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M. Lindet. Voici :

Du camp de Fulèse, près Maubeuge, le 30 juillet.

« Nos affaires paraissent prendre une bonne tournure de ce côté. L'insurrection est dans l'armée autrichienne, depuis que des partis de la légion de Ransonnet, composée en partie de Belges, se sont déguisés et introduits dans leur camp, où ils ont répandu avec profusion des mémoires en toutes langues, instructifs sur l'état au vrai des choses. Deux mille hommes étaient prêts ces jours derniers à déserter avec leurs canons. Le prince de Lambesc fut obligé de lever son camp, d'abandonner Ravay et de se retirer sous Mons. Une partie de cette armée est destinée à garder l'autre; et malgré toutes les précautions que l'on prend, il nous en vient 15 à 20 tous les jours, à pied et à cheval. J'en ai vu entrer 11 ce matin à Maubeuge, qui ont annoncé au général Lanoue que plusieurs centaines de leurs camarades à pied et à cheval étaient dans un bois, et prêts à les suivre. M. Lameth, à la tête de tous les grenadiers de l'armée et de plusieurs détachements de cavalerie, au moment où j'écris, est allé pour les reconnaître, crainte de surprise, vu que l'ennemi, qui a toujours des vues sur Maubeuge, s'est rapproché hier, et n'est guère, qu'à deux lieues d'ici, ou de la ville, du côté où M. Gouvion a été tué.

« Il ne se passe aucun jour sans que nos patrouilles n'en écharpent quelques-unes autrichiennes. La terreur est répandue parmi eux; ils fuyent au premier aspect des Français.

« La discipline et l'harmonie règnent dans notre armée pas un propos entre les individus qui la composent; ce sont tous des frères qui aspirent au moment de la signaler; quoiqu'ils soient surchargés de service et qu'ils fassent celui de 20,000 hommes et quoique nous n'en ayons pas la moitié, n'ayant qu'une nuit de repos, il n'échappe aucune plainte à personne.

« Les déserteurs annoncent qu'il y a une insurrection à Mons et dans les environs.

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Signé : Un officier de l'armée du Nord. »

(L'Assemblée témoigne, par des applaudissements, la satisfaction que lui cause la lecture de cette lettre.)

M. Le Tourneur. Les administrateurs du département de la Manche ayant suspendu le payement d'une fourniture d'habillements pour un bataillon de volontaires nationaux, à cause de la défectuosité de cette fourniture, l'entrepreneur, M. Voisin, les a poursuivis devant le tribunal du district de Coutances.

L'appel de ces administrateurs devant les tribunaux me paraît être la subversion de tous les principes. Il est de l'intérêt général que le Corps législatif se hâte de faire cesser un pareil abus. En effet, c'est comme administrateurs qu'ils ont procédé à l'adjudication de l'habillement des bataillons de gardes nationaux; c'est comme administrateurs qu'ils ont pris la décision dont se plaint M. Voisin. Or, s'il voulait attaquer cette décision, il devait, respectant la hiérarchie des pouvoirs, se pourvoir auprès du roi, et par suite à l'Assemblée nationale. Au lieu de suivre cette marche simple et légale, il attaque ses juges et les appelle devant un tribunal incompétent pour faire réformer contradictoirement avec eux le jugement qu'ils ont rendu. Y a-t-il rien de plus absurde? Non, sans

doute; et cependant un ministre conseille à ces administrateurs de mettre en cause des garants qu'il croit apercevoir dans deux bataillons de gardes nationaux. En vérité, Messieurs, c'est le comble du délire; mais il est intéressant de faire cesser cette monstruosité. Je demande donc que l'Assemblée, en renvoyant à son comité de législation, prononce que le rapport lui en sera fait demain, et je dépose à cet effet sur le bureau la lettre qu'ils m'ont adressée.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation, pour faire sur la difficulté que l'on y propose à résoudre, son rapport samedi prochain, dans le cours de la séance du soir.)

M. Hugau, au nom du comité militaire, fait un rapport et présente un projet de décret au sujet du projet de règlement, élaboré par le ministre de la guerre, contenant les moyens d'exécution de la loi du 5 mai dernier relative aux prisonniers de guerre, il s'exprime ainsi :

Messieurs, vous avez renvoyé à votre comité militaire le règlement qui a été fait par le ministre de la guerre sur le traitement des prisonniers de guerre; votre comité, après l'avoir examiné, m'a chargé de vous proposer le décret suivant :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe, de mettre sans retard les prisonniers de guerre à portée de jouir d'un traitement conforme à la loi, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, s'étant fait rendre compte par son comité militaire, du projet de règlement, en date du 20 juin, relatif aux prisonniers de guerre, d'après la loi du 5 mai dernier, présenté de la part du pouvoir exécutif en conformité de l'article 12 de ladite loi et, après avoir décrété l'urgence, déclare que ledit règlement ne contient rien qui ne soit conforme à la loi et qu'il sera, avec le présent décret, annexé à celui du 5 mai dernier. »

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

Suit le Règlement relatif aux prisonniers de guerre, fait en vertu de la loi du 5 mai 1792.

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« Les prisonniers de guerre seront casernés, autant que faire se pourra, dans les villes qui leur sont désignées; en conséquence, les commissaires ordinaires des guerres, commis pour cet objet par Sa Majesté, disposeront, dans les bâtiments militaires existants dans lesdites villes et qui ne seront pas jugés nécessaires aux troupes, le logement pour 200 prisonniers.

«A défaut de bâtiments militaires, les commissaires ordinaires des guerres se concerteront avec les officiers municipaux des villes, pour établir le logement des prisonniers, soit dans des bâtiments nationaux dont on pourrait encore disposer, soit dans des maisons louées à cet effet, et où il n'y aurait point de locataires.

Art. 7.

« Les sergents, maréchaux des logis, caporaux, brigadiers et les soldats de toutes les armes seront établis dans ces logements, par chambrée, et coucheront deux à deux.

Art. 8.

Les adjudants et officiers de tous grades auront des logements suivant leurs grades, mais les adjudants, sous-lieutenants et lieutenants seront logés de deux à deux.

Art. 9.

<< Les prisonniers de guerre seront admis à prendre, en présence des officiers municipaux des villes où ils seront transférés, l'engagement d'honneur de ne point s'écarter du lieu qui leur aura été désigné pour demeure, et dans ce cas ils auront la ville pour prison, et seront seulement soumis aux appels déterminés dans l'article suivant.

Art. 10.

« Il sera fait tous les jours un premier appel des prisonniers de guerre, à sept heures du matin, un second à midi, et le troisième à l'heure qui aura été fixée par le commandant militaire dans la place, pour la retraite.

Art. 11.

« Les prisonniers de guerre qui, outre l'engagement d'honneur prescrit par l'article 7 de la loi du 5 mai 1792, et l'article 9 du présent règlement, fourniront une caution, ne seront tenus

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"Ceux qui, ayant pris l'engagement d'honneur ou fourni caution, manqueraient aux obligations qui leur sont imposées par les articles 7, 8 et 9 de la loi du 5 mai, et les articles 9, 10 et 11 du présent règlement, seront traduits devant le tribunal de police correctionnelle, et condamnés à garder prison pendant un temps plus ou moins long, selon la gravité des circonstances, et qui pourra être indéfini si le projet d'évasion est prouvé.

Art. 15.

Il sera alloué provisoirement aux prisonniers de guerre, pour leur entretien, sur les fonds extraordinaires de la guerre, la totalité de la solde et des appointements de paix dont jouissent les grades correspondants de l'infanterie française.

Art. 16.

« Les prisonniers de guerre casernés, et ceux détenus dans les édifices nationaux, vivront en commun par chambrée.

Art. 17.

« Les casernes ou maisons destinées aux logements des prisonniers de guerre, et les lieux de détention, seront garnis des fournitures habituelles au casernement des troupes.

Art. 18.

Pour la surveillance particulière des prisonniers de guerre, dans les différentes villes qui leur sont assignées, il sera nommé par le roi un officier, pour veiller à ce qu'ils vivent en bonne intelligence, discipline et police dans les casernes ou maisons où ils seront établis.

Art. 19.

« Il sera établi par le commandant militaire, dans lesdites villes, une garde de police dans les casernes ou maisons où seront réunis les prisonniers de guerre; la force en sera déterminée suivant leur nombre.

Art. 20.

« Pour pourvoir à la garde des prisonniers de

guerre, Sa Majesté fera rendre momentanément, dans les villes qui leur sont assignées, où il n'y aura point de garnison, des compagnies de vétérans.

Art. 21.

« Les prisonniers de guerre, quels qu'ils soient, ne pourront entretenir de correspondance avec l'étranger, que par des lettres ouvertes, et qui seront remises au commissaire des guerres chargé de leur police, ou à son défaut au maire ou autre officier municipal, pour les faire parvenir à leur destination.

Art. 22.

« Les prisonniers de guerre jouiront, au surplus, du droit commun à tous les Français; ils pourront se livrer à toute espèce de professions, en remplissant les conditions prescrites par les lois; ils seront traduits devant les tribunaux ordinaires en cas de délit, y seront poursuivis pour révolte, et y recevront la réparation des injures ou dommages dont ils auraient à se plaindre.

Art. 23.

« Les prisonniers de guerre seront transférés des lieux de dépôts désignés par les généraux d'armées, dans les villes indiquées par l'article 4 du présent règlement, sous l'escorte de la gendarmerie nationale.

Art. 24.

« Les prisonniers de guerre seront logés, autant qu'il se pourra, pendant leur translation, dans un même lieu, afin d'en assurer la surveillance.

"Les officiers municipaux des lieux de leur passage pourvoiront, en conséquence de cette disposition, au logement desdits prisonniers.

«Ils vivront, pendant leur route, au moyen de l'étape.

Art. 25.

« Le commissaire-ordonnateur des guerres du département dans lequel il sera établi des prisons de guerre, chargera un commissaire ordinaire des guerres de leur police.

Art. 26.

« Ce commissaire des guerres sera chargé de recevoir les états de translation, qui lui seront remis par le commandant d'escorte de la gendarmerie nationale, et de lui donner un reçu de la quantité et de la qualité des prisonniers qui auront été amenés par lesdites escortes.

« Il fera payer, sur des extraits de revue, la solde et les appointements aux prisonniers, ainsi qu'il est prescrit par l'article 15 ci-dessus; il visitera souvent les casernes ou maisons qui en tiendront lieu, où seront établis les prisonniers de guerre, ainsi que les lieux où seront renfermés ceux qui n'auront pas joui de la faveur accordée par les articles 7, 8 et 9 de la loi du 5 mai 1792, afin de s'assurer de la salubrité desdits lieux, y maintenir la propreté, et de veiller à la sûreté des bâtiments.

all fera vérifier journellement les prisonniers dans lesdits lieux, par le chirurgien-major de

l'hôpital, et y fera entrer ceux qui se trouveront malades, et qui ne pourront être traités dans la chambre.

« Il portera enfin la surveillance la plus active sur les établissements des prisonniers de guerre. » Mande et ordonne, Sa Majesté, aux généraux d'armées, officiers généraux employés près des troupes, aux commissaires des guerres, et à tous autres officiers qu'il appartiendra, d'exécuter ou faire exécuter le présent règlement, chacun en ce qui le concerne.

<< Fait à Paris, ce 20 juin 1792, l'an IVe de la liberté.

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Signé LOUIS. Et plus bas : LAJARD. »

M. Viénot-Vaublanc. Je demande à faire part à l'Assemblée d'une lettre que j'ai reçue de M. Victor Broglie, maréchal de camp à l'armée du Rhin, et contenant des détails intéressants les différentes troupes qui composent cette armée et une mention particulière des départements des Vosges, de la Meurthe et du Haut-Rhin, pour l'exécution de la loi dite relative à l'organisation des gardes nationales volontaires que du prompt succès qu'elle a procuré.

A cette lettre est jointe une copie de la proclamation du général qui déclare en état de guerre les départements des Haut et Bas-Rhin.

L'Assemblée désire-t-elle que je lui en donne lecture?

Un grand nombre de membres : Lisez! lisez!
M. Viénot-Vaublanc. Voici :

Du quartier général à Haguenau, le 28 juillet 1792.

« Monsieur,

« J'ai reçu hier avec autant de joie que de reconnaissance le décret de l'Assemblée nationale, confirmatif des réquisitions que nous avions faites pour la défense de cette frontière. D'excellents articles donnent une force singulière aux mesures que nous avions déjà prises: l'envoi de fonds en numéraire, la confiance des habitants, telles sont les dispositions dont nous lui sommes redevables, et que nous allons mettre à profit. Déjà les départements des Vosges, de la Meurthe et du Bas-Rhin ont fait les plus grands efforts pour mettre promptement sur pied de nouveaux bataillons volontaires nationaux. Ils nous ont annoncé que tous les citoyens témoignaient le plus grand empressement à marcher à la défense de leurs foyers et que dans fort peu de jours nous aurions des renforts arrivés. Nous faisons de notre côté tous nos efforts pour nous procurer desarmes, pour faire fortifier les retranchements; les troupes sont dans les meilleures dispositions; elles montrent un zèle soutenu, quoiqu'elles aient été forcées de faire des marches pénibles; en les faisant travailler à des ouvrages de fortifications, nous leur évitons l'oisiveté. Mais l'habillement, tant des troupes de ligne, que des volontaires nationaux, est en très mauvais état; il faudrait renoncer enfin à cette régie des habits qui ne fournit rien, et autoriser chaque corps à s'équiper lui-même, mais il faudrait leur donner des fonds pour cela.

« Je désirerais que l'Assemblée nationale donnât aux départements du Haut-Rhin, des Vosges et de la Meurthe, un témoignage dont ils sont bien dignes par leur zèle, leur activité, leur courage et l'ardeur de leurs concitoyens. De telles récompenses sont dignes d'un peuple libre. Nous

éprouvons avec les soldats, avec les volontaires, que l'éloge et le blâme justement appliqués dirigent les esprits dans le sens le plus désirable. (Applaudissements.)

«Je vous envoie copie des réquisitions que nous adressons aux corps administratifs.

Louis-Armand Biron, général de l'armée du Rhin, considérant que les gardes nationales sont en état d'activité permanente, et qu'il importe d'augmenter la force de l'armée destinée à couvrir cette frontière; déclarons que les départements du Haut et Bas-Rhin sont en état de guerre, requérons les corps administratifs et municipalités de tenir le sixième des gardes nationaux prêts à se mettre en marche au premier ordre, de faire réparer tous les fusils qui se trouvent dans les départements, soit qu'ils appartiennent à la nation, soit qu'ils appartiennent aux citoyens, et d'y employer tous les ouvriers en fer qui seront propres à ce travail, lesquelles réparations seront payées à mesure de la présentation des états vérifiés par les experts et par les administrateurs; requérons en outre les corps administratifs d'armer les citoyens qui n'auront pas de fusils, de piques de 12 pieds de longueur, cette arme étant très avantageuse à la guerre, et excellente pour la défense des retranchements; par ce moyen, aucun Français ne sera privé de l'avantage de combattre pour la défense de sa patrie; ils s'assureront en outre de munitions chez tous les marchands qui pourront leur en fournir; ils feront faire le plus grand nombre de cartouches possible, pour les mettre à la disposition des officiers en chef. Lorsqu'un détachement de gardes nationales sera requis comme travailleur, il se pourvoira d'outils, dont la réparation sera payée, et il marchera sous les ordres des officiers et sous-officiers. Lorsque des détachements serviront hors de leur territoire, et autrement que pour le service de patrouille, ils seront soldés comme les autres volontaires nationaux.

a Signé : BIRON, général de l'armée
du Rhin. »
Agréez, etc...

Signé VICTOR BROGLIE, chef d'Etat-
major de l'armée du Rhin. »

(L'Assemblée décrète la mention honorable au procès-verbal du patriotisme des citoyens des trois départements susnommés et du zèle de leurs administrateurs.)

M. Viénot-Vaublane. J'ai à vous donner connaissance encore, Messieurs, du post-scriptum qui se réfère à une autre lettre du maire de Nancy, adressée aux chefs de l'armée du Rhin et leur annonçant que quatre compagnies de volontaires, prêtes à être portées au complet, vont rejoindre l'armée et qu'elles seront bientôt suivies par d'autres qui ne tarderont pas a être levées.

» Faites qu'on appelle vite ces braves gens à leur poste, dit le maire, ils brûlent tous de voler à la défense du pays. »

(L'Assemblée témoigne par de vifs applaud issements la satisfaction que lui donnent ces nouvelles.)

M. Marant. Aussitôt que le conseil général du département des Vosges a reçu la réquisition du général de l'armée du Rhin, il a mis en activité le sixième des gardes nationales; ce sixième se monte à 6,400 hommes pour le département

(Applaudissements), indépendamment des volontaires nationaux qui sont déjà sur les frontières. Le procureur général m'écrit que l'on trouve également chez tous les citoyens du département des Vosges une âme vraiment romaine et que tous s'empressent de partir. (Vifs applaudissements.)

Une députation des employés à la police de súreté des maisons de Bicêtre et de la Salpêtrière est admise à la barre.

L'orateur de la députation demande, au nom de tous ses camara les, à être organisés en gendarmerie nationale à l'instar de celle de Paris, attachée à la garde des prisons.

M. le Président répond à l'orateur et invite la députation aux honneurs de la séance. (L'Assemblée décrète le renvoi de leur pétition au comité militaire.)

M. Lecointre. La municipalité de Melun m'a instruit qu'il y avait dans cette ville un magasin de fourrages dans la plus grande détérioration. J'ai entre les mains le procès-verbal par lequel le commissaire des guerres au département de Seine-et-Marne, sur la dénonciation des officiers municipaux de Melun a constaté la mauvaise qualité des fourrages emmagasinés dans cette commune pour l'approvisionnement militaire et je vais le déposer sur le bureau. Mais auparavant je voudrais profiter de la circonstance pour demander que la commission des armes soit chargée de proposer un mode de surveillance, applicable à la fourniture des vivres et fourrages, dont le ministre de la guerre a approvisionné ou approvisionnera les magasins dans l'arrondissement de quinze lieues de Paris, d'autant que j'ai appris qu'il en était de même à Marly, à Choisy et à Versailles. Il faudrait enfin en finir avec tous ces mensonges des ministres, il me semble que les trahisons multipliées du pouvoir exécutif devraient une bonne fois ouvrir les yeux de la nation.

M. Bréard. Je ne vois pas pourquoi l'on se bornerait à quinze lieues de Paris et je propose par amendement d'étendre cette surveillance à tout le royaume.

(L'Assemblée renvoie la proposition de M. Lecointre et l'amendement de M. Breard à la commission des armes.)

Un de M. les secrétaires donne lecture d'une lettre des administrateurs du département de Paris, qui préviennent l'Assemblée que la distribution les prix de l'Université se fera ce soir à quatre heures dans une des salles de la Sorbonne. Ils prient l'Assemblée d'envoyer la députation qu'elle à promise.

(L'Assemblée décrète de nommer cette députation à l'instant.)

M. Romme. Il y a quelques années que le gouvernement envoya à Naples un détachénient de l'élite de notre artillerie pour y dresser un corps de son arme et l'instruire dans l'art de fondre les boulets à feu. Parmi les officiers de ce détachement sont MM. Pommereuil et Rugi.

On a des preuves certaines, à cette heure, que ce détachement est encore payé par le Trésor public. Je demande que le comité militaire prenne connaissance du fait dénoncé et qu'il fasse incessamment connaître à l'Assemblée nationale :

1° Si le ministre de la guerre continue à faire payer ce détachement;

2o S'il a pris des mesures pour le rappeler en France;

3° Si les individus qui le composent ont prêté le serment civique prescrit par la loi.

Ces renseignements sont d'autant plus dignes d'occuper l'Assemblée, que les dispositions de la cour de Naples ne sont pas sans doute en 1792 ce qu'elles pouvaient être en 1788.

(L'Assemblée charge le pouvoir exécutif de lui rendre, sous huitaine, un compte détaillé à ce sujet.)

M. Romme. Je rappelle à l'Assemblée la demande qu'a faite M. Roland, ci-devant ministre de l'intérieur, par sa lettre du 26 juillet 1792, de la permission de quitter Paris, nonobstant le défaut d'apurement de ses comptes, qui ne dépend pas de lui. Je propose de lui accorder la permission de se retirer chez lui.

M. Richard (Sarthe). Je crois que la proposi tion de M. Romme doit être adoptée et ce serait inutilement que l'on dirait que cela a été refusé à M. Lacoste. Ce n'est certainement pas le même cas. On a refusé à M. Lacoste, parce qu'il ne restait pas en France, parce qu'il allait remplir un poste dans le pays étranger et qu'il échappait par là à la responsabilité à laquelle il s'était soumis. M. Roland, au contraire, ne demande qu'à retourner chez lui. Il reste dans le royaume et l'on pourrait toujours exercer sur lui la responsabilité, s'il était besoin. Je demande que la proposition de M. Romme soit adoptée.

(L'Assemblée, après avoir décrété l'urgence, adopte cette proposition.)

Suit le texte definitif du décret rendu :

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est de sa justice de ne pas prolonger sans cause évidente, et sous prétexte de la simple formalité qu'exige l'apurement d'un compte ministériel, l'état contraire à la liberté où se trouve le ministre qui l'a rendu, par l'effet de la loi générale, à laquelle il a d'ailleurs satisfait autant qu'il dépendait de lui, déclare qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, dispense le sieur Roland, ci-devant ministre de l'intérieur, de la loi qui interdit aux ministres de quitter Paris jusqu'à la reddition et apurement de ses comptes, sauf la responsabilité personnelle, s'il y a lieu, d'après le rapport définitif qu'elle charge son comité de l'examen des comptes de lui faire incessam

ment. »

M. Romme. J'ai encore à demander à l'Assemblée qu'on accorde à M. Roland la pension qu'il a méritée par 36 ans de service dans l'Administration, comme inspecteur des manufactures. Je demande que le comité de liquidation, dont le travail doit être prêt, soit entendu incessamment, car il importe de rendre cette justice à M. Roland.

(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de liquidation.)

M. Crestin, secrétaire, donne lecture d'une lettre adressée par le conseil général du district de Sarrelouis, qui fait part d'un projet d'émigration, tenté par le sieur Pussignan, commandant d'artillerie de cette place, et par l'aumônier du régiment de Schamberg, en garnison dans cette ville. On a trouvé dans le porte-manteau de l'aumônier, plusieurs pièces, telles que des instructions et un brevet de commandant d'artillerie, plus un état des bouches à feu et munitions destinées à la défense de Sarrelouis, dont une

copie, d'ailleurs, est jointe à la lettre. Le juge de paix qui a été saisi de l'affaire a cru devoir envoyer dans la maison d'arrêt le commandant et l'aumônier, et a renvoyé pour les suites de la procédure au tribunal du district.

En terminant, le conseil général annonce que le régiment suisse de Schamberg est dans l'intention d'abandonner son aumônier qui, par cette perfide démarche, aurait pu compromettre le régiment, qui ne peut en aucune manière être inculpé.

Après avoir fait part du grand dénuement de la place, soit comme fonds nécessaires pour les travaux des fortifications, soit par rapport aux approvisionnements de toute espèce en vivres et en outils, il témoigne de ses inquiétudes relativement à la sûreté de la ville, qu'on lui annonce devoir être attaquée le 15 de ce mois.

(L'Assemblée décrète mention honorable au procès-verbal du zèle éclairé des administrateurs du district de Saarlouis, renvoie à son comité de surveillance le fait consigné dans la lettre et quant à l'état joint, elle déclare, sans en permettre la lecture, passer à l'ordre du jour.)

M. Rouyer. Il est à remarquer, Messieurs, que tous les jours les émigrations d'officiers sé multiplient et cependant la Haute-Cour nationale n'a puni encore aucun des traitres. Je pense qu'il serait utile d'établir à la suite des armées des tribunaux qui seraient dispensés de suivre les formes usitées dont la lenteur donne au crime le temps d'échapper à la punition, et je demande le renvoi de ma proposition au comité de législation.

M. Jouffret. Je demande à l'Assemblée la permission de défendre la Haute-Cour contre les inculpations injustes et erronées que le préopinant a portées contre elle. Si la marche des affaires qui lui sont soumises est retardée la faute en est surtout au comité de législation et c'est à lui qu'il faut s'en prendre. Il est une foule de questions que MM. les grands procurateurs lui ont soumises, sur lesquelles les rapports n'ont jamais été déposés; il en est d'autres que l'Assemblée a refusé d'entendre.

M. Hua. Je m'oppose au renvoi sollicité par M. Rouver. J'estime qu'on ne peut priver aucun citoyen du bienfait des nouvelles lois et que tous doivent être également jugés par des jurés. Quant à la Haute-Cour, j'affirme qu'elle est en pleine activité. Elle vient de juger et d'acquitter aujourd'hui les sieurs Varnier, Noirot et Tardy; demain elle jugera le sieur Delattre, et lundi, le sieur Loyauté.

M. Delacroix. Je viens appuyer la motion de M. Rouyer, car ses deux contradicteurs me paraissent ne pas remarquer que la désertion des officiers déserteurs doit être regardée comine un délit militaire. Dans ces conditions il est évident qu'ils échappent à la compétence de la Haute-Cour et que l'établissement, pour le prompt jugement de ces sortes de délits, de tribunaux à la suite des armées s'impose. A mon tour, je demande le renvoi de la proposition aux comités militaire et de législation réunis.

M. Mathieu Dumas. J'observe à l'Assemblée que tout cela est inutile, et il me suffit pour le prouver de rappeler la loi récente qui abrège la forme de procéder à l'instruction des procès dans les cours martiales. Je m'oppose donc au renvoi et je réclame l'ordre du jour motivé sur l'existence de cette loi.

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