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(L'Assemblée applaudit à ces sentiments et ordonne mention honorable de cette adresse.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres suivantes:

1° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée les pièces d'une procédure instruite par le tribunal criminel du département de l'Aveyron contre les nommés Combes, Dulon, Julian et Saint-Pierre, prévenus de complicité avec les auteurs des projets de contre-révolution, qui ont eu lieu dans le département de la Lozère.

(L'Assemblée renvoie les pièces à son comité de surveillance pour lui rendre compte s'il y a lieu à renvoyer au pouvoir exécutif ou à la Haute-Cour nationale)

2o Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui transmet à l'Assemblée les pièces d'une procédure intentée par le directeur du juré du tribunal du district de Gex, département de l'Ain, contre Raymond Buste, accusé d'enrôlement pour l'armée des émigrés.

(L'Assemblée renvoie ces pièces au pouvoir exécutif pour être par lui transmises au tribunal criminel du département de l'Ain, qui doit connaître de cette affaire, d'après le décret qui attribue aux tribunaux criminels ordinaires le jugement du crime d'embauchage.)

3o Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui sollicite l'Assemblée de prononcer dans l'affaire du sieur Descuret, détenu dans les prisons, et impatient du jugement qu'il ne peut espérer tant que l'Assemblée n'aura rien statué à son égard. (L'Assemblée renvoie la lettre au comité de surveillance.)

4° Lettre de M. d'Abancourt, ministre de la guerre, qui soumet à l'Assemblée la demande faite par le général de l'armée du Midi, d'augmenter de douze hommes la compagnie de guides qui a été décrétée pour cette armée, le 9 juin dernier.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité militaire.)

5° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui informe l'Assemblée des mesures qu'il a prises pour faire poursuivre le sieur Parent, abbé, auteur de différents libelles, le sieur Senneville, libraire, distributeur desdits libelles, et tous autres journalistes incendiaires et libellistes. Il expose à l'Assemblée l'insuffisance des lois existantes, et la prie d'y suppléer.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

6° Lettre de M. Dejoly, ministre de la justice, qui adresse à l'Assemblée copie d'une lettre du commissaire du roi, près le tribunal criminel du département du Pas-de-Calais, relative aux inconvénients qui résultent de la forme du tirage des jurés, qui doivent remplacer ceux qui ne se sont pas rendus sur la sommation qui leur a été faite.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de législation.)

7° Lettre des commissaires généraux des monnaies, qui supplient l'Assemblée de statuer sur la pétition qu'ils lui ont présentée le 6 de ce mois, laquelle a pour objet le complément de l'organisation des monnaies.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité des assignats et monnaies.)

8° Lettre des commissaires de la trésorerie nationale, qui prient l'Assemblée de déterminer dans quelle caisse les receveurs de district verseront les deniers provenant de la vente des grains achetés avec les avances faites par le Trésor public.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de l'extraordinaire des finances).

9° Lettre du vice-président du département de l'Allier, qui informe le Corps législatif que le conseil général de ce département est rassemblé aux termes de la loi du 8 de ce mois.

10° Lettre du président du département de la Lozère. qui informe pareillement l'Assemblée que le conseil général est assemblé, qu'il s'occupe nuit et jour à maintenir la tranquillité publique, et que jusqu'ici ils ont été assez heureux pour que les rassemblements de l'Ardèche n'aient pas pénétré dans leur département.

11° Lettre des administrateurs du district de Pontcroix, qui préviennent l'Assemblée que depuis deux mois ils ont en recouvrement tous les rôles des contributions foncière et mobilière et que la perception en est bientôt achevée.

(L'Assemblée applaudit au patriotisme des citoyens de ce district, et en ordonne mention honorable dans son procès-verbal.)

12° Lettre du procureur général syndic du département de la Meuse, qui informe également l'Assemblée que tous les rôles de la contribution foncière sont en plein recouvrement dans ce département et que le recouvrement est même très avancé.

(L'Assemblée décrète la mention honorable du zèle des administrateurs et du patriotisme des citoyens du département de la Meuse.)

13° Lettre du sieur Lefèvre, fondé de procuration de M. Barbon, au nom duquel il sollicite l'Assemblée de prononcer que le décret du 26 mai, pour ce qui concerne la créance de M. Barbon, sera exécuté nonobstant toute loi postérieure.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de liquidation).

14° Lettre de M. Lareynie, dénonciateur de la fabrique des faux assignats, saisie à Passy, qui se plaint des inculpations qui lui ont été faites dans le sein de l'Assemblée; cette lettre est ainsi conçue :

« Monsieur le Président,

« Comme l'ordre du jour a été invoqué sur la calomnie dont un membre de l'Assemblée nationale a voulu récompenser mon civisme et mon dévouement à la chose publique dans la séance du 16 de ce mois, cela suffirait pour établir mon irréprochabilité (1). M. le Président ne crut pas devoir donner lecture des pièces que je fis le lendemain déposer entre les mains du rapporteur de l'affaire de Passy: elles prouvent clairement que non seulement je n'ai jamais été soigné, logé ni substanté par le sieur Guillot, libraire, mais encore que je n'ai jamais été son dénonciateur; que dans aucune de mes déclarations je n'ai jamais prononcé ni désigné son nom; qu'au contraire, j'ai, pendant sept mois consécutifs, exposé ma vie et le succès de la

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLVI, seance du 16 juillet 1792, page 500, la dénonciation de M. Thuriot contre M. Lareynie

capture de cette infernale fabrication de faux assignats, pour sauver l'honneur et les jours de cet infortuné, qui s'élançait sans cesse vers l'échafaud en se mettant toujours en avant, et ne laissant jamais paraître ceux dont la perfidie l'avait attiré dans cette mauvaise affaire; qu'enfin, au lieu de l'avoir séduit, comme a eu l'audace de le dire M. Thuriot, j'ai lutté pendant six semaines contre les instances dudit sieur Guillot, et que, de son propre aveu, ce n'est qu'après qu'il m'eût produit un échantillon du papier destiné à la fabrication, et qu'il m'eût menacé d'employer un graveur de sa connaissance, que je feignis de céder à ses désirs, dans l'espoir de sauver ma patrie et le citoyen égaré qui me faisait cette importante confidence; qu'enfin le sieur Guillot confesse lui-même, dans ses interrogatoires, n'avoir pu lui-même dénoncer la fabrique, parce qu'il était enchaîné, par la reconnaissance envers Vimal et Sauvade, mais qu'il ne m'a confié son secret que parce qu'il connaissait mon civisme et la pureté de mes sentiments, et qu'il était bien sûr que je m'empresserais de dénoncer et de déjouer un complot qui tendait à détruire la fortune publique et celle des particuliers.

« Je connais le prix, les douceurs et les devoirs de l'amitié; si je n'avais pu sauver ma patrie sans perdre mon ami, j'aurais toujours sauvé mon pays, mais je n'aurais pas conduit mon ami à l'échafaud; en pareil cas j'aurais des pistolets.

« J'invoque ici, contre M. Thuriot, le témoignage des commissaires de la trésorerie nationale, le juge de paix de l'Observatoire, le commissaire de police des thermes de Julien et de la halle au blé, l'officier de paix chargé de l'expédition, 600 autres citoyens connus de la capitale, Guillot lui-même, sa femme, son défenseur officieux, son commis, qu'ils disent si je suis son dénonciateur; qu'ils disent toutes les peines que je me suis données pour éloigner Guillot du danger qu'il cherchait avec acharnement, et pour que non seulement sa présence mais son nom ne fussent jamais en cause; qu'ils disent enfin les périls que j'ai courus, les larmes que j'ai versées sur le malheureux qui, par suite des informations, s'est trouvé compromis, qui, s'étant fait arrêter malgré toutes mes précautions, avait été relaxé à ma prière, et qui, par son indiscrétion seule, et j'oserai dire pour le besoin d'être sincère et vrai, se trouve aujourd'hui chargé de fers malgré tous les efforts que mes amis et moi avons faits pour l'empêcher d'achever de se perdre; qu'on lise les journaux des 26 mars et 7 avril derniers, et l'on verra ce que j'ai écrit en faveur de cet infortuné.

Tels sont les faits, M. le président, consignés dans la procédure et dans ma déclaration déposée au comité des assignats et monnaies. Je vous prie d'assurer l'Assemblée que cette injustice et cette marque d'ingratitude, de la part d'un de ses membres, ne m'inspirera aucun découragement, aucun dégoût lorsqu'il s'agira d'être utile à ma patrie. Je tiens, au moment où je parle, peut-être son salut dans mes mains. Je fais des vœux pour que la diatribe de M. Thuriot n'influe pas davantage sur le courage et le patriotisme des citoyens qui, tentés de rendre le même service à leur pays en dénonçant de grands complots, pourraient n'en rien faire dans la crainte d'obtenir des calomnies pour toute récompense. Signé : LAREYNIE.

M. Lavigne. Je me suis présenté plusieurs fois à cette tribune pour repousser l'inculpation faite par M. Thuriot à M. Lareynie; je vous prie de vouloir bien m'entendre avec attention. J'ai fait, le 11 de ce mois, un rapport sur la fabrication des faux assignats de Passy (1), dans lequel j'ai fait connaitre les moyens par lesquels M. Lareynie est parvenu à découvrir les fabrications. J'ai proposé à l'Assemblée et elle a décrété une récompense qui, quoique grande aux yeux de ceux dont le calcul ne porte que sur un grand intérêt, avait paru aux miens bien audessous de cet important service. Un long rapport, fondé sur la procédure instruite par les officiers de police et par le tribunal criminel du département de Paris, avait précédé ce décret rendu à cet égard.

Le 16 de ce mois, le président du tribunal criminel écrivit à l'Assemblée pour lui observer que son décret relatif à la fabrication des faux assignats de Passy ne peut recevoir son exécution, parce que les sieurs Vimal, Guillot et Sauvade s'étant pourvus en cassation, il est impossible de faire brûler les matériaux qui ont servi à cette fabrication. Après la lecture de cette lettre, M. Thuriot a élevé contre M. Lareynie un cri d'injure et de reproche. Il l'inculpe vivement en s'attachant moins à la chose qu'à la personne, il n'épargne rien pour attirer sur lui le mépris de ses concitoyens. Je répondis à la sortie de M. Thuriot l'Assemblée, sur l'observation très judicieuse de M. Goujon, décréta que l'exécution du décret serait suspendue seulement en ce qui concerne le brûlement du papier, jusqu'à l'exécution du jugement. La manière dont fut arrêtée la délibération laissa du doute dans le décret. Quelques-uns crurent que la suspension portait sur la totalité du décret, les autres sur le brûlement seulement. La lecture du procès-verbal dissipa entièrement tous les doutes. Cependant l'envoi du décret à la sanction a été constamment éludé par les incertitudes très naturelles de M. Blanchard, secrétaire, mais mieux encore par les menées particulières de M. Thuriot qui, de concert avec le commis aux procès-verbaux, s'est opposé à l'envoi de ce décret à la sanction.

Je dois vous dire qu'il serait aussi injuste qu'impolitique d'en suspendre l'exécution en ce qui concerne la récompense. En effet, est-ce dans ce moment, que nous sommes instruits de l'existence d'un nombre infini de contrefacteurs de faux assignats, que nous devons nous montrer avares de récompenses envers ceux qui ont eu la hardiesse de les dénoncer. Il serait très injuste de suspendre l'exécution du décret relatif à M. Lareynie. Il s'agissait de l'existence d'un grand complot, dont la trace a été suivie à travers les dangers les plus imminents par la cruelle obligation où s'est trouvé le sieur Lareynie, de vivre pendant six mois au milieu d'hommes méfiants et soupçonneux, bien décidés à ôter la vie au premier d'entre eux qui aurait osé les compromettre il s'agit d'une grande quantité de faux assignats destinés à la ruine des fortunes, découverts et saisis dans le lieu où était établi la fabrique. Le dénonciateur a donc rempli son obligation, la nation doit s'empresser de remplir les siennes, et c'est à la loi à punir les coupables. Ici le service du dénonciateur est consommé, la récompense justement

(1) Voy. Archives parlementaires, 1 série, t. XLVI, séance du 18 juillet 1792, page 327, le projet de décret de M. Lavigne.

acquise. J'ajoute encore, Messieurs, que non seulement le sieur Lareynie a employé un temps très long et très pénible, mais encore il a fait des dépenses considérables dans l'usage des dif férents moyens dont il a été obligé de se servir, dont une bonne partie est justifiée par des titres authentiques. Il a joint le désintéressement au courage dans son action, puisqu'il s'exposait à perdre sans retour ses dépenses, si le succès de la découverte eût échappé à sa surveillance.

Et c'est ainsi que M. Thuriot accueille des hommes qui se dévouent si généreusement à la chose publique. C'est par des personnalités outrageantes qu'on récompense ceux qui bravent la mort en se dévouant à la sûreté de nos finances et des nos fortunes. Si c'est ainsi que nos défenseurs doivent être accueillis, alors cessons de nous plaindre des ennemis de notre liberté, ils n'en agiraient pas autrement. Toutes les injures de M. Thuriot déclamées contre M. Lareynie sont démenties par le témoignage que des hommes non suspects rendent à sa probite et par les titres authentiques que j'ai sur moi. J'en appelle à ceux des membres de cette Assemblée qui le connaissent. J'ajoute, Messieurs, que le sieur Lareynie est chargé de la confiance des commissaires de la trésorerie, et je ne dois pas vous laisser ignorer qu'il est dans ce moment chargé d'une mission très importante de leur part, puisqu'il s'agit de faire saisir dans une ville étrangère des fabriques importantes qui sont une véritable conspiration contre finances. L'incertitude et la douleur de l'incident élevé par M. Thuriot contre le sieur Lareynie ont suspendu et suspendent encore son départ. Je conclus et je demande que l'Assemblée ordonne que ce décret tel qu'il a été présenté et arrêté séra envoyé à la sanction.

nos

M. Thuriot. Messieurs, en entendant la lecture de la lettre de M. Lareynie, j'étais loin de croire qu'il existait entre M. Lareynie et M. Lavigne une harmonie assez heureuse pour attendre de M. Lavigne un discours aussi développé que celui qu'il vient de lire. J'avais eu cependant quelques motifs pour soupçonner cette harmonie. Car si M. Lavigne m'a fait un reproche d'avoir été instruit par M. Blanchard qu'il faisait des mouvements pour le décret, malgré deux décrets qui le suspendaient.....

M. Lavigne. C'est une imposture !

M. Thuriot. Je n'ai consulté que l'intérêt national. L'existence de M. Lareynie est assez généralement connue dans la capitale, pour que je n'en eusse jamais parlé à l'Assemblée s'il n'y eut eu une raison supérieure pour ne déterminer, et cette cause, c'est dans le moment où les accusés se sont pourvus en cassation, on commencerait par faire prononcer par l'Assemblée nationale que le premier tribunal a bien jugé. Ce n'était point moi seul qui réclamais; le président même du tribunal criminel a rappelé les vrais principes. Il vous a observé qu'il y avait possibilité que le jugement füt cassé, et que definitivement même contre l'avis du tribunal il y eùt infirmation du jugement, et que, par conséquent, il n'y eût point de délit constaté. Cette vérité a frappé l'Assemblée, et alors on a dit mais il faut suspendre par deux raisons la première parce qu'il y a des instruments qui ont été utiles qui servent encore à la conviction, et qui seraient nécessaires si le procès est revu par un autre tribunal; et en second lieu, parce que si définitivement il n'y avait pas

preuve de délit, alors il serait inconcevable qu'on donnât 100,000 livres à un homme pour une dénonciation dans cette forme.

Actuellement, relativement à M. Lareynie, M. Lavigne m'avait parlé hier; il m'avait invité à me rapprocher pour que la surséance fùt levée. Je lui fis toutes les objections que je crus justes. Je lui dis même qu'on m'avait communiqué des mémoires, que j'avais des dénonciations signées contre M. Lareynie; que je consentais à lui communiquer les pièces que j'avais, et que je désirais voir la procédure criminelle parce que j'étais convaincu, d'après la conférence que j'avais eue avec le directeur du juré, que la procédure criminelle ne devait pas permettre une pareille récompense. M. Lavigne était d'accord. Nous étions convenus de nous réunir pour examiner ces pièces, et pour enfin être à même tous les deux de rendre hommage à la vérité et aux principes. M. Lavigne a éludé, et c'est aujourd'hui, Messieurs, que dans le moment où il s'agit d'éclairer l'Assemblée nationale, et de tâcher d'empêcher que la nation paye 100,000 livres, si elle ne les doit pas, que M. Lavigne se joint à M. Lareynie pour écrire et pour me diffamer, et tâcher d'avoir dans ce moment-ci une décision qui déroge aux deux décrets qui défendent de délivrer les 100,000 livres. Je demande que les deux surséances qui ont été prononcées par l'Assemblée nationale en connaissance de cause, et qui n'ont pas été surprises comme l'a dit M. Lavigne qui à discuté la première et qui n'était pas à la seconde, tiennent, et qu'enfin ce ne soit que lorsque le tribunal de cassation aura prononcé qu'on agite la question de savoir si l'on livrera la surséance ou non.

M. Guadet. J'observe, Messieurs, que c'est la troisième fois qu'on occupe l'Assemblée nationale d'un objet que deux fois elle a très mùrement discuté. Je ne conçois pas comment on vient encore vous proposer de déroger au décret du surséance, il n'y a ici aucune circonstance nouvelle. Je demande donc que sans perdre de temps en de vaines discussions, l'Assemblée ferme la discussion et maintienne le décret.

M. Tronchon, secrétaire. M. Thuriot a dit que c'était M. Lavigne qui sollicitait l'expédition. du décret. M. Lavigne a dit que c'était M. Thuriot qui l'empêchait, ce n'est rien de tout cela. Lorsqu'on présenta le décret à la signature du bureau que concernait le décret sur la récompense accordée à M. Lareynie, alors je me rappelai qu'un décret postérieur l'avait suspendu. M. Blanchard se refusa à le signer, et ce ne fut ni M. Thuriot qui nous empêcha de le signer, ni M. Lavigne qui sollicita la signature.

(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

M. Rouyer. Je demande que l'Assemblée improuve la lettre de M. Lareynie. Nous sommes ici pour faire des lois, et lorsqu'un membre de l'Assemblée nationale est dans le cas de prononcer son opinion, et que cette opinion frappe sur quelque particulier, si vous tolérez que ces particuliers vous insultent en réclamant sur le décret, bientôt ils viendront vous chasser... (Bruit.) Je dis que vous ne pouvez pas tolérer une telle audace, puisque c'est le mot employé

le pétitionnaire. Je demande donc que la lettre de M. Lareynie soit renvoyée au comité de législation, pour insérer dans le Code penal un article contre les pétitionnaires ou les reclamants qui viendront à l'Assemblée nationale.

1

M. Laureau. J'appuie la motion de M. Rouyer. Nous avons besoin de considération, mais, par malheur, on s'en écarte trop dans les lettres qui nous sont écrites, et dont la manière dont on se comporte à notre égard. Vous êtes témoins que les improbations, les huées des tribunes... (Rires ironiques à gauche.)

M. Thuriot. Comme l'objet me regarde personnellement, je demande l'ordre du jour.

M. Laureau. L'Assemblée nationale doit être respectée partout, et notamment dans le lieu de ses séances; ainsi je demande que la motion de M. Rouyer soit renvoyée au comité, pour qu'il nous présente incessamment des vues à cet égard.

(L'Assemblée renvoie au comité de législation la notion de M. Rouyer.)

M. le Président. Messieurs, le résultat du scrutin pour l'élection des secrétaires, qui sont appelés à remplacer MM. Vincens-Plauchut, Dalmas et Rouyer, secrétaires sortants, a donné la majorité à MM. Goujon, Crestin et Lecointe-Puyraveau.

En conséquence, je les proclame secrétaires et je les prie de venir prendre leur place au bureau. MM. Goujon, Crestin et Lecointe-Puyraveau prennent séance.

Une députation de la section des Tuileries est admise à la barre.

L'orateur de la députation donne lecture d'une pétition de 150 citoyens, qui déjà ayant tous servi, demandent à ne pas être envoyés à Soissons, mais à être promptement formés en compagnies franches, équipés, armés et placés dans l'armée du maréchal Luckner, au poste où le danger sera le plus imminent.

M. le Président répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance. M. Kersaint. Je demande la mention honorable du zèle de ces citoyens et l'envoi d'un extrait à l'armée.

M. Lasource. La loi est faite. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif pour l'exécuter et en rendre compte sous trois jours.

(L'Assemblée décrète la mention honorable du zèle patriotique de ces citoyens, et renvoie leur pétition au pouvoir exécutif, fondée sur ce que les lois déjà faites suffisent pour que le vœu des pétitionnaires puisse être rempli.)

Dix-sept particuliers, revêtus de l'uniforme national, sont admis à la barre.

L'orateur de la députation déclare qu'étant de service depuis le matin, au bas de la terrasse des Feuillants, ils ont été insultés et maltraités par le peuple; qu'un grenadier voulant sauver des mains de la multitude un citoyen sur lequel elle se portait (1), a eu son épaulette arrachée, son sabre et son chapeau emportés; et qu'au moment où il parle, le citoyen périt peut-être au Palais-Royal. Il demande, en conséquence, pour la sûreté des citoyens et pour éviter de mettre la garde nationale aux prises avec le peuple, que l'Assemblée veuille bien rapporter le décret par lequel elle a déclaré que la terrasse des Feuillants fait partie de son enceinte.

M. le Président répond à l'orateur et accorde aux pétitionnaires les honneurs de la séance.

(1) Il s'agit de M. Duval-Desprémesnil, député à l'Assemblée constituante.

Ils pénètrent dans la salle. (Huées des tribunes.) Un membre: L'ordre du jour! (Mouvements d'indignation à droite.)

M. Gensonné. Je demande le renvoi à la commission des Vingt-et-un, pour nous présenter séance tenante un mode d'exécution du décret que vous avez rendu.

(L'Assemblée nationale renvoie cette pétition à la commission extraordinaire qu'elle charge de vérifier les faits dénoncés et de lui en rendre compte séance tenante.)

M. de Causidière, major de la garde nationale parisienne, lors du 14 juillet 1789, est admis à la barre.

Il expose les services qu'il a rendus à cette époque à la ville de Paris et les besoins qu'il éprouve à cette heure. Il demande le remboursement des avances qu'il a faites.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition aux comités de secours et de liquidation réunis.)

M. Croze-Magnan, fondé des pouvoirs des négociants de Marseille, réclame en leur nom, contre les procédés également injurieux et vexatoires que les établissements français ont, d'après son rapport, éprouvés dans les Echelles du Le

vant.

M. le Président répond au pétitionnaire et accorde à la députation les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif à l'effet de rendre compte de la connaissance qu'il peut avoir de ce qui y est exposé et des mesures qu'il a dû prendre en connaissance.)

MM. Pâris et Boulan sont admis à la barre. Ils expriment à l'Assemblée leur reconnaissance du décret par lequel elle leur a rendu la liberté; ils demandent qu'elle use de la même faveur envers les sieurs Chapelle et Grimaud, détenus à l'Abbaye, et dont tout le crime est d'avoir énoncé leur opinion sur l'un des généraux. Ils demandent aussi le décret d'accusation contre le sieur Samson-Duperron, juge de paix, qui a décerné contre eux le mandat d'arrêt.

M. Kersaint. Tant que nous ne pourrons pas écrire sur notre poitrine, comme ce citoyen d'Athènes : « Je suis las d'entendre toujours parler des vertus d'Aristide, » il n'y aura pas de liberté en France.

M. le Président répond aux pétitionnaires et leur accorde les honneurs de la séance.

M. Thuriot. Je demande que le ministre de la justice soit tenu de rendre compte par écrit, dans la séance de demain, des motifs de l'arrestation de ces deux citoyens et des raisons qui empêchent de prononcer dans leur affaire. Voilà la troisième fois que je sollicite ce décret.

(L'Assemblée décrète cette proposition.)

M. Rühl. Je sollicite en faveur des cultivateurs du Bas-Rhin un décret qui leur permette l'exportation à l'étranger des chanvres filés et travaillés.

(L'Assemblée décrète que le rapport du comité de commerce sur l'exportation des chanvres du département du Bas-Rhin sera fait à la séance du lendemain au soir.)

M. Méricamp, au nom du comité de liquida

tion, présente un projet de décret (1) tendant à ordonner la vente de 33,738 rames de papier, appartenant à la nation et provenant de traités faits par la régie dans les papeteries de Thiers et de la Forie, en Auvergne; ce projet de décret est ainsi conçu :

Décret d'urgence.

« L'Assemblée nationale, considérant qu'il importe à l'intérêt national de procéder incessamment à la vente de 33,738 râmes du papier qui appartient à la nation et provenant de traités faits par la régie dans les papeteries de Thiers et la Forie, en Auvergne, soit pour éviter de plus grandes pertes, soit pour faire cesser des frais considérables qu'occasionne leur conservation, décrète qu'il y a urgence. »

Décret définitif.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète :

« Art. 1er. L'indemnité réclamée par les sieurs Richard et Andrieu, soit pour les bâtiments et ustensiles qu'ils avaient été obligés de faire ensuite de leur traité avec la régie générale, soit pour l'inexécution du traité, est fixée en conséquence des avis du district de Thiers, département du Puy-de-Dôme, et régisseurs généraux, à la somme de 27,766 1. 10 s.

« Art. 2. La régie générale est autorisée à la vente, en faveur des sieurs Richard et Andrieu, de 33,738 rames de papier, qui restent dans les papeteries de la Forie et de Thiers, et appartenant à la nation, moyennant la somme de 41. 6 s. par rame, sa renonciation à tous loyers depuis le 1er avril 1791 et la soumission, consignée dans l'acte du 4 avril dernier, de payer le tiers du produit, sous la déduction de 27,766 l. 10 s. de l'indemnité à la livraison, le second tiers cinq mois après, et le restant dans les quatre mois suivants.

« Art. 3. A dater du jour de la livraison, les magasins occupés par la régie dans les fabriques de Thiers et de la Forie, ainsi que tous autres bâtiments, même les personnes préposées à la garde, soin et manutention de ces papiers ne seront plus pour le compte de la nation. »

(L'Assemblée ordonne l'impression du projet de décret et ajourne la discussion à huitaine.)

M. Lavigne, au nom du comité des assignats et monnaies, présente un projet de décret tendant à autoriser les commissaires du roi, directeurs de la fabrication des assignats, à retirer des archives de l'Assemblée le poinçon du timbre sec des assignats de 5 livres; ce projet de décret est ainsi conçu :

"

L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des assignats et monnaies, considérant qu'il est nécessaire d'accélérer la fabrication des cent millions d'assignats de 5 livres, déjà en activité, décrète qu'il y a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que les commissaires du roi, directeurs de la fabrication des assignats, sont autorisés à retirer des archives de l'Assemblée nationale le poinçon du timbre sec des assignats de 5 livres, pour en faire tirer les carrés suffi

(1) Bibliothèque nationale. Assemblée législative. Domaines nationaux, X.

sant à la garniture des ateliers de timbrage de Petits-Pères, à la charge de rétablir ledit poinçon aux archives, immédiatement après s'en être

servi. »>

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Sédillez, au nom des comités de législation et du commerce réunis, fait un rapport et présente un projet de décret sur les difficultés qui s'élèvent dans les tribunaux relativement à l'exécution des anciens règlements des agents de change; le projet de décret est ainsi conçu:

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L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités de législation et de commerce, sur les difficultés qui s'élèvent dans les tribunaux, relativement à l'exécution des anciens règlements des agents de change, sous prétexte qu'ils n'ont pas été enregistrés aux ci-devant Parlements; considérant qu'il est nécessaire de faire promptement cesser ces difficultés, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence, décrète que le défaut d'enregistrement aux ci-devant Parlements ne peut être opposé aux règlements qui, jusqu'aux décrets de l'Assemblée constituante des 14, 19 et 21 avril 1791, ont réglé les conditions et l'exercice des fonctions des agents de change, et que ces règlements auront leur plein et entier effet pour tous les engagements et négociations qui ont lieu sur la foi de leur exécution.

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(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Sédillez, au nom du comité de législation, présente un projet de décret portant qu'il n'y a lieu à délibérer sur la question de savoir si les corps administratifs du département de la Drôme peuvent prononcer sur les contraventions et prévarications reprochées aux entrepreneurs des travaux publics du Rhône à Valence; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation sur la question de savoir si les corps administratifs du département de la Drôme peuvent prononcer sur les dénonciations faites contre les entrepreneurs des travaux publics du Rhône à Valence, pour cause de contre-révolution, aux clauses des marchés, et de prévarication, qu'on prétend aussi nuisible à l'intérêt public qu'à l'intérêt individuel; considérant que, d'après les articles 3, 4 et 5 du décret sur l'organisation judiciaire, la connaissance et le jugement de ces sortes de difficultés ne peuvent appartenir qu'aux corps administratifs, chacun dans leur ressort, décrète que sur le motif il n'y a lieu à délibérer.

(L'Assemblée adopte le projet de décret.) M. BENOIST, employé dans les bureaux de la guerre, est admis à la barre.

Il offre à l'Assemblée de lui dévoiler toutes les manœuvres à l'aide desquelles beaucoup de personnes ont obtenu la croix de Saint-Louis. Il demande, en outre, à être mis sous la sauvegarde de la loi, car il poursuit en justice certaines personnes qui lui ont offert des sommes pour le corrompre et obtenir de lui de faux bre

vets.

M. le Président répond au pétitionnaire et lui accorde les honneurs de la séance.

M. Mayerne. Je prends occasion de cette

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