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tant de ruses, tant de mensonges, n'eussent pour but de favoriser un coupable, un patriote hypocrite.

« Je repassai fréquemment au comité pour savoir si ma pétition avait été retrouvée. J'ai toujours eu le chagrin de voir mes démarches infructueuses. On se faisait un jeu barbare de mes souffrances et de mon malheur. Je parlais de justice et d'humanité on m'accablait d'un rire dédaigneux.

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Abandonné à ma propre faiblesse, ayant de nouveaux ennemis, et des ennemis aussi puissants à combattre, je n'ai plus su quel parti prendre. Ce n'est point que j'aie jamais perdu courage. Mon ressentiment augmente avec le temps; les obstacles l'irritent, mais j'ai flotté sans cesse entre la difficulté que j'éprouve de faire connaitre la vérité à l'Assemblée nationale, et la crainte où je suis que l'on n'ose surprendre sa religion, en gardant le silence sur tant de vexations et de perfidies; et le sieur Aréna, enhardi par l'impunité, intéressé par ses crimes à me calomnier, fera mouvoir tous les ressorts de l'intrigue pour se soustraire à la punition qu'il mérite, il pourrait encore rendre mes réclamations vaines.

« L'un des moyens qu'a employés le sieur Aréna pour me désigner dans vos comités, et qui m'a été rapporté depuis peu de jours, a été de me confondre avec un prêtre de Corse, qui se nomme comme moi Belgodère. Il a été question de ce prêtre dans l'Assemblée constituante; il avait été accusé d'aristocratie et de contre-révolution, il avait même été longtemps enfermé dans les prisons de Marseille et de Toulon par ordre de l'Assemblée. Mais, Messieurs, sachez que c'est une perfidie atroce de la part du sieur Aréna; sachez que ce prêtre, quoiqu'il porte le même nom que moi, n'est pas même mon parent, et mes principes sur notre Constitution ayant toujours été opposés aux siens, j'évitais jusqu'à sa présence, lorsque j'étais dans ma patrie; sachez enfin, et ceci mérite toute votre attention, que ce prêtre, nommé Belgodère, est un des membres de cette même municipalité dont je viens, pour la seconde fois, vous dénoncer l'affreuse tyrannie qu'elle a exercée contre moi. Voilà les manœuvres infâmes du sieur Aréna; peuvent-elles être plus coupables? peuvent-elles être d'un législateur?

J'ai su également que ma pétition n'était point perdue, ni égarée; elle n'est perdue que pour moi. Le sieur Aréna s'en est emparé, et l'a envoyée en Corse à ses dignes amis.

« Oui, Messieurs, ma pétition, qui aurait dù être sacrée dans vos comités, a été remise à la disposition de mes vils oppresseurs.

"

Qui ne frémirait pas contre tant d'intrigues? Sans doute, vous ne les laisserez pas impunies. Votre décret n'a pas été exécuté, et l'Assemblée nationale ne prononce rien en vain; elle ne souffrira pas qu'on rejette arbitrairement et avec tant d'inhumanité les plaintes et les réclamations d'un citoyen opprimé.

Ah! de qui pourrais-je espérer justice, si les représentants du peuple me la refusent!

Législateurs, mon honneur et ma vie sont entre vos mains. Je souffre depuis longtemps. Je ne puis vivre dans cet état de perplexité et d'avilissement. On m'a séparé à jamais de ma famille; on a voulu qu'elle me fùt en horreur. Cette idée empoisonne mes jours. Enfin, je n'ai plus ni parents, ni patrie: est-il un sort plus malheureux que le mien?... Je vous demande justice : vous

ne pouvez pas me la refuser; ou vous devez craindre que le silence de la loi ne soit pour moi l'affreux silence de la mort. N'en doutez pas, Messieurs, celui qui a mieux aimé souffrir la plus cruelle de toutes les oppressions que de manquer à l'honneur et à la nature, saura mourir.

«Songez qu'il n'y a pas de supplice égal à celui que souffre une âme sensible outragée. Quoi! j'ai parcouru l'Italie, l'Espagne et la France; je n'ai jamais été privé de ma liberté; et je n'étais revenu dans ma patrie, après dix ans d'absence, que pour me la voir ravir aussi cruellement, et pourquoi? pour avoir été indigné de la conduite scandaleuse de ce prêtre dans ma famille; pour avoir voulu... sauver une sœur de la corruption et de l'infamie. O nature! & indignation! un outrage aussi sanglant ne peut jamais être oublié; je ne pourrai jamais le pardonner.

D'autres calamités viennent aggraver les tourments qui déchirent mon âme. Exilé de ma patrie, dénué de toutes ressources, j'ai souffert longtemps tout ce que la misère a de plus affreux. J'ai contracté des dettes: maintenant je suis poursuivis pour les payer, et mes oppresseurs seuls en sont la cause. Permettrez-vous, législateurs, que j'aille finir mes jours dans une prison? Qui est-ce qui viendra à mon secours? « J'attends de votre justice une réparation prompte et éclatante de tant d'injustices et de souffrances. Je demande la punition la plus sévère contre mes oppresseurs. La loi me donne le droit de poursuivre le sieur Aréna et ses complices. Je poursuivrai mes bourreaux avec le même acharnement qu'ils ont mis à me tourmenter et à me perdre.

«Mais, si le sieur Aréna, coupable de tant de scélératesses, pouvait encore arrêter le cours de la justice; si, après avoir causé ma ruine, il avait encore le droit atroce de m'insulter, de me calomnier; si, enfin, tous les attentats lui étaient permis, quel serait mon désespoir, quelle serait ma juste fureur? j'ose vous le demander, législateurs, que voudriez-vous que je devinsse?

« Je demande que l'Assemblée nationale veuille bien renvoyer mon affaire au comité de législation, pour qu'il en fasse son rapport dans le plus court délai possible.

« Je m'empresse de lui fournir toutes les pièces que j'ai entre mes mains, assurément plus que suffisantes pour mettre l'Assemblée dans le cas de prononcer contre mes oppresseurs. J'ai l'honneur de joindre également copie de ma première pétition.

Aujourd'hui, je supplie l'Assemblée nationale de vouloir bien décréter que le rapport lui sera fait dans huit jours au plus tard. Sans cela, le sieur Aréna trouvera bien le moyen de me faire languir encore longtemps, et je préviens l'Assemblée nationale que je n'ai plus aucun moyen de subsister. »

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

Un membre: Je demande l'envoi de cette pétition aux tribunaux auxquels il appartient de connaître de ces plaintes."

M. Basire. Le pétitionnaire est venu demander sa pétition au comité de surveillance, on l'a cherchée sans avoir pu la lui rendre, parce qu'elle n'y a jamais été apportée. Là-dessus le pétitionnaire est entré dans des déclamations contre le département de Corse; il a dit que le comité de surveillance lui était vendu. Nous

:

avons vu dans lui un homme ulcéré, et nous avons cru qu'il était plus à plaindre qu'à blâmer. Nous fui avons dit où l'affaire est du ressort du pouvoir judiciaire, ou du pouvoir administratif. Dans la première hypothèse, il faut aller dans les tribunaux: et dans la seconde, il faut encore se pourvoir devant les corps administratifs avant d'en venir à l'Assemblée nationale. »

M. Aréna. Je ne puis attribuer au pétitionnaire qu'une maladie d'imagination. Il croit que j'ai été parler au comité de surveillance, et il se trompe. C'est un homme jaloux de sa sœur, et qui a maltraité son père. (Bruit.) Ce fut à la réquisition de son père dont il avait menacé les jours et ceux de sa sœur, que la municipalité de Bastia l'a fait emprisonner. Je ne me suis mêlé de son affaire que pour lui donner de l'argent pour faire son voyage. Je le défie d'apporter aucune preuve contre le département. Je suis fâché qu'il ait la maladie de croire que j'ai voulu empêcher qu'on lui rendit justice, mais afin que ma réputation ne soit pas entachée, je demande qu'un comité soit chargé de l'affaire, et l'on verrà que je n'ai eu aucune part à tout ce dont il se plaint, et qu'il faut le guérir de la maladie qu'il a.

M. Lejosne. Je crois servir la délicatesse du comité de surveillance, en demandant le renvoi à un autre comité. (Applaudissements.)

(L'Assemblée renvoie au comité de législation, pour lui faire un rapport sous trois jours.)

Des citoyens enrôlés dans la compagnie de grenadiers et de chasseurs du bataillon des Carmélites, sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

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« Les citoyens enrôlés depuis le moment de la Révolution pour soutenir la liberté naissante, être à jamais ses défenseurs, et mourir pour elle, ou avec elle, viennent déposer dans le sein de l'Assemblée nationale leur testament militaire.

«La patrie est en danger. A ce mot, que vous avez prononcé, tous les Français se sont levés; les uns se sont pressés de s'enrôler; les autres préparent des armes pour leur défense et ceux qui, comme les grenadiers et les chasseurs étaient enrôlés et armés depuis la Révolution, attendent l'ordre pour attaquer les ennemis qui leur seront indiqués.

« Avec quel plaisir n'avons-nous pas appris que, sur la demande de M. Montesquiou, vous avez décrété que la moitié des gardes nationaux, formant les compagnies de grenadiers et de chasseurs, pouvait être commandée pour voler au-devant de l'ennemi extérieur. Tous ceux qui composent ces compagnies, dans chaque bataillon, se sont regardés,jdès ce moment, comme en activité; et en vous faisant nos remerciements personnels, nous osons vous assurer que tels sont les sentiments de tous les véritables grenadiers et chasseurs des bataillons nationaux. N'imaginez pas que nous entendons improuver par cette démarche la décision prise par quelques grenadiers, de venir déposer leurs bonnets et leurs épaulettes pour servir à ceux des volontaires qui marchent maintenant aux frontières. Non nous approuvons en entier les motifs qu'ils

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative, Pétitions, tome 1, no 74.

vous ont exposés, et la démarche qu'ils ont faite. Nous approuvons les motifs qu'ils vous ont exposés, parce que nous sommes convaincus que le peuple est dans tout pays] le véritable souverain, que par conséquent on ne peut garder, sans son consentement exprès, aucune distinction, et qu'il n'existe aucune différence entre un citoyen armé d'une pique, à défaut d'une autre arme, un garde nationale armé d'un fusil, aux frais du public, et le volontaire grenadier et chasseur également armé, même à ses frais. La distinction attachée à nos compagnies est à nos yeux totalement chimérique, et on la regarde comme une distinction sociale: mais elle est infiniment précieuse pour ceux qui ne la considèrent que comme l'expression du vœu que nous avons fait de marcher les premiers à l'ennemi. (Applaudissements unanimes.) Nous déclarons donc que nos bonnets et nos armes appartiendront à ceux de nos camarades fusiliers et piquiers qui voudront marcher sur nos corps pour combattre l'ennemi que nous aurons terrassé. Nous applaudissons à la démarche de ceux qui ont disposé de leurs bonnets et de leurs épaulettes en faveur des défenseurs actuels de la patrie. Pour nous, fixez notre poste et nous marchons. Nous venons donc aussi vous offrir nos bonnets et épaulettes, mais avec les corps qui doivent les porter et les défendre, soit en combattant les ennemis du dehors, soit en défendant nos propres foyers.» (Nouveaux applaudissements.)

M. le Président. L'Assemblée applaudit à vos sentiments vraiment exemplaires, et vous accorde les honneurs de la séance.

Un grand nombre de membres : L'impression et la mention honorable!

(L'Assemblée décrète l'impression de l'adresse et la mention honorable du zèle patriotique des citoyens grenadiers et chasseurs du bataillon des Carmélites.)

M. Charlier. Quand des Français viennent faire l'offre de sacrifier leur vie, on y reconnaît le sentiment qui anime la France entière; mais dans la pétition que viennent vous présenter les grenadiers et chasseurs volontaires nationaux, ils ont oublié sans doute que c'est au pouvoir exécutif et non au Corps législatif à fixer le poste où ils doivent se rendre. Je demande donc que leurs noms soient proclamés, et que le pouvoir exécutif soit tenu de leur indiquer sur-le-champ le poste où ils doivent se réunir.

M. Voysin de Gartempe. J'observe à l'Assemblée que la loi permet aux généraux de faire marcher moitié des grenadiers et chasseurs de la garde nationale et que c'est à eux à les requérir lorsqu'ils le jugent nécessaire. En conséquence, je demande que le renvoi au pouvoir exécutif soit pur et simple.

(L'Assemblée décrète le renvoi pur et simple.) Des citoyens de la section du Palais-Royal sont admis à la barre.

L'orateur de la députation s'exprime ainsi :

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lui-même du moment où les institutions sociales s'écartent de ces bases immortelles, la liberté languit, tombe et périt, si des mains habiles et vertueuses ne viennent redresser les trop communs abus.

« Nous autres citoyens, pénétrés de cette importante vérité, nous voulons contribuer autant qu'il est en nous à repousser les maux qu'entraîne nécessairement son oubli, et nous venons sacrifier à la sainte égalité, en renonçant à la distinction futile qu'ont introduite parmi les citoyens armés, des hommes qui n'ont pas eu le courage d'être grands lorsqu'ils pouvaient atteindre à l'immortalité, en fondant d'une manière inébranlable le règne de la raison et de la justice.

Nous venons déclarer que nous renonçons à une distinction dangereuse, en abdiquant le titre de grenadier de la garde nationale en nous dépouillant de tous les signes qui la décorent, pour n'être que des citoyens-soldats.

"

Nous déposons sur le bureau nos bonnets et nos épaulettes. Rien ne peut nous engager à les porter encore, lorsqu'ils deviennent dans Paris un signe de division, et qu'ils parent le front et les épaules de la plupart des habitués des Tuileries, et de tant de ci-devant, qui ne sont patriotisés depuis le 20 juin, que pour mieux appuyer les desseins du pouvoir exécutif, qu'ils servent également du poignard et de la plume. "Aucune loi ne peut nous astreindre à être grenadiers de la garde nationale: nous cessons donc de l'être, et nous prions l'Assemblée nationale d'envoyer à l'armée des ornements militaires, plutôt faits pour épouvanter les Autrichiens, que pour établir entre les citoyens-soldats une ligne de démarcation, et servir merveilleusement les perfides projets des ennemis de la liberté, qui, indignes d'être patriotes, sont même trop lâches pour oser défendre à Coblentz la cause de l'aristocratie dont ils ne sont que les bas valets. (Murmures prolongés à droite et au centre. Applaudissements des tribunes.)

« Nous observons à l'Assemblée nationale, qu'un service exact de notre part dans les compagnies primaires, prouvera à tous les malveillants qui voudraient jeter de la défaveur sur notre démarche, que nous mériterons toujours le titre de bons citoyens; et quoique nous donnions nos bonnets, soyez sûrs que vous trouverez toujours nos chapeaux dans le chemin de l'hon

neur. »

M. le Président. L'Assemblée cherchera les moyens de concilier tous les sentiments; elle vous invite à sa séance.

Plusieurs membres: L'impression!

M. Gérardin. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif. Vous avez rendu un décret qui porte qu'on prendra les deux tiers des grenadiers; il ne faut pas priver la patrie de ces hommes qui veulent vous donner tant de preuves de courage et de vertu. Il faut qu'ils montrent aux grenadiers français le chemin de l'honneur. M. Charlier. Parlez des citoyens.

M. Gérardin. C'est un étrange renversement d'idées, que de croire que des grenadiers ne sont pas des citoyens-soldats. (Huées des tribunes.) Je m'oppose à l'impression, et je demande le renvoi au comité militaire, afin de supprimer les lois plutôt que de les violer ainsi. (Bruit.)

M. Calvet. Je demande la suppression de

tous les grenadiers, car on va vous donner la guerre civile avec cela; un homme qui a du courage en a aussi bien avec un chapeau qu'avec un bonnet.

M. Choudien. Si les grenadiers étaient dans la Constitution, j'aurais pour eux le respect qu'a M. Gérardin; mais comme je crois que lorsqu'il s'agit de marcher à l'ennemi, tous les Français sont grenadiers, je n'appuie pas cette distinction. (Murmures.)

M. Coubé. Dès que des murmures ont arraché M. Gérardin de la tribune, je ne vois pas pourquoi on entendrait M. Choudieu.

M. Choudieu. Pour moi, je ne connais que le bonnet de la liberté.

M. Jahan. En ce cas, je demande la suppression des chapeaux. (On rit.)

Un membre: Si l'on imprime la pétition des grenadiers, je demande que l'on en retranche cette phrase vraiment incendiaire, par laquelle ils vouent à l'exécration publique ceux qui ne les imiteront pas.

M. Brunek. Non : il faut l'imprimer tout entière ou pas du tout.

(L'Assemblée décrète l'impression avec la suppression proposée, et renvoie au comité militaire pour le surplus.)

M. Thuriot. Les généraux sont autorisés à prendre les deux tiers des grenadiers et des chasseurs; je demande qu'au lieu de cela on les autorise à prendre le quart au total de tous les gardes nationaux. (Bruit.) Je demande le renvoi de ma motion au comité militaire.

(L'Assemblée renvoie au comité militaire la proposition de M. Thuriot.)

M. LABARRE, officier municipal de Toulon, est admis à la barre.

Il demande, au nom de cette commune, le remboursement d'une somme de 160,000 livres, dont elle a fait l'avance en 1790 pour les dépenses de la troupe et les fortifications de la place.

M: le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition au comité de liquidation pour en faire son rapport dans deux jours.)

M. Saladin, au nom du comité de législation, fait un rapport et présente un projet de décret relativement au sieur Barbey, citoyen d'Arras, détenu en vertu d'un mandat d'arrêt pour raison d'une opinion prononcée dans la société des amis de la Constitution d'Arras (1); le projet de décret est ainsi conçu :

Messieurs, le ministre de la justice avait demandé une interprétation de la loi au sujet du sieur Barbey, citoyen d'Arras, détenu en vertu d'un mandat d'arrêt pour raison d'une opinion prononcée dans la société des amis de la Constitution de cette ville. Après en avoir délibéré, voici le projet de décret que vous propose le comité de législation :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il n'existe aucune loi pénale contre le fait imputé au sieur Barbey, qu'en conséquence il ne pourrait y avoir lieu à instruction; après avoir en

(1) Voy. ci-dessus, même séance, page 536, l'admission à la barre de M. Joseph Lebon, pour demander la mise en liberté de Barbey.

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La séance est ouverte à dix heures du matin. M. Crestin, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance du samedi 4 août 1792, au soir.

(L'Assemblée en adopte la rédaction.)

La lecture de ce procès-verbal est fréquemment interrompue par un soulèvement presque général qui se manifeste, dès l'ouverture de la séance, dans les deux tribunes de gauche. De nombreuses réclamations, faites d'un ton vif et peu décent pour l'Assemblée, sont formulées contre les commissaires-inspecteurs de la salle, qui, pour maintenir plus facilement l'ordre, avaient établi la veille trois divisions, dont chacune était marquée par une place destinée à des sentinelles. Un grand nombre des spectateurs présents menacent de se retirer, et plusieurs sortent, en effet, invitant leurs camarades à les suivre. Pour ramener l'ordre et permettre à l'Assemblée de continuer ses délibérations un instant interrompues, M. le président est obligé de faire arrêter un des citoyens les plus échauffés et d'ordonner qu'on le conduise au corps de garde. Le calme finit enfin par se rétablir.

Un membre: Je demande que les commissaires de salle soient tenus de rapporter le registre de leurs délibérations.

Un autre membre: Sans m'opposer à la proposition du préopinant, j'observe que l'Assemblée n'est pas en nombre et qu'il serait peutêtre bon de remettre à plus tard cette discussion.

(L'Assemblée décrète cette proposition,)

M. Rivoalan, au nom du comité de liquidation, présente le résultat d'un projet de décret (1) concernant le remboursement de brevets de retenue sur charges et offices militaires et de finances (2); il est ainsi conçu :

(1) Bibliothèque nationale. Assemblée législative. Dette publique, tome II, Tt.

(2) Extrait du décret du 9 janvier 1791:

Art. 1. Il sera destiné au payement de l'indemnité accordée aux porteurs de brevets de retenue, par le décret de l'Assemblée nationale du 24 novembre dernier, une somme de 3 millions par mois, jusqu'à parfait payement desdits brevets.

Art. 4. A compter du jour de la remise des brevets de retenue et des actes qui établissent la propriété des porteurs desdits brevets, les intérêts des sommes y portées seront payés raison de 5 0/0 jusqu'au rem

boursement. »

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22 parties prenantes.. 1,626,589 8 10 119 parties prenantes.. 3,309,359 1. 15 s. 2 d.

A l'égard du sieur Chicanneau de Gassey, cidevant commissaire des guerres, qui réclame le remboursement d'une somme de 8,404 1. 2 s. 10 d. par lui payée pour droits de mutation, de marc d'or, frais de sceau, droit de rachat de centième denier et autres, l'Assemblée nationale, considérant que ledit sieur Chicanneau de Gassey a été réformé par édit du mois d'avril 1788, et qu'aux termes de l'article 2 du décret du 29 mars 1791, sanctionné le 3 avril suivant, aucun office supprimé et liquidé avant le décret du mois d'août 1789 n'est admissible à une liquidation nouvelle, décrète qu'il n'y a pas lieu à rembourser la somme réclamée.

A l'égard de la réclamation faite par le sieur Teynier du Pradellet, ci-devant commissaire des guerres, tendant à être remboursé d'une somme de 4,000 livres payée par le sieur Boncourt, son prédécesseur, en exécution de la déclaration du 20 août 1767, pour jouir de la dispense du droit de prêt annuel, et dont ledit sieur du Pradellet rapporte aujourd'hui la quittance, l'Assemblée nationale, considérant qu'un décret du 9 juillet 1791 a déclaré que les sommes versées au Trésor public en exécution de la déclaration du 20 août 1767 ne seraient remboursables qu'aux titulaires actuels, et que le sieur du Pradellet était titulaire à l'époque du décret du 9 juillet 1791, décrète que la somme de 4,000 livres par lui réclamée, lui sera payée par la caisse de l'extraordinaire, en observant les formes prescrites pour la liquidation de la dette publique.

Sur la demande du sieur Jean de Goisson, capitaine dans le 8 régiment de cavalerie, ci-devant cuirassiers du roi, tendant au remboursement d'un brevet de retenue, à lui accordé sur sa charge de capitaine, l'Assemblée nationale considérant que, aux termes du décret des 28 et 29 mai 1791, sanctionné le 3 juin suivant, les porteurs de brevets de retenue ne peuvent en être remboursés qu'en cas de mort, de démission, de changement de grade, de suppression ou de licenciement, et que ledit sieur Goisson ne remplit aucune des conditions exigées par cette loi, dé

crète qu'il n'y a lieu à le rembourser quant à présent, sauf ses droits lorsqu'il sera dans le cas de l'article du décret ci-dessus cité.

PROJET DE DÉcret.

L'Assemblée nationale, considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 24 novembre 1790, le payement de l'intérêt des finances des receveurs particuliers des finances chargés de l'exercice de 1789, a dů cesser au 31 décembre de l'année dernière, mais que ce n'est que postérieurement à cette loi et pendant le cours de l'année 1791, que lesdits receveurs ont pu connaître les formalités qu'ils avaient à remplir pour faire constater leur entière libération; qu'en conséquence, il est juste de proroger le payement de leurs intérêts au delà du terme fixé par la loi précitée, et qu'il est instant de s'expliquer sur cet objet, plusieurs receveurs particuliers se trouvant en état d'être liquidés, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

« Art. 1er. Il sera tenu compte aux receveurs particuliers des finances chargés de l'exercice de 1789, liquidés ou à liquider depuis le 1er janvier de l'année 1792, de l'intérêt de leurs finances à compter du 1er janvier 1791, jusqu'à l'époque de leur liquidation et de leur remboursement; l'Assemblée nationale dérogeant à cet effet aux dispositions de l'article 1er de la loi du 25 novembre 1790, portant que le payement des intérêts cessera en entier à la fin de l'année 1791; mais lesdits intérêts cesseront irrévocablement d'avoir cours au 31 décembre de la présente année 1792, quand même lesdits receveurs n'auraient pas fait procéder à leur liquidation et au remboursement qui doit en être la suite.

« Art. 2. L'Assemblée nationale se réserve de fixer l'époque où devra cesser l'intérêt des finances des receveurs particuliers, qui créés pour les exercices pairs, ont été chargés de celui de 1790, après que le mode de leur comptabilité aura été déterminé. »

(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)

M. Lejosne. Je dépose sur le bureau un mémoire des officiers municipaux de Douai, relatif aux abus qui s'introduisent dans le logement des gens de guerre. "A Dieu ne plaise, disentils, que les citoyens du Nord répugnent à loger leurs frères d'armes; mais il ne faut pas que le plaisir que cette hospitalité leur procure soit troublé par la malveillance et l'incivisme des préposés au logement des gens de guerre. Je dépose un autre mémoire relatif à l'approvisionnement des poudres de l'arsenal de la même ville.

(L'Assemblée renvoie le premier de ces mémoires au comité militaire et ordonne qu'il en soit envoyé une copie au pouvoir exécutif; elle décrète ensuite le renvoi du second à la commission des armes.)

(A ce moment, de nouveaux mouvements se manifestent dans les tribunes. Ils sont accompagnés de vociférations et de gestes menaçants de la part de quelques spectateurs et de femmes surtout, tandis que d'autres cherchent à rétablir l'ordre.)

Plusieurs membres élèvent des réclamations contre l'indécence des tribunes.

M. Thuriot. Je suis persuadé que les citoyens des tribunes n'ont aucunement l'intention de troubler les délibérations de l'Assemblée. S'ils se sont permis quelques murmures, c'est que le nouvel arrangement des tribunes fait perdre beaucoup de places pour les spectateurs. Je propose d'autoriser les commissaires-inspecteurs de la salle à concerter avec l'architecte les moyens de tout arranger, de manière à faire perdre le moins de places qu'il sera possible.

M. Beauvais, commissaire de la salle. Quelques bons citoyens, qui suivent le plus exactement les séances, sont venus se plaindre de ce qu'on avait retranché quelques places dans les tribunes. Ils ont demandé que l'Assemblée veuille bien autoriser les commissaires-inspecteurs de la salle à nommer, parmi les citoyens qui fréquentent le plus assidûment les tribunes, des commissaires pour y maintenir l'ordre et en faire expulser ceux qui le troubleraient. Je convertis cette demande en motion.

Plusieurs membres: La question préalable!

Un membre: C'est aux citoyens qui viennent aux tribunes et non aux inspecteurs de la salle à choisir parmi eux quatre commissaires chargés de faire la police.

M. Marant. Mais il est impossible d'autoriser des commissaires ainsi nommés à requérir la force publique.

M. Juéry. La commission extraordinaire doit faire un rapport sur la police de la salle. Je demande qu'il soit fait dans cette séance.

(Après de longs débats, l'Assemblée décrète que les citoyens qui viennent aux tribunes publiques pourront choisir entre eux quatre commissaires chargés d'y faire la police et qu'ils seront autorisés à désigner aux sentinelles les individus qui, par des cris, des huées ou autrement, troubleraient l'ordre dans l'Assemblée.) Suit le texte définitif du décret rendu :

«Les citoyens qui assisteront aux séances de l'Assemblée nationale dans les tribunes publiques sont autorisés, avant l'ouverture des séances, à choisir pour chacune de ces tribunes quatre commissaires pris parmi eux pour maintenir l'ordre et la décence; lesdits commissaires désigneront à la sentinelle les personnes qui troubleront l'ordre, pour être expulsées de la tribune. »

M. Dochier, au nom du comité de division, propose à l'Assemblée d'admettre dans son sein M. Jacques-Claude-Florimont Segretier, premier suppléant, nommé par les électeurs du département de Seine-et-Marne, appelé à siéger dans l'Assemblée nationale par suite de la démission de M. Jaucourt, l'un des députés du même département (1).

Il annonce que ses pouvoirs ont été vérifiés et trouvés valides par le comité de division.

(L'Assemblée nationale décrète qu'elle reconnaît vérifiés et valides les pouvoirs de M. JacquesClaude-Florimont Segretier, et qu'il sera admis à siéger dans son sein après qu'il aura prêté le serment prescrit par la Constitution.)

M. Segretier, monte à la tribune, prête le serment suivant la forme insérée dans l'Acte constitutionnel et prend séance.

M. Lecointe-Puyraveau, secrétaire, donne

(1) Voy. ci-dessus, séance du 31 juillet 1792, page 322, la démission de ce député.

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