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Un membre: Je demande la division. Un seul des deux membres incriminés a parlé de rassemblement, il serait injuste d'appliquer aux deux la même peine.

Les mêmes membres : L'ordre du jour et la question préalable sur toutes ces propositions! (L'Assemblée rejette, par la question préalable, toutes les mesures demandées et passe à l'ordre du jour.)

M. Goujon, secrétaire, reprend la lecture de la lettre de M. Froudière:

Sept ou huit de mes collègues qui nous suivaient et qui vinrent se réunir à nous au corps de garde peuvent attester la vérité de ces faits.

Nous restâmes quelque temps dans l'attente d'une force suffisante pour nous protéger, mais cette force n'arrivant pas, et voyant le corps de garde prêt d'être forcé, nous primes le parti de nous dérober par une fenêtre qui donne sur un terrain fermé du côté de la cour où était la foule de nos assaillants.

« Il est impossible, Monsieur le Président, que nous restions plus longtemps exposés à des dangers qui pourraient chaque jour se renouveler et s'accroître.

"Sans doute nous devons mourir à notre poste, si le salut de la patrie le demande, mais il serait contraire à ses intérêts de nous laisser égorger en sortant de l'Assemblée, par les infâmes satellites d'une faction dont nos décrets déconcertent quelquefois les desseins criminels.

« Je vous prie, Monsieur le Président, de faire donner lecture de ma lettre à l'Assemblée et de l'inviter à prendre enfin des mesures vigoureuses qui puissent assurer à la fois la liberté des opinions et la sûreté personnelle des représentants de la nation.

Je suis, avec respect, etc...

« Signé: FROUDIÈRE, député de la Seine-Infèrieure. »

Lettre de M. Lacretelle.

Monsieur le Président,

« N'ayant eu qu'une part commune dans les outrages scandaleux faits aux membres de la représentation nationale, je ne veux pas interjeter une plainte personnelle à cet égard. Mais, témoin des dangers imminents qu'ont courus M. Dumolard et plusieurs de nos collègues qui ont été à portée de s'associer à son sort, je crois devoir les dénoncer au Corps législatif, provoquer une information judiciaire sur cet attentat et plusieurs autres pareils que je ne connais que par la notoriété publique et demander justice et vengeance. Il n'existe plus en France d'Assemblée nationale, si elle ne peut réprimer la plus abominable et la plus absurde faction, qui, après avoir tout compromis, veut tout bouleverser. La capitale de l'Empire est menacée du sort d'Avignon, si une municipalité et un chef municipal ne s'occupent qu'à légaliser tous les crimes commis envers les diverses autorités constituées. Le caractère d'un peuple libre et généreux est à jamais souillé, si des hommes appelés ici pour y contracter d'une manière plus solennelle l'engagement de vaincre ou de mourir pour la défense de leur pays, ne continuent à s'y montrer que comme des objets de terreur pour les citoyens qui obéissent aux lois. Nous devons tous au caractère dont nous sommes revêtus, de réclamer contre tant de dé

sordres ou de constater au moins, par l'impuissance de nos réclamations, le plus grand peutêtre des dangers de la Constitution que nous avons juré de maintenir et comme législateurs et comme citoyens.

a Signé: LACRETELLE, député de Paris. »

M. Gérardin. Monsieur le Président, les corridors ne sont pas libres. Le règlement défend qu'il y ait personne dans les corridors, je demande qu'il soit exécuté.

M. Beauvais, commissaire inspecteur de la salle. Etant chargé de maintenir la police dans l'enceinte de l'Assemblée, j'ai fait le tour des corridors et je n'ai vu que quelques personnes qui ne pouvaient pas avoir de place dans les tribunes et qui écoutent paisiblement.

M. Gérardin. Je déclare à M. l'inspecteur de la salle que le bruit qu'on entend dans le corridor nous empêche de suivre les délibérations. Il y a un règlement qui défend qu'il y ait qui que ce soit dans les corridors, ni député, ni autre; je prie M. le Président de faire exécuter le règlement. Je déclare que ni les insultes, ni les menaces ne me feront abandonner la défense des droits du peuple et de la Constitution, et que, dussé-je être victime de ma conduite et de mes sentiments, je continuerai à voter d'après ma conscience, comme j'ai toujours fait jusqu'à présent contre le vœu des factieux,

M. Goujon, secrétaire, reprend la lecture des lettres :

Lettre de M. Quatremère-Quincy.

« Monsieur le Président,

«Ayant juré de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution, convaincu que la liberté qu'elle garantit à tous les citoyens ne peut exister sans la sûreté et la liberté des représentants du peuple, je croirais manquer à mon devoir si je ne dénonçais à l'Assemblée nationale les outrages qu'ont essuyés hier en sortant de la salle un grand nombre de députés et les dangers auxquels la plupart d'entre eux n'ont échappé qu'avec la plus grande peine. Je dois dire à l'Assemblée que j'ai été, pendant un assez long trajet, personnellement insulté, menacé, sans pouvoir trouver aucune force protectrice; qu'assailli avec plusieurs de mes collègues dans un corps de garde par une foule égarée, je n'ai peut-être dù la vie qu'à un violent mouvement de la multitude pour forcer le corps de garde, ce qui nous a permis de nous échapper par une fenêtre de côté.

"

Je crois donc devoir déclarer et à l'Assemblée nationale et à la France entière, outragée dans la personne de ses représentants, qu'autant je me crois obligé de conserver le caractère et les pouvoirs dont je suis investi, autant je serais coupable de ne pas prévenir le Corps législatif que je crois qu'il y aurait au moins de la honte à compromettre ce caractère et ces pouvoirs, dans un lieu où on ne prendrait aucune mesure pour garantir et la sûreté personnelle des représentants de la nation et la liberté de leurs õpinions.

« Je suis, avec respect, etc...

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« Au moment où je sortais de l'Assemblée nationale, j'ai aperçu en avant plusieurs de mes collègues insultés par d'infâmes agitateurs dans toute la traversée de la cour du Manège. Voulant leur porter secours ou partager leurs périls, j'ai forcé le pas, malgré les obstacles de tout genre qui m'environnaient. J'ai reconnu que ceux de mes collègues qui avaient été poursuivis avec tant de fureur étaient l'un, M. Dumolard, l'autre M. Froudière. Je n'ai pu parvenir à me réunir à eux que dans la deuxième cour du Palais-Royal, au moment où ils venaient d'entrer dans le corps de garde, et comme le peuple allait se porter à une troisième tentative, nous avons pris le parti de sortir du corps de garde par une fenêtre qui facilitait et cachait notre retraite. Nous nous trouvâmes bientôt réunis, au nombre de huit députés. Deux fois, pendant que nous étions dans ce corps de garde, j'ai vu le peuple tenter d'en forcer l'entrée. Il est affreux que des représentants de la nation se soient vus dans la nécessité d'avoir recours à un pareil moyen, pour éviter aux habitants de Paris, la honte et le reproche d'un crime. Il n'y a aucune liberté pour les représentants, qui ne peuvent se rendre à leur poste sans être exposés, en entrant et en sortant, aux plus grands outrages.

« Je suis, avec respect, etc... »

Signé: CALVET, député de l'Ariège. »

Lettre de M. Brunck.

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous prévenir que tant que mon inviolabilité ne sera pas respectée, tant que l'Assemblée n'aura pas enjoint à la municipalité de Paris, sous sa responsabilité, d'empêcher les rassemblements autour de l'Assemblée, je m'abstiendrai d'assister à la séance. J'instruis mes commettants de tous ces faits et de la détermination provisoire que j'ai dù prendre pour ne pas laisser avilir et déshonorer le caractère représentatif dont je suis revêtu.

« Je suis, avec respect, etc...

« Signé : BRUNCK, député du Bas-Rhin. »

M. le Président. Je reçois à l'instant une lettre, avec l'apostille Très pressée » de M. le ministre de la justice. Si l'Assemblée le désire, un de MM. les secrétaires va lui en faire la lecture. Un grand nombre de membres: Lisez! lisez! M. Goujon, secrétaire, en donne lecture.

« Monsieur le Président,

« Le mal est à son comble. J'ai eu l'honneur d'écrire plusieurs lettres à l'Assemblée nationale pour demander une loi répressive contre ceux qui provoquent la multitude au crime. Elle n'a encore rien statué sur cet objet. Cependant chaque jour les agitateurs excitent le peuple aux actes de violence les plus criminels. Chaque jour les attentats se multiplient avec scandale, avec la plus effrayante indignité. Hier encore des citoyens ont été poursuivis, accablés d'injures et de coups. Des membres même de l'Assemblée nationale ont été outragés. On les a vus forcés

de fuir devant des troupes de furieux, sur la Place Vendôme, au Carrousel, aux environs du palais-Royal. Ils ont été réduits à se cacher dans des maisons particulières, à se réfugier dans des corps de garde, à échapper par des issues dérobées. Hier au soir plusieurs députés ont été insultés sur la terrasse des Feuillants, quoique escortés par la gendarmerie nationale. Le commandant de la garde de l'Assemblée, étant dans son poste, a été attaqué et sabré. Aucun meurtre n'a été heureusement effectué; ainsi ces délits demeureront impunis. Je les ai cependant dénoncés au tribunal criminel par ordre exprès du roi.....» (Murmures des tribunes.)

M. Beugnot. On ne peut pas prononcer le nom du roi sans les plus effroyables mur nures. M. Chéron-La-Bruyère. Et voilà comme les factieux ont démoralisé le peuple; j'en accuse tout haut les Jacobins.

M. Goujon, secrétaire, continue la lecture de la lettre :

"Mais les lois sont impuissantes, Monsieur le Président, la probité, l'honneur, le devoir se réunissent pour m'obliger de vous déclarer que sans le secours le plus prompt du Corps gislatif, il est impossible au gouvernement de répondre de la sûreté des personnes et de la tranquillité publique.

Signé DEJOLY, ministre de la justice. »

Déclaration signée Jollivet, député à l'Assemblée nationale.

Jean-Baptiste-Pierre-Moïse Jollivet, député par le département de Seine-et-Marne, soussigné, certifie à l'Assemblée nationale qu'hier mercredi, à six heures du soir, ayant été averti chez lui, rue des Saints-Pères, au coin de la rue de l'Université, qu'après la levée de la séance de l'Assemblée nationale, plusieurs députés avaient été insultés et maltraités, il s'est rendu vers la salle de l'Assemblée, où il n'a pu rien apprendre de positif; que, de là, il a parcouru la rue Saint-Honoré, depuis la rue de l'Echelle jusqu'à la place Vendôme; qu'ayant appris que la vie de MM. Casamajor, Lejeune, Duinolard, Viénot-Vaublanc et autres avait été mise en danger, et se trouvant alors auprès de la demeure de M. Viénot-Vaublanc, l'un de ceux dont on parlait, il est entré chez lui au moment où il en sortait quatre à cinq personnes dont les gestes menaçants et le langage ont fait accroire qu'ils avaient å se plaindre de lui; que M. Viénot-Vaublanc n'était point alors chez lui, le portier ayant annoncé qu'il était sorti depuis plus d'une heure; qu'inquiet de ce mouvement, il a pensé qu'il trouverait dans la cour des Jacobins des notions plus certaines; que, parmi les groupes, il a entendu dire qu'un membre de la société des Jacobins venait d'y entrer pour rendre compte de ces faits; qu'alors, malgré la répugnance du déclarant pour tout ce qui porte le nom de club, il est entré dans une des tribunes de la société des Jacobins, celle du côté du cloître. Dans toutes les issues de la salle, il s'agissait principalement de dévouer à l'exécration publique la majorité de l'Assemblée nationale, qu'on prétend avoir été corrompue par la liste civile, pour innocenter le général La Fayette.

Arrivé dans la tribune citée, le déclarant a entendu, en effet, que la société des Jacobins agitait la question de savoir de quelle manière

la France en serait instruite. Tous les sociétaires étaient d'avis de l'impression d'une liste. Le mode de promulgation était le seul objet de difficulté; les uns demandaient l'affiche en placard, et ce point paraissait résolu lorsqu'il s'est élevé la question de savoir si la société ne serait pas repréhensible d'y laisser la trace de son fleuron ou de l'empreinte qui distingue tout ce qui sort de cette société. Alors M. Hion a proposé d'en supprimer le fleuron. Ce tempérament a été combattu; et, en dernière analyse, M. MaribonMontaut, député à l'Assemblée nationale, dont le timbre de la voix est très remarquable, et qui présidait la société des Jacobins, a mis aux voix en ces termes l'ordre du jour réclamé : « Que ceux qui sont d'avis de passer à l'ordre du jour sur la motion d'afficher au nom de la société le nom des députés vendus à la liste civile... »

Un membre: On ne peut pas entendre cela! Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Basire. Je demande que la lecture soit continuée pour prouver la petitesse des moyens de nos adversaires.

M. Goujon, secrétaire, reprend la lecture: «Que ceux qui sont d'avis de passer à l'ordre du jour sur la motion d'afficher au nom de la société le nom des députés vendus à la liste civile, qui ont voté en faveur de La Fayette, se lèvent. » Un membre: Cela est faux!

M. Goujon, secrétaire, continue: « L'ordre du jour délibéré laissait la question tout entière. On a demandé et la société à arrêté la nomination de quatre commissaires pour veiller à l'impression de la liste, et faire tout ce que leur zèle leur suggérerait. Un instant après, et sur la déclaration d'un membre que le déclarant a vu parler à M. Merlin, député à l'Assemblée nationale, qui se trouvait à la tribune des Jacobins, le président de cette société a annoncé que, suivant l'usage de cette société, il serait adjoint deux membres de l'Assemblée nationale aux quatres commissaires nommés.

« Cet objet terminé, un membre de la société a demandé et obtenu la parole. Il a rendu compte du zèle qu'il avait mis à molester plusieurs députés à l'Assemblée nationale. (Murmures prolongés).

Un membre, s'avançant au milieu de la salle : Je ne comprends pas que l'Assemblée s'occupe de pareilles choses.

M. Chéron-La-Bruyère. Vous le voyez, ces Messieurs en rougissent eux-mêmes.

M. Guadet. Je demande la parole! Plusieurs membres : L'ordre du jour! (L'Assemblée nationale décrète que la lecture sera continuée.)

M. Goujon, secrétaire, reprend : « Il a rendu compte comment ils avaient été obligés de se réfugier au nombre de six ou sept dans un corps de garde au Palais-Royal; comment il avait surpris un savoyard, qu'il appelait aussi un homme vendu à liste civile, portant un message de ces députés pour obtenir protection de la force publique; comment il avait, à l'aide ses dignes associés, fait évader deux membres des Jacobins, accusés d'avoir favorisé cette émeute. Il a poussé les détails à l'égard de ces deux particuliers jusqu'à les présenter comme très dignes de toute la protection de la société, comme étant du nombre de ceux dont le patriotisme est assez ardent pour débarrasser les murs de la capitale

de toutes les proclamations du roi, de tous les arrêtés des corps administratifs et autorités constituées dont les actes ne se trouvent pas précisément dans l'opinion de la société des Jacobins. Il aurait vraisemblablement éclairé la société sur une foule d'autres manoeuvres, si l'un des membres n'eût adroitement observé qu'il y avait des circonstances où certains récits exigeaient de la prudence, et qu'il était d'usage en pareil cas de s'adresser d'abord au comité de correspondance de la société, afin de ne laisser voir que ce qui pouvait être dit. Alors la société, consultée, a passé à l'ordre du jour sur ce récit.

« Ensuite ont été agitées diverses questions, toutes ayant pour objet d'entraver l'exercice de la justice de paix, comme essentiellement ennemie des patriotes. Les uns proposaient de cautionner les citoyens, les autres de se lever tout entiers contre les juges de paix et les comités centraux. Il m'a été impossible de pouvoir rester plus longtemps. Je dois à la vérité de dire que le peuple qui garnissait les tribunes était loin d'approuver ces délibérations, qu'il a montré à plusieurs reprises son indignation, qu'il a improuvé par des murmures assez violents la proposition mise en avant dans la société, qu'en faisant imprimer la liste des députés vendus à la liste civile et qui avaient innocenté La Fayette, on y joignit leur demeure.

« A Paris, le 9 août 1792.

Signé JOLLIVET, député de Seine-et-
Marne, n

M. Rouyer. Je demande la parole pour une motion d'ordre.

M. Viénot-Vaublanc. Je demande à rendre compte d'un fait.

M. Rouyer. Je demande qu'on nous rapporte tout ce qui se passe aux Feuillants dans leur obscurité.

M. Chéron-La-Bruyère. Je demande que M. Rouyer indique où sont les Feuillants. M. Choudieu. Je demande à quoi conclut M. Jollivet. (Murmures.)

M. Kersaint. Messieurs, lorsqu'un décret appelle sur vous l'attention de toute la France, lorsque vous avez décidé que s'ouvrirait aujourl'opinion des Français sur ce qu'elle doit penser d'hui la discussion solennelle qui doit enfin fixer du premier fonctionnaire public, peut-être verrat-elle avec indignation que l'on perde cette séance à de méprisables délations. (Applaudissements des tribunes.)

M. Beugnot. Il faudrait délibérer sous le cou teau des assassins.

M. Girod. Je demande que le procès-verbal fasse mention de l'assentiment donné par M. Kersaint aux insultes dont les représentants de la nation ont été victimes.

M. Kersaint. Je suis loin sans doute de vouloir excuser les citoyens égarés qui oublient ce qu'ils se doivent à eux-mêmes dans la personne de leurs représentants; mais l'Assemblée doit s'occuper constamment des grands intérêts de la nation. (Applaudissements des tribunes.) Le ministre de la justice a dénoncé à l'accusateur public de nombreux délits qui ont souillé la journée d'hier; je demande que la lettre soit renvoyée au comité de législation, afin qu'il vous soit présenté un projet de loi répressive contre ceux qui peuvent troubler la liberté de

vos séances, exciter dans vos tribunes le trouble qui n'a été occasionné que par des citoyens qui sont envoyés par nos ennemis, et peut-être par ceux qui sont insultés. (Applaudissements des tribunes; murmures à droite et au centre.)

Je demande que, pour rappeler la tranquillité dans cette enceinte, l'Assemblée passe à des objets dignes de son attention, et que la discussion sur la déchéance du roi commence en cet instant.

M. Gérardin. Je demande la parole pour un fait. Je déclare qu'hier en sortant de l'Assemblée nationale, dans son enceinte même, dans le couloir, j'ai été frappé.

Un membre: A quel endroit?

(La droite tout entière et le centre se lèvent et protestent hautement.)

Un grand nombre de membres: A l'Abbaye! (Bruit.)

M. Gérardin. On me demande en quel endroit j'ai été frappé : c'est par derrière. Les assassins ne frappent jamais autrement. (Applaudissements.) C'est à M. Juéry, mon collègue, que je dois la vie, car il a paré le coup.

M. Ducos pourra rendre compte aussi de la manière dont un député d'Alsace a été traité, et M. Desbois, l'évêque du département de la Somme pourra rendre compte aussi de la manière dont il a été traité, insulté, menacé.

Plusieurs membres: Et volé !

M. Gérardin. Je dis qu'il ne peut se faire de délibération au sein du Corps législatif, que les représentants du peuple n'y sont pas libres, qu'ils ne peuvent voter d'après leur conscience. Je déclaré donc à la nation, de laquelle je tiens mes pouvoirs, que je ne puis voter sans que le Corps législatif m'assure liberté et sûreté.

(Des membres à droite et le centre se lèvent en criant: Nous le déclarons tous, nous ne sommes pas libres ! L'Assemblée reste pendant quelques temps dans l'agitation.)

M. Gérardin. Mon amour pour la vérité me force à ajouter que je n'ai point eu à me plaindre des citoyens de Paris. La plupart de ceux qui m'ont insulté, étaient étrangers. Je déclare donc que les citoyens de Paris ne participaient point aux insultes qui m'ont été faites.

M. Tronchon, secrétaire, reprend la lecture des lettres:

Lettre de M. Deusy.

Monsieur le Président,

« Je crois qu'il est de mon devoir de rendre compte à l'Assemblée nationale des mauvais traitements que j'ai reçus hier au sortir de la séance. (Rires ironiques à l'extrême gauche.)

M. Lamourette. Je demande le décret d'accusation contre tout membre qui osera approuver par des ris.

M. Tronchon, secrétaire, continue: Après avoir été insulté, après avoir essuyé de la part d'une foule de gens, apostés à toutes les avenues, les injures et les menaces les plus atroces, je suis parvenu à l'entrée de la rue Saint-Louis. Là, je me sentis frappé par derrière par un homme qui criait à la multitude qu'il me reconnaissait, que j'étais celui qui avait fait la motion contre les tribunes; qu'il fallait me massacrer. Je fus à l'instant assailli de pierres, dont plu

sieurs m'ont atteint dans les reins, et deux fois le sabre a été levé sur ma tête. Il a été écarté par un citoyen qui me protégeait. Enfin, je me réfugiai dans le corps de garde du Palais-Royal, où je trouvai plusieurs de mes collègues, qui avaient été forcés comme moi d'y chercher un asile. Nous vîmes bientôt que la garde allait être forcée, et nous nous échappâmes par une fenêtre. Je n'ajouterai aucune réflexion à ce récit; mais je déclare à l'Assemblée nationale que, si elle ne prend pas des mesures efficaces pour assurer l'inviolabilité de ses membres, je m'abstiendrai de ses séances pour n'y reparaître que lorsque je pourrai y remplir mes devoirs. Je suis, avec respect, etc...

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« Je crois devoir instruire l'Assemblée nationale qu'hier, après la séance, passant par la galerie des Feuillants, j'ai été investi par un nombre assez considérable de citoyens; qu'après avoir été poursuivi par leurs injures, ils m'ont frappé et meurtri. Je dois ajouter que, pendant le cours de cette malheureuse scène, on m'a volé ma canne, ma tabatière et mon portefeuille. Des hommes honnêtes, prévoyant les suites malheureuses que cette scène pourrait entraîner pour moi, ont eu la bonté de faciliter ma retraite ou plutôt ma fuite.

« Je suis avec respect, etc...

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« Je sortais hier de l'Assemblée nationale, après la séance levée. Je partageais avec ceux de mes collégues, sortis comme moi par la cour du Manège, les honorables huées d'une multitude séduite. Quoique j'aie le tort, extrêmement grave, de n'avoir pas dévié d'un seul pas de la ligne constitutionnelle, je me croyais assuré, à la faveur de mon obscurité, d'échapper inviolé des mains du peuple, qui se porte rarement aux voies de fait quand il n'est point provoqué par de maladroites fanfaronades, ou excité par des suggestions perfides, lorsque j'entendis prononcer le nom de M. Dumolard, avec des imprécations qui me firent craindre que l'on ne voulût se porter aux dernières violences contre lui. J'engageai M. Pucelle, mon confrère, à doubler le pas, et j'allai saisir M. Dumolard par le bras, persuadé qu'en l'éloignant de la multitude, on le préserverait du moins de ses outrages les plus immédiats. Je l'ai accompagné depuis la cour du Manège jusqu'au corps de garde de la seconde cour du Palais-Royal, en rendant grâce à mon étoile de ce que mon zèle ne m'avait attiré que quelques coups de poing dans la rue Saint-Honoré, de la boue et des plâtras sur la tête, en traversant la place du Palais-Royal. Obligé de chercher mon salut dans la fuite, comme tous ceux de mes collègues qui avaient pénétré avec nous dans le corps de garde, j'en suis sorti par une fenêtre, après m'être assuré que M. Dumolard avait heureusement, et par la même voie, quitté un asile trop légèrement défendu, et au moment même

où le poste, malgré la bonne contenance de la garde nationale, et la fermeté de son commandant, allait être forcé.

« Je demande, Monsieur le Président, vengeance à l'Assemblée nationale; je la demande la nation, pour les violences exercées contre ses représentants dans la journée d'hier. Ma vie n'est rien, mais je ne veux, ni ne dois la compromettre, en pure perte, pour la chose publique. En conséquence, je crois qu'il est de mon devoir de déclarer à l'Assemblée nationale que si elle ne prend point, dans sa sagesse, les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour maintenir, dans son sein, la liberté des opinions et pour protéger au dehors les membres du Corps législatif contre les attentats auxquels ils sont journellement exposés, je m'abstiendrai de me rendre à ses séances, et de prendre part à ses délibérations, en me réservant d'instruire mes commettants et de ma conduite et de ses motifs. « Je suis avec respect, etc....

Signé: SORET, député de Seine-et-Oise. »

Lettre de M. Baert.

Monsieur le Président,

« Je vous prie de communiquer à l'Assemblée nationale les faits suivants, dont elle sentira l'im. portance.

« Je sortais hier de l'Assemblée, au milieu des injures et des menaces qu'on y prodigue journellement à un grand nombre de ses membres. Vers la porte des Tuileries, un groupe très considérable me sépara de plusieurs de mes collègues qu'il poursuivait, en les accablant d'outrages. Un des gendarmes et un des huissiers de l'Assemblée parvinrent à dissiper une partie de la foule dans la cour du Manège. Je pus alors courir au secours de M. Froudière, qu'une populace effrénée accusait de voler l'argent du peuple, et menaçait de la manière la plus effrayante. Je ne parvins à l'atteindre que vers la place du Palais-Royal; il était entouré de quatre jeunes gardes nationaux, le sabre à la main, à qui je demandai s'ils le connaissaient pour député. Ils me répondirent que oui, et qu'indignés de la conduite du peuple, ils ne cherchaient qu'à le soustraire à sa fureur et à le conduire en lieu sûr. « Au corps de garde! » cria le peuple, et nous gagnâmes celui du PalaisRoyal, où plusieurs de nos collègues vinrent peu après se réfugier. Sept ou huit gardes nationaux y continrent, pendant une demi-heure, la foule qui grossissait, et attendaient en vain du renfort que le commandant avait fait demander, et que plusieurs députés avaient été chercher aux postes voisins. Un mouvement nous fit craindre que le corps de garde ne fût forcé, et nous crûmes prudent d'éviter un crime au peuple, et de nous retirer par une fenêtre qui donne sur une cour voisine.

« Ce récit prouvera à l'Assemblée nationale et à la France entière combien est illusoire aux yeux de la partie du peuple qui entoure habituellement le lieu des séances du Corps législatif, l'inviolabilité dont sont revêtus les représentants de la nation; combien est vaine leur liberté d'opinion et les manœuvres infâmes qu'on fait pour l'influencer, et combien est profondément coupable le maire de Paris, du défaut de force armée et de police pour protéger la liberté des citoyens, et dissiper les attroupements nombreux qui se forment de toute part, et principalement autour de

l'Assemblée et des Tuileries; combien surtout est criminelle la lâche complaisance avec laquelle il souffre qu'une multitude d'étrangers parcoure la ville, armés de sabres et de pistolets, de tout l'appareil menaçant du carnage.

Si l'Assemblée nationale ne prend un parti prompt et décisif sur la police de ses tribunes et des abords de la salle; si elle ne s'empresse de faire jouir ses membres de la liberté d'opinion et du respect qui leur est dû dans l'exercice de leurs fonctions; si elle ne pourvoit d'une manière efficace à la sûreté de Paris,

« Je lui déclare, ainsi qu'à mes commettants, que je croirais compromettre la dignité nationale dont je suis revêtu, habituer le peuple au mépris des lois et à l'impunité du crime, et trahir les intérêts de la nation, en continuant plus longtemps de fréquenter les séances du Corps législatif. « Je suis avec respect, etc....

Signé BAERT, député du Pas-de-Calais. »

M. Vayron. Je demande, Monsieur le Président, qu'on lève la séance et que nous sortions de ces murs où nous ne sommes pas libres.

M. Viénot-Vaublanc. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que nous sommes sous une faction. Il est temps de redresser cette infernale opinion qu'on appelle l'opinion publique, et qui ne l'est certainement pas. Cette infernale opinion qui nous conduit vers l'abîme est démentie, tous les jours, par les départements. Si vous recueilliez les vœux des citoyens, si l'on vous lisait toutes les lettres qui vous ont été adressées, toutes les représentations qu'on vous a faites, vous connaîtriez la vérité. Mais on éloigne avec soin de votre oreille tout ce qui pourrait vous la faire connaître, et on a soin de faire retentir cette prétendue opinion mensongère qui n'a jamais été celle de la nation. (Applaudissements.) Et moi aussi, Monsieur le Président, j'ai été insulté et maltraité; et sans doute mon sort aurait été funeste sans l'avertissement qui m'a été donné par un citoyen connu d'un membre de cette Assemblée, M. Rougier-La-Bergerie. Il est venu dans l'endroit où je dînais; il m'a averti qu'un grand nombre d'hommes vêtus de l'habit de garde nationale, et qui étaient réunis auprès de la maison où je demeure, faisaient les plus grandes menaces; qu'ils avaient tiré leurs sabres, qu'ils disaient qu'il fallait que 80 députés de l'Assemblée périssent de leurs mains et qu'ils commenceraient par moi. Je ne veux point entrer dans des détails affreux, horribles, qui m'ont été communiqués. (Murmures des tribunes.)

(Une vive agitation se produit dans l'Assemblée.) (Plusieurs membres désignent des personnes dans les tribunes.)

M. Chéron-La-Bruyère. Monsieur le Président, levez la séance et renvoyez-nous dans nos départements.

M. Viénot-Vaublanc. Un instant après, cinq ou six hommes toujours vêtus des mêmes habits, sont entrés chez moi, ont demandé si j'y étais; on leur a dit que je devais avoir diné au PalaisRoyal. Ils ont répondu que c'était faux, parce qu'ils m'y avaient cherché. Ils ont maltraité la portière qui leur a dit que je n'étais pas dans la maison. De là, ils se sont rendus dans une maison voisine où ils ont de même accablé d'insultes une personne qui leur a dit qu'elle ne savait pas même si je demeurais dans cette maison. Enfin,

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