sont à la barre. Je crois que leurs intentions sont pures, qu'ils ne sont animés par d'autre sentiment que l'amour de la liberté, et qu'à cet amour pour la liberté se joint aussi le respect pour les lois et pour les représentants du peuple. Je dirai que les représentants du peuple ont fait tout ce que la Constitution leur permettait, soit en indiquant une Convention nationale, soit en prononçant la suspension provisoire jusqu'à ce que la Convention nationale, revêtue de la plénitude des pouvoirs que le peuple souverain peut seul dispenser, aurait prononcé.

Les citoyens qui sont à la barre savent parfaitement que Paris n'est qu'une section de l'Empire; ils savent parfaitement que les représentants du peuple seraient indignes de la confiance même qu'ils viennent leur témoigner dans le temple de la liberté, s'ils étaient capables de voter, par faiblesse, une mesure que la loi ne les autorise pas à prononcer. Les représentants du peuple cnt fait, pour calmer l'effervescence qui s'est manifestée, tout ce qu'il était possible de faire. Ils ont employé tous les moyens que l'autorité qui leur est déléguée par le peuple mettait en leurs mains, tous ceux que la sagesse pouvait avouer, tous ceux surtout que le besoin de l'Etat semblait exiger. J'insiste particulièrement devant les pétitionnaires sur cet objet.

De quoi se plaint-on, en effet? De ce que le pouvoir exécutif, par sa marche tortueuse, a entravé les opérations qui pouvaient assurer le salut de l'Empire. Or. sa suspension, en le mettant dans l'impossibilité de multiplier davantage ces entraves, assure au peuple qu'il y a des mesures prises pour son salut, et que l'efficacité de ces mesures ne sera plus compromise par aucune perfidie ministérielle.

D'après ces considérations, j'espère que les citoyens qui sont à la barre voudront bien rendre au peuple, qui peut être égaré, mais qui est bon, et qui reconnait toujours la vérité lorsqu'on la lui montre; j'espère, dis-je, que les citoyens, qui sont à la barre useront de tout l'ascendant que la confiance de leurs concitoyens leur a donnée sur eux, pour les engager à rester tranquilles, et à respecter l'asile des représentants du peuple. J'observe encore que les pétitionnaires peuvent rendre compte de ce fait, que la loi qui prononce la suspension du pouvoir exécutif a déjà été envoyée aux 83 départements; que les courriers, s'ils ne sont pas partis,

sont dans ce moment sur le point de partir. Je demande que les pétitionnaires soient invités à la séance, ou plutôt comme je crois à leur zèle, je demande qu'en leur offrant les honneurs de la séance, on les invite à aller rendre compte au peuple de ce qu'ils ont entendu dire à des représentants qui ne sont animés que de l'amour du peuple et de la liberté. (Applaudissements.)

M. le Président. Citoyens, soyez confiants dans vos représentants. Vous voyez que rien de ce qui pourra contribuer au salut de la chose publique, ne sera négligé. Allez et portez à vos concitoyens les paroles que vous venez d'entendre. La patrie sera reconnaissante envers vous du service important que vous lui rendrez.

D'autres pétitionnaires sont introduits à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Législateurs, dans le château des Tuileries il se commet un grand pillage. De braves citoyens ont dit: Prenons le dépôt des effets précieux qui sont ici sous notre sauvegarde; il ne peut pas être mieux que dans l'Assemblée nationale. Nous l'avons apporté. Il reste encore des effets qui sont sous la sauvegarde de ceux qui y sont; mais il serait très instant d'y envoyer quelqu'un pour empêcher le pillage.

M. Merlin. Les citoyens présents à la barre montrent tant de zèle et de patriotisme, et tant de vertus, qu'il ne reste point de doute qu'ils vont retourner au château pour servir la chose publique, et qu'ils rempliront eux-mêmes la charge qu'ils voulaient confier à d'autres. Je les yi invite au nom de la patrie qu'ils savent servir. (Applaudissements.)

Tous les citoyens qui sont à la barre défilent en disant Nous y allons! (Applaudissements.) Un autre pétitionnaire apporte une lettre trouvée dans le château.

M. Merlin. Je demande le renvoi au comité de surveillance.

(L'Assemblée décrète le renvoi.)

M. Henry-Larivière. Je me suis transporté avec vos commissaires dans les quartiers de Paris où les rassemblements étaient le plus nombreux, et je dois dire, à l'avantage des citoyens de Paris, qu'à peine ils ont reconnu que nous étions leurs représentants, aussitôt la confiance la plus intime, les marques de l'amitié la plus tendre, le respect, ont accompagné leurs discours. A l'instant, dis-je, tous se sont tenus découverts et ont entendu la lecture de la loi que nous leur avons faite. Après avoir entendu cette lecture, le peuple s'est livré à une espèce d'enthousiasme, et a dit : « Puisque la loi reprend son empire, puisque enfin le peuple peut être assuré de trouver en elle un appui vraiment fort, nous nous rendons reportez à l'Assemblée nationale que plutôt que de commettre le crime dont on parle, nous périrons tous! » (Vifs applaudissements.) Quelques-uns d'entre eux cependant ont paru inquiets sur la suspension que vous avez prononcée. Nous leur avons représenté à cet égard ce que vous a dit M. Vergniaud luimême, que la Convention nationale était décrétée, et à ce mot mille embrassements, mille amitiés nous ont été prodigués, et dans un instant nous n'avons plus fait avec eux qu'une vé-. ritable famille. J'ajoute que dans le moment actuel la masse du peuple est décidée à périr mille fois plutôt que de déshonorer sa liberté par aucun acte d'humanité, et qu'à coup sûr il n'est pas

une tête ici présente (et l'on doit m'entendre) qui ne puisse compter sur la loyauté française. (Applaudissements.)

M. Jean Debry (Aisne.) Il est un fait particulier que je dois faire connaître à l'Assemblée nationale, et que l'urgence des circonstances où elle s'est trouvée m'a empêché de lui annoncer. Dans le moment même, lorsque l'Assemblée nationale eût envoyé ses commissaires dans les Tuileries, une seconde de plus nous courrions de très grands risques; le peuple qui nous environnait nous a enlevés, nous a mis derrière, et s'est précipité au-devant. Je demande qu'il soit fait mention honorable dans le procès-verbal de ce fait.

(L'Assemblée décrète la mention honorable demandée par M. Jean Debry.)

Les représentants de la commune de Paris sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Les commissaires des sections de Paris réunis à l'hôtel commun, délibérant sur les grandes circonstances où se trouve la patrie, considérant que le salut public, que celui de la capitale peuvent exiger que Louis XVI et sa famille restent en otage; considérant que la sûreté même de Louis XVI exige qu'il soit mis dans un lieu de sûreté sous la sauvegarde de la force publique, demandent que vous prononciez sur les mesures ultérieures que le salut public exigera, et qu'il soit mis en état d'arrestation.

M. Vergniaud. Les citoyens ne connaissent pas les dispositions du décret. Le décret porte que tant qu'il y aura du trouble dans Paris, le roi et sa famille resteront dans l'enceinte de l'Assemblée nationale; que lorsque le calme sera rétabli, il lui sera préparé un logement au Luxembourg sous la garde des citoyens. Il n'en faut certainement pas davantage pour calmer les inquiétudes que viennent de manifester les pétitionnaires. Je prie donc M. le Président de vouloir bien les inviter à expliquer le décret rendu, à ceux qui les envoient, car le décret remplit parfaitement leurs intentions.

M. Ducos. Il me paraît que les inquiétudes que les citoyens manifestent, viennent de la lenteur avec laquelle on leur a donné connaissance du décret de l'Assemblée nationale. Je fais la motion expresse qu'une copie légalisée de ce décret soit remise à ces citoyens qui le porteront à la commune. Je rappelle, en outre, que de nombreuses victimes ont péri dans cette journée et que l'Assemblée nationale ne peut pas manquer d'y prendre un vif intérêt, et je demande qu'elle charge son comité des finances de lui faire un rapport sur les pensions à accorder aux veuves et aux orphelins des citoyens qui ont péri aujourd'hui. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète les deux propositions de M. Ducos.)

M. Mailhe. Je demande que l'Assemblée s'occupe au plus tôt des affaires du dehors. Je pense qu'il serait même bon que le comité diplomatique fùt tenu de s'assembler pour délibérer sur le parti à prendre relativement aux cantons suisses. (L'Assemblée décrète la proposition de Monsieur Mailhe.)

M. Choudieu. Je remets sous les yeux de l'Assemblée nationale qu'elle avait jugé nécessaire de rappeler les vainqueurs de la Bastille sous les murs de Paris; que le décret salutaire qu'elle avait rendu à cet égard a été paralysé

par le pouvoir exécutif, et qu'il est instant de veiller à la tranquillité de Paris.

Je propose que vous décrétiez qu'il sera formé, à l'instant, un camp sous les murs de Paris; que ce camp sera composé des bons citoyens de la capitale, auxquels leurs affaires permettront d'aller coucher sous la toile, et qu'on y adjoigne aussi les bons citoyens qui se sont joints à ceux de Paris, et ceux qui, des départements, voudront encore se consacrer à la défense de la liberté. (Applaudissements.) Je rappelle, en outre, à l'Assemblée, les canonniers de Paris qui vous ont demandé qu'on leur abandonnât les hauteurs qui environnent la capitale, pour aller s'y établir, et je demande que vous décrétiez, à l'instant, comme mesure de sûreté, qu'ils disposeront des batteries sur toutes les hauteurs environnantes. Je demande encore que l'on décrète ces deux propositions, et que pour l'exécution on renvoie au comité, pour en rendre compte, séance tenante; je propose, enfin, que vous décrétiez la permanence du Corps législatif, jusqu'à ce que vous ayez assuré le salut de la patrie. (L'Assemblée adopte les propositions M. Choudieu.)

Suit le texte définitif du décret rendu :

« L'Assemblée nationale décrète :

de

«1e Qu'elle est en état de permanence jusqu'à l'entier rétablissement de l'ordre et de la tranquillité publique.

་་

2° Qu'il sera sans délai formé un camp sous les murs de Paris.

3° Qu'il sera établi des batteries de canon sur les hauteurs des environs de Paris.

« 4° Que la commission extraordinaire lui pré sentera le lendemain des vues sur les moyens d'exécuter le présent décret. ›

Des pétitionnaires sont introduits à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Nous nous sommes promenés dans l'appartement du roi; nous avons trouvé, dans une petite armoire, un sac où était resserré de l'argent; nous n'avons pas voulu ouvrir le sac, parce que quelques factieux auraient pu nous soupçonner, et nous aurions été bien éloignés de vouloir prendre cet argent. Nous le déposons sur l'autel de la patrie, et nous désirons, Messieurs, que vous nous disiez quelle somme il contient. Nous avons encore trouvé, dans une petite armoire, 49 louis en or, et 16 louis doubles, avec un assignat de 500 livres, et 9 pages d'assignats de 5 livres; il y avait encore un petit paquet à ouvrage, qui était rempli d'objets propres à la maçonnerie. (Applaudissements.)

M. le Président remercie l'orateur et invite les pétitionnaires à la séance.

M. Mulot. Je demande que le comité présente une mesure pour que les membres de l'Assemblée soient toujours ici en nombre suffisant pour délibérer.

M. Charlier. Ce qui était contenu dans le sac, en écus de 6 livres, est de 1,080 livres.

Le gardien de l'argenterie du roi est admis à la barre. I demande que l'Assemblée veuille ordonner qu'il sera préposé une garde pour la conservation de l'argenterie. Il dépose sur le bureau un double de l'état remis au comité de section, des diverses pièces qui composaient une partie de l'argenterie du roi.

Un membre: J'observe à l'Assemblée que le pétitionnaire parait craindre qu'il n'ait été perdu quelque argenterie du roi; mais j'observerai

aussi qu'il en a été porté une grande quantité à la maison commune; qu'il y en a encore là une pleine corbeille; que plusieurs caisses ont été remises au comité de surveillance où elles ont été inventoriées. Ainsi, que le pétitionnaire soit tranquille, toute l'argenterie qui est tombée entre les mains du peuple n'est point perdue.

M. Rovère. Le sang qui a été versé aujourd'hui est un effet de la contravention du ministre de la guerre, Lajard. Vous avez chargé votre comité diplomatique d'examiner la conduite de ce ministre; le rapport n'a pas été fait. Je demande que avant de parler sur la réélection des ministres, on juge celui de la guerre. (Applaudissements.)

M. Brival. Le décret d'accusation!

M. Mailhe. Faites attention que le moindre mouvement excité dans vos armées, par les ennemis de la chose publique, pourrait perdre la France; je demande qu'on procède à la nommination des commissaires qui se transporteront sur-le-champ à l'armée. (Applaudissements.)

M. Isnard. Je demande que vous mettiez à la garde des citoyens présents les effets pour lesquels ils demandent une garde. (Applaudissements.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre des officiers municipaux de Saint-Ouen, qui annonce à l'Assemblée que la garde nationale vient d'arrêter MM. Nogaret et Molinier, députés.

À cette lettre en est jointe une seconde ainsi conçue :

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« Monsieur le Président,

Ayant été ce matin pour nous délasser, déjeuner au Bois de Boulogne, nous étions partis pour revenir à notre poste, lorsque nous avons entendu le canon. Craignant alors de ne pouvoir parvenir au lieu de nos séances, nous avons résolu d'aller à Montmorency, pour écrire de là à l'Assemblée et d'obtenir d'elle un sauf-conduit avec lequel nous pussions gagner notre poste. A notre passage à Saint-Ouen, un propos mal rendu par une femme à laquelle nous avions demandé le chemin, ayant donné de l'inquiétude aux habitants, nous avons demandé aussitôt à parler à M. le maire qui nous a pris sous sa sauvegarde. Nous nous empressons, Monsieur le Président, de vous demander le sauf-conduit que nous voulions demander de Montmorency. Vous verrez, par le procès-verbal de la municipalité, que la femme, à laquelle on avait attribué ce propos-là, l'a désavoué dans sa déclaration authentique.

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Signé NOGARET ET MOLINIER, députés de l'Aveyron. »

Un membre: Je demande le renvoi de cette lettre au comité de surveillance.

(L'Assemblée renvoie les deux lettres au comité de surveillance.)

Des citoyens précédemment admis se présentent à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Nous avons rempli avec la plus grande satisfaction la mission importante dont vous nous avez chargé. Dès l'instant que nous avons témoigné à nos concitoyens que nous étions députés par l'Assemblée pour enlever tous les objets précieux qui étaient dans le château des Tuileries, ils se

sont constitués gardiens en notre présence, et nous retournons remplir notre mission. (Ils sortent au milieu des applaudissements.) Une députation de citoyens est introduite. L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Nous sommes de la section de la Halle-au-Blé; il a été trouvé au château des lettres, dont nous nous sommes emparés, malgré plusieurs particuliers qui voulaient les brûler. Nous venons par-devant vous vous demander ce que vous en voulez faire; nous en avons considérablement. Plusieurs membres: Le renvoi au comité de surveillance!

(L'Assemblée décrète le renvoi.)

M. Baudouin, imprimeur de l'Assemblée nationale, est admis à la barre et dit :

« Monsieur le Président, je viens dans le sein du Corps législatif, parce que mes fonctions de représentant de la commune viennent de cesser; j'y viens comme spécialement et particulièrement attaché à l'Assemblée, lui demander la permission de m'unir intimement à elle en prêtant le serment qu'elle a décrété; en conséquence, au nom de la nation, je jure de maintenir la liberté et l'égalité ou de mourir à mon poste. (Applaudissements.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de la municipalité de Versailles, qui est ainsi conçue :

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M. Delacroix. Je demande que l'on fasse remettre à la municipalité de Versailles une expédition du décret rendu ce matin, et mention honorable de leur démarche.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Delacroix.)

M. Basire. Je demande que les ministres soient mandés, pour rendre compte s'il y a eu aujourd'hui une proclamation du roi envoyée à l'armée.

(L'Assemblée décrète que les ministres seront mandés à la barre.)

(Les ministres entrent dans la salle.)

M. le Président leur fait la question.

M. Dejoly, ministre de la justice. J'atteste à l'Assemblée qu'il n'y a point eu de proclamation faite par le roi, ni envoyée à l'armée ni à quelques personnes que ce soit.

M. Basire. Je demande que cette réponse soit consignée et signée par le ministre.

M. Delacroix. Je vous prie de demander aux ministres de quel jour est la dernière proclamation envoyée à l'armée afin d'avoir une réponse positive sur le point de savoir, si oui ou non, il y a eu une proclamation envoyée à

l'armée.

M. Dejoly, ministre de la justice. Je fais ser

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