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est portée, sans l'avoir été au juge de paix, vous n'avez d'autre faculté que de mander l'individu et ensuite de décerner le décret d'accusation. Mais si le prévenu ne comparaît pas (car l'obligation spéciale de comparaitre n'est écrite, ni dans la Constitution, ni dans aucune loi; et ce droit que vous exercez n'a été jusqu'à présent qu'une induction du droit que vous avez d'accuser), ou bien, si vous ne décidez pas à rendre le décret d'accusation le jour même où la personne est en votre présence, n'est-il pas vraisemblable que, dans l'intervalle de la comparution à l'accusation, elle aura tous les moyens de se soustraire. Eh quoi! pour le vol d'un simple assignat, un homme ne peut échapper à la foi, et le ministre qui aura dilapidé nos finances, et le fonctionnaire public qui nous aura le plus indignement trahis, tous ceux enfin qui d'abord et directement vous auront été dénoncés, pourront donc fuir, et trouver par là leur impunité dans le silence de la loi. Ah! Messieurs, hâtezvous de remédier à cette inconséquence, elle serait fatale, et c'est la dernière lacune que j'aperçoive actuellement dans le nouveau système qu'on présente sur la police générale.

Voici quel serait, à cet égard, l'article que je proposerais à l'Assemblée nationale:

Lorsqu'un délit contre la sureté générale aura été dénoncé au Corps législatif, il pourra, avant de prononcer sur le décret d'accusation, charger le pouvoir exécutif de s'assurer de la personne du prévenu, sous la responsabilité du ministre. >>

Et quant au surplus, je demande de nouveau qu'on mette aux voix le projet de M. Gensonné. (Applaudissements.)

Plusieurs membres : L'impression!

(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. Hérault de Séchelles et ajourne la suite de la discussion.)

Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. d'Abancourt, ministre de la guerre, qui affirme à l'Assemblée que M. Jarry n'a point été promu au grade de lieutenant général; cette lettre est ainsi conçue :

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ASSEMBLÉE NATIONALE LÉGISLATIVE.

Séance du vendredi 27 juillet 1792, au soir.

PRÉSIDENCE DE M. MERLET, vice-président.

La séance est ouverte à six heures du soir. M. Mallarmé, au nom du comité de l'ordinaire des finances, fait un rapport (1) et présente un projet de décret (1) tendant à interpréter et modifier la loi du 17 mars 1791, sur les patentes, en ce qui concerne les maîtres d'hotels garnis et marchands de bois de la ville de Paris; il s'exprime ainsi :

Messieurs, quoique les lois des 17 mars et 9 octobre 1791, concernant les patentes, combinées ou rapprochées l'une de l'autre, offrent un ensemble assez parfait, pour ne souffrir de correction que dans un temps plus opportun, c'està-dire lorsque les besoins de l'Etat étant diminués, et la dette publique remboursée, il sera permis de diminuer le fardeau toujours pesant des contributions; cependant quelques articles de ces lois ont donné lieu à différentes réclamations, parmi lesquelles votre comité, en attendant qu'il vous présente un travail plus étendu, et qui comprenne toutes les modifications à faire auxdites lois, a cru devoir distinguer, attendu leur urgence, celles des maîtres d'hotels garnis et des marchands de bois de Paris, qui, en manifestant leurs désirs de contribuer aux besoins de l'Etat, proportionnellement à leurs facultés, sollicitent en leur faveur une modération dont votre comité a reconnu la justice.

L'article 12 de la loi du 17 mars 1791 porte: « Le prix des patentes annuelles pour les négoces, arts, métiers et professions, autres que ceux qui seront ci-après exceptés, sera réglé à raison du prix du loyer, ou de la valeur locative de l'habitation des boutiques, magasins et ateliers occupés par ceux qui les demanderont, dans les proportions suivantes :

«Deux sols pour livre du prix du loyer, jusqu'à 400 livres, 2 s. 6 d. pour livre depuis 400 livres jusqu'à 800 livres, et 3 sols pour livre audessus de 800 livres.

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L'article 14 porte, « que les particuliers qui voudront réunir à leur négoce, métier ou profession, la profession de marchands de vin, brasseurs, limonadiers, distillateurs, vinaigriers, marchands de bière et de cidre, aubergistes, hôteliers donnant à boire et à manger, traiteurs, restaurateurs, les fabricants de cartes à jouer, les fabricants et débitants de tabac, ceux mêmes qui n'exerceraient que les professions ci-dessus dénommées, payeront leurs patentes dans les proportions suivantes; savoir: 30 livres quand le loyer total de leur habitation et dépendances sera de 200 livres, jusques et compris 400 livres ; 4 sols pour livre du prix de ce loyer, quand il surpassera 400 livres, jusques et compris 600 livres; 4 s. 6 d., quand il sera de 600 livres à 800 livres; et enfin 5 sols pour livre pour les loyers au-dessus de 800 livres.

Dans le rapport sur les patentes, fait au nom du comité des contributions publiques, le 15 février 1791, le projet de décret portait que le prix des patentes ne pourrait excéder 250 livres."

(1) Bibliothèque nationale Assemblée législative. Contributions publiques, no 19.

Le principe sur lequel votre comité se fonde pour accueillir la demande des maîtres d'hôtels garnis et marchands de bois, est que toute imposition, pour être juste, doit être proportionnée aux facultés de chaque contribuable, et établie sur des bases certaines et uniformes. C'est d'après ce principe que l'Assemblée constituante a décrété que la contribution foncière ne pourrait excéder en principal le sixième du revenu net, et que la contribution mobilière a été fixée au vingtième, et le maximum au dix-huitième.

Si l'Assemblée constituante avait pu établir une base certaine pour connaître le produit réel de l'industrie de tout particulier qui se livre à un commerce ou à une profession, elle aurait également fixé un maximum pour le droit de patentes, lequel n'aurait sans doute pas excédé le taux de la contribution mobilière, auquel tous les fonctionnaires publics, et autres personnes qui jouissent d'un traitement connu, sont assujettis.

En comparant même le taux fixé pour les patentes avec celui de la contribution mobilière, pour raison d'un même loyer, il est facile de se convaincre que celui qui a été fixé pour les patentes est bien inférieur. En effet, un particulier dont l'habitation serait évaluée 12,000 livres, payerait pour sa patente 1,800 livres.

Un même loyer, supposant à la contribution mobilière 150,000 livres de revenu, donnerait au vingtième 7,500 livres, et au dix-huitième 8,333 1. 6 s. 8 d., non compris la cote d'habitation et accessoire, d'où l'on doit conclure que l'intention de l'Assemblée constituante n'a pas même été d'assujettir tous ceux qui se livrent à une profession quelconque au vingtième du produit réel de leur industrie. On en trouve une preuve plus convaincante encore dans la loi du 17 mars. L'article 24 porte: « Nul ne sera admis à faire déduire, de sa contribution mobilière, la taxe proportionnelle à la valeur locative de ses ateliers, chantiers, boutiques et magasins, qu'il n'ait produit sa patente en original ou en expédition. »

Cette loi juge, de la manière la plus précise que, pour le marchand et l'artisan, la contribution mobilière est plus forte que le droit de patente, puisque, dans la loi, celui-ci cède au pre

mier.

Ce principe est de la plus exacte justice, en ce que l'homme qui vit de son commerce est sujet à des pertes et à des vicissitudes que n'éprouve pas celui qui jouit d'un traitement fixe. Ils ne peuvent donc être assujettis au même taux.

Que l'on considère le prix fixé pour les patentes d'un banquier, d'un négociant, d'un riche marchand, il sera facile de se convaincre que beaucoup d'entre eux ne payent pas même le trois centième de leurs revenus industriels.

Les maîtres d'hôtels garnis et marchands de bois ont exposé, et votre comité a reconnu que loin d'avoir suivi cette base à leur égard, en adoptant les dispositions de la loi, on les assujettissait à payer plus des trois quarts de leurs bénéfices réels. Votre comité entrera, à cet égard, dans quelques détails, et proposera séparément les moyens qui s'élèvent en faveur de chacun des réclamants.

Les maîtres d'hôtels garnis ont mis sous les yeux de votre comité une réclamation par laquelle ils ont démontré, de la manière la plus convaincante, combien le taux auquel on les assujettit pour les patentes est excessif, et peu proportionné à leurs facultés industrielles; ils

ont joint à cette réclamation un tableau du produit et des frais d'un hôtel loué 12,000 livres.

Votre comité a reconnu que le produit d'une année commune, déduction faite du prix de loyer, de l'intérêt des premières avances, et des dépenses absolument nécessaires, ne pouvait s'élever à plus de 3,000 livres.

Votre comité n'a pu voir sans étonnement, Messieurs, que sur un produit aussi médiocre, qui ne peut jamais augmenter par l'industrie du maître, ni par des spéculations de commerce, qui est même sujet à une infinité de vicissitudes et de pertes, on exige 1,800 livres de patentes ; et si, pour la commodité de ses locataires, un maître d'hôtel garni se permet de lui donner à boire ou à manger, et de partager avec eux sa table, alors sa patente, pour raison de ce même loyer, s'élèverait à 3,000 livres, ce qui supposerait un bénéfice de 60,000 livres, en prenant le droit de patentes au vingtième, qui est le taux le plus fort auquel on puisse le porter.

Que l'on compare ce droit excessif avec celui que l'on exige des banquiers, négociants et autres personnes dont les dépenses sont presque nulles, et les gains incalculables; on verra qu'en supposant à ces derniers un loyer de 3,000 livres, ils ne payeraient que 450 livres de patentes, quoiqu'ils fassent souvent un commerce de plusieurs millions.

Les bijoutiers, épiciers, limonadiers et autres marchands en gros, avec un local de 600 livres, payent une patente de 90 livres et peuvent se livrer à toutes les spéculations de commerce, qui leur procurent un gain considérable et assuré.

Plusieurs motifs de considération viennent à l'appui de la réclamation des maîtres d'hôtels garnis; leur état est précaire chaque citoyen, cherchant à diminuer ses charges, partage les lieux qu'il occupe avec les étrangers qui viennent à Paris pour leurs affaires ou pour leurs plaisirs. Les circonstances présentes sont peu favorables aux maîtres d'hôtels garnis le moment d'une révolution éloigne plutôt les étrangers qu'il ne les attire.

Votre comité pense que ce serait s'écarter de l'esprit même de la loi, en ne la modifiant pas en faveur des maîtres d'hôtels garnis, que ce serait détruire l'état de plus de 10,000 citoyens, presque tous pères de familles.

Ce serait écarter les étrangers, qui ne pourraient ou ne voudraient pas payer le surhaussement excessif des loyers, qu'un pareil impôt nécessiterait ce serait détruire le commerce, au lieu de l'améliorer aussi le régime ancien, à qui on ne disputera pas l'art funeste d'étendre les impôts, a toujours pensé qu'il était nécessaire de les faire porter faiblement sur les maîtres d'hôtels garnis; ils n'étaient assujettis à aucune maîtrise, et ne payaient qu'une capitation très modérée.

L'énormité de l'impôt exigé des maîtres d'hôtels garnis vient de ce que le texte de la loi porte que la patente se percevra à raison du prix du loyer, ou de la valeur locative de l'habitation des boutiques, magasins et ateliers occupés par ceux qui les demanderont. On a voulu regarder comme magasins et ateliers des hôtels garnis, la totalité des appartements qu'ils souslouent, qui, suivant l'instruction approuvée par l'Assemblée constituante, ne peuvent jamais être regardés comme une présomption de fortune. En effet, votre comité a reconnu, d'après tous les renseignements qu'il a cherché à se procurer à cet égard, qu'un hôtel garni, loué 12,000 livres,

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rapportait souvent moins de bénéfice qu'un hôtel loué 1,000 livres : dans ce dernier les produits sont toujours sûrs, les appartements rarement vacants, et les frais d'ameublement et d'entretien peu considérables.

Le maître d'un hôtel garni loué 12,000 livres est obligé à de grandes dépenses. Ses appartements doivent être meublés avec somptuosité et élégance, sans quoi il trouverait difficilement à les louer. La mise de fonds est considérable, l'entretien et les autres dépenses journalières absorbent la plus grande partie du bénéfice; aussi voit-on souvent ces derniers se ruiner par des pareilles spéculations, tandis que celui qui tient un hôtel médiocre se retire après un certain nombre d'années, sinon avec une fortune faite, du moins avec les moyens de subsister.

Pour détruire l'idée assez généralement établie sur les bénéfices des maîtres d'hôtels garnis, il suffit de considérer quelles sont les personnes qui se livrent plus ordinairement à cet état; ce sont pour la plupart des tailleurs peu occupés, des perruquiers on d'anciens domestiques.

On ne voit pas, dans cet état, des exemples de fortune assez ordinaires dans les autres commerces on doit considérer, en outre, que leur profession est, pour ainsi dire, un état continuel de domesticité; sans cesse aux ordres et aux caprices de ceux qui habitent leurs maisons, à peine trouvent-ils quelques heures pendant la nuit pour se livrer à un sommeil presque toujours interrompu.

:

Votre comité pense qu'un maître d'hôtel garni doit être considéré sous les deux rapports suivants; savoir ou comme un principal locataire qui sous-loue une portion des bâtiments qu'il ne peut ou ne peut pas occuper; et sous ce rapport, il ne doit pas de patentes. Et en supposant qu'il en doive pour le produit qu'il retire, on ne pourrait raisonnablement penser que cette patente dût se prendre sur le prix de la location.

Que l'on suppose, en effet, un particulier dont la fortune et l'industrie se bornent à tenir une maison à bail général : si, par hypothèse, ce bail est de 12,000 livres, et que les sous-locations produisent 13,000 livres, voilà pour lui un bénéfice de 1,000 livres, lequel même est très éventuel. Serait-il juste de prétendre que la patente, dans le cas où elle serait due, pût se prendre sur le prix total du loyer de 12,000 livres? Il serait facile de montrer le ridicule de cette prétention, puisque, sur un bénéfice de 1,000 livres, qui peut même être réduit à rien, par les non-valeurs et les défauts de payement, on exigerait une patente de 1,800 livres, fixée pour un loyer de 12,000 livres.

Si l'on considère le maître d'hôtel garni comme fournissant ou louant des meubles, et en tirant un produit, alors il doit certainement une patente; mais elle ne doit être prise que sur la valeur de son habitation personnelle; et votre comité pense qu'il serait aussi injuste de prendre la totalité des bâtiments occupés par ses locataires pour ses magasins et ateliers, et de le faire payer d'après cette base, qu'il le serait de prétendre qu'un tapissier ou un fripier doit payer sa patente d'après la valeur de l'habitation de tous les particuliers à qui il loue des meubles.

Que l'on fasse le rapprochement du gain que peut faire un tapissier dans sa profession, avec celui d'un maître d'hôtel garni, et il sera facile de se convaincre que tout l'avantage est du côté du tapissier.

Il gagne sur les marchandises qu'il fournit; il meuble souvent des hôtels entiers; et sous ce dernier rapport, il fait le même bénéfice qu'un maître d'hotel garni, sans avoir les mêmes charges et le même degré d'assujettissement. Cependant on ne l'astreint à prendre une patente que sur le prix de son habitation et de ses magasins. Il peut, dans un local de 600 livres, renfermer pour plus de 100,000 livres de meubles; il peut les renouveler continuellement, à mesure qu'il les vend ou qu'il les loue. Le maître d'hôtel garni ne peut avoir le même avantage; il est obligé de partager, dans les différents appartements, des meubles qui pourraient être renfermés dans un grenier ou dans les magasins qu'il louerait un prix médiocre. La plus grand partie de son bénéfice passe entre les mains du propriétaire de la maison, qui, sur le prix de la location, est assujetti à la contribution foncière. Imposer le maître d'hôtel garni à une patente d'après le prix de son bail, ce serait faire porter au même objet un double impôt; ce serait aller, non seulement contre l'esprit, mais même contre le texte de la loi, lequel porte que le prix des patentes sera réglé à raison du prix de loyer, ou de la valeur locative de l'habitation, des boutiques, magasins et ateliers occupés par ceux qui les demanderont.

Quand bien même on regarderait leurs appartements comme des ateliers, ce qui serait donner à la loi la plus grande extension, ils ne pourraient être compris dans le prix de leurs patentes, puisqu'ils ne les occupent pas eux-mêmes, et que ces appartements, quelques considérables qu'ils soient, ne peuvent jamais être regardés comme une présomption de revenu industriel, mais comme un simple objet de spéculation.

Que l'on suppose un maître d'hôtel garni propriétaire de la maison qu'il sous-loue; il paye la contribution foncière sur l'évaluation du produit de sa maison. L'imposer à sa patente pour raison du même loyer, ce serait faire porter sur lui une masse d'imposition qu'il serait hors d'état de supporter. Ayant acquitté l'impôt foncier, il peut occuper sa maison, ou la louer s'il le juge convenable, sans être tenu à aucun autre droit. Si, par spéculation, il la garnit de meubles, il rentre alors, ainsi que votre comité l'a exposé, dans la classe d'un tapissier, et il ne doit la patente que d'après le loyer qu'il s'est réservé.

La même raison a lieu pour celui qui est locataire; il ne doit rien pour sa sous-location; il ne doit que pour le bénéfice qu'il fait sur la fourniture de ses meubles, qui, comme votre comité l'a exposé, est toujours infiniment médiocre, et n'est jamais en proportion du prix de la location.

Les marchands de bois de Paris ont présenté une réclamation pour le même objet; ils représentent que la loi qui accorde à toute personne la liberté de faire tel négoce, ou d'exercer telle profession, art ou métier que bon lui semble, en se munissant de patentes, n'a donné au commerce de bois aucun avantage nouveau; que ce commerce était parfaitement libre dans l'ancien régime; que les marchands de bois n'ont jamais formé corporation et n'ont été assujettis à aucun droit ni formalité de maîtrise ou de jurande. Ils réclament, ainsi que les maitres d'hôtels, sur la base que l'on veut suivre pour le droit de patentes, en les assujettissant à le payer, non sur le prix de leur habitation personnelle, mais encore sur la valeur de leur chantier. Ils ont exposé que leur commerce n'offrait à Paris sur

tout, que des présomptions infiniment incertaines; qu'avant de porter ses regards sur des profits trop éventuels, il faut calculer les pertes ordinaires dans ce commerce, les avaries de la navigation, les dépenses considérables d'exploitation d'un chantier, et les fonds immenses que ce fonds de commerce exige.

Les commerçants de bois ont besoin d'un terrain vaste, parce que chaque espèce de bois doit être distinguée, que la hauteur des piles ou thuètres est limitée, et que dans l'arrangement des bois, il est indispensable d'observer des vides pour les courants d'air, seul préservatif de la pourriture, ce qui leur nécessite un loyer très considérable à Paris, puisqu'il est des chantiers qui sont loués plus de 10,000 livres, ce qui donnerait lieu à un droit de patente excessif. Votre comité pense que cette base ne peut être adoptée, et qu'elle n'est nullement proportionnée à celle qui est suivie à l'égard de tous les autres commerçants qui peuvent concentrer leurs négoces et renfermer de grandes valeurs dans de petits réduits. Leurs bénéfices sont d'autant plus certains que l'apparence en est moins sensible. L'usage du bois est un objet de première nécessité; mais la consommation tient à des circonstances; si l'hiver n'est pas rigoureux, le marchand n'a aucun débit de ses approvisionnements, il en souffre un grand dommage. Il n'en doit pas moins remplir les obligations qu'il a contractées. Il peut arriver que des hivers peu rigoureux se suivent; alors le débit étant ralenti, les charges n'en deviennent que plus onéreuses. Au nombre des pertes journalières, il faut ajouter les dépenses extraordinaires, les dangers de la navigation, les cas fortuits et les événements de force majeure que la prévoyance humaine ne peut atteindre.

Le commerce des bois pour la provision de Paris se partage en deux classes; l'une, de marchands ayant chantier dans la capitale, et l'autre de marchands forains dont le domicile est dans les divers départements. Ces derniers déposent leurs marchandises sur les quais et autres lieux publics destinés à cet effet, et n'ont par conséquent aucune location à payer; dans la balance des profits et des risques, tout est cependant à leur avantage. Les marchands qui ont des chantiers à loyer, sont obligés, par la nature de leur commerce, à des approvisionnements considérables, et qui ne se font qu'à grands frais. C'est dans l'été qu'ils sont obligés de pourvoir aux besoins de l'hiver, ils sont obligés d'attendre l'acheteur. Les dépenses de location, de garçons de chantier, de tirage, empilage des bois sont forcées, et rien ne peut les en dispenser; souvent il leur est difficile de mettre en juste balance tant de dépenses avec les profits.

Au contraire, le marchand qui vend sur les berges et les quais n'a point de location à Paris pour lui. Les frais de main-d'œuvre sont presque nuls, et il joint à cela une plus prompte rentrée de ses fonds 1° parce qu'il se trouve plus à la portée du consommateur, et que par conséquent la vente lui devient plus facile et plus prompte;

2° Qu'il peut vendre à meilleur marché, parce qu'il est dispensé de ces grandes dépenses dont ne peut se dégager le marchand qui tient un chantier à loyer.

Votre comité a pensé que ce serait blesser l'équité que de faire porter tout le fardeau de la patente sur le marchand qui a un loyer et des frais considérables, tandis que le marchand fo

rain peut se livrer au même commerce en payant un faible droit.

Votre comité a reconnu que pour établir la contribution mobilière, il a été difficile de parvenir au moyen sùr d'atteindre au vrai la fortune du citoyen.

La valeur locative de son habitation a paru la base la moins équivoque, parce que celui qui paye un loyer de 1,200 livres est censé réunir plus de richesses que celui qui ne paye que 300 livres en pareil cas la présomption a lieu.

Mais peut-on appliquer cette même base au marchand de bois? et comme le loyer de son chantier peut-être de 8 à 10,000 livres et plus, peut-il servir à établir la présomption de ses richesses mobilières? A Paris surtout, la valeur locative des chantiers est en raison inverse de celle de l'habitation du marchand: car celui dont le loyer, par exemple, est de 6,000 livres pour le chantier et son habitation, n'occupe souvent personnellement qu'une valeur de 600 livres, et le surplus appartient au chantier.

Sans doute, ce cas n'a pas été prévu par la loi; et votre comité pense que l'Assemblée constituante n'a jamais eu intention d'établir le droit de patente pour les chantiers à Paris sur la valeur locative de ces mêmes chantiers, parce que cette imposition serait trop dure, et hors de toute proportion raisonnable.

Les marchands de bois représentent qu'ils sont bien éloignés de se refuser à la part dans les contributions publiques que leur impose la qualité de citoyen; mais ils demandent à payer dans la même proportion que ceux qui se livrent à tout autre commerce. Dans l'ancien régime, où les impôts étaient portés à leur dernier période, et où aucune circonstance n'était négligée pour leur donner la plus grande extension, l'imposition de chaque marchand de bois à brûler dans Paris, comprenait la capitation, l'industrie, les deux vingtièmes, le sou pour livre du premier et la milice. Ce mode d'imposition présentait une mesure qui avait au moins l'apparence de la justice, puisque ces impôts réunis s'établissaient sur le quantum de la vente fixe et annuelle de chaque marchand, d'où résulte cette vérité, que l'impôt n'était assis que sur un débit réel et un bénéfice présumé en raison de la vente plus ou moins considérable.

Ainsi chaque marchand acquittait une contribution qui était directement désignée pour lui, mais dont les bases étaient égales pour tous, puisque les quatre espèces d'impôt qu'on vient de citer, étant toutes réunies, formaient un total de 18 1. 9 s. 6 d. pour 1,000 voies de bois vendues dans un chantier.

D'après ce calcul, un marchand qui débitait 12,000 voies de bois dans son chantier, se trouvait imposé à une somme de 222 livres.

Cette imposition, toute dure qu'elle était, est encore bien éloignée du droit de patentes que l'on veut exiger des marchands de bois, et la comparaison en est effrayante.

Un exemple servira à éclaircir la chose.

Le sieur Godot, l'un des réclamants, occupe à Paris quatre chantiers, dont le loyer réuni est de 22,300 livres. Dans tout le cours de l'année 1791 il a fait, dans ses quatre chantiers, un débit de 24,000 voies de bois. Ses registres ne laissent aucun doute sur ce fait; ainsi, d'après le mode de l'ancien regime, il aurait payé pour toute imposition 444 livres.

Aujourd'hui, que l'on veut établir le droit de patente sur la valeur du loyer des chantiers, on

demande au sieur Godot une somme de 3,345 livres les poursuites dirigées contre lui établissent ce fait. Tous les autres marchands de bois sont imposés dans la même proportion.

Une imposition aussi énorme ne peut être regardée, ainsi que l'Assemblée constituante l'avait annoncé, comme un léger remplacement des anciennes perceptions. Votre comité croit devoir vous proposer, en conséquence, d'interpréter et de modifier, à l'égard des maîtres d'hôtels garnis et des marchands de bois, la loi du 17 mars 1791, et d'adopter à cet effet le décret suivant :

PROJET DE DÉCRET.

« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, considérant que toute imposition, pour être juste, doit être proportionnée aux facultés de chaque contribuable, et établie sur des bases, certaines et uniformes;

« Considérant que ce principe cesserait d'avoir lieu à l'égard des maîtres d'hôtels garnis, locataires ou propriétaires, marchands de bois dans la ville de Paris, si les uns et les autres étaient assujettis à prendre une patente à raison de la totalité des bâtiments, cours et hangars, chantiers et ateliers nécessaires à l'exploitation de leur commerce, et d'en payer le prix dans les proportions réglées par les articles 12 et 15 de la loi du 17 mars 1791, après trois lectures faites dans les séances des.

et après avoir décrété qu'elle est en état de décider définitivement, en interprétant et modifiant en tant que de besoin ladite loi du 17 mars 1791, décrète ce qui suit :

Article 1er. Les maîtres des hôtels garnis, locataires ou propriétaires, et les marchands de bois dans la ville de Paris, seront tenus seulement de payer la moitié du prix fixé pour droit de patente par les articles 12 et 14 de la loi du 17 mars 1791, à raison du montant du loyer ou de la valeur locative de l'habitation, des boutiques, magasins et ateliers qu'ils occuperont, et ne pourront être assujettis, dans aucun cas, à un prix plus fort.

« Art. 2. Le présent décret sera envoyé au département de Paris seulement. »>

(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport et du projet de décret et ajourne la seconde lecture à huitaine.)

Un membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente la rédaction du décret (1) qui accorde à la commune de Strasbourg une avance de 300,000 livres; elle est ainsi conçue :

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L'Assemblée nationale, sur la demande du conseil général de la commune de la ville de Strasbourg, considérant que cette ville, une des principales places fortes de l'Etat, est menacée d'être assiégée par les ennemis de la France; considérant qu'il importe de venir au secours de la classe peu aisée de ses citoyens en lui fournissant les moyens de leur procurer les approvisionnements en grains que la durée d'un siège pourrait nécessiter, décrète qu'il y a urgence.

«L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence et entendu son comité de l'extraordinaire des finances, décrète que la caisse de l'extraordinaire fera une avance de trois cent mille

(1) Voy. ci-dessus, séance du jeudi 26 juillet 1792, au soir, page 178, l'adoption de ce décret, sauf rédaction.

livres à la municipalité de Strasbourg, sur ce qui peut lui être dù par l'Etat, à raison des dimes inféodées supprimées; laquelle somme de trois cent mille livres servira aux approvisionnements de grains, ainsi qu'il est porté par la demande du conseil général de la commune. »

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

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Le même membre, au nom du comité de l'extraordinaire des finances, présente la rédaction du décret qui accorde à la municipalité de Thionville une avance de 25,000 livres; elle est ainsi conçue: L'Assemblée nationale, sur la demande du conseil général de la commune de Thionville, appuyé par l'avis du directoire de district de Thionville, et par celui du département de la Moselle, considérant que la ville de Thionville étant menacée d'un siège, il est nécessaire de lui fournir les moyens de se procurer les subsistances dont la classe la moins fortunée de ses habitants pourrait avoir besoin, décrète qu'il y a urgence.

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L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence et entendu le rapport de son comité de l'extraordinaire des finances, décrète:

Art. 1er.

« La caisse de l'extraordinaire tiendra à la disposition du ministre de l'intérieur la somme de vingt-cinq mille livres, pour être par lui délivrée à la municipalité de Thionville, qui l'emploiera en approvisionnements, conformément à la demande de son conseil général.

Art. 2.

« Ladite somme de 25,000 livres sera en déduction de celle que la municipalité de Thionville réclame de la nation pour le montant de ses offices municipaux supprimés.

(L'Assemblée adopte cette rédaction.)

M. Dochier donne lecture d'une adresse des citoyens de Romans dans laquelle ils assurent l'Assemblée que le dépôt de la Constitution ne sera jamais vi olé entre leurs mains, qu'ils veulent la Constitution tout entière et qu'ils rejettent également le système des deux Chambres, les chimères de la République, les désordres de l'anarchie. Cette adresse est ainsi conçue :

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Législateurs, l'Assemblée nationale constituante a remis le dépôt de la Constitution à la fidélité et au courage de tous les Français.

« Les citoyens de la ville de Romans viennent vous assurer que ce dépôt ne sera jamais violé entre leurs mains; ils veulent la Constitution tout entière: ils rejettent également, et le système des deux Chambres, et les chimères de la République, et les désordres de l'anarchie.

« Et qu'on ne pense pas que le prix de la liberté leur soit inconnu : c'est sous leurs yeux, c'est au sein de leur cité qu'ils en ont vu briller l'aurore.

« Législateurs, recevez l'assurance de notre inviolable attachement à la Constitution: nous connaissons les devoirs qu'elle nous impose, et nous les remplirons.

<< Suivent 240 signatures. » (Applaudissements.) Plusieurs membres : Mention honorable!

(1) Voy. ci-dessus, séance du vendredi 27 juillet 1792, au matin, page 184, l'adoption de ce décret, sauf rédaction.

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