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La poste aux lettres et la poste aux chevaux étaient administrées avant la Révolution par les intendants des postes; les messageries l'étaient par un intendant des finances.

Ces divers intendants ont été supprimés par l'Assemblée constituante; elle a rassemblé les trois parties sous l'administration d'un directoire des postes, composé d'un président et de quatre administrateurs.

Mais il y a ceci de remarquable. Relativement à la poste aux lettres et à la poste aux chevaux, le directoire des postes a véritablement et pleinement l'administration, puisqu'il dirige les mouvements et les opérations; au lieu que les messageries étant en ferme, il n'exerce à leur égard qu'une simple surveillance, afin de les rappeler à la loi, en cas qu'elles s'en écartent.

Je vais, Messieurs, vous faire parcourir successivement ces trois parties, vous rappeler ce que l'Assemblée constituante a fait pour chacune d'elles, vous mettre sous les yeux les parties sur lesquelles elle n'a pas prononcé, vous proposer les changements qui me paraîtront utiles, en un mot appeler votre attention sur tous les objets que je croirai dignes de la fixer. Je commence par la poste aux lettres.

Poste aux lettres.

La poste aux lettres, qui sert de moyen aux doux épanchements de l'amitié, de correspondance pour le commerce et pour les affaires, est aussi l'un des plus puissants agents du gouvernement, lorsqu'il embrasse dans sa surveillance les grands objets du bien public, lorsqu'il étend son service et distribue les ordres sur les différents points de la surface de l'Empire.

Des fonctions aussi vastes indiquent déjà quels sont les détails de cette Administration.

Il suffit d'en connaître l'objet pour imaginer la nécessité d'un corps administratif central, où viennent aboutir toutes les opérations, pour imaginer la nécessité d'un grand nombre de commis attachés à ce corps administratif, la nécessité de correspondants établis dans la plupart des villes, et des officiers particuliers destinés à surveiller le service.

C'était ainsi que l'ancien régime avait luimême organisé cette partie. Les anciens intendants servaient de point central avec leurs bureaux, les directeurs des postes dans les villes étaient leurs correspondants, et une multitude d'officiers de toutes dénominations surveillaient le service.

Le vice était moins dans l'organisation de cette partie, que dans l'énormité de la dépense et le choix des sujets. Avec les craintes et les soupçons qui avaient inspiré l'idée de violer le secret des lettres, on ne pouvait se passer d'hommes assez vils pour se prêter à cette infamie; de là, sans doute, et les 300,000 livres affectées à cette affreuse opération, et l'attribution excessive des intendants, et leurs appointements ou rétributions de 4 à 500,000 livres. C'est ainsi que l'ancien régime était parvenu à avilir l'une des plus belles institutions qui aient honoré l'esprit humain.

L'Assemblée constituante, qui a trouvé les choses en cet état, y a porté l'esprit de réforme qui l'animait contre tous les abus; elle a supprimé les intendants des postes et leurs appointements excessifs; elle leur a substitué le directoire des postes dont je vous ai parlé; elle a réduit le traitement de tous les membres de ce

directoire à 80,000 livres, 20,000 au président, et 15,000 livres à chacun des administrateurs; elle a même réduit à 30,600 livres la dépense des bureaux, de 75,000 livres qu'elle était sous les anciens intendants des postes; finalement elle a supprimé les 300,000 livres destinées à la violation du secret des lettres.

Voilà, Messieurs, à quoi se réduisent en cette partie les changements utiles faits par l'Assemblée constituante. C'est, comme je l'ai dit, poser les principes, sans suivre les détails.

Mais elle a dégradé elle-même son propre cuvrage, lorsqu'elle a ordonné de choisir les membres du directcire qu'elle venait de créer, parmi les anciens administrateurs ou fermiers des postes. De cette façon, jusqu'au changement ordonné sous le ministère de M. Clavière, nous n'avons eu que les mêmes sujets avec le titre d'administrateurs au lieu de celui de fermiers; et vous allez voir que les conséquences en ont été funestes à la chose publique.

En effet, si les fermiers des postes, devenus administrateurs, ont éprouvé une réduction des dix-neuf vingtièmes de leurs salaires; si l'intendant, leur chef, a cessé d'avoir la commission d'exercer une odieuse vigilance sur le secret des correspondances les plus intimes, ils n'en sont restés que plus fortement attachés à la cour, à cette cour à laquelle paraissent toujours tenir nos ennemis. On dirait, en suivant leur conduite, qu'ils ne croyaient pas à la Révolution, et qu'ils avaient résolu de ne rien avancer, crainte d'y contribuer.

Voici les preuves de ce que je viens d'avancer: 1o Les mêmes sujets de plaintes qui existaient autrefois contre eux, n'ont cessé d'importuner le ministère depuis qu'ils ont été administrateurs, et souvent de graves; beaucoup de paquets ont été perdus ou égarés, surtout ceux qui contenaient des assignats.

2o lls connaissaient la liste scandaleuse des personnes qui jouissaient des contre-seings, et ils ont laissé cet abus subsister jusqu'à leurs successeurs qui vous l'ont fait dénoncer par M. Clavière.

3° Ils n'ignoraient pas davantage que leurs successeurs la parfaite inutilité des deux places de contrôleurs généraux des postes, et ils ont laissé encore aux administrateurs actuels le mé rite de vous en prévenir par M. Roland, alors ministre de l'intérieur.

Vous jugerez de l'inutilité de ces places, lorsque vous saurez qu'elles étaient destinées à des hommes en faveur, et qu'elles n'avaient aucune fonction nécessaire. Ces contrôleurs généraux n'étaient institués que pour mettre un visa sur les brevets accordés aux nouveaux maîtres des postes, quand ils venaient à changer. Ainsi, deux citoyens obtenaient chaque année un traitement de 6,000 livres pour écrire quarante ou cinquante fois la formule qui suit: contrôlé par nous, contrôleur général des postes. On ne pouvait gagner plus à sa commodité de forts appointements, et le directoire Richebourg n'en avertissait pas l'Assemblée nationale.

4° Ceci est plus important: l'article 4 de la loi du 29 août 1790 ordonne au pouvoir exécutif de fournir des instructions, d'après lesquelles il sera procédé par le Corps législatif à la rectification du tarif, à celle des règlements et usages des postes, des traités avec les offices des postes étrangères, de l'organisation actuelle des postes aux lettres, el des postes aux chevaux, aux nouveaux établissements relatifs à la nouvelle division actuelle du royaume

et à ceux que sollicile le commerce, enfin aux améliorations et aux économies dont ces différents services sont susceptibles.

De ces opérations ordonnées au pouvoir exécutif, c'est-à-dire aux administrateurs des postes, qu'ont fait les anciens intendants jusqu'en mars 1792, qu'ils sont restés en place depuis la loi promulguée? Dans l'espace de 19 mois ils ont seulement réformé, c'est-à-dire regrossi d'à peu près un quart l'ancien tarif de 1759; ils ont indiqué les points de centre en chaque département, afin de régler les prix d'un lieu à l'autre ; ils ont fait rédiger une carte où ces points de centre sont marqués, et un tableau interprétatif des points de centre en 6,889 cases; et sur ces renseignements a été donnée la loi du 12 septembre 1791, qui ordonne un bureau particulier en chaque département, à l'effet de detaxer les paquets qui donneraient lieu à des réclamations. Voilà tout ce que les anciens administrateurs des postes ont fait dans les 19 mois qu'ils sont restés dans le directoire (1).

Mais ils n'ont fourni aucune instruction au sujet des directeurs des postes, leurs anciens correspondants dans les villes. Ils craignaient sans doute d'éclairer l'Assemblée nationale, qui, en organisant cette partie, aurait pu chercher les moyens d'assurer le secret des lettres, et de mettre en même temps des bornes à la circulation des pamphlets contre-révolutionnaires dont la France a été inondée.

Je ne vois pas non plus que les anciens membres du directoire des postes aient pris aucun soin pour donner au Corps législatif connaissance des moyens de bien organiser la partie de leurs préposés destinés à surveiller le service; au contraire, je sais, et cela est très criminel de leur part, qu'ils ont trouvé douze contrôleurs occupes au service, lesquels contrôleurs étaient supprimés par l'article 2 de la loi du 8 août 1790; et ils ont, je ne dis pas, simplement continué le service de ces douze places supprimées, je ne leur en ferais pas un crime, parce qu'elles étaient nécessaires ou du moins très utiles pour entretenir le cours de l'établissement; mais ils ont, de leur chef, sans autorisation du Corps législatif, ni d'aucun pouvoir constitué quelconque, augmenté le nombre de ces places, et ils les ont portées à quarante-trois.

Cette augmentation de places ne laisse pas d'être intéressante. Celles-ci ne dérogent en rien aux autres qui sont à la nomination du pouvoir exécutif. On leur attribue 2,500 livres d'appointements, et 1,200 livres de gratification après deux tournées que l'on exige de chacun de ces contrôleurs. Cela élève cependant la dépense de 44,400 livres à 159,100 livres.

Une autre partie, que les anciens administrateurs vous ont laissée à organiser, est celle des nouveaux établissements relatifs à la nouvelle organisation du royaume, et à ceux que sollicite le commerce. Je ne m'en étonne pas! En effet, des hommes attachés à l'ancien régime, et par

(1) Les anciens administrateurs du directoire n'ont pas même satisfait entièrement au décret, comme on pourrait le croire ici: si la carte des points de centre est faite, ainsi que le tableau de 6,889 cases, ils n'exis tent encore qu'au bureau du ministre et aux archives de l'Assemblée nationale. Du reste, les bureaux décrétés pour décharger les lettres trop taxées n'ont été établis qu'en 43 départements par les anciens administrateurs. Le nouveau directoire a achevé cette opération.

conséquent à l'ancienne division du royaume par province, n'allaient pas se fatiguer à un travail pour une division par départements, à l'existence de laquelle ils ne croyaient peut-être pas. Aussi à peine ont-ils laissé quelques notes à leurs successeurs, quatre mois après l'époque qui leur avait été indiquée pour mettre tout en activité.

Il vous reste donc (c'est la conclusion de ce que j'ai eu l'honneur de vous exposer jusqu'ici, Messieurs), il vous reste donc en cette partie relative à la poste aux lettres: 1° à supprimer les deux places de contrôleurs généraux des postes que M. Roland vint vous dénoncer pendant la durée de son ministère, et sur lesquelles vous avez renvoyé à votre comité de l'ordinaire des finances, sans avoir prononcé postérieurement; 2° vous avez à presser le directoire des postes de vous fournir les instructions nécessaires pour que vous soyez à lieu de décréter les nouveaux établissements relatifs à la nouvelle division du royaume, et à ceux que sollicite le commerce, les instructions nécessaires pour décréter l'organisation des directeurs, un mode d'élection ou de nomination pour eux, et regler leur salaire; il en sera la même chose du nombre, du traitement et de la dénomination des agents destinés à surveiller le service, et qui, quoique supprimés, opèrent à présent avec la qualité de contrôleurs des postes.

Je termine cet article de la poste aux lettres par deux observations relatives à l'organisation des directeurs des postes, et à celle des agents destinés à les surveiller.

En ce qui concerne les directeurs, j'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée que leurs traitements actuels seront presque tous dans le cas d'être augmentés, parce que l'ancien régime avait considérablement réduit leurs fixations, au moyen des priviléges qu'il leur accordait, lesquels priviléges ont été supprimés sans qu'on y ait pourvu par aucune indemnité. Le directoire des postes a un travail prêt à vous présenter à ce sujet (1).

Pour les places de ceux qui surveilleront le service, ils seront des espèces d'inspecteurs dont il est impossible de se passer, attendu qu'il est beaucoup de retours par lesquels il y a un moyen de tromper la nation, et qu'on ne s'en aperçoit qu'en comparant les résultats de plusieurs directions les uns avec les autres. Mais si l'on ne peut se passer d'agents surveillants, mon avis sera d'en borner le nombre, et de leur adjoindre les corps administratifs, auxquels on fournira un mémoire instructif sur les principaux points qui devront fixer leur attention. Je ne vous parlerai point ici, Messieurs, des frais du service de la poste aux lettres, qui est en régie. J'aurai, par la suite, occasion de vous en entretenir, en vous proposant de mettre également les messageries en régie. J'abandonne donc cet article, et je passe à la poste aux che

vaux.

Poste aux chevaux.

Dans un royaume que sa position_rend le centre des rapports commerciaux des Etats qui

(1) La succession aux piaces de directeurs pour les femmes et pour les enfants, était aussi sous l'ancien régime un motif de se contenter de faibles appointements. Aujourd'hui, l'avancement graduel ne permet plus cette economie.

l'environnent, dans lequel la varieté du sol, la diversite des cultures, et mille accidents locaux multiplient les difficultés, un des plus utiles et des plus beaux établissements à former, était celui qui devait procurer des moyens sùrs et commodes pour la circulation intérieure, et sans cesse renouveler ces avantages en raison des besoins.

La poste aux chevaux qui consiste dans les relais établis sur les differentes routes, doit son existence à ces hautes considérations, et elle rempli son objet. Elle accélère la course du militaire qui vole à la defense de la patrie, de l'étranger que ses spéculations ou la curiosite attirent en France, du citoyen que ses affaires ou son commerce appellent subitement à des distances éloignees de sa demeure; tous ont l'avantage de trouver, de relais en relais, des chevaux toujours prêts à partir à toute heure, de tous côtes, quelle que soit leur destination sur les grandes routes. Le prix est modére, il est uniforme pour tous les lieux du royaume, pour toutes les saisons de l'annee; le tout est soumis à une police active, dirigee pour l'avantage des voyageurs.

L'ancien régime avait attaché de grands privileges à l'importance d'un pareil service, qui d'ailleurs était appliqué à vil prix (10 francs par cheval par poste) au transport des malles sur les principales routes, sans parler de l'assujettissement à des corvees extraordinaires, soit aux voyages de la cour, soit aux caprices des intendants des postes ou de leurs préposes.

L'organisation de cette partie, Messieurs, n'est pas du tout faite; et la laute en est encore aux anciens administrateurs, qui n'ont pas fourni les instructions demandées au pouvoir exécutif.

Ce qui toucherait le plus à l'organisation, serait la disposition de l'article 3 de la poste aux chevaux, de la loi du 29 août 1790, qui porte que les maîtres de poste aux chevaux continueront d'être pourvus de brevets du roi, pour faire le service qui leur a été attribué jusqu'à ce jour, aux charges et conditions décrétées.

Mais je me persuade, Messieurs, que ce premier point d'organisation sera ce que vous commencer par détruire. Que sous l'ancien régime il y avait eu des brevets du roi attaches aux fonctions les plus inutiles et quelquefois les plus bizarres, comme les intendants de la garde robe de la reine, de Madame, etc.; à la bonne heure le nom du roi imprimait à ces places un caractère d'honneur; et alors il était raisonnable d'ériger en brevets les maîtres des postes aux chevaux, dont l'utilité générale était reconnue mais le règne de la liberté doit avoir dissipé ces prestiges; et rappelant les choses au point de la vérité, je ne vois pas qu'il soit besoin d'un brevet du roi, pour un maître de poste aux chevaux, Ce maître de poste n'est réellement qu'un citoyen qui a formé l'entreprise, aux conditions qui lui ont été accordées, ou qui lui ont été imposées et au prix qui lui a ete fixé, de tenir à son relais le nombre de chevaux nécessaire au service du public et à celui des malles, sur les routes où il est chargé. Le seul titre qu'il est raisonnable de lui accorder, est celui d'entrepreneur du relais de tel passage ou de telle ville.

Respectivement à ces maîtres de postes aux chevaux, outre l'organisation à décréter, vous aurez à régler l'indemnité qui leur est due à raison de la suppression des priviléges. Un premier décret l'avait réglée à 30 livres par che

val, provisoirement et pour un temps fixé; mais le 16 mars 1791, Assemblee constituante est revenue d'elle-meme sur cet objet; et persuadee que cette indemnite n'etait pas une bonne mesure, elle chargea son comité des finances de lui en faire un nouveau rapport, dans le mois d'avril suivant. Ce rapport n'a point eu lieu du temps de l'Assemblée constituante; il n'a paru qu'en dernier lieu, lorsque les administrateurs actuels ont proposé les nouvelles bases.

Du reste, ces nouvelles bases exprimées dans le rapport qui a eté distribue, ne me semblent pas admissibles. Elles tendent à accorder 450 livres par relais, mode uniforme qui ne peut être juste, attendu la difference d'un relais à l'autre, dans les prix des chevaux, des fourrages, de la difficulté du service par la rencontre des montagnes, des sables ou autres accidents locaux. Je croirais preferable de regler les indemnités par des adjudications au rabais, en fixant un maximum pour chaque relais, suivant les connaissances que l'expérience a pu procurer. Mais je me hâte d'arriver aux messageries.

Messageries.

De même que la poste aux lettres est destinée à faire circuler les lettres et paquets, les messageries ont pour objet de faire circuler les effets, marchandises et ballots qui leur sont contiés. Elles se chargent aussi du transport des per

sonnes.

Elles ont ceci de commun avec la poste aux lettres, qu'elles ont à peu près les mêmes directons, leurs départs et leurs arrivees fixes, un tarif régle sur le poids des chargements combine avec la distance des transports, et ce tarif reglé uniformément pour tous les lieux de la France, comme pour toutes les saisons; enfin, de même qu'il en a été decidé à l'egard de la poste aux lettres, il doit être formé par les messageries de nouvelles communications sur les routes de correspondance, sur les nouvelles grandes routes, à mesure qu'elles s'achèveront et en genéral sur toutes les routes qui en seront susceptibles.

Les décrets de l'Asemblée constituante ajoutent à ces bienfaits envers la nation, l'article 4 ue la loi du 19 janvier 1791, des diligences léyères et commodes dont aucune ne pourra être chargée de plus de huit quintaux de bagages, y compris celui des voyageurs; et ces nouvelles voitures dont l'établissement doit commencer au 1er octobre 1792, seront établies d'abord sur les principales routes.

L'article 5 de la même loi promet sur les principales routes et sur celles de communication, pour le transport des voyageurs et des marchandises, des carrosses et fourgons dont la marche sera de 15 à 20 lieues par jour.

Le chef-lieu de l'établissement est fixé à Paris, rue Notre-Dame-des-Victoires, à des maisons originairement affermées pour cet objet, et que le gouvernement a été ensuite obligé d'acheter, pas l'effet des infidélités de plusieurs compagnies de fermiers qui avaient fait des acquisitions partielles, ou construit des bâtiments sur des terrains qui ne leur appartenaient pas, qui s'étaient ruínés à ces dépenses et qui n'avaient pas le moyen de fournir d'autre payement, ou bien qui, ayant des moyens très reels, avaient le talent de se couvrir de puissantes protections, pour faire accepter de pareils payements. Vous reconnaissez à ces traits, Messieurs, l'empreinte du

vieux régime, partout destructeur de la prospérité nationale.

A l'exception d'un tarif pour les voitures et coches d'eau, et d'un décret qui fixe les pensions dues aux vieux serviteurs des messageries, je ne vois pas d'autres changements ni d'autres dispositions, relativement aux messageries, dans les travaux de l'Assemblée constituante.

Cependant, je pourrais citer encore la division de ce service de celui de la poste aux lettres, quant à l'exploitation, l'ordre de mettre les messageries en ferme, tandis que la poste aux lettres est en régie; le bail des messageries, alors subsistant, rompu avec une promesse d'indemnité, en vertu de nouvelles déterminations de l'Assemblée; l'autorisation donnée au pouvoir exécutif de passer un nouveau bail, à ̄certaines conditions, celles entre autres que nonseulement les principales routes du royaume, mais encore les communications particulières, suivant l'état qui serait joint au bail, fussent exactement desservies. J'y ajouterai la loi, presque contradictoire avec elle-même, du 6 mars 1791, qui ratifie l'adjudication de la ferme des messageries, coches et voitures d'eau, faite par le ministre des finances, ce qui suppose un contrat déjà passé, et qui cependant autorise le ministre à passer bail aux clauses et conditions portées dans l'adjudication et dans le cahier des charges.

Le prix de ce bail que l'on ne voit nulle part, Messieurs, est de 613,000 livres, je crois, aved faculté de disposer des bâtiments de la rue Notre-Dame-des-Victoires, estimés 70,000 livres de loyer, et l'obligation aussi d'acquitter les pensions à la charge des messageries, objet de 13,071 1. 9 s. 4 d.

A ces dispositions si vous ajoutez celle de l'article 5 des messageries de la loi du 29 août 1790, vous aurez la somme des travaux de l'Assemblée constituante; et cet article 5 des messageries répète, à cet égard, ce qui avait été prononcé à l'article 4 du premier paragraphe ou chapitre de la même loi, relativement aux postes; c'est-à-dire que, d'après les intructions du pouvoir exécutif, il serait incessamment procédé à la confection d'un règlement particulier pour l'exploitation et le service, et surtout à la rédaction d'un tarif des coches et voitures d'eau.

Il est question maintenant de savoir ce qui est susceptible de réforme, et ce qui reste à faire pour que l'ouvrage soit complet.

Ici, les mêmes observations que j'ai eu l'honneur de vous présenter, au sujet de la poste aux lettres, se reproduisent relativement aux messageries.

Le directoire des postes n'a pas fourni les instructions qu'il était enjoint au pouvoir exécutif de fournir à ce moyen, il n'existe pas de règlement relatif aux service des messageries.

On pourrait citer, à la vérité, la proclamation du roi du 10 avril 1791, qui remplit à peu près les objets d'un règlement; mais il n'appartient point au pouvoir exécutif de faire des lois : et si cette proclamation portait une date postérieure à l'acceptation de l'Acte constitutionnel par le roi, je dirais que ce serait un grief de plus contre M. Lessart, qui a signé cette proclamation, en qualite de ministre de l'intérieur; même je dirai, quoiqu'on ne puisse en faire un motif d'accusation contre luí, qu'il agissait, dès lors, à l'inverse des volontés du Corps législatif, puisqu'il s'ingérait de donner un règlement, à la place des 1re SÉRIE. T. XLVII.

instructions qui lui étaient demandées pour décréter ce règlement.

Il était au moins de la bienséance, après la Constitution acceptée, de reproduire cet objet sous les yeux du Corps législatif'; mais l'ancien directoire des postes et M. Lessart pensaient-ils que la Révolution dùt subsister avec la Constitution? Oh! non.

Du reste observez, Messieurs, que la poste aux lettres et les messageries rivalisent ensemble; si bien que la poste aux lettres est dans le cas d'entreprendre sur les messageries, si elle reçoit quelqu'un dans la voiture chargée de ses malles, ou bien si elle y autorise le chargement de quelques paquets; et les messageries, de leur côté, peuvent préjudicier à la poste aux lettres, si elles se chargent de lettres et de paquets ou autres objets circulant ordinairement par la poste.

Sous l'ancien régime, lorsque la poste aux lettres était en ferme au profit d'une compagnie, et que les messageries étaient affermées à une autre compagnie que celle des postes, il y avait des officiers destinés à veiller aux droits de chacune des fermes. Ainsi, les contrôleurs ou les inspecteurs des messageries vérifiaient les courriers des malles, tandis que les officiers des postes visitaient les messageries.

La même raison de défiance réciproque et la même opposition d'intérêt subsistent entre les deux parties, puisque la poste aux lettres est en régie, et que les messageries sont en bail.

Quant à laisser subsister cet ordre de choses, il aura été indispensable de conserver les mêmes surveillants; et les messageries les tiennent sans doute à leur service, vis-à-vis de la poste aux lettres.

Mais, Messieurs, je reconnais en ceci beaucoup d'abus. D'abord les places des deux parties étant supprimées, si j'ai condamné le directoire des postes pour avoir multiplié les contrôleurs, quels reproches ne suis-je pas fondé à faire aux messageries qui ne sont qu'une ferme, une entreprise de particuliers, d'avoir créé de leur autorité, des espèces d'officiers publics. De pareilles institutions n'appartiennent point à des particuliers.

L'ancien directoire des postes eût levé cette difficulté, s'il avait obéi au décret qui oblige le pouvoir exécutif de donner des instructions, afin de parvenir à l'organisation de cette partie.

En second lieu, les messageries, comme la poste aux lettres, ont leurs établissements dans les villes et bourgs du royaume, c'est-à-dire leurs directeurs. Chez ces directeurs, il est indispensable que tout soit établi de manière à remplir le vœu du public. Ainsi, c'est compromettre l'intérêt des citoyens, d'abandonner au système parcimonieux d'une compagnie de fermiers la composition des différents bureaux des messageries.

A ces bureaux, comme dans tous ceux que la loi a constitués, le public doit avoir une responsabilité nationale pour la valeur de ses chargements chaque citoyen se persuade jouir de cet avantage; et il n'en est rien. Vous n'avez point pour veiller à vos intérêts, des commis nommés par la loi, et institués afin de la faire observer; vous n'avez que les agents des fermiers des messageries avec lesquels vous avez contracté par vos chargements; ou, si vous voulez, il n'existe pour soutien de votre bon droit, en cas de contestation avec les fermiers, que des hommes attachés à ces fermiers par des places

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et des appointements qui rendent leur foi au moins très douteuse.

Et cela vient encore du défaut d'organisation de cette partie, attendu que le pouvoir exécutif n'a pas fourni les instructions ordonnées par l'Assemblée constituante.

Cette organisation, au reste, est d'autant plus importante, que les fermiers des messageries sont une compagnie de maîtres des postes, lesquels sont chargés du service des malles, et sont par conséquent les agents de la poste aux lettres. Mais des agents sont toujours suspects quand la partie confiée à leurs soins est en opposition d'intérêt avec la ferme ou la propriété qu'ils exploitent.

Enfin j'observerai, toujours sur le défaut d'organisation des messageries, qu'aux termes des décrets le bail devait contenir certaines charges particulières, et qu'à ce bail il devait être joint un état qui eût exprimé les détails du service, surtout relativement aux nouvelles communications.

Par conséquent, le bail et l'état qui doit y être joint forment loi pour les fermiers envers le public; d'où il faut tirer la conséquence que le bail et l'état doivent être publics. En effet, si ces pièces restent cachées entre les mains des fermiers et dans les bureaux du ministre des contributions publiques, vous devez bien penser, Messieurs, que beaucoup de villes, pour lesquelles il est ordonné aux fermiers des communications nouvelles et avantageuses pour elles, n'en sauront rien et n'auront pas même l'idée de réclamer l'exécution de certaines clauses établies en leur faveur.

J'ai été choqué du secret que l'on garde sur ce bail et sur l'état qui doit y être joint. Vous serez surpris, Messieurs, d'apprendre que je ne les ai trouvés ni chez le ministre des contributions publiques, ni au directoire des postes, ni à l'imprimerie royale.

Vous avez donc, Messieurs, relativement aux messageries, à faire connaître au public les avantages et les détails du service que la loi leur assure; à organiser les bureaux à Paris et dans toutes les villes; décider quels officiers publics ou commis il est convenable d'instituer; quelles seront leurs fonctions; quels seront leurs traitements; et à fournir un règlement, soit que vous adoptiez celui de la proclamation du roi, ou que vous jugiez à propos de le perfectionner, ou même d'en donner un totalement nouveau.

Mais ce que vous avez à réformer dans les travaux de l'Assemblée constituante est, selon moi, d'un intérêt infiniment supérieur, quoique la réforme ne tombe que sur un seul article.

Ici, Messieurs, je vous prie de redoubler votre attention.

L'article que je veux attaquer est celui qui divise les messageries de la poste aux lettres, quant à l'exploitation, qui met les messageries en ferme et la poste aux lettres en régie.

Je prétends que les messageries, au lieu d'être en ferme, doivent être en régie, et que cette régie doit être jointe à celle de la poste aux lettre, sous l'administration immédiate du directoire des postes. L'économie des deniers publics, l'augmentation certaine des produits, la commodité du public jointe à sa sùreté, la facilité de l'exploitation simultanée des deux parties, es dispositions de l'Assemblée constituante com munes aux messageries et à la poste aux lettres, celles mêmes qui sont particulières à l'une ou à l'autre des parties, s'accordent avec mon

projet. L'expérience d'ailleurs en garantit le succès.

Mise des messageries en régie.

Si je dis que l'économie des deniers publics et l'augmentation certaine des produits vous invitent à résilier la ferme des messageries, et à les mettre en régie conjointement avec la régie de la poste aux lettres, j'avance une vérité que repoussent les préjugés actuellement reçus; mais les préjugés doivent s'abaisser devant les preuves.

Comme chacun de vous, Messieurs, avant d'examiner, d'étudier, de calculer cette partie, j'avais entendu mille voix répéter: « Il est impossible que les messageries soient en régie; elles ne rapportent rien; les expériences du gouvernement ont été constamment malheureuses. » Je croyais cette assertion une vérité prouvée, et si j'eusse entendu quelqu'un proposer la régie que je soutiens devoir être établie, mon premier mouvement eût été de m'y opposer.

Je veux donc vous mettre sous les yeux les motifs qui ont changé mon opinion, et qui pourront fixer la vôtre. En dernière analyse, vous verrez que des intrigues, effet nécessaire de l'ancien régime, de ces tours de jonglerie financière qui se perdaient dans le dédale de la cour, ont égaré l'opinion, et que les plus simples calculs joints à la connaissance de ce qui s'est passé, invitent à mettre les messageries en régie, et à joindre cette régie à celle de la poste aux lettres.

Dans l'état actuel les frais du service de la poste aux lettres consistent dans les sommes qui suivent :

1o Le salaire des cinq membres toire.....

2o Leurs bureaux ou commis (1). 3o Les deux contrôleurs généraux inutiles....

4° Loyers des édifices de la poste, rue J.-J.-Rousseau, et domestiques, au moins...

5o Facteurs de la poste, au moins. 6o Les contrôleurs des postes, au nombre de 43......

7° Les traitements fixes des directeurs dans les villes, avant la Révolution.....

du direc

80,000 1. 30,600

12,000

30,000 100,000

159,100

921,391

66,155

8° Traitements qui consistent en remises accordées aux directeurs sur les produits, dans les petits bureaux. 9 Attendu que les directeurs jouissaient de privilèges aujourd'hui supprimés, et qui leur tenaient en partie lieu de payement; attendu qu'il y a un grand nombre de nouvelles communications décrétées, il faut au moins doubler les deux derniers articles, ce qui produit... 987,547 10° Indemnité payée aux maîtres des postes, à raison de 30 livres par cheval....

11° Payements aux courriers des malles, aux postillons, indemnités des chevaux perdus, attelages

630,000

(1) Ce ne sont que les bureaux des anciens intendants qui sont réduits à 30,600 livres, car il en existe à la poste par ailleurs pour plus de 150,000 livres : j'ai cru pouvoir négliger cet objet, attendu qu'à la suite je porte la dépense, par aperçu, beaucoup plus loin.

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