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de vos comités de finances de vous proposer les
fonds nécessaires pour en acquitter les dépenses.

D'après les états de situation qui vous ont été remis par le commissaire-administrateur de la caisse de l'extraordinaire, il vous restait encore à disposer, au 21 de ce mois, de 69,719,093 livres sur la création d'assignats que vous avez décrétée le 30 avril; mais cette somme devenant insuffisante pour les nouvelles dépenses et la fabrication d'une partie des assignats que vous jugerez probablement indispensable de créer exigeant des délais assez considérables, jusqu'à ce qu'ils puissent être mis en circulation, il a paru convenable à vos comités de ne pas différer plus longtemps une mesure commandée impérieusement par les circonstances.

Ils ont dû, en même temps, examiner l'hypothèque qu'on peut affecter aux nouveaux assignats dont il s'agit, de la manière la plus avantageuse à leur crédit, et la plus conforme à vos précédentes dispositions.

Qu'il me soit permis, Messieurs, de vous rappeler à ce sujet un article important du rapport qui vous a été fait sur la situation des finances, au premier avril 1792. Vos comités vous disaient, à cette époque, que le produit connu ou présumé des biens nationaux, dont la vente était ou devait être ordonnée, s'élevait à une somme de 2,445,638,237 livres. Vous savez que les assignats créés jusqu'à ce jour ne se montent qu'à 2,400,000,000 livres, et on pourrait en conclure la faculté d'affecter, sur le produit des biens dont il s'agit, l'excédent de 45,638,237 livres à l'hypothèque des nouveaux assignats; mais vos comités ont pensé que cette somme était nécessaire pour faire face aux reconnaissances de liquidation, non encore appelées en remboursement.

Au surplus, Messieurs, vous vous rappellerez aisément, qu'indépendamment du produit des biens nationaux vendus ou à vendre, dont je viens de parler, et dans lesquels les biens connus sous la dénomination de biens ajournés, n'étaient compris que pour 100 millions, vous avez encore pour 400 millions de biens nationaux actuellement possédés par les collèges, les hôpitaux et autres établissements d'instruction et de secours, dont la vente est ajournée.

Au moment du rapport de vos comités de finances, il fut observé que la valeur de ces biens pourrait être nécessaire pour les dépenses de la guerre; et quelques personnes pensent aujourd'hui qu'on devrait vous proposer d'hypothéquer ces différentes valeurs mais on observa dans le temps qu'elles seraient nécessaires pour les frais de l'instruction publique et pour les secours à donner aux pauvres et aux ínfirmes, et vos comités pensent encore que, quels que puissent être les sacrifices qu'exigera la cause que nous avons à défendre, vous voudrez qu'ils soient tous faits par l'opulence, et que vous ne disposerez jamais de cette partie du patrimoine du pauvre, sans avoir pourvu d'une manière certaine à l'entretien des établissements nécessaires à ses besoins.

Les biens des émigrés offriraient, sans doute, un gage plus légitime, mais les discussions insé parables de la liquidation de ces sortes de propriétés nuiraient au crédit des assignats auxquels vous les affecteriez; et vos comités ont pensé que toutes les considérations se réunissent pour vous faire désirer de prévenir cet inconvénient.

Ils croient, au contraire, vous proposer les valeurs les plus disponibles et les plus certaines

dans les maisons des religieuses, les palais cidevant épiscopaux, dont vous venez de décréter la vente, les réserves des bois ecclésiastiques, dont on était dans l'usage de vendre annuellement une certaine partie et enfin ceux des bois épars, dont la dégradation sollicite une prochaine aliénation.

Il serait cependant dangereux de laisser soupçonner que vous n'avez plus à votre disposition les 500 et quelques millions montant de différentes ressources autres que les forêts nationales, qui vous ont été présentées par vos comités, comme pouvant être affectées au remboursement de la dette, et auxquelles vous pourriez peut-être donner une autre destination, si les circonstances devenaient plus impérieuses; elles se composent des bénéfices présumables sur la revente des domaines engagés, de la partie des droits incorporels conservés, des impositions arriérées et des diverses autres créances. Mais plusieurs de ces objets ont présenté à vos comités des caractères qui ont paru devoir les éloigner, au moins quant à présent, d'un emploi, pour lequel le crédit de la monnaie qu'il est question de créer exige la plus grande solidité.

On pourrait encore, Messieurs, vous annoncer des ressources qui paraissent avoir été omises dans les tableaux qui vous furent présentés au mois d'avril. M. Amelot, d'après les renseignements qui lui sont parvenus sur la vente de plusieurs biens nationaux, croit pouvoir vous faire espérer que leur valeur excédera la première évaluation qui en a été faite; mais vos comités, qui ne veulent vous présenter que des résultats certains, se contenteront aujourd'hui de vous proposer les mesures nécessaires pour vous les procurer.

Enfin, Messieurs, lors même que vos comités se voient avec le plus de peine obligés de vous présenter les moyens de fournir à des dépenses dont ils prévoient que le nombre dérangera nécessairement les projets de remboursements qu'ils s'étaient flattés de vous voir réaliser, ils ont du moins la satisfaction de pouvoir vous annoncer encore de grandes ressources. Mais, Messieurs, ils vous conjurent, au nom de la chose publique, de donner désormais quelques instants aux objets les plus importants des finances. Il eût été désirable que toutes vos déterminations en ce genre eussent été prises à l'avance des événements; ce n'est que de cette manière que l'ordre obtient les plus grands avantages sur tout ce qu'il prépare et qu'il commande. Nous marchons à grands pas vers l'année 1793, sans avoir réglé des dépenses dont vous aviez ajourné l'examen au commencement de 1792. Il est cependant indispensable que vos comités aient au moins cette base pour les opérations ultérieures qu'ils pourront juger convenable de vous proposer. Vous aurez peut-être un jour à examiner si, lorsque vous venez d'augmenter la contribution des propriétés foncières, il est juste de laisser subsister la disproportion que l'on observe entre l'imposition du propriétaire et celle du capitaliste. Vous venez déjà de vous occuper des moyens d'atteindre des bénéfices dont l'énormité semble insulter à la modicité du produit des sueurs du cultivateur.

Enfin, Messieurs, vous examinerez si nous devons plus longtemps combattre pour la liberté, sans que ceux qui doivent jouir de ses bienfaits, lui fassent quelques sacrifices. N'est-il pas juste que nous payions quelque chose pour sa défense, lorsque le sang de nos frères est près de couler

pour elle? Permettez-moi, Messieurs, de le répéter, sans cette fausse et ridicule ostentation qui cache presque toujours de la faiblesse, mais avec l'assurance que donne la conviction: la nation française a encore de grandes ressources; et s'il est permis aux citoyens de s'indigner contre les trahisons qui nécessitent leurs sacrifices, j'aperçois dans ses moyens mille raisons de doubler leur courage.

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, considérant la nécessité d'assurer, dès à présent, les moyens de satisfaire aux dépenses qu'exigent les nouvelles mesures à prendre contre les efforts des ennemis de la France, décrète qu'il y a urgence.

Décret définitif.

L'Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités des domaines et finances réunis, et après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit.

« Art. 1er. Il sera créé pour 300 millions d'assignats destinés à fournir, tant aux besoins extraordinaires de la trésorerie nationale, qu'au payement des dépenses de la guerre, et à celui des créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, qui continueront d'être remboursées suivant les formes et dans les teneurs décrétées le 15 mai dernier.

« Art. 2. La présente création sera composée des 100 millious d'assignats de 100 sous, décrétés le 27 juin; de 50 millions d'assignats, dont l'Assemblée nationale décrète la fabrication; de 50 autres millions d'assignats de 100 livres; et finalement de 100 millions d'assignats de 50 livres, qui seront également mis sur-lechamp en fabrication.

«Art. 3. La comptabilité des assignats de la présente création sera soumise aux formalités décrétées pour les précédentes; et chaque coupure desdits assignats sera exécutée suivant les formes et dans les dimensions qui ont déjà eu lieu pour les assignats de même valeur.

Art. 4. Pour atteindre les diverses créations d'assignats, il sera mis de suite en vente jusqu'à concurrence de 200 millions de forêts nationales, d'après les indications des corps administratifs, et suivant les formes qui seront déterminées d'après le rapport que le comité des domaines fera à l'Assemblée.

Art. 5. Dans la première quinzaine du mois d'octobre prochain, pour tout délai, les directoires des districts feront passer au commissaireadministrateur de la caisse de l'extraordinaire un état des biens nationaux vendus et à vendre à l'époque du 1er dudit mois d'octobre; ils seront tenus de se conformer, à cet égard, aux modèles qui leur seront adressés par l'administrateur de ladite caisse de l'extraordinaire.

Art. 6. La circulation des assignats pourra être portée à la somme de deux milliards, et cependant l'Assemblée nationale charge ses comités de finances de lui présenter incessamment un emploi propre à diminuer cette même circulation.

(L'Assemblée décrète l'urgence.)

M. Fouquet, rapporteur, donne lecture de l'article 1er.

Il sera créé pour 300 millions d'assignats destinés à fournir, tant aux besoins extraordi

naires de la trésorerie nationale, qu'au payement des dépenses de la guerre et à celui des créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, qui continueront d'être remboursées suivant les formes et dans les teneurs décrétées le 15 mai dernier. »

M. Amy. Je demande que l'Assemblée décrète que la caisse extraordinaire est autorisée à payer le seizième dû aux municipalités sur la vente des domaines nationaux.

M. Carlier. J'appuie l'amendement, et à cet égard, rien, Messieurs, n'est plus pressant que de statuer sur le payement du seizième dû aux municipalités. Dans mon département plusieurs se sont empressées de consacrer à l'avantage de la chose publique ce seizième; elles ont compté sur la rentrée de ce bénéfice, et dans cette persuasion elles ont fait de grosses dépenses pour y recevoir les volontaires nationaux qui y sont en garnison ou en campement ce serait les décourager que de les laisser plus longtemps sans toucher ce qui leur est si légitimement dû et dont elles ont fait un si bon emploi. J'appuie donc la proposition qui est faite de décréter que le payement de ce seizième ne sera pas plus longtemps retardé.

(L'Assemblée adopte l'article 1er avec l'amendement de M. Amy.)

M. Fouquet, rapporteur, donne lecture des articles 2 et 3 qui sont adoptés sans discussion et de l'article 4 qui est ainsi conçu :

« Pour atteindre les diverses créations d'assignats, il sera mis de suite en vente jusqu'à concurrence de 200 millions de forêts nationales, d'après les indications des corps administratifs et suivant les formes qui seront déterminées d'après le rapport que le comité des domaines fera à l'Assemblée. »

M. Mallarmé. Je m'oppose à la vente des 200 millions de propriétés forestières et je demande l'ajournement de l'article présenté dans le projet du comité. Ce serait le plus grand malheur pour le peuple. J'observe à l'Assemblée, en effet, qu'il est extraordinaire qu'on veuille faire décréter la vente des bois pour une somme aussi forte, sans avoir examiné la question principale de savoir s'il est nécessaire de vendre ou de ne pas vendre ces bois. Il y a très longtemps que cette grande question est à l'ordre du jour, et que les motifs les plus puissants prescrivent au Corps législatif d'y statuer. Il est nécessaire d'épuiser toutes les ressources de l'Empire avant de toucher à cette portion de biens si nécessaires à l'Etat. On ne peut pas dire que nous sommes réduits au point d'aliéner les forêts pour un gage sùr à la nouvelle création des 300 millions dont il s'agit. Personne n'ignore que les décrets relatifs à la vente des palais épiscopaux, les biens des émigrés, la rentrée des domaines engagés ou aliénés indùment, les biens des hôpitaux, l'assiette de l'impôt des champarts, ci-devant ecclésiastiques, et enfin les biens de l'ordre de Malte, si on reconnaît qu'ils sont nationaux, sont des sûretés et des gages suffisants pour la création dont il est question. En un mot, l'Assemblée ne doit pas perdre de vue que l'aliénation de toutes les forêts indistinctement serait le plus grand mal possible. J'affirme que cette portion territoriale doit rester dans la main de la nation et je persiste à demander l'ajourne

ment.

M. Cambon. Messieurs, rien n'est plus néces

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Les comités estiment que la vente des palais épiscopaux produira 15 à 20 millions au plus. Les biens des congrégations régulières entrant pour 100 millions dans le bilan d'avril, nous présentaient le gage de 2 milliards 445 millions.

Quant à l'ordre de Malte, pourquoi ne vous en occupiez-vous pas, il y a quatre mois? Au reste, soyez assurés qu'avec ces 300 millions vous n'irez pas jusqu'à la fin de la législature. Les biens de Malte seront, en attendant, vendus, et ils serviront d'hypothèque à une autre création. Les comités ont pensé qu'il fallait distinguer les forêts utiles, de certaines parties qui, laissées en bois, ne produisent presque rien. Ce ne sera que d'après l'avis des administrations de district et de département que les forêts de cette espèce seront vendues.

Voilà en quelques mots le bilan que nous avons formé au comité et que nous vous aurions communiqué, si à chaque fois que nous avons voulu vous faire connaître nos vues, nous avions pu trouver une place à l'ordre du jour. M. Bouestard, d'ailleurs, va vous faire part des idées dont il a entretenu le comité des finances avec qui il s'est entretenu et concerté.

M. Bouestard. Messieurs, il est prouvé et reconnu par le comité des secours que les biens des hôpitaux produisent aujourd'hui 25 millions. Le comité des secours a calculé qu'en mettant le fonds de ces 25 millions en vente, la nation pouvait espérer d'en tirer à peu près 800 millions.

Je n'entrerai point dans les détails; nous disons, nous, membres du comité des secours, la nation en ce moment a besoin de fonds, le comité des secours vous propose de décréter l'aliénation des biens des hôpitaux. Nous calculons que ces biens étant vendus, produiront 800 millions; disposez-en, nous mettons dans l'instant 800 millions en votre disposition, par là vous diminuez la masse des suppléments de secours que vous serez obligés de donner à vos indigents, et nous épargnons vos forêts; parce que si nous vous remettons entre les mains 800 millions, comme c'est la portion des biens la plus sacrée qui puisse rester à la nation, nous vous demanderons que vous nous conserviez une hypothèque sur les forêts nationales, équivalente à la somme que nous vous aurons fournie.

M. Loysel. Les forêts nationales alimentent l'industrie de nos départements du Nord; elles sont la ressource du peuple. Je demande qu'on n'en aliène pas la moindre parcelle, sinon la partie dont la conservation est trop onéreuse à la nation, à cause de leur division en trop petites masses; mais il faudrait d'abord dresser le tableau de ces biens, sans quoi cette ressource ne sera pas plus certaine que les autres. Au reste, n'avons-nous pas une ressource dans les 25 millions de la liste civile?

M. Crestin. Vous voyez que les ressources ne vous manquent pas. Il ne s'agit que de se décider dans le choix. Je demande que vous ordonniez la fabrication de 300 millions d'assi

gnats, dont vous aurez besoin, et que vous ajourniez votre détermination sur le gage que vous leur déterminez.

M. Tartanac. Il ne s'agit ici de l'aliénation que d'un dixième de vos propriétés forestières. C'est la ressource la plus sûre, celle dont la vente sera plus prompte. Lorsqu'on discuta, il y a quelques mois, la question de l'aliénation totale des forêts, tous ceux qui la combattaient, convenaient cependant qu'il serait avantageux d'aliéner ces petites masses de bois dont la conservation ne pourrait être que très onéreuse. Et lorsqu'on vous propose aujourd'hui de faire servir cette portion de garantie à une création instante d'assignats, n'est-il pas étonnant qu'on entende ici le cri de quelques intérêts particuliers, et que des membres viennent vous dire que cette vente mécontentera les habitants de quelques départements, qui exercent leur industrie sur la dilapidation de ces forêts?

M. Rougier-La-Bergerie. Depuis qu'on a mis en question la vente des forêts, les municipalités négligent leur entretien et leur conservation; il est important que l'Assemblée décide promptement cette question.

M. Carret. La question sur l'aliénation des forêts demandera une discussion approfondie.

M. Fouquet, rapporteur. Messieurs, je supplie l'Assemblée de me permettre quelques observations. Lorsque vos trois comités se sont réunis pour nous indiquer l'hypothèque la plus convenable aux 300 millions qu'ils vous proposent de décréter, ils ont bien fait attention qu'ils ne devaient pas proposer l'aliénation des forêts nationales, que l'Assemblée a toujours manifesté l'intention de conserver; mais dans les discussions qui ont eu lieu à ce sujet, il a été reconnu qu'il existait au moins pour une somme de 200 millions de forêts nationales, que non seulement il était convenable d'hypothéquer à cet objet-là, mais qu'il était important de vendre.

Il n'y a personne de nous qui ne sache que, dans nos différents départements, il existe des bois épars. Ce sont là les seules parties de bois que votre comité a eu l'intention de vous proposer d'aliéner. Si vous exigiez, Messieurs, que je remontasse aux différentes discussions qui ont eu lieu à ce sujet, je crois que l'Assemblée se réunirait pour convenir qu'il est indispensable de vendre ces parties de forêts.

Je vais, Messieurs, vous dire ce qui s'est passé relativement à la rédaction de cet article, et pour lequel quelques personnes ont prétendu que c'était une perfidie de la part des comités de finances. Voici comment l'article était conçu :

« Art. 4. Ils seront affectés sur les maisons religieuses, les palais ci-devant épiscopaux dont la vente a été décrétée le 19 juillet dernier; les quarts de réserve des bois ci-devant ecclésiastiques susceptibles d'être vendus; et autres bois épars qui pourraient l'être également, d'après l'avis des corps administratifs, et suivant les formes que le comité des domaines sera tenu de présenter incessamment à l'Assemblée nationale. >>

Vous voyez, Messieurs, dans cette rédaction, que l'intention manifeste de vos comités est de ne point vendre nos forêts nationales. Mais, Messieurs, on a observé à ce sujet que la détermination de l'hypothèque n'était pas suffisante dans cette rédaction-là. Vos comités ont pensé que dans les circonstances où nous nous trouvons, dans le moment où toutes les dépenses

augmentent successivement, il était indispensable que le gage que vous affecteriez à vos assignats en déterminât le crédit, d'une manière positive. D'après cela on a dit : il est nécessaire, au lieu de laisser la somme indéterminée dé ces mêmes bois nationaux, de décréter qu'il en sera vendu pour une somme de 200 millions. Encore, Messieurs, comment cette vente doitelle être faite ? Elle ne doit l'être que d'après l'avis des corps administratifs, qui doivent indiquer les bois qu'il est convenable de vendre. Je demande donc que l'Assemblée soit consultée sur la priorité à accorder, ou à l'article qui avait été proposé dans le projet, ou à l'article que je vous ai lu d'abord.

M. Juéry. Messieurs, le rapporteur s'est mal expliqué dans la rédaction de l'article. Il n'a jamais été question, aux comités des domaines et des finances réunis, de vendre les quarts de réserve, mais seulement la superficie des quarts de réserve; et en mettant dans le projet de décret le mot de superficie, vous n'auriez plus de difficultés. La différence est que vous aurez en futaie et en quarts de réserve plus de 600,000 arpents à vendre. Il paraît même démontré à vos comités que, dans six années, le produit des superficies sera en état de remplir les 300 millions d'assignats qu'on vous demande. Je demande donc, à l'égard des quarts de réserve, qu'on mette superficies.

Quant aux bois épars, je vous observerai que plusieurs départements et entre autres le département du Cantal, ont demandé la vente de leurs bois. Alors, Messieurs, vos deux comités ont cru servir les vues des départements. Il serait impossible même de déterminer aucune autre vente que celle-là, parce qu'à moins de pouvoir statuer sur la vente des forêts nationales, il faut que vous ayez réservé les droits des usagers. Le produit des superficies des quarts de réserve nous donnera une somme considérable dans cette année, où on est présentement à faire la coupe. Voilà l'objet principal sur lequel il faut que porte la discussion de l'Assemblée.

Je demande qu'on mette dans l'article la superficie des quarts de réserve.

M. Cambon. Il y a un défaut dans cette rédaction qui peut-être n'est pas aperçu de l'Assemblée. Elle ne doit pas faire une ligne de démarcation entre les 300 millions à faire, et les 2 milliards 400 millions qui sont faits, c'est ce qu'il faut bien expliquer à l'Assemblée. Car les 2 millards 400 millions qui ont été créés, de quelque création qu'ils soient, sont reçus en payement des domaines nationaux, et annulés lorsqu'ils rentrent dans la caisse de l'extraordinaire, et par la rédaction qu'on vous propose vous faites une ligne de démarcation entre les 300 millions et les 2 milliards 400 millions; dès lors, vous avez dans la circulation deux papiersmonnaies qui se croisent mutuellement. Vos comités ont dit qu'est-ce qu'il faut faire pour donner du crédit aux assignats? Il faut faire voir à toute la France que ce ne sera qu'une même création et il faut le rédiger de manière que ce ne soit qu'une même creation comme nous avons fait une création de 2 millards 400 millions, ou de 2 milliards 445 millions. Il faudra, comme toute la France le désire, connaitre quel est leur état et alors sans distinguer l'hypothèque sur les maisons épiscopales, nous l'avons exprimé dans un considerant pour que toute la France eùt présent le gage de cette nouvelle

création. Nous avons dit, par le considérant, que la vente de la coupe du quart de réserve était affectée au remboursement de la nouvelle création. Nous y avons mis la vente présumée des maisons religieuses, parce que nous avons voulu donner un gage certain, et alors si vous voulez rédiger l'article 4, en rédigeant le considérant, sans mentionner la somme, vous devez dire: il sera mis en vente les portions de bois épars, d'après l'avis des corps administratifs et d'après les formes qui auront été décrétées par l'Assemblée nationale.

(L'Assemblée adopte l'article 4, avec les amendements de M. Cambon et de M. Juéry.)

M. Fouquet, rapporteur, donne lecture des articles 5 et 6 qui sont adoptés sans discussion. Un membre propose l'article additionnel suivant :

« Le délai accordé aux possesseurs des reconnaissances de liquidation pour être employés au payement des biens nationaux, fixé au 1er août 1792 par le décret du 22 juin dernier, demeure prorogé jusqu'au 1er octobre prochain. »

(L'Assemblée adopte cet article, qui devient l'article 7 du décret.)

Suit le texte définitif du décret rendu :

"

L'Assemblée nationale, considérant la nécessité d'assurer, dès à présent, les moyens de satisfaire aux dépenses qu'exigent les nouvelles mesures à prendre contre les efforts des ennemis de la France; considérant que pour maintenir le crédit des assignats il faut donner à leur gage une augmentation proportionnée à celle de leur création: considérant que ce gage qui, suivant les états arrêtés par l'Assemblée nationale, au mois d'avril dernier, se montait à la somme de 2,445,638,237 livres, a été augmenté depuis cette époque par le produit des palais épiscopaux, dont la vente à été décrétée le 19 juillet aussi dernier, qu'il sera encore augmenté par la vente prochaine des maisons des religieuses et par le produit de la coupe des quarts de réserve et futaies faisant partie des bois cidevant ecclésiastiques, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète ce qui suit:

Art. 1er.

« Il sera créé pour 300 millions d'assignats destinés à fournir, tant aux besoins extraordinaires de la trésorerie nationale, qu'au payement des dépenses de la guerre et à celui des créances liquidées au-dessous de 10,000 livres, qui continueront d'être remboursées suivant les formes et dans les termes décrétés le 15 mai dernier; continueront également d'être remboursés les seizièmes dus aux municipalités pour acquisitions de biens nationaux; et ce, d'après les lois rendues suivant les formes qui ont eu lieu jusqu'à ce jour.

Art. 2.

La présente création sera composée des 100 millions d'assignats de 5 livres décrétés le 27 juin; de 50 millions d'assignats de même somme, dont l'Assemblée nationale décrète la fabrication; de 50 autres millions d'assignats de 100 livres; et finalement, de 100 millions d'assignats de 50 livres qui seront également mis en fabrication.

Art. 3.

« La comptabilité des assignats de la présente création sera soumise aux formalités décrétées pour les précédentes et chaque coupure desdits assignats sera exécutée suivant les formes et dans les dimensions qui ont déjà eu lieu pour les assignats de même valeur.

Art. 4.

« Pour atteindre le montant des diverses créations d'assignats, il sera mis en vente, indépendamment des palais épiscopaux et autres biens dont la vente est décrétée, les maisons actuellement occupées par les religieuses, la coupe des quarts de réserve et futaies faisant partie des bois ci-devant ecclésiastiques, et le fonds des bois épars qui, d'après l'avis des corps adminis tratifs, pourront être vendus; l'Assemblée chargeant son comité des domaines de lui faire un rapport, à l'effet, par elle, de déterminer le mode et les formes desdites ventes.

Art. 5.

« Dans la première quinzaine du mois d'octobre prochain, pour tout délai, les directoires des districts feront passer au commissaire-administrateur de la caisse de l'extraordinaire un état des biens nationaux vendus et à vendre à l'époque du 1er dudit mois d'octobre: ils seront tenus de se conformer, à cet égard, aux modèles qui leur seront adressés par l'administrateur de ladite caisse de l'extraordinaire.

Art. 6.

« La circulation des assignats pourra être portée à la somme de 2 milliards et cependant f'Assemblée nationale charge ses comités de finances de lui présenter incessamment un emploi propre à diminuer cette même circulation.

Art. 7.

« Le délai accordé aux possesseurs de reconnaissances de liquidation pour les employer au payement des biens nationaux, et fixé au 1er août 1792, par l'article 1er du décret du 27 juin dernier, demeure prorogé jusqu'au 1er octobre prochain. »

M. le Président. Je viens de recevoir une lettre de plusieurs citoyens, se disant fédérés des 83 départements, qui demandent à être admis à la barre.

Plusieurs membres Il n'y a plus de fédérés à Paris; ils sont ou doivent être sur les frontières ! M. le Président. Voici la lettre :

Monsieur le Président,

« Des fédérés des 83 départements, réunis dans la capitale, vous supplient de les admettre à la barre de l'Assemblée pour lui lire une adresse de quatre lignes sur les inculpations qui leur ont été faites sur l'événement de la journée d'hier. »> (Applaudissements des tribunes.)

M. Amy. Ils s'en défendront devant les tribunaux. Je demande l'ordre du jour.

(L'Assemblée ordonne que les fédérés seront admis.)

(Ils sont introduits à la barre.)

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Représentants du peuple, des hommes vraiment libres ne sont pas faits pour être des assassins. Nous laissons ce vil emploi aux valets du château des Tuileries. Les ci-devant gardes du roi payés par la liste civile pénètrent jusque dans nos rangs pour y semer la division. Ils veulent armer contre nous la garde parisienne. Ils se revêtissent de l'habit national, se dispersent dans les bataillons et cherchent les moyens d'allumer la guerre civile. Non, non ils se trompent; les Scévola ne se laisseront point égarer par des infâmes conspirateurs. Nous connaissons nos droits et nos devoirs. Nous ne dégraderons pas la souveraineté nationale; mais nous userons de toute notre énergie pour résister à l'oppression. « Législateurs, nous venons vous demander de mettre à exécution votre décret qui ordonne le licenciement de l'état-major de la garde nationale parisienne, et de vous faire présenter les registres de la ci-devant garde du roi, pour qu'ils soient absolument exclus de cette même garde parisienne. » (Applaudissements.)

M. le Président. L'Assemblé nationale fera examiner votre pétition et vous admet aux honneurs de la séance.

(Ils entrent.)

M. le Président. D'autres citoyens de plusieurs sections de Paris demandent également à être admis à la barre. Voici leur lettre :

« Monsieur le Président,

Des citoyens de la capitale, de différents bataillons de la garde nationale, réunis au nombre fixé par la loi, demandent à lire à l'Assemblée nationale une pétition fort courte au nom d'un très grand nombre de citoyens. Cette pétition est relative à l'arrivée des Marseillais et aux événements qui ont eu lieu aux ChampsElysées. "

"

Plusieurs membres Admis! (Ils sont introduits.)

L'orateur de la députation s'exprime ainsi : Législateurs, la conduite des soldats citoyens de la garde nationale parisienne, qui se sont réunis hier fraternellement aux Champs-Elysées, a été calomniée. Nous attestons d'avance, et sous la foi du serment le plus sacré, que l'instruction juridique mettra dans le plus grand jour le crime affreux de ceux qui ont trompé les Marseillais et le peuple, auxquels on a fait verser le sang de leurs frères. Les Marseillais sont encore réunis en armes devons-nous abandonner nos propriétés et notre existence? Devons-nous, sous le régime de la Constitution, attendre les horreurs de la guerre civile ? ou devons-nous rester fidèles au serment que nous avons fait de vivre libres ou de mourir (Murmures des tribunes.), serment que nous avons fait de bien bon cœur, devons-nous rappeler que c'est aussi à notre courage que l'Assemblée constituante a remis le dépôt de la Constitution?

« Législateurs, l'héroïsme de la patience et de la fraternité, dont la garde nationale parisienne n'a cessé de donner l'exemple depuis le commencement de la Révolution, peut avoir ses bornes. Nous venons demander l'éloignement des Marseillais....

Plusieurs membres (à gauche): Ah! ah!
Un grand nombre de membres : Oui! oui!
L'orateur: ... « des Marseillais dont l'arrivée

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