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Copie de la lettre de M. le maréchal Luckner à M. d'Abancourt, ministre de la guerre.

« Wissembourg, 4 août 1792, l'an IVe de la liberté.

"

Après avoir donné hier, monsieur, tous les ordres nécessaires pour le départ de l'armée du Centre pour aller prendre un nouveau camp à Richemont, je suis parti de Longwy vers le soir. Arrivé ici à midi, j'appris et je vis avec étonnement l'armée du Rhin, campée près Wissembourg. Les généraux Biron, Custine et Kellermann me rendirent le compte suivant. Hier, M. Biron donna ordre à M. Custine de se porter avec son avant-garde en avant de Landav, vers Schweigenheim, pour fouiller et découvrir le pays où les Autrichiens avaient un camp d'environ 7,000 hommes.

« Il est peut-être possible que M. Custine se soit porté trop loin avec une partie de son corps. L'ennemi, sans doute instruit, envoya un gros détachement de hussards de Womerer à sa rencontre, qui fondit sur le 1er régiment de dragons entre le village et les vignes de Daucheim, qui, à son tour, chargea avec une telle vigueur les hussards, au nombre de plus de 400, qu'il en tailla en pièces la majeure partie, et mit le reste en fuite. La perte de l'ennemi est plus forte, et, du côté de nos dragons tant tués que blessés, il y en a 20 à 25. De ce nombre est un officier de tué. On a assez su me faire l'éloge des chefs et de tous les dragons de ce régiment. L'avantgarde se voyant trop faible se retira sur Landau; et M. Biron, sentant l'insuffisance de son armée, a gardé les lignes de Quiech qui sont délabrées, et les écluses rompues, a jugé convenable de renforcer la garnison de Landau de 4 bataillons de plus; ce qui met cette place à 7,400 hommes, et de venir prendre une position avantageuse près Wissembourg. Cette marche rétrograde, autant que je l'ai pu voir jusqu'ici, n'entraîne aucun inconvénient. J'entrerai, ce soir ou demain matin, dans un examen plus circonstancié avec les officiers généraux, pour ensuite ordonner les dispositions que je jugerai nécessaires, et dont j'aurai l'honneur de vous rendre compte. En attendant, j'ai donné ordre à M. de Kellermann de partir cette nuit, avec son corps, pour se porter le plus avantageusement possible près de Lauterbourg.

« J'ai été chagrin de voir que mon projet de fortifier Guermersheim n'avait point été exécuté. Mais au moment que le général Biron s'était disposé à se mettre en œuvre, s'y étant transporté à cette fin, il a appris que l'ennemi était en force de l'autre côté du Rhin pour en tenter le passage dans plusieurs endroits; ce qui a eu lieu le lendemain par conséquent il était impossible d'y faire travailler. Ce poste est maintenant occupé par 3,000 Autrichiens.

« Je ne m'étais proposé que de venir jeter un coup d'œil sur cette partie de la frontière. Mais je prévois que mon séjour y sera prolongé de quelques jours de plus. Jusqu'à ce que je puisse deviner le projet des ennemis, que l'on dit être forts de 30,000 hommes, je ne manquerai pas de vous informer exactement de tout; et dès que je verrai que ma présence ne sera plus nécessaire, je m'en retournerai à mon armée du Centre. Ma crainte est que la France ne soit attaquée en plusieurs endroits à la fois. Le plus difficile sera alors de distinguer la véritable de la

fausse attaque. Je mets en avant autant d'émissaires qu'il m'est possible. Il est essentiel que le ministre des affaires étrangères y porte également les soins les plus scrupuleux.

« Les généraux et officiers supérieurs m'ont rendu unanimement les meilleurs témoignages sur la disposition des esprits, la discipline et le bon ordre qui règnent dans cette armée. C'est avec plaisir que je m'empresse de vous en faire le rapport.

« Signé : Le maréchal de France,
LUCKNER. >>

(L'Assemblée renvoie la lettre du ministre de la guerre et les dépêches à la commission extraordinaire des Douze.)

2° Lettre des membres composant le conseil général de la commune de Boulogne-sur-Mer, qui informent l'Assemblée qu'ils viennent de faire mettre en état d'arrestation les sieurs Lesénéchal, Carcado, Moluc, Leroy, son domestique; Bertier et Tonquedu. Ils adressent une copie du procès-verbal de leur séance avec les pieces originales trouvées sur lesdits particuliers, au nombre desquelles sont deux lettres adressées, sous cachet volant, à MM. d'Artois et Condé.

(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces y jointes au comité de surveillance.)

3° Lettre de M. Bigot de Sainte-Croix, ministre des affaires étrangères, qui, pour se conformer au décret du 4 août 1792, (1) adresse à l'Assemblée nationale l'état des pensions, gratifications et autres traitements annuels assignés sur les fonds ordinaires secrets du département des affaires étrangères.

(L'Assemblée renvoie la lettre et les pièces y jointes au comité diplomatique.)

4° Lettre des membres composant le conseil général de la commune de Longwy, qui réclament un secours pour mettre les indigents dans le cas de s'approvisionner des subsistances nécessaires pendant la durée d'un siège dont leur ville est menacée par les troupes ennemies.

(L'Assemblée renvoie la lettre au pouvoir exécutif, chargé de rendre compte des mesures qu'il aura prises pour satisfaire sans délai à cette demande.)

M. Fauchet. Le rapport sur M. La Fayette devait être fait hier, il n'a pas eu lieu. Je demande qu'il soit lu demain.

(L'Assemblée décrète la proposition de M. Fauchet.)

Un membre: Je demande à l'Assemblée de fixer à ce soir la discussion du rapport et du projet de décret relatifs aux congrégations séculières.

(L'Assemblée décrète cette proposition.) (La séance est levée à trois heures et demie.)

(1) Voy. ci-dessus séance du 4 août 1792, page 457, le texto de ce projet de décret.

ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du mardi 7 août 1792, au soir.

PRÉSIDENCE DE M. MERLET.

La séance est ouverte à six heures du soir. M. André (du Thillot). Je viens donner à l'Assemblée de nouveaux détails sur l'empressement des citoyens du département des Vosges, et particulièrement du district de Remiremont, à marcher à la défense de la patrie sur la réquisition des généraux. On ne demandait que 1,188 gardes nationaux au district de Remiremont et il s'est présenté sur-le-champ 1,300 jeunes gens brûlant d'ardeur guerrière et de patriotisme. Ils ont ajourné leur mariage à la paix, ont laissé aux vieillards la garde de leurs foyers et de leurs maîtresses, et ont couru sur les frontières. (Vifs applaudissements.) J'ajoute, en outre, que dans ce district toutes les contributions sont payées. (Nouveaux applaudissements.)

Je demande qu'extrait du procès-verbal portant mention honorable du zèle des habitants et des administrateurs du district de Remiremont soit envoyé à tous ces braves citoyens. Je demande, en outre, que l'Assemblée nationale déclare qu'ils ont bien mérité de la patrie.

(L'Assemblée décrète ces propositions.)

M. Cailhasson, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du lundi 6 août 1792, au matin.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

M. Cambon. La ville de Montpellier m'a chargé d'offrir à la patrie un don patriotique de 4,249 livres 6 sols et l'engagement qu'elle prend de faire un don de 1,300 livres par année pendant la durée de la guerre (Applaudissements.) Elle m'a chargé, en outre, de prévenir l'Assemblée que le dernier bataillon qui a été formé dans ce département se trouve sans armes.

(L'Assemblée, après avoir accuelli cette offrande avec les plus vifs applaudissements et décrété la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait serait remis aux donateurs, renvoie la demande de la ville de Montpellier à la commission des armes.)

M. Reboul. La ville de Pézénas m'a chargé de déposer sur l'autel de la patrie un don de 1,200 livres, et je dois annoncer à l'Assemblée qu'elle vient de fournir 72 hommes au second bataillon de l'Hérault et qu'elle s'occupe en ce moment à former à elle seule une compagnie légère. (Applaudissements.)

(L'Assemblée décrète la mention honorable des citoyens de Pézénas.)

M. Duquesnoy. Je demande que l'Assemblée nationale décrète, à l'instant, que tous les dons faits seront énumérés et qu'il sera annoncé à l'Assemblée la somme offerte par tous les citoyens de l'Empire.

M. Cambon. J'annonce à l'Assemblée, pour que toute la France le sache, que les dons patriotiques sont tous les jours versés à la caísse de l'extraordinaire sur les reçus de M. Amelot. Un décret existe à cet égard, il n'y a aucune utilité d'en faire un second.

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. Duquesnoy.)

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M. Cailhasson lit le procès-verbal de la commune de Strasbourg.

(L'Assemblée applaudit, à plusieurs reprises, aux traits nombreux du civisme qu'il renferme et en décrète la mention honorable, l'impression et l'envoi aux 83 départements.)

M. Crestin. En vertu du décret de l'Assemblée nationale qui autorise les généraux de nos armées à requérir le sixième de la population des départements, le général de l'armée du Rhin a requis le département de la Haute-Saône de fournir 6,000 hommes. Dès six jours, ces 6,000 hommes ont été trouvés et sont partis.

(L'Assemblée décrète la mention honorable du patriotisme des citoyens de la Haute-Saône.)

Des députés extraordinaires de la ville de Toulon sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

Législateurs,

« Un événement aussi affligeant qu'inattendu vient de jeter la consternation dans notre ville. Douze citoyens ont été victimes d'une émeute populaire. De ce nombre est le procureur syndic du département, quatre membres du directoire, l'accusateur public, un juge de tribunal et un membre du conseil général du district. Quelle a été la cause de cette émeute? Quels en ont été les fauteurs, les instigateurs? Nous l'ignorons. A cette grande catastrophe a succédé un jour plus calme, et les trois conseils généraux réunis en ont profité pour remplacer, par une commission provisoire, le directoire anéanti; enfin, la chose publique ne souffre plus.

« Législateurs, les peuples du Midi, ceux du département du Var en particulier, idolâtrent la Constitution, ils sont prêts à tout sacrifier pour la défendre. Les ennemis ont pu se servir de ce sentiment pour les égarer, mais ils ne parviendront jamais à les faire dévier un instant du serment qu'ils ont prêté de vivres libres en dépit des tyrans coalisés contre nous. C'est à vous, législateurs, dont la sollicitude paternelle doit veiller sur la sûreté de tout l'Empire, c'est à vous, disons-nous, à juger d'après les pièces que nous déposons sur le bureau, quel remède convient à nos maux. Quelle que soit votre détermination, soyez assurés de la prompte obéissance de vos mandataires >>

M. le Président. L'Assemblée prendra en

Considération votre 'pétition et vous accorde les honneurs de la séance.

M. Granet (de Toulon). La commune de la ville de Toulon vient de vous rendre compte, par une députation extraordinaire, des événements qui ont jeté la consternation dans l'esprit des bons citoyens qui, comme on vous l'a observé, Messieurs, sont attachés à la Constitution. Si le peuple a été égaré, ce ne peut être que par des ennemis de la patrie et par des agitateurs étrangers qui se sont glissés dans son sein. Cette affaire, Messieurs, mérite de l'Assemblée la plus sérieuse attention; elle pourra jeter une lumière sur tous les troubles du Midi. Je demande, en conséquence, le renvoi à la commission extraordinaire des Douze pour vous en rendre un compte particulier.

(L'Assemblée renvoie la pétition et les pièces qui y sont jointes à la commission extraordinaire des Douze.)

Un membre du département des Bouches-du-Rhône est admis à la barre.

Il s'exprime ainsi :

« Messieurs,

« La municipalité de Marseille vous envoie les procès-verbaux de ses délibérations des 21, 22 et 23 du mois dernier. On y verra que le sieur Boyer, connu depuis longtemps par ses sentiments contre-révolutionnaires, ayant été donné comme un chef de complots tendant à assassiner tous les individus composant les autorités constituées, ainsi que les citoyens qui n'auraient pas prononcé un mot convenu, a été, avec cinq autres, particuliers, victime de la rage du peuple instruit de leurs projets; que ces mêmes magistrats échappés par le plus grand basard, sont pourtant parvenus, avec des peines incroyables, à calmer, dans ce climat brùlant, les esprits plus brûlants encore de ce peuple à qui une liste de conjurés avait été délivrée. Il a été apaisé, au point que la ville n'a jamais été si tranquille, et les citoyens, quelle que soit leur fortune, n'ont jamais été si unis. »

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Granet (de Marseille). Je demande le renvoi de ces procès-verbaux à la commission extraordinaire des Douze, pour en faire son rapport dans trois jours.

(L'Assemblée décrète le renvoi.)

Une députation de la commune de Boissy-SaintLéger, district de Corbeil, département de Seineet-Oise, est admise à la barre.

L'orateur de la députation offre un don patriotique de 205 1. 15 s., savoir: 203 livres en quarante et un assignats de 100 sous, et 2 l. 15 s. en billets patriotiques. Il ajoute ensuite quelques réflexions sur les moyens de sauver la patrie des dangers qui la menacent.

M. le Président répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte cette offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont extrait sera remis aux donateurs.)

M. le Président. Plusieurs pétitionnaires demandent à être admis à la barre.

M. Reboul. Vous avez souvent rendu des décrets pour régler l'admission des pétitionnaires,

et ces décrets ont été toujours oubliés et parfois enfreints dans la séance même où ils étaient rendus. Nous ne devons pas oublier, cependant, que l'Assemblée, en déclarant la patrie en danger, s'est imposée le devoir de consacrer tous ses soins, tous ses moments, à les conjurer. Je demande donc qu'une fois pour toutes, il soit décrété que l'Assemblée n'admettra, sous aucun prétexte, aucun pétitionnaire un autre jour que le dimanche. Je demande, en outre, que le Président ne puisse jamais, que le dimanche, proposer l'admission.

(L'Assemblée, décrète qu'à l'avenir elle n'admettra les pétitionnaires que le dimanche.) M. Chabot. Je demande la parole pour combattre la seconde proposition de M. Reboul. (L'Assemblée, consultée, décrète que M. Chabot ne sera pas entendu.)

:

Plusieurs membres La question préalable! (L'Assemblée repousse, par la question préalable, la seconde proposition de M. Reboul, tendant à ce que M. le Président ne puisse proposer l'admission de pétitionnaires qué le dimanche.)

M. Albitte. Je demande que le comité diplomatique fasse ce soir le rapport sur la conduite du ministre de la guerre, relativement au régiment des gardes suisses.

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la motion de M. Albitte.)

M. Saladin. Je demande la parole pour une motion d'ordre.

Plusieurs membres : L'ordre du jour! M. Saladin insiste pour avoir la parole. (L'Assemblée, consultée, décide que M. Saladin ne sera pas entendu.)

M. Lavigne, au nom du comité des assignats et monnaies, fait un rupport et présente un projet de décret sur les moyens d'exécution du décret du 31 juillet dernier, portant création de 300 millions d'assignats; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des assignats et monnaies, considérant qu'il importe d'accélérer la fabrication des 300 millions d'assignats dont elle a ordonné la création par son décret du 5 juillet dernier, décrète qu'il y a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

"Les commissaires directeurs de la fabrication des assignats sont autorisés à passer des marchés avec la dame Lagarde et ses fils pour les papiers destinés aux assignats de 50 et de 100 livres, et avec le sieur Didot, imprimeur, au prix des marchés précédents, sous la condition que chaque feuille desdits papiers portera quatre assignats, au lieu de trois, dont elle était ordinairement composée.

Art. 2.

«Lesdits commissaires sont également autorisés à retirer des Archives de l'Assemblée les formes qui ont anciennement servi à la fabrication des mêmes papiers, à faire usage des filigranes qui se trouveront les meilleurs, à la charge par eux de rétablir au dépôt desdites

Archives, tant ces anciennes formes, que celles qui pourraient être faites pour la fabrication du nouveau papier, immédiatement après l'entière fabrication.»

(L'Assemblée décrète l'urgence et adopte le projet de décret.)

M. Reboul, au nom du comité des assignats et monnaies, présente divers articles relatifs : 1° à la fabrication de la monnaie de billon; 2o à l'acquittement des dépenses occasionnées par les expériences du procédé de Guillaume- Christian Sauer; (1) 3° à l'indemnité à accorder au sieur Sauer; ces articles sont ainsi conçus :

Art. 1°r.

« L'instruction rédigée par les commissaires de la commission des monnaies sera envoyée à tous les hôtels des monnaies et ateliers où se fera la conversion du métal des cloches en espèces monnayées.

Art. 2.

"A dater de la publication du présent décret, il ne pourra plus être fabriqué de monnaie de cuivre on de bronze dans laquelle l'alliage du cuivre excède la proportion du quart du poids des matières employées. On pourra, néanmoins, continuer d'employer le cuivre du Pérou dans les proportions ci-devant déterminées.

Art. 3.

« Le ministre des contributions publiques est autorisé à passer des marchés, conformément aux articles précédents, et à revoir ceux existants dont les clauses y seraient contraires.

Art. 4.

«Le ministre des contributions publiques est chargé de faire acquitter les dépenses occasionnées par les expériences du procédé de Guillaume-Christian Sauer, sur les états de dépenses certifiés par le comité des assignats et monnaies, jusqu'à concurrence de 1,200 livres.

Art. 5.

« Il est accordé au sieur Guillaume-Christian Sauer, à titre d'indemnité, une somme de 6,000 li

vres. »

M. Masuyer a rappelé à l'Assemblée les propositions faites par le sieur Sauer, de Liège, pour la fonte des cloches; il est entré, sur les avantages du procédé de cet artiste, dans de très longs détails et a terminé son opinion en ces termes:

Je dénonce un ministre infidèle, un ministre prévaricateur, qui a repoussé un artiste honnête et fidèle, qui voulait par ses procédés faire gagner 4 millions à la nation. Le ministre a préféré, aux procédés simples de cet artiste malheureux et indignement dupé, la charlatanerie de ceux qui lui ont proposé d'acheter les cuivres du Pérou. L'Assemblée doit éclaircir la conduite et les manœuvres de ce ministre, punir ses prévarications, réparer le tort qu'il fait à la nation et

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XXXIV, séance du 2 novembre 1792, page 598, la pétition de M. Sauer.

récompenser le zèle d'un artiste étranger, malheureux et utile, qui a voulu servir la nation française. (Applaudissements des tribunes.)

Si l'Assemblée ne juge pas convenable de nommer des commissaires pris dans son sein, je demande qu'au moins elle décrète qu'il en sera nommé par son comité des monnaies et, puisqu'il le faut, par cette misérable Académie des sciences, qui a si souvent méconnu ou rebuté le talent; mais j'exclus de cette nomination la commission scélérate des monnaies. Je demande, en second lieu, que ces commissaires soient chargés de faire les expériences nécessaires sur les prétendues mines de cuivre du Pérou, cuivre que l'on vend 40 sols à la nation et qui ne vaut que 10 sols. Je demande qu'après ces expériences, ils rendent compte des avantages ou de l'inutilité de ce cuivre dans la fabrication des monnaies. Je demande, enfin, qu'on dépose sur le bureau les écus du fameux et trop fameux Nourrissart, directeur de la monnaie de Limoges; et je prouverai que la commission qui a reçu ces écus en circulation est une commission scélérate.

M. Reboul, rapporteur. Je ne répondrai pas aux injures que M. Masuyer a dirigées contre une commission que je crois très respectable et contre une Académie considérée comme la société la plus savante de l'Europe. J'observe seulement que la commission des monnaies n'a aucune fonction administrative; c'en est assez pour faire sentir à l'Assemblée la valeur des inculpations de M. Masuyer.

Quant au fait relatif au sieur Nourrissart, fait que j'ai vérifié et qui constate, en effet, qu'il a altéré le titre des écus, ce fait ne peut être reproché à la commission des monnaies, qui s'occupe en ce moment à le faire juger. Ainsi, jusqu'au moment où elle vous présentera le résultat de ses travaux, les expressions de commission scélérate et d'Académie misérable signifieront seulement que M. Masuyer est le plus pur et le plus sublime des hommes. Quant au cuivre du Pérou, j'observe qu'il est acheté, qu'il est absolument nécessaire à la fabrication des monnaies, et qu'en ce moment on commence à l'employer. Ainsi, on ne peut pas adopter les vérifications proposées par M. Masuyer, elles ne serviraient qu'à retarder la fabrication de la monnaie et à prouver qu'il s'est trompé.

Je demande que le projet du comité soit mis aux voix.

M. Basire. L'Assemblée peut être facilement induite en erreur sur les monnaies. Je demande que le comité qui s'occupe de cette partie ne présente jamais de projet de décret qu'il n'ait été imprimé huit jours d'avance. Je demande l'ajournement de celui-ci.

(L'Assemblée rejette l'ajournement et adopte les deux premiers articles.)

M. Reboul, rapporteur. Voici un autre article sur la même affaire :

«Le ministre des contributions publiques est chargé de faire acquitter les dépenses qui résultent de l'examen du procédé de Guillaume-Christian Sauer, sur les états de dépenses certifiés par le comité des assignats et monnaies, jusqu'à concurrence de 1,200 livres.

(L'Assemblée adopte l'article présenté par M. Reboul.)

M. Reboul, rapporteur. Il me reste à vous proposer l'indemnité qui est due à Guillaume Sauer.

On a reconnu que son procédé épargnerait une quantité de cuivre assez considérable, mais que cette quantité de cuivre serait compensée par les dépenses de chauffage. Le comité a pensé que, quoique M. Sauer ne nous ait pas fait un grand présent, il était indispensable, il était juste d'acquitter les dépenses qu'il a faites près de l'Assemblée nationale; et, en conséquence, le comité m'a chargé de vous proposer cet article :

« L'indemnité accordée à Guillaume-Christian Sauer est fixée à 6,000 livres.

M. Masuyer. Proposer d'accorder à Sauer une somme de 6,000 livres, c'est faire une proposition ridiculé. Cet artiste étranger a quitté sa patrie, sa femme, ses enfants, son commerce, pour vous servir, et il a été injustement éconduit. Je demande qu'on lui accorde une indemnité de 6,000 livres, et une récompense de la même somme.

M. Duhem. En passant par la cour du Commerce, j'ai été accosté par M. Meynié, mécanicien, qui m'a dit avoir été employé par le comité des monnaies pour voler le secret de M. Sauer. (Murmures.)

M. Reboul, rapporteur. Voici le fait. M. Sauer nous ayant proposé une liqueur pour tremper les flaons, nous lui avons demandé si l'eau pure ne produirait pas le même effet. Il l'a nié. Qu'avons-nous fait alors? Nous avons fait faire par M. Meynié, mécanicien, une machine fort ingénieuse, à laquelle se trouvaient jointes deux carafes, l'une d'eau pure, l'autre de la liqueur de M. Sauer. Nous avons mis dans chacune un flaon pareil avec des dés pour les reconnaître. Le tout a été cacheté du cachet de M. Sauer. Quand il a fallu en venir à la vérification des flaons, M. Sauer a prétexté un mal de tête, une migraine; il voulait que nous les reconnussions nous-mêmes. Enfin, après bien des simagrées, il a indiqué, comme trempé dans sa liqueur, le flaon trempé dans l'eau pure. (On rit.) Vous voyez que le procédé de M. Sauer n'est absolument qu'une charlatanerie, et 6,000 livres d'indemnités pour son voyage et déplacement doivent paraitre suffisantes.

M. Cambon. Je m'oppose à cette proposition. Remarquez, Messieurs, que tous ces grands artistes, que tous ces professeurs de secrets promettent toujours beaucoup, et n'effectuent jamais rien, et cependant ils vous demandent tous des indemnités, des récompenses. Ils promettent d'enrichir le Trésor public, et de fait ils l'appauvrissent; car leurs secrets, pour produire de l'argent, sont toujours des chimères, et les récompenses que vous décrétez sont des réalités. Je suis bien loin de m'opposer à ce qu'on indemnisé de leurs dépenses ceux qui veulent être utiles à la nation; mais je ne veux pas que l'on récompense des hommes pour les services qu'ils n'ont pas réellement rendus. Je demande donc la question préalable sur la proposition de M. Masuyer, et qu'on adopte le projet du comité. (Applaudissements.)

(L'Assemblée rejette la proposition de M. Masuyer et adopte l'article du comité.)

M. Archier. Je demande que le comité des assignats soit tenu de faire faire les expériences pour savoir et constater si les directeurs des monnaies ont fait entrer dans la fabrication de la monnaie des cloches la quantité de cuivre fin déterminée par les décrets.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Archier.)

Un membre: Je demande que le comité des assignats et monnaies fasse incessamment son rapport sur les marchés faits par le ministre des contributions publiques, pour la fabrication des monnaies de bronze, sur le titre d'alliage du métal des cloches avec le cuivre rosette et sur le poids des pièces de monnaie de bronze mises en circulation.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Duquesnoy. Tous les jours je reçois des lettres de mes commettants, pour savoir quand aura lieu l'émission des petits assignats tant promis par M. Dorisy. Il faut enfin que M. Dorisy effectue ses promesses, car cette émission a déjà éprouvé assez de retards.

M. Lavigne. Je suis chargé, au nom du comité des assignats et monnaies, de vous présenter un rapport qui vous indiquera les causes du retard de cette émission. Le rapport est prêt. Je demande qu'il soit mis à l'ordre du jour. Mais je dois faire observer au préopinant et à tous ceux qui ne cessent d'inculper M. Dorisy, que, depuis le mois de mars, M. Dorisy n'est plus membre du comité des assignats et monnaies.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Brua. Je demande la parole pour un fait. De la manière dont la lettre de M. Luckner, lue ce matin à l'Assemblée nationale, se trouve conçue, on pourrait croire, du moins ceux qui ne connaissent pas le pays, que les Autrichiens ont passé le Rhin sur le territoire français. Cependant, c'est à Germersheim, bourg du Palatinat, à plusieurs lieues de nos frontières, au-dessous de Landau; et j'observe que d'une manière comme d'autre, les ennemis auraient aussi bien pu arriver à cette partie de nos frontières, depuis Coblentz, en remontant la rive gauche du Rhin, qu'en passant ce fleuve à Germersheim. Au surplus, j'eusse été fort étonné que les départements des Haut et Bas-Rhin eussent laissé pénétrer 3,000 Autrichiens, tandis que la ville de Strasbourg se montrait, comme on vient de l'entendre à cette séance, et que le Haut-Rhin compte déjà 12,000 hommes à la frontière, et se souvient surtout d'avoir repoussé vigoureusement, avec les haches et les pioches, le prince Charles et ses pandours. (Applaudissements.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. d'Abancourt, ministre de la guerre, qui prie l'Assemblée de statuer incessamment sur la demande qui lui est faite de bâtiments nationaux pour y établir des dépôts de la remonte générale des troupes à cheval.

M. Marbot, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, fait un rapport et propose un projet de décret sur les bâtiments destinés à la remonte des chevaux.

Plusieurs membres : L'impression et l'ajournement!

D'autres membres : La question préalable sur l'ajournement!

Un membre: J'observe que l'Assemblée n'est plus en nombre pour délibérer.

(L'Assemblée décrète l'ajournement du projet de décret.)

(La séance est levée à dix heures et demie.)

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