Page images
PDF
EPUB

tion de M. Gossuin, en la rédigeant ainsi : Vive la liberté! vive l'égalité!

M. Chéron-La-Bruyère. J'appuie la proclamation, en ajoutant: Vive la Constitution!

M. Thuriot. Je demande que l'on rédige ainsi le décret:

« Au nom de la nation, au nom de la liberté, au nom de l'égalité, tous les citoyens sont invités à respecter les Droits de l'homme, la liberté et l'égalité. »

(L'Assemblée adopte cette rédaction, puis décrète que cette adresse et la proclamation sur le maire seront sur-le-champ imprimées et placardées dans toute la ville.)

(Ce décret proclamé, tous les membres présents se lèvent et jurent, aux acclamations des citoyens des tribunes, de périr, s'il le faut, pour la défense de la liberté et de l'égalité.)

(Dans ce moment, le canon cesse de se faire entendre. Il est environ onze heures.)

La députation de la section des Thermes-de-Julien est introduite.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Législateurs, tous les citoyens de la capitale sont réunis par les mêmes sentiments. Tous aiment et ont juré d'aimer et de maintenir la liberté et l'égalité. Tous désirent le salut de l'Empire, et sont fatigués des crimes de la cour. L'uniformité de tous nos vœux nous promet que l'union des volontés sera secondée par l'union plus puissante des forces nationales.

La section des Thermes-de-Julien ne croit pas devoir laisser subsister un seul instant le moindre doute, le moindre nuage sur les sentiments qui l'animent. Des citoyens de cette section vous ont, ces jours-ci, apporté un désaveu de la pétition présentée au nom de la commune entière. Les journaux ont répété que ce désaveu était celui de la section. La section des Thermes-deJulien se croit gravement calomniée par cette étrange altération de la vérité. Elle nous charge, et les procès-verbaux joints à la présente adresse en font foi, de venir vous déclarer solennellement qu'elle approuve l'adresse rédigée par ses commissaires, qu'elle ratifie l'adhésion qu'ils ont donnée en son nom à ce vœu de la capitale. Recevez, législateurs, avec cette déclaration, le témoignage de notre confiance; osez jurer que vous sauverez l'Empire, ce serment nous suffit. Tous les députés se lèvent et s'écrient: Oui, nous le sauverons !

M. le Président. Citoyens, l'Assemblée nationale en s'occupant des grands intérêts qu'elle discute dans ce moment, prendra en considération l'adresse que vous venez de lui présenter. Les sentiments civiques dont vous paraissez animés, annoncent à l'Assemblée nationale que vos compatriotes ont en vous la plus grande confiance; profitez-en, citoyens, pour annoncer au peuple qu'il trouvera toujours ici les véritables amis de son bonheur et de sa liberté, mais que c'est dans le calme de la paix et dans l'ordre qu'il doit attendre la décision solennelle que l'Assemblée nationale va prononcer.

L'Assemblée nationale vous invite à sa séance. D'autres pétitionnaires entrent, portant des bannières sur lesquelles sont écrits ces mots : patrie, liberté, égalité.

M. le Président. Dans un moment où l'Assemblée va délibérer, où elle a besoin d'ordre, je prie les citoyens des Thermes-de-Julien, dé vouloir se charger de présenter aux citoyens 1re SÉRIE, T. XLVII

assemblés le décret que l'Assemblée nationale vient de rendre, et j'en recommande l'exécution à leur zèle et à leur patriotisme. (Applaudissements.)

(Les pétitionnaires s'engagent à remplir les vœux de l'Assemblée.)

(L'Assemblée décrète l'impression de leurs discours et l'insertion de leurs noms au procès-verbal.)

Ce sont MM. Mathieu, Cellier, Piogé, Dubosc, Varin, Jacob, Gérard, Dumesne, Jobbé et Gaudri. D'autres citoyens sont admis à la barre.

L'un d'eux Messieurs, je suis commis de l'un de vos bureaux où sont déposées les armes des Suisses qui ont fait une décharge en l'air sur la terrasse des Feuillants, le peuple vient les prendre; voulez-vous qu'on les lui donne.

M. Maribon-Montaut. Ils les ont gagnées. Plusieurs membres: Oui! oui!

M. Lecointre. Si dans un moment où la force armée sur les frontières n'a point de fusils, vous les donnez, vous les perdrez pour les frontières.

M. Carnot-Feuleins, le jeune. Je demande le renvoi à la commission des armes.

Un membre: Je m'y oppose formellement, parce que ces Suisses ne s'en sont pas servis contre le peuple.

(L'Assemblée charge son comité militaire de lui faire un rapport sur l'emploi des armes demandées par le peuple.)

:

M. Basire. Il y a deux objets très essentiels dans ce moment le premier est qu'il est arrivé un courrier de M. La Fayette, portant des dépêches qu'il est extrêmement important de connaître, et dont je demande la lecture; en deuxième lieu, c'est que les nouveaux représentants de la commune de Paris, ceux qui se sont formés, dans cet instant dangereux, demandent à être admis.

MM. Huguenin, Léonard Bourdon, Tronchon, Derieux, Vigaud et Bullier, députés des commissaires des sections, réunis à la maison commune, sont admis à la barre,

M. HUGUENIN s'exprime ainsi : Ce sont les nou veaux magistrats du peuple qui se présentent à votre barre. Les nouveaux dangers de la patrie ont provoqué notre nomination; les circonstances la conseillaient, et notre patriotisme saura nous en rendre dignes. Le peuple las enfin, depuis quatre ans éternel jouet des perfidies dé la cour et des intrigues, a senti qu'il était temps d'arrêter l'Empire sur le bord de l'abime. Législateurs, il ne nous reste plus qu'à seconder le peuple; nous venons ici, en son nom, concerter avec vous des mesures pour le salut public; Pétion, Manuel, Danton, sont toujours nos collègues. Santerre est à la tête de la force armée. (Applaudissements.)

Que les traîtres frémissent à leur tour! Ce jour est le triomphe des vertus civiques. Législateurs, le sang du peuple a coulé; des troupes étrangères qui ne sont restées dans nos murs que par un nouveau délit du pouvoir exécutif, ont tiré sur les citoyens. Nos malheureux frères ont laissé des veuves et des orphelins.

Le peuple qui nous envoie vers vous, nous a charges de vous déclarer qu'il vous investissait de nouveau de sa confiance; mais il nous a chargés en même temps de vous déclarer qu'il ne pouvait reconnaître, pour juger des mesures extraordinaires auxquelles la nécessité et la ré

41

sistance à l'opposition l'ont porté, que le peuple français, votre souverain et le nôtre, réuni daus ses assemblees primaires. (Applaudissements.)

M. LEONARD BOURDON. J'ai quitté l'armure civique à la porte de l'Assemblée, par respect pour la qualité de pétitionnaire; hors d'ici, mes collègues retourneront à la commune, et moi j'irai mourir; car je crains que la liberté de la Constitution soit impossible.

M. le Président. Messieurs, fidèles à leur devoir, les représentants du peuple maintiendront jusqu'à la mort la liberté et l'égalité. Ils en ont fait le serment et, ce serment, ils ne le violeront jamais. Vous avez voulu vous porter vous-mêmes aux lieux où le péril était le plus grand, ces sentiments vous honoreut; l'Assemblée nationale applaudit à votre zèle, elle ne peut voir en vous que de bons citoyens jaloux de ramener la paix, le calme et l'ordre. Elle vous invite à user de tous les moyens que la confiance du peuple de Paris peut mettre en votre pouvoir pour le rappeler à l'obéissance, à ses devoirs, afin que l'Assemblée nationale ne puisse jamais être accusée d'avoir porté aucune de ses délibérations dans le trouble et dans la violence. L'Assemblée vous invite à retourner à votre poste, car vous tiendriez peut-être dans ce moment à insulte qu'on vous invitât à la séance. L'Assemblée nationale vous invite en même temps à présenter au peuple les divers décrets qu'elle vient de rendre ce matin, et où le peuple de Paris trouvera l'expression des sentiments des représentants du peuple et l'intérêt qui l'animera toujours pour son bonheur. L'Assemblée nationale va vous donner connaissance de ses décrets.

Un de MM. les secrétaires fait lecture des décrets rendus pour inviter le peuple à la paix et à ses devoirs.

M. LEONARD BOURDON. Le peuple de Paris craint aussi la calomnie. Nous vous demandons de vouloir bien nous permettre d'apporter demain sur le bureau le procès-verbal de cette journée mémorable pour le faire passer aux 44,000 municipalités.

Plusieurs membres : Appuyé!

M. le Président. Je répète aux pétitionnaires que je leur recommande l'exécution du décret qui leur a été lu. Messieurs, vous avez parlé de Petion. Eh bien, Petion est consigne dans sa maison; il ne peut pas porter au peuple des paroles de paix, et vous savez qu'il lui est nécessaire. Nous vous invitons donc à faire lever la consigne qui le retient en sa maison, afin que ce magistrat populaire puisse lui parler. (Vis applaudissemen's.)

(Un decret confie d'une manière spéciale aux commissaires des sections l'honorable mission que M. le Président vient de les inviter à remplir.)

M. Maribon-Montaut. Messieurs, déjà deux fois l'Assemblée nationale s'est levée d'un commun accord, et a juré, au nom de la patrie, liberté et égalité. Si le serment du Jeu de Paume a été fameux dans toute l'Europe, celui-ci ne le doit pas moins être à des représentants du peuple français, qui cherissent là liberte, l'égafité; c'est pourquoi je demande que le procèsverbal fasse textuellement mention de ce fait, qu'on procède de suite à l'appel nominal de tous les membres, et que chacun, montant à la tribune, prête ce serment au nom de la patrie, liberté, égalité. (Vifs applaudissements.)

M. Thuriot. Je demande que le serment soit ainsi conçu Au nom de la nation, je jure de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir à mon poste. (Applaudissements.)

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Maribon-Montaut, avec la rédaction de M. Thuriot.)

(On procède à l'appel nominal, souvent interrompu par des motions ou des députations, mais toujours repris jusqu'à ce que tous les membres aient été appelés pour la prestation du serment.)

M. François (de Neufchâteau.) Messieurs, je crois que la précaution la plus urgente à prendre en ce moment est de suspendre le départ des courriers; mesure que l'Assemblée constituante crut devoir prendre le 21 juin, et sans laquelle vous pourriez craindre qu'on n'ouvrit, dans les villes frontières, l'entree du royaume aux étrangers. (Applaudissements.)

M. Fauchet. Je demande, par amendement, qu'il n'y ait que les courriers envoyés par l'Assemblée nationale qui puissent partir.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. François (des Vosges) et l'amendement de M. Fauchet.)

Un citoyen, qui arrive du combat, est admis à la barre. Messieurs, dit-il, j'étais avec une portion du peuple dans les appartements du roi; plusieurs citoyens m'ont remis une boîte qu'ils ont dit contenir des bijoux précieux, et m'ont engagé à l'apporter à l'Assemblée nationale. Je viens la déposer sur le bureau. (Applaudissements.)

M. le Président. L'Assemblée nationale est satisfaite de votre délicatesse, et vous invite à sa séance.

M. Maribon-Montaut. Je demande que le nom de ce citoyen soit inscrit au procès-verbal. (L'Assemblée adopte cette proposition.)

M. Boisrot-de-Lacour. Je viens de voir partir un détachement qui marche avec du canon contre les Suisses de Courbevoie; je demande que M. le Président donne les ordres convenables.

M. Maribon-Montaut. Ils n'ont qu'à remettre leurs armes au détachement.

M. Boisrot-de-Lacour. Les mesures que je demande sont d'autant plus pressantes que le détachement est très faible, et qu'il serait sùrement taillé en pièces.

M. le Président. J'observe à l'Assemblée que le roi a donné des ordres pour que les Suisses ne se servent pas de leurs armes, et se retirent dans leurs casernes.

M. Basire. Il y a une très grande fermentation à l'egard de trente officiers suisses qui sont prisonniers, et des soldats qui avant le combat ont feint de fraterniser avec le peuple pour l'attirer et faire tout à coup une décharge qui a tué beaucoup de gens. Le peuple, justement irrité d'avoir été si lâchement trahi, menace la vie des Suisses, officiers et soldats, qui sont maintenant désarmés et arrêtés.

Je demande que l'Assemblée nationale veille à leur sûreté en les mettant sous la sauvegarde de la loi et de la loyauté française, et qu'on les fasse transférer à l'Abbaye. Je propose cette

rédaction:

« L'Assemblée nationale déclare que les officiers et soldats suisses et toutes autres personnes mises en état d'arrestation, sont sous la sau

vegarde de la loi et des vertus hospitalières du peuple français.

[ocr errors]

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

Des gardes nationales sont admis à la barre. Ils remettent sur le bureau une lettre qu'ils ont trouvée dans le château, adressée à Mme Dubouchage, à l'hôtel de la marine, par son mari.

M. Maribon-Montaut. Cette lettre pourra faire découvrir les complots qui ont été faits pour écraser le peuple. (Applaudissements.) Je demande qu'elle soit renvoyée au comité de surveillance.

(L'Assemblée décrète le renvoi.)

M. MALLET, marchand de vin, rue de la Cossonnerie, vient, accompagné de plusieurs autres citoyens, déposer sur le bureau 173 louis d'or et des écus qu'ils ont trouvés sur un prêtre mort dans une des caves du château. (Vifs applaudissements.)

Un pétitionnaire se présente à la barre.

Je viens vous prier, Messieurs, dit-il, de nom. mer tel nombre de commissaires, pris dans votre sein que vous jugerez convenable, pour s'assurer de l'argenterie qui est maintenant à la chapelle gardée par nos camarades.

M. Delacroix. Je demande que l'argenterie de la chapelle soit remise à la fidélité des citoyens.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Au même instant des citoyens entrent et déposent des vases d'or et d'argent à l'usage de la chapelle.

Renvoyés au comité de surveillance, on leur offre une récompense; ils la refusent.

(L'Assemblée nationale décrète l'insertion de leurs noms au procès-verbal).

Ils s'appellent: Duon, Neveu, Michaud, Lépousé, Meunier, Montaban, Jacques Parchard, Juelle, Godin, Jeau Carré, Laurent Trouvé, François Chatenet, Courtois, Bourret, Arrivet, Gosset, Daviel, Danois, Lanière, Boissot, Niénin, Cavet, Vedert, Lesneur, Beaugrand.

D'autres pétitionnaires se présentent à la barre. L'un d'eux remet une croix de Saint-Louis. Un second rapporte une montre d'or ramassée sur le cadavre d'un Suisse.

Un autre, un sac d'écus de six livres, contenant 1,074 livres.

Ceux-ci, une somme de 3,950 livres en assignats de 50 livres.

Ceux-là, une cassette, des bijoux et autres effets précieux.

Tous ces citoyens, satisfaits de s'être présentés à l'Assemblée et d'avoir remis fidèlement ces divers effets qu'ils ont trouvés au château, ont la modestie de ne pas se douter que l'Assemblée nationale éprouverait à son tour une grande satisfaction à connaître et à publier leurs noms, et ils se retirent avant qu'on ait pu les leur demander.

M. Delacroix. Je demande, pour ne pas surcharger le bureau par toutes ces sortes de dépôts que tous ces objets soient portés à la municipalité, qui en disposera conformément aux lois.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)
Suit le texte définitif du décret rendu :

L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe que son bureau ne soit pas surchargé par ces sortes de dépôts, décrète qu'il y a urgence.

[merged small][merged small][merged small][ocr errors]

Je suis, avec respect, etc. »>

C'est l'ordre, donné aux Suisses par le roi, de ne point marcher sur Paris. Je demande si l'Assemblée m'autorise à y joindre ma signature.

M. Carnot-Feuleins, le jeune. Je demande d'abord que cet ordre soit signé d'un ministre; et ensuite que le Président y joigne un ordre. (L'Assemblée décrète cette proposition.)

Un citoyen se présente à la barre.

Il s'exprime ainsi :

Je suis de poste ici à côté, et j'entends sans cesse des coups de fusil autour de l'Assemblée. Je demande, Messieurs, votre humanité pour protéger ceux qui veulent se sauver.

M. Chéron-La-Bruyère. Il s'agit de sauver des hommes, il faut nommer des commissaires. (L'Assemblée charge son comité de surveillance de prendre à cet égard les mesures nécessaires.) Plusieurs citoyens entrent à la barre.

Ils déposent un paquet de lettres qu'ils ont trouvé à côté du cabinet du roi.

Plusieurs membres : La lecture! la lecture!

M. Lecointe-Puyraveau. Je demande que les secrétaires paraphent les lettres conjointement avec le citoyen, et qu'on les porte au comité de surveillance.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Un membre du comité de surveillance: J'observe à l'Assemblée qu'on a déjà reçu plusieurs déclarations d'après lesquelles il paraît instant de s'assurer de quelques personnes, soit pour les soustraire à l'indignation du peuple, soit pour soumettre leur conduite à l'examen de la justice. Je demande que l'Assemblée autorise le comité de surveillance à prendre des précautions, à donner les ordres que les circonstances lui paraitront exiger et même à faire arrêter les personnes dont il croira qu'il importe à la patrie d'examiner la conduite.

(L'Assemblée décrète cette nouvelle proposi

tion.)

Des citoyens sont admis à la barre.
L'un d'eux s'exprime ainsi :

Le calme paraît se rétablir dans la capitale; mais les flammes qui consument le château des Tuileries s'augmentent de plus en plus. Les citoyens qui l'environnent, à qui j'ai représenté

qu'il était inutile de s'en prendre au monument, sont disposés à secourir les pompiers s'ils s'approchaient. Nous prions l'Assemblée de donner des ordres aux officiers pompiers, de garde ici, d'aller à leur corps de garde pour donner l'ordre à ceux qui y sont, de venir au secours du châ

eau.

(L'Assemblée charge son Président de donner les ordres les plus prompts aux pompiers et décrète que la municipalité ou les commissaires des sections, réunis à la commune, prendront sur-le-champ les mesures les plus actives pour arrêter l'incendie.)

M. le Président. On me transmet à l'instant une lettre du juge de paix de la section Henri IV; un de MM. les secrétaires va en donner connaissance à l'Assemblée.

Un de MM les secrétaires en fait la lecture; elle est ainsi conçue:

«Monsieur le Président,

Le peuple se portait chez M. d'Affry, demeurant dans l'étendue de ma section. Des soldats citoyens y ont été, sont parvenus à le protéger et à l'amener devant moi. Comme il ne m'était pas possible de répondre de sa sûreté, je l'ai fait mettre en dépôt dans la prison de l'Abbaye où je crois qu'il sera en sûreté. J'ai demandé les clefs de ses appartements et secrétaires; je vous supplie de me faire connaître les intentions du Corps législatif soit relativement à la personne, soit relativement aux papiers de M. d'Affry. « Je suis avec respect, etc.....

« Signé: Le juge de paix de la section
Henri IV. »

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de surveillance.)

M. Lamarque, au nom de la commission extraordinaire des Douze. Votre commission extraordinaire va vous présenter, dans un instant, la grande mesure qu'exigent les circonstances actuelles; mais elle a pensé, en attendant, devoir prévenir les troubles funestes que la suspension du départ des courriers pourrait occasionner dans les départements. En conséquence, elle a proposé de lever cette suspension, et de charger les courriers de l'adresse dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture. La voici :

Adresse de l'Assemblée nationale aux Français.

Depuis longtemps de vives inquiétudes agitaient tous les départements; depuis longtemps le peuple attendait de ses représentants des mesures qui pussent la sauver. Aujourd'hui les citoyens de Paris ont déclaré au Corps législatif qu'il était la seule autorité qui eût conservé leur confiance. Les membres de l'Assemblée nationale ont juré individuellement, au nom de la nation, de maintenir la liberté et l'égalité, ou de mourir à leur poste: ils seront fidèles à leur serment.

L'Assemblée nationale s'occupe de préparer les lois que des circonstances si extraordinaires ont rendu nécessaires. Elle invite les citoyens, au nom de la patrie, de veiller à ce que les Droits de l'homme soient respectés et les propriétés assurées. Elle les invite à se rallier à elle, à l'aider à sauver la chose publique, à ne pas aggraver, par de funestes divisions, les maux et les dangers de l'Empire. » (Applaudissements.)

M. Duhem. Il faut que la nation française, en apprenant que tous ses représentants ont juré individuellement pour elle de sauver la patrie, apprenne aussi les mesures qu'elle a prises. Je fais donc la motion que les six ministres du roi soient mandés à l'instant et que le ministre de la justice dépose sur le bureau de l'Assemblée nationale le sceau de l'Etat.

M. Brissot-de-Warville. La mesure que vient de proposer M. Duhem doit être renvoyée à votre commission extraordinaire, afin qu'elle puisse l'examiner. Je demande, moi, par amendement à l'adresse qui vient de vous être lue, que l'Assemblée nationale déclare infâme et traître envers la patrie tout fonctionnaire public, tout général ou officier qui, dans un moment aussi critique, déserterait son poste, ou n'attendrait pas en silence le vœu de la nation exprimé par l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)

M. Lamarque, rapporteur. J'adopte cet amendement.

(L'Assemblée adopte le projet d'adresse aux Français avec l'amendement de M. Brissot-deWarville.)

Suit le texte définitif de cette proclamation :

Adresse de l'Assemblée nationale aux Français.

« Depuis longtemps de vives inquiétudes agitaient tous les départements; depuis longtemps le peuple attendait de ses représentants des mesures qui pussent le sauver. Aujourd'hui les citoyens de Paris ont déclaré au Corps législatif qu'il était la seule autorité qui eût conservé leur confiance. Les membres de l'Assemblée nationale ont juré individuellement, au nom de la nation, de maintenir la liberté, l'égalité, ou de mourir à leur poste; ils seront fidèles à leur serment.

་་

« L'Assemblée nationale s'occupe de préparer les lois que des circonstances si extraordinaires ont rendu nécessaires. Elle invite les citoyens, au nom de la patrie, de veiller à ce que les Droits de l'homme soient respectés et les propriétés assurées. Elle les invite à se rallier à elle, à l'aider à sauver la chose publique, à ne pas aggraver, par de funestes divisions, les maux et les dangers de l'Empire.

« L'Assemblée nationale déclare infâme et traître envers la patrie, tout fonctionnaire public, tout officier et soldat qui désertera son poste et n'y attendra pas avec soumission les ordres de la nation exprimés par ses représentants. >>

Un garde national est admis à la barre. Il s'exprime ainsi :

« Législateurs, venez voir les femmes pleurer leurs enfants, leurs maris; venez voir les enfants pleurer leurs pères. A qui attribuerons-nous ce malheur? Au pouvoir exécutif. Lorsqu'on demande à se plaindre, on vous répond avec des boulets. Le peuple demande à être vengé du sang qui a coulé aujourd'hui. Voulez-vous voir les infortunés massacrés? Venez regarder mes camarades qui sont tombés sous les coups des étrangers. D'où viennent ces croix de Saint-Louis trouvees sous des roquelaures? Nous vous demandons, législateurs, nous vous demandons justice, nous vous la demandons au nom de la loi, nous vous la demandons au nom de la Constitution, au nom du peuple français qui a été assassiné aujourd'hui. Un homme a-t-il le droit d'arrêter la volonté du peuple? Nous sommes

pires qu'en 1788. Vous avez déclaré la patrie en danger; décrétez que les conspirateurs viendront à votre barre pour être sur-le-champ jugés et punis. Un député de votre sein a été arrêté à Charenton. Pourquoi a-t-il quitté son poste puisque la patrie est en danger, tandis que nous simples artisans, nous bravons la mort, nous laissons périr nos femmes, nos mères de chagrin? Je me résume et je demande que le pouvoir exécutif soit puni; il a fait verser le sang de nos concitoyens; je demande vengeance au nom du faubourg Saint-Antoine.

M. le Président. L'Assemblée nationale ne négligera rien; et avec l'aide des bons citoyens, elle espère rétablir la tranquillité publique et le règne de la loi. Pour l'instant elle vous invite à sa séance.

Des pétitionnaires, chargés par le Président de faire connaître au peuple les décrets qui venaient d'être rendus, annoncent que, n'ayant pas trouvé d'officiers municipaux, ils ont chargé des commissaires de police et autres citoyens de les proclamer au son du tambour.

Un autre pétitionnaire Il est important que l'Assemblée sache les causes de l'événement qui vient de se passer au château.

Nous étions dans les cours, devant nous étaient des Suisses: un quart d'heure se passe, quarante Suisses descendent vers nous; nous leur qua tendons les bras, nous les embrassons comme des frères: d'autres Suisses nous tendent les mains en signe d'amitié, nous jettent des poignées de cartouches. Nous avançons; dans l'instant des milliers de coups de fusil partent de tous les points du château; beaucoup de mes concitoyens sont morts à mes côtés, moi-même c'est par miracle si j'ai évité le même sort. Législateurs, voilà ce qu'il faut que toute l'Europe apprenne pour la justification d'un peuplé tant calomnié.

Plusieurs autres pétilionnaires demandent à déposer sur le bureau beaucoup d'effets précieux qu'ils ont trouvés dans différents endroits.

M. le Président invite ces divers pétitionnaires à assister à la séance.

M. Basire. Il est très important que tous les détails de cette importante affaire soient connus. Je crois en outre qu'il conviendrait d'inviter ces citoyens à porter ces objets à la commune, où l'on en dresserait procès-verbal.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Ba

sire.)

M. Vergniaud, au nom de la commission extraordinaire des Douze, fait un rapport et présente un projet de décret relatif à la suspension du chef du pouvoir exécutif et tendant à la formation d'une Convention nationale; il s'exprime ainsi :

Messieurs, je viens, au nom de la commission extraordinaire vous présenter une mesure rigoureuse; je la présenterai cependant sans réflexion. Je m'en rapporte à la douleur dont vous devez être pénétrés d'après les événements qui sont arrivés. Jugez si elle est nécessaire :

« L'Assemblée nationale, considérant que les dangers de la patrie sont parvenus à leur comble;

Que c'est pour le Corps législatif le plus saint des devoirs d'employer tous les moyens de la

[blocks in formation]

« Considérant que ces maux dérivent principalement des défiances qu'a inspirées la conduite du chef du pouvoir exécutif, dans une guerre entreprise en son nom contre la Constitution et l'indépendance nationale;

"Que ces défiances ont provoqué de diverses parties de l'Empire un vou tendant à la révocation de l'autorité déléguée à Louis XVI;

« Considérant néanmoins que le Corps législa tif ne doit ni ne veut agrandir la sienne par aucune usurpation;

«Que dans les circonstances extraordinaires où l'ont placé des événements imprévus par toutes les lois, il ne peut concilier ce qu'il doit à sa fidélité inébranlable à la Constitution, avec sa ferme résolution de s'ensevelir sous les ruines du Temple de la liberté, plutôt que de la laisser périr, qu'en recourant à la souveraineté du peuple, et prenant en même temps les précautions indispensables pour que ce recours ne soit pas rendu illusoire par des trahisons, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

« Le peuple français est invité à former une Convention nationale: la commission extraordinaire présentera demain un projet pour indiquer le mode et l'époque de cette Convention.

Art. 2.

Le chef du pouvoir exécutif est provisoirement suspendu de ses fonctions, jusqu'à ce que la Convention nationale ait prononcé sur les mesures qu'elle croira devoir adopter pour assurer la souveraineté du peuple et le règne de la liberté et de l'égalité.

Art. 3.

« La commission extraordinaire présentera dans le jour un mode d'organiser un nouveau ministère; les ministres, actuellement en activité, continueront provisoirement l'exercice de leurs fonctions.

Art. 4.

"La commission extraordinaire présentera également dans le jour un projet de décret sur la nomination du gouverneur du prince royal.

Art. 5.

Le payement de la liste civile demeurera suspendu jusqu'à la décision de la Convention nationale. La commission extraordinaire présentera, dans vingt-quatre heures, un projet de décret sur le traitement à accorder au roi pendant la suspension.

Art. 6.

« Les registres de la liste civile seront déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale après avoir été cotés et paraphés par deux commissaires de l'Assemblée, qui se transporteront à cet effet chez l'intendant de la liste civile.

Art. 7.

« Le roi et sa famille demeureront dans l'enceinte du Corps législatif, jusqu'à ce que le calme soit rétabli dans Paris.

« PreviousContinue »