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Pour toutes ces raisons, je demande qu'il soit décrété par l'Assemblée, qu'il y a lieu à accusation contre le général La Fayette (Vifs applaudissements à gauche, les tribunes crient: Bravo! Bravo!)

M. Mayerne. Le général La Fayette sera sans doute charmé d'apprendre que M. Torné n'est pas un des honnêtes gens dont il s'est constitué l'organe. Je demande donc l'impression de ce discours.

M. Lecointe-Puyraveau. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que malgré que plusieurs orateurs aient dejà parlé pour et contre, il est une foule de faits qui, rapprochés des points et des principes, pourront jeter le plus grand jour sur cette matière, et décider l'opinion de ceux qui croient M. La Fayette innocent, ou de ceux qui le croient coupable. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intention de plusieurs membres de vouloir qu'on porte sur M. La Fayette une décision précipitée; nous nous rendrions responsables aux yeux de la France entière; nous ne pouvons prolonger aujourd'hui plus longtemps cette discussion. Je demande que la discussion soit suspendue. Il est une lettre de M. La Fayette dont on a point parlé : c'est la discussion sur cette lettre, qui est importante. Je demande que l'Assemblée nationale suspende sa séance, et la reprenne à 7 heures du soir.

Plusieurs membres: Non, non, non!

M. Hua. Il est décrété que l'Assemblée décidera sans désemparer. J'observe qu'il est d'autant plus essentiel que le décret soit porté, que la calomnie circule dans les rangs de l'armée du général La Fayette. Il est important ou que ce général soit puni, ou qu'il soit justifié dès aujourd'hui. Je demande donc que l'on adopte ma proposition.

Plusieurs membres: Fermez la discussion ! M. Basire. Je demande la parole. (Murmures.) Un membre: J'observe que nous avons à nous occuper de l'intérêt des 83 départements, et non pas seulement de M. La Fayette.

M. Dubois-de-Bellegarde. Je demande, sur la question au fond, l'appel nominal.

Plusieurs membres : Oui, oui, oui!

M. Chabot. Je demande la parole pour un fait.

M. le Président. On demande que je mette aux voix l'ordre du jour pur et simple. (Murmures.)

M. Thévenet. Dans l'affaire de M. le maire de Paris, ces Messieurs, après cinq jours, quoiqu'il y eùt... (Huées et clameurs des tribunes.) Aujourd'hui que l'affaire est examinée, on a encore l'effrouterie de demander l'ajournement; dans un moment où la France est en danger, dans un moment où nous devons nous occuper de sauver la patrie, nous perdons notre temps en discussions vagues et inutiles; mais c'est une tactique abominable que cette faction met en usage pour faire perdre le temps de l'Assemblée;

sur Paris son armée avec celle de La Fayette. Ce fait n'ayant pas encore acquis toute l'authenticite dont il est susceptible, je me suis borné à l'annoncer par des peutétre. Ce fait atroce ne tardera pas à êtrevérifié par l'Assemblée nationale. Alors, traitre à la patrie, courbe ta tête sous le glaive de la loi, il faut qu'elle tombe.

je demande qu'il soit délibéré sans désemparer. (Vifs murmures à gauche.)

(Des huées, des hurlements, des coups de sifflet partis de toutes les tribunes étouffent la voix de l'opinant. Un jeune fédéré, placé dans une tribune latérale, ayant accompagné de gestes les huées, toute la droite se soulève et demande au Président de le faire arrêter. L'ordre est donné sur-le-champ au commandant de garde, et cet ordre excite des mouvements plus violents encore parmi les gens des tribunes qui se lèvent et s'en vont en partie en faisant entendre de grands cris.)

M. le Président, se couvre. Le calme se rétablit peu à peu.

M Thévenet. Nous ne sommes pas ici pour obéir à des factieux, mais pour sauver la patrie. (Le fédéré, qui a refusé de sortir, recommence à crier.)

(Nouveau soulèvement d'une partie des membres.)

(Cris et huées des tribunes pendant qu'on expulse définitivement le particulier.) M. le Président se couvre de nouveau. Le calme se rétablit une seconde fois.

M. le Président découvert. Je prie l'Assemblée de me permettre de lui faire connaître ma conduite. D'abord je déclare que la force de l'Assemblée nationale est dans le respect et la confiance des citoyens. Je déclare encore à l'Assemblée que connaissant bien le peuple qui nous regarde, je suis certain qu'il est entièrement pénétré du respect qu'il doit à l'Assemblée; mais, Messieurs, j'ai entendu au-dessus de moi un jeune homme, qui, oubliant tout ce qu'il devait à l'Assemblée nationale, se permettait de huer de la manière la plus indécente. Je lui ai d'abord fait signe se taire. Je l'ai répété. Il était dans mon cœur d'obtenir l'obéissance par le seul signe. Je ne l'ai pas obtenu. Alors j'ai ordonné qu'on le fit sortir. Voilà ma conduite.

Un membre: Monsieur le Président, j'annonce qu'il se forme autour de l'Assemblée des rassemblements.

M. Déliars. Qu'importe; nous saurons bien, s'il le faut, mourir à notre poste!

M. Brissot-de-Warville. Je suis inscrit au nombre de ceux qui veulent parler contre M. La Fayette. Je demande s'il est dans l'intention de l'Assemblée d'entendre des orateurs pour et contre; oui ou non. Je crois qu'il convient de suspendre la discussion, puisque nous sommes dans un moment où les forces sont épuisées par l'attention que nous avons déjà donnée, et de continuer la discussion à 7 heures.

Plusieurs membres : Non, non! fermez la discussion!

Un membre: Dans un lieu où la liberté a été si ouvertement violée, on ne peut plus voter. Il n'y a plus d'Assemblee nationale.

M. le Président. Monsieur, je vous rappelle à l'ordre: l'Assemblée nationale ne doit pas cesser de voter, au milieu même des baïonnettes.

M. Calvet. Je vous prends au mot, Monsieur le Président: allons siéger en présence des Autrichiens; nous courrons moins de danger que dans un endroit où on ne respecte plus la loi ni ses organes. (Vifs murmures.)

MM. Reboul et Calvet parlent dans le tumulte.

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M. le Président. On a demandé l'ordre du jour je le mets aux voix.

M. Tarbé. Si l'on ferme la discussion, il est inutile de mettre aux voix l'ordre du jour.

M. Fauchet. J'ai demandé la parole pour m'opposer à la clôture de la discussion, afin de démontrer à l'Assemblée nationale qu'il est impossible de fermer la discussion avant d'avoir vérifié la plus grave des inculpations qui ait été faite à M. La Fayette. Il a été accusé d'avoir fait proposer au maréchal Luckner de marcher contre Paris. Il n'est pas un représentant de la nation qui ne doive désirer d'avoir là-dessus toutes les lumières possibles. De toutes les accusations les plus graves qu'on puisse faire à un général d'armée, c'est celle d'avoir proposé à un autre général de faire marcher leurs armées combinées sur Paris. Cette accusation là a été faite. Je n'articule pas qu'elle soit fondée; je dis que l'accusation a été faite, et qu'il est impossible de clore la discussion sur tous les griefs imputés à M. La Fayette, sans avoir vérifié les faits. Je demande donc...

M. Goujon. Je demande la parole pour répondre à M. Fauchet.

M. Fauchet. Je demande donc que M. le maréchal Luckner soit interpellé formellement au nom de l'Assemblée pour savoir si le fait est vrai; et en attendant que la réponse soit obtenue là-dessus, je demande que la discussion soit ajournée à demain.

M. Basire. Il faut être sans bonne foi, sans pudeur, sans patriotisme, pour s'opposer à la vérification d'un fait de cette importance. Je demande qu'on envoie à M. Luckner un courrier avec une lettre de M. le Président, au nom de l'Assemblée, pour l'interpeller de déclarer si le fait est vrai. Je demande qu'on ne prononce pas avant l'éclaircissement de ce fait de la plus haute importance.

M. Guérin. Je voulais faire la même observation que M. Fauchet. Je n'ai qu'une chose à ajouter à ce qu'il a dit. Je demande qu'on entende les députés dont le témoignage à été cité par M. Lasource. (Murmures.)

M. Léopold. J'ai demandé la parole pour combattre la motion de M. Fauchet appuyée par M. Guérin, et certes cette tâche ne sera pas difficile à remplir. En effet, Messieurs, que vous êtes-vous proposé relativement à M. La Fayette? De prononcer sur le rapport qui vous a été fait par votre commission des Douze... Voilà le véritable objet de la discussion. Voilà ce que vous avez à faire sur les pièces qui ont été renvoyées à votre commission. Je ne tirerai pas avantage, dans ce moment-ci, de ce que le nouveau fait, dont on accuse M. La Fayette, n'est pas supposable, si l'on a égard à la bonne foi, à la loyauté, aux vertus du maréchal Luckner, car certainement si M. le maréchal Luckner avait eu connaissance d'une trahison pareille il l'eùt dénoncée lui-même, ou il serait lui-même un traitre.

M. Lasource. Monsieur le Président... (Murmures.)

M. Léopold. Mais, Messieurs, je ne veux pas même, dis-je, tirer avantage de ce rapprochement. Certainement, l'Assemblée ne s'est pas imposé pour tâche de prononcer aujourd'hui sur toutes les accusations présentes et futures qui pourraient être faites contre M. La Fayette; car il est certain que ses ennemis renouvelleront toujours leurs accusations contre lui; et qu'à l'aide d'une accusation journalière, on éloignerait la discussion qui vous occupe, et on laisserait planer la calomnie sur la tête d'un général de nos armées. Vous n'avez donc à décider que sur la dénonciation qui vous a été faite contre M. La Fayette relativement à la lettre qu'il vous a écrite et à la pétition qu'il vous a faite. C'est là-dessus que vous avez demandé un rapport à votre commission extraordinaire, et c'est là-dessus seulement que vous avez à prononcer, sauf à vous faire rendre compte, par le pouvoir exécutif, de ce qu'il peut y avoir de vrai ou de faux dans la nouvelle accusation que l'on a dirigée contre M. La Fayette. Je demande donc que cette discussion, qui dure depuis trois jours, soit enfin fermée, et que l'on prononce, sans désemparer, sur l'affaire de M. La Fayette.

M. Guadet. J'étais un de ces soirs, avec plusieurs de mes collègues, chez M. l'évêque de Paris. Vint le maréchal Luckner, et nous restâmes avec lui environ deux heures, et nous nous entretinmes des grands objets de l'intérêt public, c'est-à-dire de la situation de son armée,

M. le maréchal, dans le courant de la conversation, eut occasion de s'expliquer sur ce fait : « s'il était vrai qu'il lui eût été proposé de faire « marcher son armée sur Paris. » Il nous fit une réponse telle que voyant le rapport qu'il y avait entre ce fait et les manoeuvres pratiquées dans l'armée de M. La Fayette, je crus devoir, dans l'instant même, en arrivant chez moi, tracer sur le papier ce que j'avais entendu, afin que les impressions en restassent fidèles. Les voici, Messieurs; j'ignorais qu'il eût été question de ce fait à la tribune, mais puisqu'on interpelle les témoins de cette conversation, je crois ne pouvoir mieux faire que de lire à l'Assemblée ce que j'avais écris moi-même, ayant eu occasion de voir M. le maréchal Luckner.

M. le Président. Des citoyens inquiets sur la sûreté de l'Assemblée nationale sont aux portes de la salle. Je demande à l'Assemblée si elle veut me permettre de nommer deux députés pour aller les tranquilliser.

M. Fressenel. Je demande qu'on passe à l'ordre du jour. Les représentants du peuple français sont faits pour courir tous les dangers, et expirer, s'il le faut, sur la chaise curule. (Huées des tribunes.)

M. Gérardin veut parler.

Plusieurs membres L'ordre du jour !

:

(L'Assemblée décrète qu'il n'y pas lieu de délibérer sur la motion de M. le Président.)

M. Guadet. Ayant demandé à M. le maréchal s'il était vrai qu'on lui eût proposé, de la part de M. La Fayette, de marcher sur Paris avec son armée, apres les évenements du 20 juin; M. le maréchal Luckner me répondit en ces termes « Je ne le nie pas. C'est M. Bureaux de Pusy, celui qui a été, je crois, Président de l'Assemblée constituante trois fois; je lui ai répondu Monsieur, je ne mènerai jamais l'armée que je commande que contre les ennemis

"

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M. Gérardin. Je demande que M. Guadet dépose cette pièce sur le bureau.

(Les membres désignés par M. Lasource certifient la pièce.)

M. Viénot-Vaublanc. Messieurs, M. Fauchet a raison de penser que l'Assemblée nationale doit éclaircir le fait qui lui est dénoncé, et cela est tellement mon opinion que, dans mon discours péparé, je proposé à l'Assemblée nationale de décréter que M. le maréchal Luckner et M. La Fayette rendront compte respectivement de ce fait. Je sais que M. Bureaux de Pusy a été auprès de M. Luckner, mais je sais aussi un second fait et je prie l'Assemblée nationale d'en ajourner l'éclaircissement parce qu'il est de la justice de chercher à découvrir également ce qui est à décharge comme ce qui est à charge.

Je sais que M. Bureaux de Pusy était porteur d'une lettre dans laquelle M. La Fayette, quelon accusait de vouloir rétrograder quand il fallait avancer, proposait au maréchal Luckner l'attaque de Mons. Le maréchal a refusé; non pas que je lui en fasse un reproche, car je ne suis pas assez absurde pour m'occuper à blâmer les opérations des généraux.

J'appuie donc la demande que les deux généraux respectivement rendent compte de la vérité de ces deux faits; mais j'avoue que cela ne peut empêcher de prononcer sur les autres. (Murmures.) Jusqu'à présent M. Bureaux de Pusy se trouve intermédiaire, et je ne conçois pas comment, sur un discours que l'on prétend avoir été tenu par un tiers, on présume que M. La Fayette est coupable. Jusque-là, je le répète, je ne vois que la présomption de l'innocence. (Huées des tribunes.)

J'ajoute un autre fait; on a accusé M. La Fayette d'avoir sollicité les adresses de ses armées. Eh bien, Messieurs, je suis autorisé à déposer sur le bureau le témoignage de M. Gruchy, beau-frère de M. Condorcet, qui atteste que le premier régiment qui ait envoyé une adresse à M. La Fayette est le sien, et qu'il était hors du camp, et détaché en avant de Mons, lorsqu'il l'a rédigée; et que lorsque lui, M. Gruchy, à remis cette adresse à M. La Fayette, il en a reçu à la fois le blâme et le témoignage de l'étonnement le plus marqué. (Murmures.)

Je suis autorisé par M. Gruchy à énoncer ce fait, et à assurer l'Assemblée nationale de sa vérité. Je le signerai en son nom, si l'Assemblée l'exige.

D'après tout cela, Messieurs, je soutiens que vous devez séparer les accusations précédentes faites contre le général La Fayette, de cette nouvelle accusation dénuée de toute espèce de vraisemblance. Je le soutiens, non seulement parce qu'il est de votre devoir de présumer l'innocence, mais encore parce qu'il est de l'intérêt public. (Huées des tribunes.)

Plusieurs membres : Nous ne sommes plus libres!

M. Reboul. Je demande que l'on se mette aux genoux de M. La Fayette!

M. Viénot-Vaublanc. Je prie M. Reboul de

croire que je ne sais pas plus louer que calomnier. Je n'ai pas loué La Fayette, je ne le louerai point. C'est à lui de mériter l'estime de ses concitoyens par ses actions. (Murmures des tribunes.)

Je dis que, pour l'intérêt public, vous devez séparer les anciennes accusations des nouvelles. Je dis que c'est pour l'intérêt public, parce qu'un général ne peut rester plus longtemps à la tête de son armée sous le poids d'une accusation de haute trahison. (Huées des tribunes.) Je demande donc que l'Assemblée décrète que le maréchal Luckner lui rendra compte de la vérité sur cette accusation, et, qu'au surplus, elle continue la discussion sur les anciennes accusations. M. Gensonné monte à la tribune. Plusieurs membres: Fermez la discussion! (Bruit.)

Un membre: Ajournons l'incident, et décidons le fond!

M. Delacroix. C'est cette dernière opposition qui donne le fil de toute l'intrigue! (Applaudissements des tribunes.)

M. Charlier. Diviser les propositions, c'est trahir la chose publique!

M. Delacroix. On a demandé que l'on décrétât à l'instant que la discussion serait fermée sur la première lettre de M. La Fayette, sur son arrivée à Paris sans congé, et enfin sur la lettre qu'il avait écrite avant son départ. Mais, dans le cours de cette discussion, un de nos collègues lui a fait une imputation bien plus grave que toutes celles dont on s'était occupé jusqu'alors. Il l'a accusé d'avoir voulu faire marcher son armée sur Paris, et d'avoir voulu l'entraîner. Sur ce fait, vous avez, dès à présent, de grands renseignements, et la certitude que M. le maréchal Luckner en est convenu. Mais, dit-on, cette proposition a été faite par M. Bureaux de Pusy! Mais ne savez-vous pas que c'est un des confidents de M. La Fayette? (Murmures à droite et applaudissements à gauche.) Oui, Messieurs: vous voyez donc que cette démarche de La Fayette qui vient d'être découverte, et qui a été révélée aujourd'hui à la tribune, vous donne le fil de toutes ses intrigues, de sa lettre à l'Assemblée, de sa comparution à la barre, en un mot, de toutes les conspirations dont on le dit coupable.

Ceux qui demandent que l'on sépare de la cause de M. La Fayette la nouvelle imputation qui a été faite contre lui, le servent bien mal; car on a dit qu'on ne pouvait pas laisser plus longtemps à la tête de l'armée un général opprimé la calomnie et flétri par les imputations qui par lui étaient faites. Or, je vous le demande, Messieurs; en supposant que vous preniez le parti de prononcer sur M. La Fayette relativement à sa pétition, sur sa lettre à l'Assemblée nationale, si vous le rendez innocent à la tête de son armée, qui va être instruite aujourd'hui qu'on lui a fait cette nouvelle imputation, je demande si, par ce décret, il en sera inoins flétri dans l'opinion publique et dans celle de ses soldats. Ce décret annoncerait de votre part une indulgence, j'ose le dire, injurieuse, contraire aux intérêts de la nation, et qui lui serait funeste. (Vifs applaudissements des tribunes.) Voulez-vous laver La Fayette? Voulez-vous le mettre à portée de regagner l'estime de son armée?

Un membre. Il ne l'a pas perdue; mais il ne veut pas plus que nous de celles des Jacobins et des factieux!

M. Delacroix. Voulez-vous le mettre à même de regagner l'estime de ses soldats, qui, s'il ne l'a pas perdue, s'est au moins écartée de lui jusqu'au jugement qui sera porté (car il est impossible que des soldats de la liberté estiment toujours un chef d'armée que l'on accuse à l'Assemblée nationale d'être un conspirateur contre son pays), examinez sa conduite tout entière, et si, d'après les renseignements que vous aurez pris, il a bien mérité de la patrie, je dirai hautement renvoyez-le avec votre estime, et rendez-lui celle de son armée. Au contraire, s'il s'est rendu coupable de cette dernière inculpation, je vous le demande, comment pouvezVous prononcer sur celles qui l'ont précédée, sans prononcer sur la plus sérieuse? Je demande donc que l'Assemblée prononce sur tous les faits qui lui sont argués, sur toutes les accusations, et qu'elle prenne à l'instant les précautions qu'elle croira convenables pour s'assurer du fait qui a été mis en avant par M. Lasource, et qui a été attesté et signé par sept de nos collègues. Plusieurs membres : L'ajournement!

M. le Président. Messieurs, le commandant de la garde nationale me prévient qu'un grand concours de citoyens est aux portes du château des Tuileries, sur le jardin. J'en rends compte à l'Assemblée nationale.

M. Lecointe-Puyraveau. Monsieur le Président, je demande la parole. (Bruit.)

M. Jouneau. Je demande que l'Assemblée nationale envoie sur-le-champ une députation auprès du roi.

Un membre Non, non que la municipalité fasse son devoir!

M. Basire. J'apprends à l'Assemblée que l'on vient de sonner le tocsin à Saint-Roch. Sans doute on veut, par ce moyen, susciter des troubles dans la capitale, afin de justifier les imputations calomnieuses si souvent répétées par le général La Fayette. Je demande que l'Assemblée se déclare permanente, et que le maire de Paris prenne toutes les mesures nécessaires pour entretenir la paix dans la ville, et pour remonter à la source des troubles. Je propose, en outre, de suspendre la discussion.

Plusieurs membres : Non, non!

M. Gérardin. Je ne crois pas que ce soit au moment où l'on annonce des troubles, que l'Assemblée nationale puisse suspendre une délibération. Les agitateurs du peuple trouveront toujours ses représentants calmes. (Bruit.)

Je dis qu'il n'est pas de la dignité des représentants de suspendre leur délibération parce qu'on leur annonce des troubles. Rien ne peut influencer les opinions de l'homme courageux.

M. Thuriot. Personne ne demande la suspension; je demande simplement que l'on passe à l'ordre du jour.

M. Gérardin. M. Basire a demandé la suspension.

M. Brival. Ce n'est pas appuyé.

M. Gérardin. La proposition, de M. Basire. n'est pas appuyée. Mais j'en fais une autre, moi : c'est que le maire de Paris vienne rendre compte de l'état de la capitale. (Huées des tribunes.)

M. Basire. Je demande la question préalable sur la proposition de M. Gerardin. La place du maire n'est pas à la barre, mais à la maison

commune.

M. Gérardin. M. Delacroix a fait la même proposition, il n'y a pas bien longtemps, on peut s'en souvenir. Les événements du 20 juin sont trop présents à nos esprits.....

M. le Président. M. le maire de Paris est à la porte de l'Assemblée. (Vifs applaudissements.) M. Boullanger. Je demande la clôture de la discussion sur le fait.

M. Rouyer. Je demande que si M. le maire est venu de lui-même communiquer à l'Assemblée ce qui se passe, il soit admis sur-le-champ, mais si, au contraire, il n'est pas venu de lui-même, on ne doit pas l'entendre.

M. Pétion est introduit. (Vifs applaudissements des tribunes.)

M. PETION, maire de Paris. Messieurs, je viens d'apprendre dans ce moment qu'un mouvement s'est fait sentir dans les environs de l'Assemblée nationale. A l'instant même, aussi, je viens de m'y rendre pour y remplir, de tous les devoirs le plus sacré, celui de rétablir l'ordre et la tranquillité. Je viens de parcourir, surtout de ce côté, (en indiquant celui du château) les environs de la salle, et je n'ai rien vu, jusqu'à présent, qui put occasionner la plus légère alarme. Des citoyens voulaient pénétrer dans le jardin des Tuileries, et en manifestaient l'intention. A l'instant, je m'y suis opposé de toute ma force. Il paraît qu'on a eu quelque confiance au magistrat, et qu'à l'instant les citoyens se sont tenus dans l'ordre. Ils m'ont déclaré eux-mêmes qu'ils allaient être des sentinelles auprès des portes des Tuileries. Voilà tout ce je puis savoir. (Vifs applaudissements des tribunes. On crie: Vive Pétion !)

apa

M. le Président. L'Assemblée nationale plaudit à votre sollicitude. Si l'intérêt de chose publique vous permet d'assister à sa séance, elle vous en accorde les honneurs.

M. PÉTION, maire de Paris. Je vous demande la permission de retourner à mon poste. (Il se retire. Vifs applaudissements des tribunes.)

M. Delaporte, désignant l'extrême gauche : Ces messieurs semblent mécontents qu'on ait rétabli la tranquillité. Ce sont les vrais conspirateurs, je vous les dénonce.

M. Thuriot. Je demande que l'on rappelle à l'ordre ces messieurs qui, continuellement, provoquent les tribunes.

M. Hua. Quelles que soient les circonstances extraordinaires dans lesquelles nous nous trouvons aujourd'hui.....

Plusieurs membres : Il n'y en a pas !

M. Hua... le Corps législatif ne doit pas s'écarter de la séverite des principes et des lois. Appliquant ces principes à M. La Fayette, nous ne pouvons jamais, sous le prétexte d'une accusation nouvelle, ne pas statuer sur la première accusation. Vous devez juger M. La Fayette sur sa pétition. (Murmures.) Il est essentiel pour la chose publique que M. La Fayette soit jugé. L'affaire qui a été suscitée à M. La Fayette est suffisamment connue.

Plusieurs membres : Non! non!

M. Hua. Je dis que l'Assemblée nationale est instruite de toutes les dénonciations antérieures au nouveau fait; que la discussion a éclairci ces denonciations, et que l'Assemblée nationale sur ces faits antérieurs est bien en état de pro

noncer. Un fait nouveau est allégué contre M. LaFayette.....

Plusieurs membres: Et prouvé !

M. Hua. Et l'on dit qu'il faut juger cette affaire par un seul et même décret. Je réponds, Messieurs, que cette manière de juger ne peut être admise. C'est seulement par les principes que je veux la combattre.

Lorsqu'il y a un chef de dénonciation, l'Assemblée qui en saisie doit d'abord delibérer. Ensuite je remarque que le nouveau chef de dénonciation ne frappe sur M. La Fayette que par la dénonciation d'un tiers. Or, je demande s'il est possible de ne pas juger un citoyen sur les dénonciations faites contre lui, sous prétexte de la dénonciation indirecte faite par un tiers.

Remarquez qu'en partant de ce principe vicieux vous n'arriverez jamais à juger La Fayette; car il arrivera toujours un tiers qui, par passion, par intérêt, par animosité voudrait encore, à l'instant où le dernier fait sera éclairci, dire qu'il a un fait nouveau à déposer, et vous demander que vous jugiez le tout à la fois. Or, il dépendrait de lui que toutes les dénonciations se succédassent, et que jamais l'accusé ne fùt justifié. Je demande donc que l'Assemblée prononce aujourd'hui sur la dénonciation faite contre M. La Fayette, et qu'ensuite elle prenne, si elle le juge à propos, les renseignements nécessaires sur ce nouveau fait car il est impossible de ne pas vouloir juger cette affaire.

Plusieurs membres : La discussion fermée !

M. Gensonné. Je demande à relever un fait. Il est impossible de scinder les faits relatifs à M. La Fayette. Ils forment un ensemble indivisible. Ceux qui ont sollicité cette séparation ne se rappellent pas sans doute que M. La Fayette, et dans sa pétition, et dans sa lettre, nous à menacés de son armée. (Murmures à droite.) Plusieurs membres: Oui! oui! M. Goujon. Le fait est faux!

Plusieurs membres : La lecture de la lettre ! M. Gensonné. La proposition faite à M. Luckner par M. Bureaux de Pusy au nom de M. La Fayette...

Plusieurs membres : Ce n'est pas vrai !

M. Léopold. Invitez M. Gensonné à dire la vérité.

Un membre: Je prie M. le Président de faire cesser les calomnies.

M. Gensonné. La proposition de M. La Fayette est le complément de la conspiration qui a éclaté ici par sa pétition; je demande que l'Assemblée vérifie ce dernier fait et ajourné la discussion des faits antérieurs jusqu'au moment où elle connaîtra la vérité de ce dernier. Pour cela je demande, avec M. Delacroix et M. Vienot-Vaublanc, qu'il soit enjoint à M. le maréchal Luckner et à M. La Fayette de s'expliquer sur ce fait, et que l'Assemblée mande à la barre M. Bureaux de Pusy. (Applaudissements des tribunes.)

Plusieurs membres: Fermez la discussion sur l'ajournement.

M. le Président. Je vais mettre aux voix l'ajournement!

M. Tarbé. Je demande la division et j'offre de la motiver en posant la question. Je demande qu'on la pose ainsi : L'Assemblée ajourne-t-elle la question sur la totalité des dénonciations portées contre M. La Fayette, ou bien ajourne-t-elle

la question sur le fait seulement attribué à M. La Fayette d'avoir voulu faire marcher son armée sur Paris?

Plusieurs membres: La question préalable sur la division!

(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer et ajourne le tout jusqu'à la vérification du fait dénoncé par M. Lasource.)

(La séance est levée à six heures.)

ANNEXE (1)

A LA SÉANCE de l'assemblÉE NATIONALE LÉGISLATIVE DU SAMEDI 21 JUILLET 1792.

OPINION (2) et PROJET DE DÉCRET (2) sur les postes et messageries, par M. LE BRETON, député d'Ille-et-Vilaine.

Messieurs, les cœurs nés à la liberté sont émus au seul souvenir des abus que l'ancien régime avait introduits dans l'administration des postes. Il semble qu'on voie encore le faste ruineux et insolent des intendants des postes, l'abord repoussant et les infidélités de leurs commis, la morgue des maîtres de poste, et jusqu'aux postillons afficher sur les grandes routes les distinctions de l'orgueil, en écartant les voitures du cultivateur, lui qui nourrit la patrie, pour donner le pas à l'homme titré. Il me semble voir encore des crimes créés par la violation du secret des lettres, les haines du ministère s'appesantir, les lettres de cachet voler sans distinction comme la mort dont elles étaient l'image, et les bastilles se remplir, pour avoir, dans l'intimité de la confiance, condamné les profusions et les extravagances de la cour, les ridicules ou l'immoralite de quelque grand personnage ou de sa maitresse, où les dépradations d'un ministre en faveur.

L'Assemblée constituante a posé les principes qui font justice de tant d'infamies; mais elle s'est arrêtée aux premiers pas. Il importe, Messieurs, que vous connaissiez ce qui reste d'impur dans cette abominable écurie d'Augias: j'ai entrepris la pénible tâche de vous en instruire.

J'ose compter sur votre attention, dans une discussion qui comporte des détails ennuyeux et quelquefois minutieux; je parle à des législateurs qui sauront apprécter un service d'un tel intérêt, qu'il ne peut discontinuer vingt-quatre heures sans jeter l'alarme et le trouble peut-être dans toute la France; à des législateurs qui n'ignorent pas quel degré d'intérêt mérite une branche de nos finances représentée à l'Assemblée constituante comme productive de 12 à 16 millions.

J'entre en matière.

Sous le nom des postes et messageries, vous avez trois parties essentiellement à distinguer : la poste aux lettres, la poste aux chevaux et les messageries, auxquelles sont annexées les voitures, ou coches d'eau, c'est-à-dire la navigation intérieure du royaume.

(1) Voy. ci-dessus, page 6, la discussion sur les postes et messageries et le discours interrompu de M. Le Breton.

(2) Bibliothèque nationale: Assemblée législative. Commerce, n° 12.

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