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réintégration dans les biens considérables, abusivement concédés à titre d'engagements par l'ancien gouvernement, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité des domaines et décrété l'urgence, décrète ce qui suit :

Art. 1er. Toutes les aliénations des domaines nationaux déclarées révocables par la loi du 1er décembre 1790 sur la législation domaniale, autres par conséquent que celles faites en vertu des décrets de l'Assemblée nationale, sont et demeurent révoquées par le présent décret.

« Art. 2. Il sera incessamment procédé à la réunion des biens compris dans lesdites aliénations; la régie des domaines est chargée de la poursuivre, et, pour cet effet, elle se conformera à ce qui est prescrit ci-après.

« Art. 3. Les détenteurs desdits biens seront tenus de remettre leurs contrats, quittances de finances, et autres titres relatifs à leur remboursement, au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, dans les trois mois qui suivront la publication du présent décret, lorsque les biens compris dans un acte d'aliénation se trouvent situés dans l'arrondissement de deux bureaux différents.

Ils seront tenus de justifier de cette remise, quinzaine après, en remettant le certificat du commissaire-liquidateur (pro duplicata) au bureau d'enregistrement dans l'arrondissement duquel les biens seront situés; le receveur en donnera son récépissé.

« Cette remise tiendra lieu de consentement à à la dépossession.

Art. 4. Les détenteurs qui se seront conformés à ce qui est prescrit par l'article précédent, ne pourront être dépossédés sans avoir préalablement reçu ou été mis en demeure de recevoir les sommes auxquelles leur finance, et ses accessoires, auront été liquidés; ils percevront jusqu'à cette époque les fruits et produits des biens, à la charge de les entretenir en bon état, et d'en acquitter les charges et contributions.

Cependant l'état des biens pourra être constaté pendant cette jouissance en la forme prescrite par l'article ci-après.

Art. 5. Les détenteurs qui se croiront dans quelque cas d'exception, et en droit de se faire déclarer propriétaires incommutables, conformément à la loi du 1er décembre 1790 sur la législation domaniale, seront tenus de se pourvoir dans le même délai de trois mois devant le tribunal du district de la situation des biens pour faire statuer ce qu'il appartiendra, contradictoirement avec la régie, en présence du procureur général syndic du département, et sur les conclusions du commissaire du roi."

L'instruction de ces instances aura lieu par simples mémoires, respectivement communiqués, sans aucuns frais, autres que ceux du papier timbré, et de signification des jugements interlocutoires et définitifs.

« Les jugements rendus par le premier tribunal de district seront sujets à l'appel.

"Art. 6. Les délais prescrits par les articles 3 et 5 sont prorogés d'une année pour les détenteurs absents du royaume, pour aucune des causes légitimes déterminées par la loi du.....

Et à deux années pour les détenteurs résidant au delà du cap de Bonne-Espérance.

«Art. 7. Les détenteurs qui ne se seront pas conformés à ce qui est prescrit par l'article 3 du présent décret, ou qui ne se seront pas pourvus devant les tribunaux, seront dépossédés à l'ins

tant de l'expiration des délais fixés par les articles 3, 5 et 6 ci-dessus.

» Ils seront tenus de rendre compte des fruits depuis le jour de la publication du présent dé

cret.

« La même restitution de fruits sera ordonnée contre ceux dont la maintenue sera rejetée.

« Art. 8. La régie prendra possession des biens par un procès-verbal dressé sans frais par le juge de paix du canton de la situation des biens.

«La régie en fera remettre copie, dans les huit jours qui suivront, au directoire du district dans le territoire duquel les biens seront situés; elle sera pareillement tenue de lui donner connaissance du consentement, ou de l'opposition des détenteurs à leur dépossession.

« Dans le même délai de huitaine, la régie fera publier le procès-verbal de sa prise de possession dans toutes les municipalités, sur le terroir desquelles lesdits biens, où partie, se trouveront situés.

« Dès cette époque, les fermiers seront tenus de verser entre les mains des receveurs particuliers des droits d'enregistrement le prix de leurs baux; et les intendants, ou régisseurs, le produit des biens qui leur sont confiés, et qui écherront, à compter de la prise de possession.

«Art. 9. Dans les quinze jours qui suivront la prise de possession, ou le consentement donné par les détenteurs, conformément à l'article 3 du présent décret, la régie fera vérifier et constater l'état des biens contradictoirement avec le détenteur.

Le rapport des experts contiendra, en autant d'articles séparés, l'état : 1° des fonds d'héritages; 2o des bâtiments; 3° des droits incorporels ; 4° Des biens de toute autre nature.

« Les experts constateront et estimeront les dégradations et diminutions, ou les augmentations et améliorations faites dans lesdits biens par les détenteurs.

Art. 10. Pour l'exécution de l'article précédent, la régie fera notifier aux détenteurs, et à leur domicile, pour ceux résidant en France, et au domicile de la personne chargée de la perception des revenus pour ceux résidant hors du royaume, la personne qu'elle aura choisie pour son expert, avec sommation d'en nommer un de leur part dans le délai de huitaine; ce délai sera augmenté d'un jour par dix lieues pour ceux qui sont domiciliés au delà de cette distance du tribunal ci-après indiqué.

<< Faute par les détenteurs de nommer leur expert dans le délai ci-dessus, il sera nommé d'office par le tribunal du district, sur le territoire desquels le chef-lieu, ou la majeure partie desdits biens, sera situé.

« Dans le cas où les deux experts se trouveraient partagés dans leur avis, chacun d'eux fera, dans le procès-verbal, ses observations sur les articles susceptibles de difficultés; et le tribunal nommera un troisième expert pour les départager.

«Tous les experts prêteront serment de procéder en leur âme et conscience aux visites et estimations dont ils seront chargés, et ils déposeront leurs procès-verbaux au greffe du tribunal pour en être délivré des expéditions aux parties qui les requerront, et à leurs frais.

"Art. 11. Les détenteurs des biens seront tenus de remettre aux experts, lorsqu'ils feront la visite des lieux, des copies sur papier libre, collationnées par un officier public, des titres de leurs engagements, des procès-verbaux qui ont

dû précéder l'entrée en jouissance, en vertu desdits titres, et; en général, de tous les actes et renseignements qui pourront en constater la consistance, la valeur et le produit, et faire connaître le montant des charges dont ils sont chargés.

« Et faute par eux de faire ladite remise, ils seront condamnés en 300 livres d'amende, et à la restitution des frais, à compter du jour indiqué pour la visite.

« Ces condamnations seront poursuivies devant le tribunal criminel du district, dans le territoire duquel le principal manoir des biens se trouvera situé, et à la requête des régisseurs des domaines nationaux qui seront responsables de leur négligence à cet égard.

«Art, 12. Seront observées, en tout ce qui peut être relatif à l'exécution du présent décret, les dispositions de celui du 19 juillet 1791, concernant le remboursement des droits supprimés sans indemnité.

« Art. 13. S'il s'élève des contestations sur la consistance des biens, elles seront portées par les parties réclamantes devant les tribunaux de district de la situation des biens pour y être jugées en la forme déterminée par l'article 5 du présent décret.

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Art. 14. Les détenteurs qui auront poursuivi la liquidation de leur remboursement dans les trois mois prescrits par l'article 3 du présent décret, recevront les intérêts de leur capital, à compter du jour que les fruits auront cessé de leur appartenir.

« Quant aux détenteurs qui ne poursuivront leur remboursement qu'après ce délai; et ceux dont les demandes en maintenue auraient été rejetées par les tribunaux, les intérêts ne pourront leur être alloués qu'à compter du jour de la remise de leurs titres au commissaire du roi, directeur général de la liquidation.

« Les intérêts qui seront alloués à tous les détenteurs sont fixés à 4 0/0 de leurs capitaux, sans retenues.

« Art. 15. Nul détenteur ne pourra recevoir son remboursement qu'en rapportant l'attestation donnée par le directeur de la régie des biens nationaux de l'existence en bon état des biens dont ils sont détenteurs, et de la remise des titres et papiers terriers, relatifs auxdits biens; 2° les quittances des contributions et des redevances dues pour les deux dernières années de sa jouissance, l'attestation du préposé de la régie, et les quittances des contributions seront visées par les directoires du district de la situation des biens.

Art. 16. Pourront cependant les détenteurs qui se trouveront débiteurs à raison des dégradations, ou des réparations à leur charge, ou des redevances par eux dues, offrir de précompter, sur leur remboursement, le montant de ce qu'ils auront à payer. Ils seront tenus à cet effet d'en rapporter le bordereau, visé et vérifié dans la forme prescrite par l'article précédent; ils seront tenus pareillement de précompter sur leurs remboursements, et de restituer, même en cas d'insuffisance, le montant des sommes qu'ils auront pu recevoir à raison des sous-aliénations, ou sous-accensements, consentis par eux ou leurs autres.

« Art. 17. Si les détenteurs se pourvoient en maintenue postérieurement à la prise de possession de la régie, ils ne pourront plus obtenir que la restitution des biens, tels qu'ils seront au jour de leur demande; et celle des fruits, à compter de la même époque.

» Art. 18. Les biens dont la régie aura pris possession seront administrés et vendus avec les formalités prescrites pour l'administration et l'aliénation des biens nationaux.

<< Ne seront cependant vendus aucuns des biens dont la vente a été ajournée, ou exceptée par les lois précédentes.

« Art. 19. Si les biens déclarés aliénables étaient mis en vente avant que les détenteurs eussent consenti ou contesté en justice leur dépossession, la première offre des soumissionnaires, ou la direction du montant de l'estimation, et la première affiche leur seront notifiées dans la forme prescrite par l'article 3; et faute par eux de s'être pourvus avant l'adjudication définitive, et d'avoir donné connaissance de leurs diligences au directoire du district par devant lequel la vente devra être faite, ils ne pourront plus obtenir que la restitution des sommes reçues par la nation avec les intérêts échus depuis le jour de la demande, et la faculté d'exercer leurs droits pour recevoir le payement de ce qui sera dû par les adjudicataires, ou leur ayant-cause, dans les termes fixés par l'acte de leur adjudication.

«Art. 20. Pour accélérer la liquidation des sommes dues aux détenteurs des biens engagés, il sera établi un bureau particulier auprès du commissaire du roi, directeur général de la liquidation et les rapports sur ces objets seront soumis à l'Assemblée nationale par son comité des domaines.

« Art. 21. Les baux à ferme ou à loyer, soit particuliers, soit généraux, des biens engagés, faits par les détenteurs, qui auront une date certaine antérieure à la publication du présent décret, seront exécutés, selon leur forme et teneur, sans que les acquéreurs puissent expulser les fermiers, même les sous-fermiers.

«Art. 22. Dans le cas où les baux généraux comprendraient plusieurs corps de ferme, ou des biens épars dans plusieurs paroisses, que les fermiers généraux feront valoir par euxmêmes, ou par des colons partiaires, il sera fait, par experts, une ventilation, afin de déterminer la somme pour laquelle chaque corps de ferme. ou les biens épars, situés dans chaque paroisse, sont entrés dans le prix total du bail.

« L'estimation desdits biens sera faite d'après le produit déterminé par le procès-verbal d'évaluation; chaque corps de ferme sera mis en vente séparément, et l'adjudicataire recevra du fermier le loyer de son objet, suivant qu'il aura été fixé par la ventilation.

«Art. 23. Dans le cas où les fermiers généraux auraient passé des sous-baux authentiques avant la publication du présent décret, ou suivis de prise de possession avant le 1er janvier dernier, les prix des sous-baux seront la base de l'estimation desdits biens.

« Les adjudicataires jouiront du prix entier des sous-baux généraux, à la charge par eux de laisser annuellement le dixième de leur produit au fermier principal pour lui tenir lieu de toute indemnité.

«Art. 24. Dans les cas où, parmi les biens compris dans les baux généraux, il s'en trouverait une partie qui fùt occupée ou exploitée par les preneurs ou leurs colons partiaires, il sera procédé, par des experts que nommeront lesdits preneurs et les procureurs-syndics des districts de la situation des biens, à l'estimation des fermages qui devront être payés pour raison de cette partie.

Art. 25. Si dans les baux soit généraux, soit particuliers, il se trouvait compris des biens ou des droits dont la vente a été ajournée ou exceptée, il sera pareillemeut procédé, par experts, à l'estimation des fermages qui devront être payés annuellement pour raison des objets susceptibles d'être vendus.

Art. 26. A compter de la publication du présent décret, les détenteurs des biens engagés ne pourront passer aucun bail desdits biens; il sera procédé à l'adjudication desdits baux, pardevant le directoire du district de la situation des biens, à la requête des détenteurs auxquels la jouissance des fruits est conservée par le présent décret, et en présence du receveur des droits d'enregistrement, ou lui duement appelé.

« Art. 27. L'Assemblée nationale se réserve de confirmer ou de révoquer les sous-aliénations et accensements faits par les détenteurs engagistes des biens nationaux, en vertu de contrats d'inféodation, baux à cens ou à rente, autres que ceux des terres situées dans les forêts ou à 100 perches d'icelles.

« Et cependant les sous-aliénataires continueront de jouir des objets à eux aliénés, à la charge par eux de payer entre les mains du receveur du district, les cens et rentes dont ils sont chargés.

"Art. 28. Demeurent exceptés de la réserve ci-dessus, les sous-aliénations et accensements faits par les seigneurs engagistes.

Des terres vaines et vagues au-dessus de 10 arpents, mesure de roi.

Des terres défrichées en vertu des anciennes ordonnances, sur les lisières des forêts, sur les bords des grandes routes.

Des fossés et des terrains situés dans les villes et bourgs dont la population est au-dessous de 10,000 ames, sur lesquels les sous-aliénataires ont fait un établissement quelconque.

Lesdites aliénations et accensements sont confirmés, et demeurent irrévocables, en vertu du présent décret, pourvu qu'ils soient antérieurs au 1er décembre 1790, à la charge par lesdits sous-aliénataires de remettre, dans les trois mois, à compter du jour de la publication du présent décret, une copie sur papier timbré, collationnée par un notaire, au préposé de la régie dans l'arrondissement duquel les biens seront situés; une seconde copie aù directoire du district de la situation desdits biens, devant lequel ils affirmeront, sous le sceau du serment, que lesdits actes contiennent exactement toutes les sommes qu'ils ont données pour lesdites acquisitions; et dans le cas où les sommes qu'ils ont données, soit à titre de pot de vin ou deniers d'entrée, ne seront point portées dans les actes, ils en feront leurs déclarations, et y joindront les pièces justificatives qui seront en leur pouvoir.

20 A la charge par les sous-aliénataires de faire dans le même délai de trois mois leur soumission de rembourser dans six années, et en six payements égaux, les droits incorporels, fixes ou casuels, dont lesdits biens, par eux acquis, peuvent être tenus envers la nation.

« La liquidation desdits remboursements sera faite dans les formes et suivant les taux prescrits, pour le remboursement des droits incorporels et casuels, par la loi du.......

Art. 29. Le pouvoir exécutif fera présenter tous les trois mois à l'Assemblée nationale le compte des diligences qui auront été faites pour l'exécution du présent décret; il lui fera remettre

en même temps l'état des réunions qui auront été effectuées.

« Art 30. Pour parvenir à effectuer l'entière rentrée dans les engagements, et à découvrir plus sûrement tous ceux qui ont été fait jusqu'à ce jour, l'Assemblée nationale charge le sieur Cheyré, dépositaire des archives du Louvre, de faire le relevé desdits engagements, d'après les minutes des contrats, arrêts du conseil, titres et pièces qui sont en sa possession, et à en former des états, qu'il fera passer; savoir, un double au comité des domaines, et un autre à la régie des domaines nationaux.

« Art. 31. Il sera payé par le Trésor public audit sieur Cheyré la somme de 4,500 livres de gratification, pour raison des renseignements et états par lui fournis pendant trois années au comité des domaines; et en outre, une augmentation de traitement de 1,500 livres par an, à compter de ce jour jusqu'à la perfection de l'opération dont il est chargé par l'article précédent, indépendamment des frais de commis aux écritures qu'il pourra employer à la formation desdits états, et dont les salaires seront taxés en proportion de leurs travaux. »

(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la discussion.)

Un membre, au nom du comité de division, présente un projet de décret pour l'érection d'une paroisse dans la ville de Seyssel, département de l'Ain. (1)

(L'Assemblée ordonne l'impression et l'ajournement de la seconde lecture à huitaine.)

Des officiers municipaux sont admis à la barre. L'un d'eux: Le conseil général de la commune nous députe vers vous pour vous donner autant que possible, des nouvelles de la capitale. Nous disons autant que possible, parce que les officiers ont été retenus vraisemblablement, car ils ne sont pas revenus. Nous savons que dans le faubourg Saint-Antoine, il y a un rassemblement de plusieurs milliers de citoyens. Un citoyen, ce fait n'est pas très sûr, il n'est pas officiel, un citoyen nous a dit qu'on avait pris un arrêté pour ne plus reconnaître ni munícipalité, ni département, ni Assemblée nationale. Nous pensons que si l'Assemblée se montre avec force et prend une mesure vigoureuse, le calme pourra se rétablir. J'ajoute que M. Roujoux a été arrêté à Charenton, et que ce n'est qu'après avoir réfléchi pendant longtemps qu'on l'a laissé aller.

M. le Président. Plus les circonstances sont difficiles, plus l'Assemblée saura se mettre à la hauteur des circonstances. L'Assemblée applaudit à votre zèle; elle vous invite à sa séance.

M. Marant. La nouvelle de la municipalité vous prouve la nécessité de prendre une mesure. Je demande que l'on envoie chercher les membres, pour qu'ils aient à se rendre à leurs postes, car pour délibérer utilement nous ne sommes pas en nombre.

M. Henry-Larivière. Je demande que les membres qui sont ici, s'inscrivent afin qu'on n'aille pas chez ceux qui sont présents à la séance; cela pourrait inquiéter leurs parents, qui ne les croíraient pas à l'Assemblée.

(L'Assemblée adopte ces deux propositions.)

(1) Malgré nos recherches, nous n'avons pu découvrir ce projet de décret.

Une nouvelle députation de la municipalité est admise à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

Deux députations, l'une de la section des Lombards, l'autre de la section des Arcis, sont venues à la municipalité pour témoigner des inquiétudes sur M. le maire de Paris, depuis que les deux sections ont su que M. le maire était au château des Tuileries, et qu'il n'y avait pas longtemps qu'il était rentré. Les sections ont demandé que nous les accompagnassions ici, où l'on a dit que M. le maire s'était présenté, pour savoir si réellement on l'avait vù.

M. le Président remercie la députation et l'admet aux honneurs de la séance.

M. Fouquet. Je viens de voir M. Pétion, il y a une demi-heure, au château.

M. Vergniaud. Il y a quatre minutes que M. le maire était sur la terrasse des Feuillants et il a dit qu'il resterait au château jusqu'à ce que la tranquillité fût rétablie.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. le Président. Je reçois à l'instant une lettre signée des administrateurs de police. Un de MM. les secrétaires va en donner connaissance à l'Assemblée.

Un de MM. les secrétaires en fait la lecture; cette lettre est ainsi conçue :

Monsieur le Président,

« Les administrateurs de la police ont l'honneur de faire part à l'Assemblée qu'à chaque instant on vient à la commune pour leur demander le maire de Paris, qu'il est allé au cháteau, où il est environné d'hommes qui paraissent avoir des vues perfides contre lui. L'Assemblée nationale seule peut le tirer du danger.

« Signé : Les administrateurs de la police.

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M. Basire. Je convertis en motion la demande des administrateurs de la police de Paris. Il se passe, en effet, quelque chose de fort extraordinaire.

Plusieurs membres Qu'est-ce que c'est ?

M. Basire. Voici le fait : Un membre du conseil de la commune est allé au château demander M. le maire qui était nécessaire à la maison commune; on lui a répondu que M. le maire ne sortirait pas du château. Je demande que M. Pétion soit demandé à la barre.

M. Becquey. J'observe que M. Vergniaud a dit que M. le maire ne sortirait pas des Tuileries, tant que sa présence y serait nécessaire pour maintenir la tranquillité publique et assurer le bon ordre.

M. Le Tourneur. Il faut savoir si M. le maire est retenu au château par force ou de sa propre volonté. Je demande que l'Assemblée décrète que M. le maire de Paris se rendra à l'instant même à la barre, pour rendre compte de ce qui se passe. Je propose, en outre, qu'elle ordonne que son décret sera porté sur-le-champ à M. Pétion et remis à lui-même par un huissier de l'Assemblée, qui se fera accompagner par deux gendarmes nationaux.

(L'Assemblée décrète les deux propositions de M. Le Tourneur.)

Un de MM. les secrétaires délivre sur-le-champ une expédition du décret.

M. le Président cède le fauteuil à M. Tardiveau, ex-Président.

PRÉSIDENCE DE M. TARDIVEAU, ex-président.

M. Leboucher-du-Longchamp, au nom du comité des domaines, fait un rapport et présente un projet de décret (1) sur le nouveau mode d'aliénation des terrains et bâtiments dépendant du Palais-Royal; il s'exprime ainsi :

Messieurs, je suis chargé de vous rendre compte d'une pétition qui vous a été présentée par M. Louis-Philippe-Joseph, prince français, et dont vous avez renvoyé l'examen à votre comité des domaines.

Voici quel en est l'objet :

Louis-Philippe-Joseph, prince français, ayant résolu de faire construire au Palais-Royal, dépendant de son apanage, ces superbes édifices qui sont aujourd'hui un des plus beaux ornements de la capitale, n'épargna rien pour l'exécution de cette entreprise; le gouvernement sentit toute la faveur qu'elle méritait, et combien il était avantageux et juste d'encourager le prince à la perfectionner, en lui ouvrant les ressources dont il avait besoin pour remplir les engagements considérables auxquels elle l'avait conduit ces ressources se trouvaient naturellement dans la vente des bâtiments dont il s'agit; mais comme ils étaient construits sur un terrain domanial, il fallait une loi pour en autoriser l'aliénation.

En conséquence, par lettres patentes du 13 août 1784, registrées au parlement le 26 du même mois, le prince obtint la permission d'accenser les terrains et bâtiments parallèles aux trois rues des Bons-Enfants, Neuve-des-PetitsChamps et de Richelieu, ainsi que le sol des passages nécessaires à leur service, le tout contenant 3,500 toises; pour être lesdits objets posséd és par les censitaires en toute propriété, libre et disponible dans la directe de l'apanage, moyennant un cens annuel de 20 sous par toise, emportant lods et ventes aux mutations, suivant la coutume de Paris, à la charge:

1° De rembourser le prix des constructions à ceux qui l'auraient avancé;

2o D'entretenir à perpétuité et même de reconstruire lesdits bâtiments, en cas de besoin, dans le même état, soit du côté de la solidité, soit du côté des dimensions et décorations extérieures ;

3o De réserver à toujours aux princes apanagés les galeries du circuit du jardin du PalaisRoyal, etc.

En vertu de ces lettres patentes le prince fit beaucoup d'aliénations; elles entretinrent et renouvelèrent ses moyens, et il continua ses constructions.

L'Assemblée constituante entra dans les considérations qui avaient dicté les lettres patentes, elle en confirma les dispositions lorsqu'elle prononça sur le sort des apanages.

C'est ce qu'elle a exprimé par l'article 18 de la loi du 20 mars 1791, conçu en ces termes :

«Le palais d'Orléans ou du Luxembourg, et le Palais-Royal, sont exceptés de la révocation d'apanage prononcée par le présent décret; les deux apanagistes, auxquels la jouissance en a

(1) Bibliothèque nationale, Assemblée législative. Domaines nationaux, no 15.

été concédée, et les aînés mâles, chefs de leurs postérités respectives, continueront d'en jouir au même titre et aux mêmes conditions que jusqu'à ce jour; l'Assemblée confirme les aliénations qui ont pu être faites des terrains ou édifices dependant de l'apanage du Palais-Royal, ou toutes autres autorisées par des lettres patentes enregistrées.

A cette époque, le prince n'avait pas entièrement épuisé le droit qui lui était accordé par les lettres patentes; il restait, et il reste encore aujourd'hui à sa disposition quelques arcades, la totalité des bâtiments de la cour des Fontaines, une salle de spectacle et plusieurs maisons adjacentes.

Mais la faculté d'aliéner, qu'il conserve toujours, est devenue stérile entre ses mains, parce que le régime féodal étant aboli, et l'accensement n'étant plus permis, il ne peut plus employer le mode prescrit par les lettres patentes.

Le prince demande donc que l'Assemblée détermine un mode conforme aux nouveaux principes, et à la faveur duquel il puisse continuer ses aliénations.

Votre comité, Messieurs, croit pouvoir se dispenser d'appuyer cette réclamation auprès de vous; il suffit de la présenter pour en faire sentir toute la justice.

A l'égard du mode d'aliénation, votre comité a pensé que vous ne pouviez en admettre d'autre que celui de la vente pure et simple.

Cependant il a senti que, dans cette circonstance, il fallait concilier l'exécution des lois qui suppriment le régime féodal, avec les intérêts de la nation, ceux du prince, et les droits de ses descendants.

Vous savez, Messieurs, que l'apanage n'est point une propriété, c'est un usufruit qui se prolonge tant qu'il subsiste des hoirs mâles du prince apanagé: à leur défaut, la nation rentre dans l'apanage.

Il faut donc que le mode que vous adopterez conserve la rente de 20 sols par toise, fixée par les lettres patentes de 1784, parce qu'elle est représentative du sol; qu'à ce titre, le prince doit en jouir pendant sa vie; qu'elle doit être transmise à ses descendants, par l'effet de la substitution à laquelle ils sont appelés, jusqu'à défaut d'hoirs måles, et qu'à leur extinction la nation doit la recueillir.

Mais il n'en est pas moins indispensable que cette rente soit dépouillée de son caractère féodal, que vous en changiez la dénomination, et que vous laissiez à chaque acquéreur la faculté de s'en libérer par l'amortissement.

Vous avez dû remarquer, Messieurs, que, suivant les lettres patentes de 1784, cette rente emportait lods et ventes aux mutations; votre comité a pensé que vous ne deviez pas permettre que les terrains et bâtiments qui restent encore á la disposition du prince, entrassent dans le commerce sous cette condition, et qu'au contraire, tous vos soins et tous vos efforts devaient tendre à écarter des conventions sociales, toutes les obligations qui pourraient se ressentir des anciennes charges et servitudes féodales.

Néanmoins, Messieurs, il ne faut pas perdre de vue qu'il en est à l'égard des droits de mutation, comme à l'égard de la rente de 20 sous, sous le rapport des intérêts communs entre la nation, le prince et les descendants.

En effet, Messieurs, les droits casuels sont ici un revenu dont la jouissance devait se perpétuer au profit du prince et de ses descendants, jusAre SÉRIE, T. XLVII.

qu'à l'extinction de l'apanage, pour appartenir ensuite à la nation; et c'est dans la vue du produit considérable dont ces droits étaient susceptibles, que le cens a été fixé à une somme trèsmodique.

Or, si vous vous borniez à exempter des droits de mutation les objets dont il s'agit, vous feriez profiter le prince de l'augmentation de valeur qu'ils acquerraient par cet affranchissement, ce qui serait contraire aux principes qui gouvernent la jouissance apanagère; d'un autre côté, Vous ne pouvez attribuer le bénéfice de cette augmentation à la nation, sans en réserver l'usufruit au prince et à ses descendants.

Il est donc nécessaire que l'exemption des droits casuels soit subordonnée à des conditions qui favorisent également tous les intérêts que vous avez à conserver.

Votre comité, Messieurs, pense que vous aurez satisfait à tout en substituant aux droits de mutation la prestation d'une rente fixée en raison du capital que le rachat de ces droits aurait pu produire.

Il est inutile d'observer que cette rente sera rachetable comme la première; vous savez, Messieurs, qu'on ne peut plus stipuler aucune rente irraquitable.

Mais comment concilier la faculté de l'amortissement en faveur du débiteur avec la nécessité d'assurer la jouissance de la rente au prince et à la postérité, et avec les droits de la nation, qui peut seule recevoir le remboursement du capital représentatif des droits de mutation?

Votre comité, Messieurs, vous propose, à cet égard, une mesure qui lui a paru réunir le double avantage d'aplanir toutes les difficultés et de sauver tous les intérêts.

C'est d'obliger la nation à payer au prince et à ses descendants les intérêts des capitaux qu'elle recevra pour le remboursement des rentes jusqu'à l'extinction de l'apanage.

Telles sont, Messieurs, les premières bases que votre comité a cru devoir adopter; maintenant, il ne s'agit plus que de fixer la quotité de la rente qui doit être imposée à chaque acquéreur.

Pour établir cette fixation, votre comité s'est fait rendre compte de la valeur commerciale des terrains et bâtiments restant à la disposition du prince, et il a reconnu que leur prix commun devait être porté à 3,335 1.8 s. 4 d. la toise, ce qui produirait pour le rachat des lods et ventes, suivant la loi du 9 mai 1790, la somme de 139 liv., dont l'intérêt au denier 20 est de 61. 19 s., à quoi ajoutant le cens de vingt sous, créé par les lettres patentes de 1784, le tout composera une rente de 7 1. 19 s. par toise, dont le prince sera tenu de charger chaque acquéreur, en lui réservant la faculté de s'en libérer par l'amortissement.

D'après ces considérations, votre comité vous propose le projet de décret suivant:

«L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines, sur la pétition de Louis-Philippe-Joseph, prince français:

« Considérant que, par lettres patentes du 13 août 1784, confirmées par la loi du 20 mars 1791, Louis-Philippe-Joseph, prince français, a obtenu la permission d'aliéner à perpétuité 3,500 toises du terrain dépendant du Palais-Royal, avec les bâtiments qu'il avait fait construire sur ledit terrain, moyennant un cens de vingt sous par toise, emportant lods et ventes aux mutations, suivant la coutume de Paris;

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