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de nullité. Ces raisons ont frappé les citoyens, ils ont nommé des commissaires pour se rendre à la maison commune, afin de discuter les intérêts du peuple telle a été la mesure arrêtée par toutes les sections. Nous ne connaissons pas le résultat des opérations des commissaires.

Je me suis rendu à la section de Montreuil: j'y ai trouvé 600 hommes dans le plus grand silence. Ils ont senti que, s'il fallait une insurrection, il fallait qu'elle fût générale, et qu'une insurrection partielle était une révolte indigne d'un peuple libre.

Je me suis rendu à la section de Popincourt; j'ai été assez heureux pour la trouver dans les mêmes sentiments. Mes collègues avaient parfaitement réussi, lorsque nous avons été frappés, comme de la foudre, en entendant battre la générale. Nous ne savions d'où pouvait provenir cet ordre. En revenant à la maison commune, je rencontrai un tambour qui battait la générale. Je me suis approché de lui et lui ai ordonné de me suivre. Je me suis rendu au corps de garde d'où était parti ce tambour. Je m'adressai à l'officier, et je lui demandai qu'il fit cesser ce signal d'alarme. Il me refusa, et je n'ai pu insister, parce qu'il m'a montré un ordre de M. Mandat, lequel était au château des Tuileries. C'était par l'ordre de M. Mandat que l'on causait ce désordre. Tandis que nous étions calmes, on était dans l'effervescence. On alarmait tout le monde par des canons qu'on avait fait braquer sur les différents ponts. M. Mandat avait écrit qu'une phalange se rendait au château des Tuileries, qu'il fallait la prendre en tête et en queue, et re pas la ménager. Nous avons pris un arrêté pour prévenir tous ces désordres.

M. le maire s'est rendu à la maison commune. Il était pâle, défait; il ne devait son salut qu'à quelques grenadiers. M. Mandat est venu aussi la maison commune; il n'a pu nous dissimuler que c'était lui qui avait donné des ordres; que c'était lui qui avait tout troublé. Il nous a annoncé qu'il avait un ordre de M. le maire ; mais il n'a pu le représenter. Tel est le récit des faits que nous avons à mettre sous vos yeux.

Un membre: Je suis informé que le tocsin a sonné à minuit aux Cordeliers; j'ignore par quels ordres et si on a sonné dans les autres quartiers de la ville.

M. BEAUDOUIN. J'ai été envoyé par M. le maire avec M. Mouchet, aux Cordeliers, vers onze heures; on prétendait que les Marseillais venaient avec la section du Théâtre-Français sur l'Assemblée nationale. Je me suis présenté dans la caserne des Marseillais, et j'y ai vu les intentions les plus pacifiques; le commandant a dit qu'il ne marcherait qu'en vertu d'un ordre et sous les drapeaux de la garde nationale. Quand on a entendu battre la générale, je suis retourné aux Cordeliers, les esprits étaient très échauffés, les canons étaient braqués sur le pont Saint-Michel.

M. OSSELIN. Il ne faut pas dissimuler à l'Assemblée que les sections du Théâtre-Français et des Gravilliers ont déclaré qu'elles ne reconnaissaient plus d'autorité constituée. Ce n'est pas la majorité, mais c'est la vérité.

Un membre: Il paraît que ces messieurs ne contredisent pas le fait que j'ai avancé.

M. le Président. Messieurs, l'Assemblée vous remercie et vous invite à sa séance.

MM. OSSELIN et BEAUDOUIN se retirent.

M. Boisrot-de-Lacour. Je demande la parole pour deux faits. Le premier c'est qu'hier M. le maire nous a dit avoir donné ordre à M. le commandant de la garde nationale de doubler les postes et l'avoir autorisé à faire battre le rappel. Le second c'est que ce n'est pas la générale qui été battue, c'est le rappel.

Plusieurs membres: On a battu aussi la générale.

M. Philibert, au nom du comité de liquidation fait la seconde lecture (1) d'un projet de décret sur le remboursement de la dépense des troupes dont les communes du ci-devant pays de Provence ont fait l'avance pendant l'année 1790; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de liquidation, considérant que le remboursement réclamé par les communes de la ci-devant province de Provence est aussi juste qu'instant, qu'un plus long retard préjudicierait autant à l'intérêt particulier de ces communes qu'à celui du recouvrement des impositions arriérées, pour l'acquittement desquelles elles ont compté et dù compter sur ce remboursement, d'après les règles de l'ancienne Administration qui n'ont pas pu être suivies par l'effet des nouvelles lois; qu'enfin, les fonds morts, qui sont entre les mains de l'ancien trésorier, sont plus que suffisants pour faire face à ce remboursement; décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

«Art. 1er. Le remboursement de la dépense des troupes dont les communes de la ci-devant Provence ont fait l'avance pendant l'année 1790, d'après l'ancien ordre administratif, sera pris dant le bon de caisse qui est entre les mains du sieur Pin, ancien trésorier général du pays, et fait d'après l'état de liquidation dressé et arrêté le 3 octobre dernier par les commissaires-liquidateurs des affaires communes de la ci-devant province.

«Art. 2. Cet état sera visé par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, ordonnancé par le ministre des contributions publiques, et envoyé par ce dernier au directoire du département des Bouches-du-Rhône, séant à Aix, chef-lieu de l'ancienne administration de Provence et de la résidence dudit trésorier.

«Art. 3. Le directoire du département des Bouches-du-Rhône, sitôt après la réception du susdit état de liquidation, en fera la rémission audit trésorier, lequel est autorisé par le présent décret, et sera tenu de payer les sommes comprises dans cette liquidation, suivant les formes de son ancienne comptabilité; et les payements qu'il fera en conséquence lui seront alloués dans son compte, qu'il rendra en conformité des précédentes lois, auxquelles il n'est dérogé que pour l'exécution des dispositions ci-dessus.

«Art. 4. Le présent décret ne sera envoyé qu'aux départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Basses-Alpes. »

(L'Assemblée ajourne la troisième lecture à huitaine.)

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLVI seance du 18 juillet 1192, page 590, la première lecture de ce projet de décret qui était alors précédé du décret d'urgence.

Un membre propose des vues pour atteindre et punir les émigrés qui n'ont pas encore de propriétés et qui ne jouissent pas encore de leurs droits.

(L'Assemblée renvoie la proposition au comité de surveillance.)

Un autre membre: Je demande la suppression du comité central du commerce, organisé sous la surveillance du ministre de l'intérieur, sous prétexte que ce comité est composè de cinq com. missaires, un président et un secrétaire, tandis qu'il n'existait autrefois qu'un intendant et que tout ce qui avait trait à cet objet avait été supprimé par l'Assemblée nationale constituante. Je demande le renvoi de ma proposition au comité de l'ordinaire des finances, pour faire connaître les travaux de ce comité et proposer ou la suppression ou la réduction des dépenses.

(L'Assemblée décrète le renvoi.)

Un autre membre: Je demande que le ministre de l'intérieur rende compte de la réforme dans l'organisation d'un de ses bureaux dont ses prédécesseurs avaient été déjà chargés.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Un autre membre: Je demande que le ministre de l'intérieur soit tenu de rendre compte, dans les 24 heures, des mesures qu'il a prises ou dù prendre pour l'armement des citoyens qui volent à la défense des frontières.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes :

1° Lettre de M. Philippe Devaux, secrétaire de legation près la cour de Liège; cette lettre est ainsi conçue: (1)

"Valenciennes, le 7 août 1792,
l'an IV de la liberté.

Monsieur le Président,

« Le roi avait daigné me nommer à la place de secrétaire de légation près la cour de Liège; et, d'après les ordres que j'avais reçus du ministre de partir sans délai, je me rendais à mon poste.

J'arrive à Valenciennes je vais chez M. Dillon, lieutenant-général, commandant sur la frontière du Nord, pour lui demander la marche que j'avais à suivre pour passer librement sur le territoire impérial. Il me donne une lettre pour le commandant du premier poste autrichien et me fait précéder par un trompette.

« Parvenu à la frontière, je suis rencontré par une patrouille de hulans; je remets ma carte à l'officier qui congédie mon trompette, me fait escorter au poste prochain; et de hulans en hulans, je suis mené jusqu'à Mons, où on me conduisit d'abord à la garde, et de là devant le duc de Saxe-Tefchen. J'avais remis à l'officier qui me menait, mon passeport du roi, celui de la municipalité de Paris, et la lettre ministérielle qui constatait ma mission en qualité de secrétaire de légation. Je crus qu'avec ces titres, j'allais être respecté et expédié promptement, je me trompais. Mon conducteur entra seul chez le prince, et me laissa dans l'antichambre parmi des valets.

<< Bientôt après j'entendis des éclats de rire; le

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Diplomatie, n° 39.

prince sortit suivi de sa cour, pour me regarder, et me laissa exposé ensuite aux rires moqueurs et aux discours insultants de quelques courtisans, qui, pour plaire à leur maître, se couvraient de honte en insultant un prisonnier désarmé. On me ramena de là à la garde; et, une heure après, je fus conduit par quatre fusiliers en prison; on mit deux sentinelles dans ma chambre, et une à la porte de la maison. Le soir on vint me demander les clefs de mes malles, qui étaient restées au corps de garde: on en fit la visite sans moi mes papiers furent examinés on ne respecta ni ma correspondance de famille, ni mes affaires les plus secrètes. Peu de temps après, un homme de la justice militaire entra chez moi, suivi de mes malles ouvertes, de mes effets et de mes papiers dispersés, pour en faire, disait-il, la visite en ma présence. Le lendemain matin le prévôt de l'armée, avec une garde, me conduisit chez l'auditeur général, où je subis un interrogatoire, comme l'on en fait ordinairement aux espions. Je protestai contre la violence et l'illégalité de ces démarches, je déclarai que j'étais secrétaire de légation, et je réclamai, au nom de la nation française et du roi, le droit de passage, pour me rendre à mon poste: je ne fus pas écouté. On me reconduisit dans ma prison, et l'on m'y oublia pendant quarante-huit heures. Je n'étais cependant pas oublié de tout le monde. On disait sous mes fenêtres que j'étais un espion envoyé par la France. Une de mes sentinelles m'apprit qu'elle venait d'entendre dire à un de ses officiers, que dans vingt-quatre heures je ne serais plus de ce monde; que je subirais le sort qu'on réserve aux espions. D'un autre côté, mes gardes me tendaient des pièges, ou tentaient de me faire parler, pour tâcher de me donner des torts; mais je ne répondis à toutes ces mancuvres que par le mépris qu'elles m'inspiraient. Le quatrième et le cinquième jour on m'asujettit à un second et troisième interrogatoire, dans lesquels on déploya toutes les vexations et les chicanes, qui, dans un gouvernement arbitraire, tiennent lieu de raison et de justice. On me dit que le roi n'était pas libre, et qu'il pouvait avoir été forcé de me nommer; qu'on avait vu passer plusieurs secrétaires de légation pour Liège; que ma mission était incompatible avec les hostilités que les Français commettaient journellement sur le territoire de Liège, aujourd'hui sous la protection de l'empereur, et que les envoyés ne passaient plus, à moins qu'ils ne fussent précédés par des réquisitions ministérielles; plusieurs autres moyens de ce genre, tous aussi faux et aussi absurdes, furent mis en usage pour donner un motif à mon arrestation : comme s'il fallait huit jours pour me faire ces objections, en supposant même qu'elles fussent justes!

«Ils terminèrent leur dernier interrogatoire en me demandant compte de mes instructions, et en me faisant entendre que je ne passerais pas. Quoique les instructions soient toujours confiées au chef de l'ambassade, et que je n'en eusse pas, je répondis que je n'avais de compte à rendre qu'à la nation qui m'envoyait, et non à celle qui violait le droit des gens en m'arrėtant. Je protestai de nouveau contre la violence de mon arrestation, mais aussi inutilement que les autres fois : je fus reconduit chez moi; on m'y laissa encore trois jours sans nouvelles; et, ce ne fut que le huitième jour, qu'après mûre délibération on m'envoya l'ordre, non pas de continuer librement ma route, mais de retour

ner en France. Voilà comment les Autrichiens, en ennemis généreux, m'ont prouvé, par des insultes et par huit jours de prison, que je n'avais pas le droit de passer sur leur territoire, même comme envoyé à une cour étrangère.

. Ma qualité de secrétaire de légation, envoyé constitutionnellement, était sans doute un tort aux yeux des Autrichiens; mais j'en avais encore un. Je suis né en Brabant; et, dans la Révolution de 1787 et 1789, j'ai pris les armes pour la défense de nos privilèges et de nos traités violés par Joseph II. Aimer son pays est un crime aux yeux de ceux qui veulent l'opprimer. Si ma malheureuse patrie n'avait pas été livrée à des intrigants, je l'habiterais encore, et il n'y aurait peut-être pas eu des Autrichiens à Mons pour m'arrêter. Depuis que les Pays-Bas sont rentrés sous la domination autrichienne, je suís venu en France reprendre, en qualité de fils de Français, mes droits de citoyen: je jouis depuis près de cinq ans de ce titre glorieux; et les Autrichiens viennent de me le rendre plus cher encore. La prison militaire de Mons regorge de Français arrêtés et maltraités. Le temps approche, j'espère, où nous allons enseigner l'humanité à ces puissances qui veulent dicter des lois à la nation française, qui la croient perdue s'ils ne se mêlent pas de ses affaires, et qui veulent apporter chez elle leur stupide automatie. Je ne demande pas justice pour moi, Monsieur le Président. Je marchais mon poste; et les mauvais traitements qu'un homme essuie en faisant son devoir, ne peuvent que l'honorer: mais il est de mon devoir d'annoncer à l'Assemblée nationale, que la dignité de la nation française et du roi a été offensée par l'insulte faite à la personne de leur envoyé. J'adresse une copie de cette lettre au ministre des affaires étrangères, et je vais sur-lechamp me rendre à Paris pour prendre des ordres ultérieurs, et empêcher que M. d'Aubignan, mon principal, ne s'expose aux mêmes insultes. Je profite de cette occasion pour assurer l'Assemblée nationale de mon profond respect pour elle, et de mon inviolable attachement à la Constitution.

Signé Philippe DEVAUX. »>

(L'Assemblée ordonne l'impression de cette ettre et le renvoi au comité diplomatique.)

2o Lettre du sieur Godard, chargé des affaires del a municipalité de Tonneins.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des pétitions.)

3° Lettre de M. Champion, ministre de l'intérieur, qui fait passer à l'Assemblée la liste des administrateurs et des juges des districts de Vaucluse et de Louvèze.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de division.)

4° Lettre de M. Le Roulx-Delaville, ministre des contributions publiques, qui fait passer à l'Assemblée copie de la lettre qu'il a écrite à tous les directoires de département, avec le tableau des progrès de la répartition et du recouvrement de l'impôt.

(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces y jointes au comité de l'ordinaire des finances.)

MM. Dejoly, ministre de la justice et Champlon, ministre de l'intérieur, rentrent dans la salle.

M. Champion, ministre de l'intérieur. L'Assemblée nationale est instruite des mouvements

qui agitent la capitale. Ces mouvements ont déterminé à prendre les mesures que la Constitution indiquait. Parmi ces mesures nous nous sommes rappelé la députation que l'Assemblée envoya le 20 juin chez le roi. Nous venons au nom du roi vous solliciter de prendre cette décision, la seule qui puisse nous faire répondre de la personne du roi. Il y a plusieurs points à garder; nous osons assurer l'Assemblée qu'une députation assurera la tranquillité, non seulement au château, mais dans toute la capitale. M. Bigot de Préamenen. Je convertis en motion la proposition du ministre.

M. Taillefer. J'étais de la députation du 20 juin. Je sais les désagréments qu'éprouvèrent vos commissaires; ils furent insultés et calomniés. Je demande la question préalable snr la proposition.

M. Bonnemère. Quand de deux autorités l'une est attaquée, l'autre doit la soutenir; s'il arrivait un accident, après avoir envoyé une députation le 20 juin, vous seriez responsables de n'en pas envoyer cette fois.

M. Boisrot-de-Lacour. Je demande que le roi soit invité à se rendre dans le sein du Corps législatif. (Murmures.)

M. Chéron-La-Bruyère. Si vous voulez empêcher la dissolution de tous les pouvoirs constitués, envoyez une députation au roi.

M. le Président. M. le commandant vient de m'annoncer que la section de Saint-Marcel braquait le canon sur le château. Voici d'ailleurs un canonnier qui sollicite son admission à la barre.

On introduit le pétitionnaire; il s'exprime ainsi :

« Monsieur le Président.

«Je viens de rencontrer un bataillon qu'on m'a dit être celui de Saint-Marcel; il s'est présenté sur la place du Carrousel et a braqué son canon sur le poste du château; j'ajoute que le poste de la gendarmerie s'est replié sur le PetitCarrousel.

« Si notre roi a péché, il doit sans doute être puni, mais ce n'est pas une raison pour l'assassiner. »

M. le Président remercie le pétitionnaire et l'invite à la séance.

Le commandant de la gendarmerie de service auprès de l'Assemblée se présente à la barre.

En me rendant auprès de l'Assemblée, je me suis présenté au guichet pour traverser la place du Carrousel. J'ai été arrêté par deux factionnaires qui m'ont demandé : « Où vas-tu? Je me rends à mon poste qui est près de l'Assemblée nationale. — Nous ne connaissons pas d'Assemblée nationale. » J'ai insisté. « Va, m'ont-ils répondu, va, si tu le veux, faire le grand tour. » J'ai pris, en conséquence, une autre route. J'observe que la cavalerie qui gardait la place du Carrousel, s'était retirée sur celle du Petit-Carrousel.

M. Lagrévol. Dans ces moments de danger il faut agir de manière à éviter tout reproche que les malveillants ne manqueraient pas de nous faire, je prie mes collègues de se rappeler que je vote pour une députation à envoyer au roi. Si nous réussissons, nous n'aurons fait que ce que nous devons; si nous ne réussissons pas, nous n'aurons rien à nous reprocher.

(A ce point de la discussion, on annonce une

députation du conseil général de la commune; elle est introduite à l'instant.)

(MM. les ministres de la justice et de l'intérieur se retirent.)

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Suite de la séance permanente.

Vendredi 10 août (sept heures du matin).

PRÉSIDENCE DE MM. MERLET, président, VERGNIAUD, TARDIVEAU, GENSONNÉ, GUADET ET CONDORCET, ex-présidents.

PRÉSIDENCE DE M. VERGNIAUD, ex-président.

Deux officiers municipaux et un substitut du procureur de la commune de Paris sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : L'anarchie est arrivée. Une double munici-palité vient de se former dans la maison cominune. Dans la nuit, sont arrivés plusieurs commissaires de section; il paraît qu'ils se sont organisés en conseil général; M. Mandat s'était rendu à la maison commune; après avoir été entendu, il s'est retiré; mais en sortant, il a été saisi, traîné dans cette salle où se tient le conseil de la commune. Le premier substitut et le procureur de la commune ont volé à son secours. Je me suis rendu dans cette salle; j'ai vu un président, un secrétaire et M. le commandant de la garde nationale placé entre le bureau du président et la table du secrétaire. Je désirais sortir, mais on m'en a empêché plusieurs fois. Je me suis retiré par un petit escalier dérobé. Je me suis rendu à la municipalité où l'on venait de recevoir l'arrêté que voici :

« L'assemblée des commissaires de la majorité des sections, réunie en plein pouvoir pour sauver la chose publique, a arrêté que la première mesure que la chose publique exigeait, était de s'emparer de tous les pouvoirs que la commune avait délégués, et ôter à l'état-major l'influence dangereuse qu'il a eue jusqu'à ce jour sur le sort de la liberté. Considérant que ce moyen ne pouvait être mis en usage qu'autant que la municipalité, qui ne peut jamais et dans aucun cas agir que par les formes établies, serait suspendue de ses fonctions, a arrêté qué le conseil général de la commune serait suspendu, et que M. le maire et M. le procureur général de la commune, qu'ils laissaient administrateurs, continueraient leurs fonctions administratives.

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lant conseil général, se sont retirés en disant qu'ils ne nous reconnaissaient plus, et qu'ils allaient se rendre dans la salle du véritable conseil de la commune.

Le conseil général a arrêté qu'une députation de trois de ses membres vous ferait part de cet incident pour aviser aux mesures à prendre dans ces circonstances.

J'ajoute un seul fait. Il a été observé que, lorsque cet arrêté a été pris on nous a dit qu'il y avait un mandat d'amener décerné contre le commandaut général Mandat.

Nous leur avons répondu que ce droit appartenait aux juges de paix, mais ils nous ont répondu que, lorsque le peuple se mettait en état d'insurrection, il retirait tous les pouvoirs pour les reprendre. M. Manuel est resté au milieu des commissaires; il a été invité d'apposer sa signature au bas de cet acte afin de le légaliser. Ils ont fait un acte d'autorité; ayant su que la poste de l'Arsenal avait été attaqué, ils ont requis la force publique.

M. le Président. L'Assemblée vous remercie, Messieurs, et vous invite à sa séance.

M. Dalmas (d'Aubenas). Je demande que l'Assemblée nationale casse cet arrêté, et qu'elle rétablisse le conseil général de la commune dans ses fonctions.

M. Voysin-de-Gartempe. J'appuie la proposition. Plus les moments sont critiques, plus nous devons être à la hauteur de nos fonctions. Ce n'est pas parce que nos ennemis veulent s'efforcer de faire régner l'anarchie, que nous devons la légaliser; cet acte illégal des sections de Paris portera la joie à Coblentz. Si cette ville était mécontente du conseil municipal, elle pouvait s'en plaindre au Corps législatif: car, qui empêcherait nos ennemis de placer au conseil municipal des gens qui leur seraient vendus? Maintenons la loi si nous voulons la faire respecter; le courage et les principes sauveront la patrie.

M. Thuriot. Je demande la question préalable sur la proposition. Ce n'est pas par des mesures violentes que vous ramènerez le peuple; c'est ainsi que, depuis longtemps, on est parvenu à l'indisposer. (Murmures.)

Plusieurs membres demandent la parole.

M. Cambon. Il n'est pas temps de discuter; la chose publique est en danger. Il ne s'agit pas de savoir quel parti l'a mise en danger. Dans un moment de crise comme celui où nous nous trouvons, toutes divisions doivent cesser. Réunissons-nous; donnons au pouvoir exécutif, c'està-dire à l'autorité municipale la force qu'elle doit avoir pour donner à la loi la force qui lui est nécessaire. Si la municipalité n'est point en état de répondre à vos vues, il faut la changer; en un mot, Messieurs, réunissons-nous, prenons des mesures certaines pour sauver la chose publique.

M. Voysin-de-Gartempe. J'insiste sur ma proposition que cet arrêté soit annulé. Au reste, Messieurs, j'ai fait mon devoir, j'ai acquitté ma conscience. Puisse l'événement ne pas justifier mes craintes.

M. Bigot-de-Préameneu. Je demande qu'il soit envoyé une députation chez le roi, car le danger devient pressant.

M. Chondieu. Mes commettants ne m'ont point envoyé pour aller en députation chez le roi, mais

pour mourir à mon poste, lorsque la patrie serait en danger. (Applaudissements.)

M. Emmery. Je suis de l'avis de M. Choudieu, que nous devons rester et périr à notre poste; mais aussi je pense que nous devons, en même temps, sauver les jours du roi, et j'observe avec M. Cambon que nous nous chargerions d'une immense responsabilité si nous laissions plus longtemps les jours du roi en péril. J'ajoute que nous devons aussi veiller à ce que sa famille soit également sauvée des atteintes des malveillants, et je demande que nous assurions auprès du Corps législatif non seulement au roi, mais à sa famille, un local où ils puissent être en sûreté.

M. le Président. Je demande la permission à l'Assemblée d'interrompre cette discussion pour lui faire savoir que la fausse patrouille, armée d'espingoles, arrêtée la nuit aux ChampsElysées et détenue au corps de garde des Feuillants, est environnée par un grand rassemblement de peuple.

Un membre: Je demande que ces détenus soient mis sous la protection spéciale et sous la sauvegarde de l'Assemblée, qu'en conséquence on envoie auprès d'eux la garde de service et qu'on les retire des mains du peuple.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

(Une expédition du décret est remise au commandant du poste de garde avec mission de le faire exécuter.)

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, un instant interrompue, d'envoyer une députation chez le roi ou de l'inviter à se rendre, avec sa famille, dans le sein de l'Assemblée nationale.

M. Cambon. Il y a autant de danger d'être inactif que d'agir, et je crois qu'il faut au moins que nous fassions un acte pour faire voir que nous n'abandonnerons jamais la chose publique. Voilà ma motion. Je serai toujours uni au peuple, an souverain, mais je ferai toujours en sorte de lui conserver sa gloire.

M. Albitte. Vous n'avez qu'à garder votre poste, voilà votre devoir!

M. Delaporte. Il se pourrait que l'Assemblée vit quelques inconvénients à inviter le roi à se retirer au milieu de nous et dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, parce qu'il serait très fatal que l'invitation du Corps législatif n'eût point le succès que nous en attendrions. Mais, Messieurs, il faut que le pouvoir exécutif soit bien instruit que le Corps législatif le recevra toujours avec empressement toutes les fois qu'il jugera à propos de s'y rendre. Je propose donc, Messieurs, de faire instruire le roi que le pouvoir législatif est en séance (Murmures), mais qu'il ne l'invite pas; qu'il abandonne à sa sagesse le soin de déterminer s'il est plus à propos pour lui de s'y rendre, à moins qu'il ne se trouve plus en sûreté chez lui.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour motivé sur cette observation.)

M. le commandant du corps de garde des Feuillants. Je me suis mis en devoir de porter votre décret. A peine m'a-t-on vu paraître dans la cour, qu'un homme, en habit bourgeois, avec un fusil et une baïonnette, est venu à moi et m'a arrêté. Je lui ai dit : « Je vais à mon poste, parce que nous avons un petit corps de garde dans le couloir. » J'ai été suivi par beaucoup de monde,

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M. Goupilleau. Je vais vous rendre compte d'un fait important: je viens de chez moi prendre un peu de repos de la séance de cette nuit; en traversant la cour du Manège, un groupe d'enfants criaient: « Vive la nation! » au milieu d'eux, un homme portait une tête sur une pique. Je me suis informé d'où venait le massacre; on m'a assuré que c'était un de ces gens qui avaient été arrêtés ce matin. Messieurs, je vous prie, au nom de l'humanité, de prendre un parti sérieux pour protéger les hommes qui sont victimes..... Une voix dans les tribunes: Ce crime est consommé! (Frémissement général.)

Un juge de paix se présente à la barre; il s'exprime ainsi :

Je viens vous faire part, Messieurs, que le roi, la reine, la famille royale, les membres du département et ceux de la municipalité, qui sont actuellement réunis aux Tuileries, vont se présenter à l'Assemblée nationale.

M. Quinette. Lorsque toutes les autorités sont menacées, il est nécessaire de donner l'exemple du courage. Elles vont être réunies dans le temple de la liberté et de l'égalité. Je demande qu'elles soient invitées à y rester avec nous jusqu'à ce que chaque citoyen soit rentré à son poste.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. BORY, officier municipal, est introduit auprès du Président. Il fait demander à l'Assemblée nationale de vouloir garder les avenues pendant que le roi sera dans la salle, ou de permettre que sa garde en fasse le service.

M. Dehaussy-Robecourt. Non seulement sa garde, mais tous les bons citoyens.

M. Cambon. En aucun cas, la force armée ne peut entrer dans l'enceinte du Corps législatif. Le Corps législatif a sa police. Je demande que les officiers municipaux prennent des mesures hors des limites extérieures de l'Assemblée, mais que l'on charge les commissaires de la salle de prendre les mesures nécessaires.

M. Viénot-Vaublanc. J'appuie la motion de M. Cambon. Nous devons être sûrs que les officiers municipaux ne négligeront rien pour l'extérieur de la salle.

(L'Assemblée, considérant qu'elle n'a besoin d'autre garde que de l'amour du peuple, charge seulement ses commissaires-inspecteurs de la salle de redoubler d'attention pour maintenir l'ordre dans son enceinte, et considérant que, hors de son enceinte, la police appartient aux corps administratifs, passe à l'ordre du jour sur la demande de l'officier municipal.)

M. Broussonnet. Comme, aux termes de la Constitution, l'Assemblée ne doit pas délibérer tant que le roi se trouve dans l'intérieur de la salle, je demande qu'il se place dans la tribune qui a été destinée pour le Logotachygraphe, afin que l'Assemblée puisse délibérer.

M. Delaporte. J'appuie cette motion. C'est, en effet, le moment où, plus que jamais, il faut se rallier autour de la Constitution. Je pense avec le préopinant que le roi sera aussi bien dans la tribune; et il ne sera pas dans la salle. Il a droit d'être ici, mais jamais on ne doit parler en sa

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