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trois ou quatre perquisitions ont été faites pendant toute la soirée. J'ai fait des tentatives pour me rendre chez moi, j'ai été averti par des citoyens qu'il me serait impossible d'y parvenir sans être peut-être massacré. J'ai été demander à l'un de mes amis un logement.

Messieurs, certainement il ne se trouvera pas dans l'Assemblée beaucoup d'hommes de la trempe de M. Kersaint, qui trouve qu'on a tort de s'occuper de telles choses. (Murmures à l'extrême gauche et dans les tribunes.)

M. Kersaint. J'en appelle à l'Assemblée et à tous ceux qui m'écoutent ou qui sont à portée de m'entendre. Je n'ai pas dit ce que M. Vaublanc vient de me prêter.

Plusieurs membres: Vous aviez dit pis!

M. Viénot-Vaublanc. Je ne peux qu'entendre avec plaisir, comme toute l'Assemblée, M. Kersaint s'élever contre les paroles que j'ai répétées. S'il ne les a pas dites, j'ai commis une erreur, je la rétracte; s'il les a dites, il prouve par là qu'il en est fâché, et sa réclamation lui servira d'excuse.

Plusieurs membres: Il les a dites!

M. Viénot-Vaublanc. Sans doute, Messieurs, les injures, les menaces, les embûches, sont d'excellents moyens pour préparer la discussion sur la déchéance; mais ces moyens n'auront pas plus de succès pour nous rendre parjures, qu'ils ne nous ont rendus injustes hier. (Applaudissements à droite.) L'Assemblée nationale connaît ses pouvoirs, et jamais elle ne les outre passera. Elle sait le respect qu'elle doit au mandat du souverain; elle sait qu'elle n'a de pouvoir que celui de la Constitution, et jamais les vœux parjures qui vous ont été proposés ne seront exaucés.

Je reviens à l'objet qui occupe l'Assemblée, et je crois n'avoir pas besoin de m'étendre lónguement sur cet objet, pour lui prouver que ce n'est pas la liberté individuelle de chacun de ses membres, comme citoyen, comme Français, dont il est question ici, mais la dignité du souverain, la dignité de la nation française. Comment, Messieurs, quand un des mandataires du roi dans les cours étrangères a été insulté, avili, Vous pensiez, avec raison, qu'il était digne de la nation française de tirer l'épée, et de déclarer la guerre aux puissances qui osaient insulter l'envoyé d'un peuple libre. Eh bien, sera-ce la même Assemblée qui souffrira que les représentants immédiats du peuple soient traités, et dans la capitale, au milieu des Français, d'une manière qu'ils n'auraient peut-être pas à redouter des Prussiens et des Autrichiens?

En effet, Messieurs, je défie à l'imagination la plus barbare, d'aller au delà des traitements qu'un grand nombre de vos membres ont essuyés. Tout ce qu'il y a de plus bas, de plus indigne, de plus infâme a été ajouté au péril. J'oubliais de vous dire que les menaces qui étaient faites auprès de ma maison, étaient aussi dirigées contre ma famille; qu'on a demandé si ma famille était là; et, que sur la réponse qu'elle était à la campagne, on n'a pas voulu le croire. On a fait de nouvelles questions pour s'assurer si bien réellement elle était à Paris.

Messieurs, je dis que la journée d'hier a mis le comble aux attentats contre l'Assemblée nationale, et je dis qu'il faut absolument que l'Assemblée prenne les mesures les plus fortes pour empêcher que de pareilles choses aient lieu

désormais. Je supplie l'Assemblée de faire venir à sa barre le procureur général syndic, de lui ordonner, sous sa responsabilité, de prendre et de faire prendre les mesures les plus fortes, les plus convenables aux lois, pour que la tranquillité de Paris soit rétablie, pour que les membres de l'Assemblée puissent aller et venir partout en pleine sûreté. Je supplie l'Assemblée nationale de faire attention qu'il est impossible que l'on puisse, dans cette enceinte, opiner plus longtemps, si chaque fois que l'on parle en suivant sa conscience, on est insulté. (Murmures dans les tribunes.)

Plusieurs membres: Renvoyez les tribunes. Un membre: Monsieur le Président, on invoque votre autorité en vain; elle est sans force.

M. Viénot-Vaublane. Il n'y a rien de plus ridicule que d'entendre cent fois dans une séance M. le Président rappeler à l'ordre des citoyens qui se moquent de ses ordres. Il vaut mieux qu'une bonne fois nous déclarions que nous sortirons d'ici. (Murmures.)

Plusieurs membres: Oui, oui!

M. Rouyer: Je demande la parole pour une motion d'ordre.

M. Bellegarde. Tous les bons citoyens de l'Assemblée resteront ici. On veut nous mener à Rouen parce qu'il y a 20,000 prêtres réfractaires.

M. Rouyer. Il est bon qu'on prenne la parole contre une proposition pareille, et je vous la demande. (Bruit.) J'espère que l'Assemblée trouvera des moyens de se faire respecter sans quitter Paris. Ce serait une lâcheté de votre part, que d'adopter une telle proposition.

M. Viénot-Vaublane. Je n'ai pas fait la proposition formelle de quitter Paris, j'ai dit qu'il valait mieux s'éloigner de Paris. lci j'ai été interrompu et j'allais ajouter que de souffrir plus longtemps que l'Assemblée nationale soit avilie. J'ai proposé moi-même des mesures, puisque j'ai proposé celle de mander à la barre le procureur général syndic du département. Je propose aussi que l'Assemblée nationale décrète que les fédérés qui sont à Paris partiront sur-lechamp.

M. Aubert-Dubayet. Je déclare à l'Assemblée nationale...

M. Kersaint. Monsieur le Président, j'ai demandé la parole après M. Vaublanc pour repousser ses assertions calomnieuses; et comme les échos retentissent plus souvent de calomnies que de justifications, je suis bien aise de m'exprimer d'une manière qui ne laisse aucun doute à ces échos calomnieux. J'appuie la proposition de M. Vaublanc de mander le procureur général syndic à la barre, et de prendre les mesures convenables pour que le caractère d'inviolabilité des représentants du peuple soit respecté comme il doit l'être.

(L'Assemblée décrète que le procureur syndic du département de Paris sera mandé séance tenante.)

M. Lagrévol. Je demande qu'il soit ajouté au décret que l'Assemblée vient de rendre, que le maire de Paris soit mandé à la barre, et qu'il lui soit demandé s'il répond, oui ou non, de la sûreté personnelle des membres du Corps législatif.

M. Grangeneuve. Je ne croyais pas que

M. Lagrévol eût posé sa proposition comme il l'a fait. M. Lagrévol sait bien: 1° qu'il ne dépend pas du maire de Paris de se charger d'une autre responsabilité que celle dont la loi le charge; 2° que l'Assemblée nationale ne peut pas ellemême augmenter cette responsabilité. Il faut donc, non pas demander au maire de Paris s'il répond ou s'il ne répond pas de la capitale; mais il faut chercher dans la loi quelle est l'étendue, quelles sont les limites de cette responsabilité, ou du moins s'il a rempli tout ce que la loi prescrit. S'il est impossible d'établir que le maire de Paris ait trahì la responsabilité dont la loi le charge, il ne faut point......

M. Lagrévol. Je n'ai pas demandé que le maire de Paris fùt responsable, mais qu'il nous dit s'il avait les moyens suffisants pour garantir la liberté et la sûreté des membres de l'Assemblée. Si le maire de Paris vous répond qu'il n'a pas les moyens suffisants pour garantir votre liberté, vous êtes bien obliges d'en prendre. Or, j'ai entendu hier MM. Dusaulx et Isnard dire que M. le maire de Paris avait eu toutes les peines du monde à contenir les faubourgs de SaintMarcel et Saint-Antoine.

M. Cambon. Sur la motion de M. Lagrévol, il me paraît qu'il y a des faits séparés. Nous avons la police de la salle.

M. Dusaulx. On vient de dire que j'ai avancé dans la commission extraordinaire, que M. le maire de Paris s'était donné tous les mouvements possibles, et qu'il ne répondait point du faubourg Saint-Antoine. Cela est faux. J'ai dit que l'on pouvait s'en rapporter à M. le maire de Paris, qui avait parole de tous les citoyens de se soutenir; que l'on devait à M. le maire de Paris la sécurité dont nous jouissons. Je dis plus, Messieurs s'il arrivait des malheurs, qu'on m'envoie au faubourg Saint-Antoine, et moi j'en réponds. (Applaudissements des tribunes.)

:

M. Chéron-La-Bruyère. En ce cas nous demandons que M. Dusaulx nous protège contre toute insulte.

M. Isnard. Il m'importe de rétablir les faits relativement à ce qu'a dit M. Lagrévol. J'ai dit à la commission des Douze qu'elle devait accélérer la discussion des grands objets qui étaient réclamés, et qui paraissaient devoir influer sur le sort de l'Empire; qu'il me paraissait que de. puis deux ou trois mois, que l'on avait renvoyé telle ou telle question à la commission, elle . n'avait pas accéléré assez son travail. Je lui ai dit que M. le maire était même venu à la commission dans un moment où il n'y avait pas beaucoup de membres, et qu'il avait dit : « Dimanche passé, ayant appris qu'il y avait du mouvement dans les faubourgs Saint-Antoine et Saint-Marcel, je ne vis rien de plus pressé, pour les calmer, que d'y envoyer deux officiers municipaux, en choisissant ceux d'entre eux qui pourraient avoir plus d'ascendant sur le peuple, et qui pouvaient le mieux manier la parole; qu'en effet les officiers municipaux avaient calmé le peuple et apaisé le mouvement qu'il y avait dans les faubourgs. »

M. le maire disait encore à la commission que ces officiers municipaux feraient tout ce qu'ils pourraient pour calmer entièrement le peuple, mais qu'il pensait que le moyen le plus efficace de le calmer d'une manière solide, non seulement dans Paris, mais dans tout l'Empire, était de s'occuper de son salut. Voilà, Messieurs, ce

que j'ai dit à cet égard. Je leur ai dit encore : le peuple est dans la fermentation. Certainement je suis bien loin d'approuver cette fermentation; et s'il y a quelqu'un dans l'Assemblée qui désapprouve l'excès où il s'est porté hier, c'est moi, car c'est le moyen de perdre la liberté. J'ajouté que c'est l'attentat le plus terrible, le plus affreux, parce que s'il attente aujourd'hui aux députés d'un certain côté, demain des traîtres, des scélérats, attenteront à la liberté des membres de l'autre côté. (Applaudissements.) J'ai dit, Messieurs, que la liberté des peuples est toujours placée entre deux écueils; que si d'un côté le despotisme fait sans cesse des efforts pour vous assujettir, de l'autre est l'anarchie dont le gouffre est toujours prêt pour vous engloutir. (Nouveaux applaudissements.) Il faut marcher entre ces deux écueils; et c'est au milieu d'eux que le législateur doit toujours prendre des mesures pour sauver le peuple du despotisme et de l'anarchie. J'ai dit que ces mouvements populaires étaient excités par l'aristocratie elle-même (Vifs applaudissements des tribunes); que si l'on remontait à leur véritable cause, on le découvrirait. J'ai dit que des lâches allaient dans des groupes pour y semer des troubles, et pour dire qu'il fallait assassiner les membres du Corps législatif.

J'ai dit que la France était perdue si elle se désunissait, parce que nos ennemis ne pourront jamais nous vaincre lorsqu'ils nous combattront en masse, mais bien quand ils nous combattront les uns après les autres, et si nous nous désunissons. (Double salve d'applaudissements.) Je l'ai dit, Messieurs; mais en disant cela, en acquittant ainsi ma conscience, j'ai dit aussi à la commission des Douze, et je le répète ici: Je vous entends depuis huit jours chercher les moyens de sauver le roi des insurrections populaires, de maintenir la tranquillité dans Paris; vous cherchez toutes sortes de moyens, vous hérissez le jardin des Tuileries de canons et de baïonnettes. Eh, Messieurs! ce n'est pas cela; il est un moyen simple de tout calmer : c'est de sauver le peuple et de ne donner aucun prétexte à l'aristocratie de Coblentz. (Vifs applaudissements.) J'ai ajouté encore : le peuple est en général tranquille et bon; la malveillance ne parvient à l'irriter contre ses députés, contre les lois, que si on souffre quelque grande injustice qui le rende propre à se laisser égarer. Que ceux qui le gouvernent, ai-je dit, descendent alors dans le fond de leur conscience; ils trouveront la cause première des crimes et des écarts qu'ils veulent réprimer. (Nouveaux applaudissements.) Dans cette occasion, par exemple, ai-je ajouté, vous voulez, pour parer à tous ces inconvénients, et vous blanchissez ceux qui en ont été la cause première... (Murmures à droite.) Eh, messieurs! si le ciel, qui scrute les cœurs, qui apprécie les vrais coupables, était chargé de les punir, c'est sur La Fayette, c'est sur le département de Paris... (Vifs applaudissements des tribunes), c'est sur la cour que tomberaient les premières vengeances. (Murmures à droite et au centre; nouveaux applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Chéron-La-Bruyère. Monsieur le Président, je demande que vous rappeliez à l'ordre l'éloquent M. Isnard. (Murmures à gauche.)

M. Isnard. J'ai dit la vérité. Tout le monde l'a entendue, et j'étais assuré de déplaire à tous les partis.

Plusieurs membres: A l'ordre!

M. Mathicu Dumas. Monsieur le Président, si dans ce moment, où il est si important de rappeler le peuple à ses devoirs, nous souffrons qu'un de nos collègues lui prêche l'insurrection contre les lois...

M. Isnard. Non, non, messieurs je ne la prêche point.

M. Mathieu Dumas. Si je ne m'élevais contre lui, je trahirais mon pays et ma conscience.

M. Isnard. Je ne sais pas comment il est possible que vous ne voyiez pas dans tout ce que je dis les intentions les plus pures, l'expansion d'une âme vertueuse. Je respecte, Messieurs, votre décision sur M. La Fayette, mais j'observe que, comme l'on a parlé de ma conversation à la commission des Douze, et qu'on l'a tronquée, j'ai cru être autorisé à vous la rendre dans toute son exactitude, et à vous dire que lorsque je l'ai tenue, il n'y avait point de décret rendu. Je ne parlerai jamais contre un décret rendu. Si ce décret me condamnait à mort, et qu'il n'y eût personne pour m'y conduire, j'irais moi-même. (Applaudissements à gauche.)

Je me résume donc, et je dis qu'il n'est qu'un moyen d'apaiser toutes les inquiétudes : c'est d'opérer tous de bonne foi et d'un commun accord le salut public. Ensuite je dis qu'il n'y a que Coblentz et l'aristocratie qui aient pu commander les insurrections dont nous avons été les témoins, et qui peut-être se préparent encore; qu'en conséquence nous devons dire aux bons citoyens que ce serait le moyen de perdre la liberté, d'anéantir la France, de la démembrer, de faire le malheur des races futures, que se livrer aux agitateurs qui les trompent, pour les faire attenter à la liberté du Corps législatif; que cette liberté doit être le palladium de celle de la France, et que dès qu'on y attentera, il n'y a plus de liberté dans ce pays. J'appuie donc toutes les mesures proposées par les préopinants pour maintenir cette liberté et pour assurer cette tranquillité par tous les moyens quel

conques.

M. Lagrévol. Ma proposition consiste à demander au maire s'il a des moyens suffisants pour maintenir la sûreté et la liberté des membres du Corps législatif.

Plusieurs membres : Fermez la discussion! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. le Président. Je mets aux voix la proposition de M. Lagrévol.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Lagrévol.

Plusieurs membres réclament contre l'épreuve. M. Guadet. Je demande à faire un amendement à la motion de M. Lagrévol. Je conviens, avec les préopinants, que la sûreté de l'Empire tout entier, ceile de la ville de Paris, tiennent à la sûreté et à la tranquillité des représentants du peuple; mais je demande que puisqu'on a cru devoir demander au maire de Paris s'il a des moyens suffisants pour assurer la tranquillité de la capitale, il soit aussi demandé au roi s'il a des moyens suffisants pour empêcher les ennemis d'entrer dans le royaume. (Vifs applau dissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Choudieu. J'ai demandé la parole non seulement pour appuyer la proposition de M. Guadet, mais pour y en ajouter une autre qui me paraît essentielle, et qui rentre dans les mêmes principes. Je viens demander au Corps égislatif,

moi, non pas seulement en mon nom, mais au nom de mon département, (car je suis porteur de son vou individuel, que je déposerai tout à l'heure sur le bureau), je viens demander, dis-je, que le Corps législatif, qui vient de demander au maire de Paris s'il a des moyens suffisants pour garantir la sûreté de Paris, déclare s'il a des moyens pour sauver la patrie. (Vifs applaudissements à gauche.)

M. Baert. Supprimez les jacobins, et je dirai

oui.

M. Choudieu. Je déclare, moi, Messieurs, que tous les dangers de la patrie sont dans la faiblesse dont l'Assemblée a donné preuve hier. (Applaudissements des tribunes.) Je dis qu'il y a deux partis en France; que, parce que la majorité de cette Assemblée n'est pas bien prononcée et qu'il y a dans cette Assemblée des hommes qui n'ont pas le courage d'avoir une opinion, je dis, Messieurs, que ceux-là qui n'ont pas eu le courage de regarder en face un soldat factieux, ne sont pas faits aussi pour s'occuper des grandes mesures qu'exige actuellement le salut de l'Etat. Je dis encore, Messieurs, qu'on craint le pouvoir d'un homme qui croit disposer d'une armée.

Un grand nombre de membres se lèvent et crient: à l'Abbaye, à l'Abbaye! (Applaudissements.) M. Amy. Il insulte la majorité de l'Assemblée. M. Gérardin. Je demande la parole pour un fait. (Bruit.)

M. Merlin. Je demande le rapport du décret d'hier.

M. Gérardin. Je dis que c'est un crime capital que d'attaquer la volonté du Corps législatif, que d'attaquer la majorité de l'Assemblée. Ou la majorité est faible comme l'a dit M. Choudieu, ou la majorité doit l'envoyer à l'Abbaye pour trois jours.

Plusieurs membres : Oui, oui, oui!

M. Rouyer. Je demande la parole pour un fait. M. Choudieu. Quand vous m'enverriez à l'Abbaye, j'userais du droit que j'ai d'énoncer mon opinion. J'irai, s'il le faut, pour le salut de la patrie.

Je dis que ceux-là qui m'interrompent et qui invoquent la liberté des opinions, donnent euxmêmes un exemple bien dangereux, puisqu'ils n'ont pas le courage de m'écouter jusqu'à la fin. Je soutiens que je n'ai point le droit d'agir contre la loi, mais que j'auraí le droit de dire aux représentants du peuple que cette loi-là n'est pas bonne, parce que j'ai le droit de réclamer le rapport d'un décret, et je ne puis le réclamer qu'en parlant contre. Je vous ai dit, Messieurs, que ceux-là qui avaient craint la puissance de l'homme qui avait à sa disposition une faible armée, n'oseront jamais se trainer jusque sur les marches du trône, et que cependant c'est là qu'existe le foyer des conspirations.

Un membre: Vous avez envoyé un député aux arrêts pour avoir dit une injure. Je demande que Monsieur, qui insulte l'Assemblée, soit envoyé à l'Abbaye.

M. Choudieu. J'invoque la sévérité de l'Assemblée nationale, comme j'invoque l'opinion publique qui nous jugera tous. Je dis que ceux que je vous ai indiqués n'oseront jamais se traîner jusqu'aux marches du trône, et que cependant là existe le foyer des conspirations. Je dis donc que si l'Assemblée nationale a donné un si grand exemple de faiblesse, elle est incapable de sauver

la France. (Applaudissements des tribunes. Murmures prolongés à droite et au centre.)

M. Fressenel. L'Assemblée ne sauvera pas la patrie si elle laisse appeler la contre-révolution par les injures faites au Corps législatif.

MM. Gamon et Isnard parlent ensemble. M. Gérardin. Je demande que l'Assemblée prouve qu'elle peut sauver la patrie en décrétant qu'elle punit celui qui lui insulte.

M. Gamon. Si M. Choudieu n'est pas entendu, s'il est puni, je demande que l'Assemblée déclaré qu'il est défendu de dire la vérité. (Murmures.)

M. Vienot - Vaublanc. Je demande que M. Choudieu soit entendu; mais je demande à lui répondre.

M. Gérardin. Vous devez mettre aux voix la motion que j'ai faite. Je trouve que M. Choudieu attaque la liberté du Corps législatif, et tient dans l'Assemblée les mêmes discours que tenaient Cazalès et Maury à cette tribune.

M. Choudieu. Je pourrais répondre que ce que les Cazalès et les Maury demandaient, c'était la translation de l'Assemblée nationale, mais je suis bien aise qu'on sache que la comparaison de M. Gérardin ne pourrait m'offenser que si elle partait de la bouche d'un ami de la liberté.

M. Chéron-La-Bruyère. Elle est juste, au talent près.

M. Rouyer. M. Gérardin compare le côté droit de cette Assemblee, au côté droit de l'Assemblée constituante. (Applaudissements.)

M. Tronchon. S'il y avait ici des Cazalès et des Maury, il faudrait qu'il eussent été bien maladroits. (Bruit.)

M. Delaporte. Je demande que l'Assemblée déclare si M. Choudieu est un représentant du peuple ou non; et moi aussi, je déclare que nous ne pouvons pas sauver la patrie.

:

M. Choudieu. Puisque des interruptions sans nombre m'empêchent de développer mon opinion, je me résume et je dis à l'Assemblée qu'un seul point doit l'occuper dans ce moment-ci le salut de la patrie. Je lui ai démontré qu'elle n'avait pas les moyens de sauver le peuple. Si je suis dans l'erreur, c'est à la majorité à me faire voir que je me suis trompé, et alors j'obéirai à la majorité. Mais jamais cependant la majorité ne m'empêchera d'avoir une opinion. Je vous somme de déclarer si vous avez des moyens de sauver la patrie.

Plusieurs membres: Oui, oui!

M. le Président. Je dois annoncer à l'Assem blée que le procureur général demande à être entendu.

M. ROEDERER est introduit à la barre.

M. le Président. L'Assemblée nationale a décrété que vous seriez entendu à l'instant pour lui rendre compte des mesures prises et à prendre pour garantir la sûreté des membres du Corps législatif dans la capitale, et la tranquillité publique.

M. ROEDERER. Comme c'est un compte que demande l'Assemblée nationale, l'exactitude doit en faire le caractère; et pour ne pas manquer à l'exactitude, je vais lui faire lecture de quelques pièces de la correspondance du directoire.

Deux objets hier ont dû fixer particulièrement l'attention du département, ainsi que la munici1° SÉRIE. T. XLVII.

palité. Le premier est l'insulte faite à plusieurs membres du Corps législatif, à la sortie de la séance; le second, est le bruit très répandu, confirmé par des actes positifs, que ce soir, à minuit, le tocsin devait sonner pour rassembler toute la capitale, à l'effet de se porter vers le château.

Voilà les deux faits sur lesquels la loi obligeait les magistrats à fixer leur attention. Hier, à peine ai-je été instruit qu'un membre de l'Assemblée nationale y avait été poursuivi par un homme armé d'un sabre, qui avait voulu l'en frapper, à peine ai-je été aussi averti que ce sort avait été commun à plusieurs autres membres de l'Assemblée nationale également poursuivis dans d'autres endroits, j'ai sur-le-champ écrit à M. le maire. Avant de donner à l'Assemblée lecture de ma lettre, je dois ajouter que le ministre de l'intérieur m'avait fait connaître qu'il avait des renseignements dont il résultait qu'environ 900 hommes armés devaient entrer, ou le soir ou dans la nuit, dans la capitale. Le ministre de la guerre m'a fait aussi savoir qu'on lui avait rapporté que la municipalité avait fait préparer des casernes pour les recevoir. C'est d'après ces faits que les ministres m'ont requis de demander à la municipalité si elle connaissait les hommes dont on annonçait l'arrivée. Ces détails étaient nécessaires pour entendre la lettre que voici :

Lettre du procureur général syndic à la municipalité.

"De toutes parts, Messieurs, on annonce pour demain de grands troubles; et des insultes faites aujourd'hui à des députés, sont d'un sinistre présage. Le conseil du département vous recommande de prendre toutes les mesures qui sont en votre pouvoir, pour prévenir des désordres, et de lui faire connaître les dispositions que vous aurez faites pour les prévenir. Le ministre de l'intérieur est informé qu'il arrive à Paris 900 hommes armés, et on a rapporté au ministre de la guerre que la municipalité avait donné des ordres et avait fait disposer des casernes pour les recevoir. Si cette dernière assertion est vraie, Messieurs, la municipalité connaît les troupes dont il s'agit; et le conseil vous prie de lui transmettre aujourd'hui les notions que vous pourrez avoir sur cet objet.

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Voici le rapport que le conseil du département a reçu sur les neuf heures et demie :

« Je ne suis pas surpris, Messieurs, des rapports que vous avez pu recevoir. La question qui s'agite excite un trop grand intérêt pour ne pas occasionner d'agitation. Les mesures que j'ai prises pour prévenir et arrêter les désordres sont très simples. J'ai prié des officiers municipaux de se rendre à l'Assemblée nationale, de là au château s'il y avait du mouvement. J'ai convoqué le corps municipal pour le matin, et le conseil général pour l'après diner. J'ai écrit à M. le commandant général pour renforcer les postes des Tuileries et pour avoir des réserves; je ne lui ai rien ordonné pour l'Assemblée, parce que c'est elle qui a déterminé sa garde. M. le commandant général est en outre autorisé à battre le rappel. Voilà les précautions que j'ai prises. La tranquillité publique sera-t-elle maintenue?

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je l'ignore; il n'est personne je crois, dans les circonstances où nous nous trouvons, qui puisse raisonnablement en répondre. Il n'est point de mesures qu'on ose garantir efficaces.

« Quant aux 900 hommes que vous dites devoir arriver, je n'en ai aucune connaissance, Messieurs les commissaires ordonnateurs pensent qu'ils ne peuvent pas laisser les fédérés sans logements et quoiqu'ils ne les connaissent que par l'inscription de leur nom sur les registres, ils leur donnent un asile. Si vous croyez qu'ils ne le puissent pas, faites-le leur annoncer.

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Signé ROEDERER, procureur général syndic du département de Paris. »

Peu après l'expédition de cette seconde lettre, est arrivée la réponse que vous avez entendue : il est présumable que cette réponse faite à ma première lettre de six heures et demie, répondait aussi aux demandes contenues dans cette deuxième lettre, aux demandes que le conseil faisait à M. le maire, et sans doute rendaient inutiles les avis ultérieurs que l'on aurait pu se communiquer. M. le ministre de l'intérieur m'avait écrit, dans l'intervalle, des faits que je viens de vous lire. Immédiatement après que j'eus reçu la réponse de M. le maire, je la fis passer à M. le ministre de l'intérieur et je fis cette observation: c'est au ministre de l'intérieur qu'il appartient naturellement de faire connaître à l'Assemblée nationale les comptes qui sont transmis de la municipalité, soit par le procureur général syndic du département, soit par le département lui-même.

Ce matin, Messieurs, le conseil était assemblé. La section du Roi-de-Sicile a adressé au département l'arrêté que voici :

Arrêté de la section des Quinze-Vingts.

"Les citoyens de la section des Quinze-Vingts, réunis en assemblée permanente, font part à la municipalité, que si le Corps législatif n'a pas prononcé demain à minuit sur le sort du roi, on sonnera le tocsin et on battra la générale afin que le peuple se lève tout entier. Cet arrêté portait, en outre, qu'il en serait donné connaissance aux 47 sections, ainsi qu'aux fédérés, en les engageant à y adhérer. »

Voici l'arrêté de la section du Roi-de-Sicile :

La section du Roi-de-Sicile, considérant que cet arrêté est inconstitutionnel: 1° parce qu'aux termes du code municipal, les sections nè doi

vent s'occuper que d'objets municipaux et communaux et que la question qu'on y traite est réservée au Corps législatif; 2° parce qu'aux maire et officiers municipaux appartient seulement la faculté de requérir la force publique; 3o parce qu'il ne peut, sans blesser la Constitution, adresser aux fédérés, que l'on sait être armés, un arrêté de section qui est un corps délibérant;

་་

D'après ces motifs, arrête à l'unanimité qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la proposition dont il s'agit et qu'elle invite ses frères de la section des Quinze-Vingts à se renfermer dans les dispositions précises de la Constitution dont les citoyens de la même section lui ont témoigné le désir de ne s'écarter en aucune circonstance;

«Que le présent arrêté serait porté par deux commissaires, à l'Assemblée nationale, pour lui prouver que la section, toujours soumise aux lois constitutionnelles, ne cherche point à influencer ses délibérations;

« Qu'elle serait également portée au ministre de l'intérieur, au département, à M. le maire, à la municipalité, et communiquée aux quarantesept autres sections. >>

Immédiatement après la présentation de cet arrêté au département, en est survenu un autre de la section du Jardin des Plantes, qui donne avis au département de l'arrêté de la section des Quinze-Vingts. La section du Jardin des Plantes invite le conseil du département à prendre des mesures pour assurer la tranquillité publique.

Ces pièces fortifiant les bruits qui nous avaient alarmés, le conseil du département a pris surle-champ un arrêté que voici :

« Sur la dénonciation faite au conseil par la section du Roi-de-Sicile, le conseil considérant que lesdites sections ne peuvent délibérer que sur les objets municipaux; que les corps armés ne peuvent délibérer sur aucun sujet; que l'arrêté dénoncé méconnaît non seulement les lois, mais les autorités constituées, même celle de l'Assemblée nationale; arrête que la municipalité prendra les mesures qui sont en son pouvoir, pour prévenir le tocsin dont l'arrêté dénoncé par la section du Roi-de-Sicile, annonce le projet, et en instruira sans délai le conseil; que la municipalité, conformément à l'arrêté du conseil du 4 de ce mois, se fera adresser chaque jour les arrêtés des sections et les adressera au conseil; invite tous les citoyens à se réunir pour opérer le rétablissement de la tranquillité publique si elle était troublée, en l'exécution de la loi; ordonne que le présent arrêté sera affiché à l'instant.

"Fait au conseil général du département, etc...» J'ai adressé, Messieurs, cet arrêté à M. le maire avec la lettre que voici :

« Monsieur,

Le conseil du département vous a attendu hier fort tard. Il pensait, d'après votre réponse à ma première lettre d'hier, qu'il était d'autant plus urgent de se concerter avec vous, que vous annonciez moins de sécurité sur les moyens à prendre. Il pouvait y avoir lieu à concerter au moins quelques démarches vers l'Assemblée nationale. Le directoire vous prie de venir à sa séance aujourd'hui. Comme on annonce le tocsin pour cette nuit, le conseil vient de faire un arrêté qui le défend. Il est nécessaire que vous vouliez bien aussi faire savoir sans retard

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