Page images
PDF
EPUB

le mandat d'arrêt; quoique l'humanité et la justice lui imposent l'obligation de commencer par ce mandat d'amener; si d'ailleurs les circonstances ne sont pas telles, qu'il craigne que le coupable n'échappe à la peine, je soutiens que le juge de paix peut sur-le-champ décerner un mandat d'arrêt.

Ainsi, Messieurs, je ramène nécessairement les partisans du sieur Larivière à ces principes; c'est que le représentant du peuple ne pouvant être saisi que dans le cas de flagrant délit, ou en vertu du mandat d'arrêt, il n'est pas vrai de prétendre que le mandat d'amener doit être décerné par le juge de paix contre un représentant du peuple. Ainsi tenons-nous-en donc à ces maximes invariables; et les représentants du peuple n'ont eu jamais peut-être plus besoin qu'à présent de s'en tenir à ce principe. Car les ennemis de la chose publique (et que personne ne feigne ici de n'être pas dans le secret) fondent depuis bien des jours leurs espérances sur votre facilité à vous écarter de ce principe constitutionnel. Je dis donc que vous avez besoin plus que jamais de vous en tenir à ce principe fixé par la Constitution; c'est que le représentant du peuple ne peut être saisi qu'en vertu d'un mandat d'arrêt, et jamais en vertu du mandat d'amener, tant que vous n'avez pas autorisé cet acte arbitraire.

M. Grangeneuve a rendu plainte devant un juge de paix qui a fait l'instruction, qui a cru pour l'intérêt même du prévenu, de M. Jouneau, devait l'entendre avant de décerner un mandat d'arrêt contre lui. Il a cependant, fidèle aux principes de la Constitution, reconnu qu'il ne pouvait décerner de mandat d'amener contre M. Jouneau, qu'après une autorisation du Corps législatif. C'est en conséquence de ce principe, qu'il vous a exposé son embarras; il est venu vous demander d'y être autorisé. Que devez-vous faire, Messieurs? Vous devez lui donner cette autorisation; et j'augure trop bien de sa fidélité à la Constitution et de son altachement aux règles, pour croire qu'il décernera un mandat d'arrêt si vous ne l'y autorisez. Qu'occasionneriez-vous par votre silence? Vous priveriez M. Jouneau de l'avantage d'articuler devant le juge ses moyens de justification avant que le mandat d'arrêt fût décerné. Je demande donc que vous décrétiez que le juge de paix de la section des Lombards peut décerner le mandat d'amener contre M. Jouneau, et la suppression de ces mots : « Ainsi qu'il y est autorisé par la loi du 22 juillet 1791, » attendu que ce serait là d'abord une violation du principe constitutionnel, et ensuite un petit moyen d'absolution fourni au juge de paix Larivière. (applaudissements des tribunes et de la gauche.)

M. Goujon. Il s'agit moins ici de l'intérêt particulier de MM. Grangeneuve et Jouneau, que des principes d'après lesquels vous devez déclarer si, dans la thèse générale et dans les principes, un mandat d'amener peut être décerné contre un représentant du peuple à l'Assemblée nationale, sans décret préalable du Corps législatif.

Sans doute, s'il n'était question que de l'intérêt particulier de nos deux collègues, l'un et l'autre se sont réunis, M. Jouneau, le premier, pour demander que vous autorisiez le mandat, si véritablement l'autorisation était nécessaire pour le délivrer; mais, Messieurs, il serait d'une grande et dangereuse conséquence de passer lcgèrement sur le principe. Le principe est, je le soutiens, qu'un

mandat d'amener peut être décerné contre un représentant du peuple comme contre tous les citoyens, sans aucun décret préalable du Corps législatif. (Murmures.) Et je prie l'Assemblée de vouloir bien écouter le développement des preuves.

Un membre: Vous n'avez pas toujours dit ça.

M. Goujon. J'entends autour de moi rapprocher mon opinion présente de celle que j'ai énoncée lors de l'affaire du juge de paix Larivière. Mais alors je n'ai point voté dans l'opinion que l'autorisation du Corps législatif fùt nécessaire pour le mandat d'amener. Rappelez-vous que le juge de paix Larivière avait appelé à son tribunal, d'abord trois représentants du peuple comme témoins, pour recevoir leurs déclarations; et sur quels faits les avait-il entendus? sur des faits dont comme membres d'un comité de l'Assemblée nationale, ils étaient dépositaires. Non content de les avoir entendus, et après avoir su qu'ils ne pouvaient ni ne devaient déposer, il s'est permis le mandat d'amener. En cela il a prévariqué deux fois; la première en les interrogeant sur des faits dont, comme représentants du peuple, ils ne devaient compte qu'ici; et la seconde, en décernant un mandat d'amener contre eux. Il y avait donc attentat à la souveraineté du peuple en la personne de ses représentants. Il y avait, en outre, vexation, puisque l'objet du mandat d'amener n'est autre chose que d'entendre les prévenus, et que ceux qu'i regardait comme prevenus avaient été appelés la veille, ou la surveille, comme témoins dans leur affaire.

Voilà donc les motifs du décret d'accusation justement rendu contre le juge de paix Larivière : et vous voyez, Messieurs, qu'il n'a aucune application à l'spèce présente, qui ne présen'e pas, qui ne suppose pas même le principe qu'on veut présenter comme décrété, la nécessité d'un décret pour autoriser le mandat d'amener.

Voilà l'exemple écarté, et je reviens à la thèse générale. Le principe. Messieurs, est dans la loi même. La loi est celle du 29 septembre sur l'institution des jurés, qui dit qu'aucun citoyen ne peut se refuser de tenir compte, aux officiers de police, des faits qu'on leur impute; et s'il refu-e d'obéir, le porteur du mandat d'amener pourra employer la force pour le contraindre ». Ici, Messieurs, il faut remarquer deux choses que tout citoyen est tenu de rendre compte en vertu d'un mandat d'amener. Le représentant du peuple n est point excepté. La règle générale est donc, d'après la loi que je viens de citer, qu'aucun citoyen ne peut refuser de répondre au maudat d'amener. Il résulte aussi que le mandat d'amener (et je réponds ici à une erreur de M. Guadet) ne tend pas à saisir le prévenu. Le mandat d'amener est une simple citation au tribunal; ce n'est qu'en cas de résistance à la citation, qu'alors, on est traduit devant le juge; ont st libre parce que le mandat d'amener n'est autre chose qu'un appel au tribunal pour répondre sur les faits dont on est prévenu. En vertu du mandat d'amener on n'est donc pas saisi il n'y a donc pas d'application en ce cas, selon le principe que M. Guadet a établi, qu'un représentant du peuple ne peut être saisi qu'en flagrant délit en vertu du mandat d'arrêt. Voilà donc, Messieurs, le principe bien établi; voilà la nature du mandat d'amener bien connue. Tout citoyen doit répondre au mandat. Venons maintenant au fait.

Aux termes de la Constitution, les représentants sont inviolables, il ne peuvent être accusés, poursuivis, ni recherchés, etc., etc... Or, celui qui peut decerner un mandat d'arrêt contre un représentant du peuple, qui peut, en vertu de ce mandat, le faire saisir, arrêter, conduire en maison de justice, le tenir au secret, le tout sans décret préalable du Corps législatif, ne peut-il pas, à bien plus forte raison, l'appeler devant lui pour répondre sur les faits sur lesquels il est inculpé? Aux termes de la Constitution, c'est d'après ce mandat d'arrêt seulement que le juge de paix est tenu d'en donner avis au Corps législatif, pour, par lui, aviser s'il y a lieu au décret d'accusation. Ainsi le Corps législatif n'a autre chose à faire qu'à examiner s'il y a lieu à accusation; ce qui ne peut arriver qu'après le mandat d'arrêt. En me résumant, voici mon projet de décret :

« Attendu qu'aux termes de la loi aucun citoyen ne peut refuser de répondre devant l'officier de police, aux faits qui lui sont reprochés, l'Assemblée nationale passe à l'ordre du jour.

[ocr errors]

M. Saladin. M. Goujon, malgré son attachement à la Constitution, n'a fait qu'errer. La Constitution a fait différence du flagrant délit et du mandat d'arrêt; elle a voulu que le cas d'exception pour les députés fùt tellement grave, que le député ne pût être arrêté qu'en vertu d'un mandat d'arrêt, dans le cas de flagrant délit. Voilà, Messieurs, la distinction très constitutionnelle qui a été faite lors de la discussion sur le juge de paix Larivière. Vous avez senti qu'un juge de paix ne pouvait décerner des mandats d'amener. La discussion de M. Goujon n'est que la critique du décret d'accusation contre le juge de paix Larivière. Suivant la Constitution, il n'a pas pu décerner de mandat d'amener; la Constitution ne l'y autorisait pas; il fallait qu'il fut autorisé par le Corps législatif. Je demande que le projet de votre comité, amendé par M. Guadet, soit adopté.

Plusieurs membres : La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.)

M. Quatremère-Quincy. Je demande la priorité pour le projet de décret de M. Goujon, car il est important que l'Assemblée nationale consacre le principe. Il ne faut pas que l'Assemblée nationale se trompe, il n'existe dans Paris aucun juge de paix qui ne doivè avoir le droit de décerner un mandat d'amener contre un représentant du peuple... (Vives protestations.)

Ce que je viens de dire est faux ou vrai. C'est pourquoi je demande que l'Assemblée décrète le principe.

J'ai avancé qu'il n'est dans Paris aucun juge de paix qui ne fût persuadé qu'il avait le droit de décerner un mandat d'amener. Mais comme il se pourrait que l'Assemblée vint à faire insensiblement, ainsi que les anciennes cours du parlement, deux sortes de jurisprudences, l'une écrite et l'autre de fait, je demande que le Corps législatif prononce le principe, si les représentants de la nation seront obligés d'obéir au mandat d'amener.

M. Lasource. Je réponds à M. QuatremèreQuincy que l'Assemblée ne donnera pas plus dans ce piège qu'elle n'a donné dans l'autre. Messieurs, M. Quatremère-Quincy vous propose une proposition très insidieuse; car si vous déclariez aujourd'hui que les juges de paix n'ont point le droit de décerner un mandat d'amener,

il en résulterait, comme M. Quatremère-Quincy le disait fort bien, la justification du juge de paix Larivière; car ce serait supposer qu'il n'y avait point de loi qui lui défendit de décerner le mandat d'amener contre les députés. Et je réponds à M. Quatremère-Quincy, qui veut tuer la Constitution par la Constitution même, que la Constitution à fait une exception précise relativement aux représentants du peuple. Elle n'a point dit que les représentants du peuple fussent tenus d'aller rendre compte de leurs actions à un juge de paix, toutes les fois qu'ils en seraient requis par un mandat d'amener; mais la Constitution a simplement prévu que lorsqu'un député aurait commis un crime, le juge de paix pourrait s'assurer, par un mandat d'arrêt, de la personne du prévenu et empêcher qu'il n'échappât à la loi. Ainsi la Constitution a fait à la règle générale une exception particulière, et ce serait détruire cette exception et rendre illusoire l'article de la Constitution, qui assure l'inviolabilité des représentants de la nation, que d'adopter la proposition de M. Quatremère-Quincy. La Constitution à la main, je demande donc la question préalable sur la proposition peu adroite de M. Quatremère-Quincy. (Applaudissements.) Plusieurs membres: La discussion fermée! (L'Assemblée ferme la discussion.) Plusieurs membres: La priorité pour la rédaction de M. Goujon!

D'autres membres: La question préalable!

(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu de délibérer sur la rédaction de M. Goujon.) (Applaudissements.)

M. Guadet. Voici la rédaction que je propose : « L'Assemblée nationale décrète que le juge de paix de la section des Lombards est autorisé à décerner le mandat d'amener contre M. Jouneau, s'il y a lieu, à la charge par le juge de paix d'en donner connaissance au Corps législatif, conformément à la Constitution, dans le cas où il jugerait convenable de décerner le mandat d'arrêt. » Plusieurs membres : La question préalable sur la rédaction de M. Guadet!

(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer.) M. Blanchon. Je demande, par amendement, qu'à ces mots qui terminent sa rédaction: « à la charge par le juge de paix, etc., » M. Guadet substitue la seconde disposition du projet du comité, ainsi exprimée: « à la charge par le juge de paix de se conformer à l'article 8, etc. » (Murmures.)

M. Thuriot. La question préalable sur l'amendement.

(L'Assemblée rejette l'amendement.)

M. Tarbé. Je demande à faire un autre amendement; je propose que la rédaction de M. Guadet soit généralisée; de manière qu'à chaque injure, à chaque insulte, à chaque soufflet que pourra recevoir un député, l'Assemblée..... (Murmures à l'extrême gauche: huées des tribunes.)

Plusieurs membres: A l'Abbaye, à l'Abbaye! (Bruit.)

M. Tarbé..... l'Assemblée ne soit pas exposée à revenir sur une semblable discussion.

M. Thuriot. Je demande la parole. Plusieurs membres : Non! non! l'ordre du jour! (Bruit.)

M. le Président. La parole est à M. Tarbé. (Ah! ah!)

M. Thuriot. Monsieur le président, je demande la parole contre vous. (Applaudissements à gauche.)

Les mêmes membres : L'ordre du jour!

M. Thuriot. Messieurs, si c'était la première fois que M. Tarbé insulte à l'Assemblée, je serais de l'avis de ceux qui demandent l'ordre du jour; mais depuis trop longtemps M. Tarbé et ces Messieurs (montrant la droite) s'en font un jeu, pour qu'enfin cette insolence ne soit pas réprimée; et je demande que par un decret sévère, l'Assemblée fasse un grand exemple. M. Tarbé suppose que tous les membres de l'Assemblée sont dans le cas de recevoir des soufflets ou des coups de bâton. Le rôle que joue M. Tarbé en ce moment, et qui s'accorde parfaitement avec celui qu'il joue tous les jours, est celui d'un homme qui calcule l'avilissement de l'Assemblée nationale. M. le Président aurait dù le rappeler à l'ordre.

Je demande que M. Tarbé soit envoyé pour trois jours à l'Abbaye. Je demande en second lieu que, pour n'avoir pas rappelé M. Tarbé à l'ordre, ainsi qu'il était de son devoir de le faire, M. le Président y soit rappelé lui-même. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)

M. Tarbé. Ces Messieurs qui se proposent de me juger devraient bien s'abstenir.....

M. Guérin. Monsieur le Président, rappelez à l'ordre M. Tarbé. En marquant du mépris à ces Messieurs, il insulte à la majorité de l'Assemblée nationale. (Applaudissements des tribunes.)

M. Tarbé. Je me suis servi, en effet, de cette expression : «ces Messieurs », mais ce nom nous a été si souvent adressé, que j'ai cru qu'il m'était bien permis de l'employer également. Je disais que tous les membres qui se proposent de prendre part à mon jugement, devraient bien s'abstenir de manifester d'avance des sentiments qui les mettaient dans l'impossibilité de statuer, parce qu'avant tout un juge doit être impassible. Je reviens au reproche de M. Thuriot.

La proposition de M. Guadet étant relative seulement à la rixe particulière qui a eu lieu entre MM. Jouneau et Grangeneuve, il en résultait que, s'il se présentait à l'avenir une rixe semblable, la discussion qui nous occupe en ce moment se renouvellerait nécessairement. En conséquence, je proposais, et cette proposition renfermait deux choses, les mots et l'opinion, et je ne crois pas que ce soit l'opinion qui ait choqué. (Murmurès.)

Plusieurs membres : L'ordre du jour!

M. Tarbé. En conséquence, je proposais de la généraliser. Je me fondais pour cela sur la nécessité de déterminer la conduite des juges de paix, dans le cas d'une nouvelle rixe semblable; et je demandais que cette rédaction fùt étendue à tous les cas où il y aurait lieu à décerner le mandat d'amener contre un représentant du peuple.

Me reportant ensuite sur les scènes scandaleuses auxquelles cet événement a donné lieu, et me rappelant avec douleur (Rires ironiques à gauche) le temps précieux que cette misérable difficulté a fait perdre à l'Assemblée nationale, à la France entière, j'ai cru devoir exprimer combien il était important que pour une cause aussi légère que celle-là (Murmures) on ne perdit pas le temps de l'Assemblée.

Plusieurs membres (à gauche.) Qualifier ainsi un assassinat!

M. Tarbé. J'ai cru rendre service au Corps législatif lui-même en lui proposant d'éviter, par une mesure générale, une semblable perte de temps. J'ai dù pour cela rappeler la nature de la rixe. J'ai prononcé ce mot, que l'accusateur et l'accusé ont prononcé si souvent à la tribune. (Murmures.) Mais d'autres orateurs ont prononcé ce mot; mais la sentence du juge de paix qui interviendra l'exprimera, ce mot. Ne serait-il donc interdit qu'à moi seul? (Murmures.)

J'ai pensé que loin de chercher à l'avilir, j'ai voulu assurer l'honneur du Corps législatif: j'ai donc lieu d'être étonné des deux propositions de M. Thuriot.

Je me soumettrai toujours avec résignation aux décrets de l'Assemblee nationale; et je crois qu'elle tiendra assez à sa dignité, pour ne pas adopter une proposition qui choque également la justice et la raison.

Plusieurs membres: La discussion fermée!

M. Lasource. Je demande la parole, Messieurs, le compte que vient de vous rendre M. Tarbé aurait pu faire quelque impression sur l'Assemblée, si l'on n'avait pas vu le sourire sardonique qui l'accompagnait. (Applaudissements des tribunes.) M. Tarbé n'est monté à la tribune que pour aggraver la faute qu'il avait commise; car il vous a dit que vous deviez, par une mesure générale, prévenir le retour d'un pareil scandale. N'est-ce pas dire que les représentants du peuple en viendront à des scènes tous les jours? N'estce pas dire que les représentants du peuple seront sans cesse exposés aux injures, aux insultes et aux outrages? Quel est donc le démon qui veille sur les malheurs de la France? Longtemps j'ai nié son influence; maintenant je crois à ce génie malfaisant; je le reconnais dans ce système trop évident d'avilissement du Corps législatif; je le vois dans ces hommes complices des rebelles de Coblentz, dans ces hommes qui tendent les mains aux conspirateurs; je le vois dans ces hommes qui travaillent à la dissolution de l'Assemblée, en cherchant à l'avilir.

L'Assemblée nationale doit punir ces hommes mal intentionnés, qui veulent perdre la France entière et enchaîner sa liberté. Et puisqu'on n'a pas le droit de vomir de son sein ceux qui la déshonorent, il faut au moins qu'elle déploie contre eux toute sa sévérité. Je demande que celui qui s'est permis cet outrage au Corps législatif, soit, pour l'honneur du Corps législatif, envoyé à l'Abbaye. S'il était possible d'infliger une peine plus grave, je la demanderais. (Applaudissements réitérés de la gauche et des tribunes.)

Plusieurs membres: Aux voix! aux voix !

M. Beugnot. Des injures graves ont été proférées dans le sein du Corps législatif. Il est aisé à tout homme impartial de juger lequel des deux de M. Tarbé ou de M. Lasource mérite la censure de l'Assemblée. Le droit que chacun de nous reçu de ses commettants est le droit d'exprimer librement ici son opinion; et je soutiens que M. Tarbé n'a fait qu'exprimer son opinion et qu'en l'exprimant il n'a point manqué à l'Assemblée.

le cas où des scènes pareilles à celle qui vous M. Tarbé a posé une hypothèse; il a supposé occupe en ce moment se renouvelleraient, et_il a demandé une mesure pour les prévenir. En parlant de la rixe, M. Tarbé a prononcé un mot que vous avez entendu prononcer par d'autres orateurs. (Murmures.) Messieurs, il ne faut con

[ocr errors]

sidérer ici ni celui qui a reçu ni celui qui a donné des coups de pied au cul. (Bruit.)

Plusieurs membres: A l'Abbaye! à l'Abbaye! M. Beugnot. Messieurs, vous ne pouvez avoir deux manières différentes de juger. Certes, pour avoir prévu un cas pareil, ce ne serait pas à l'Assemblée que M. Tarbé aurait manqué, mais à celui qui s'en serait rendu coupable. M. Tarbé dans son opinion n'a donc rien dit qui puisse faire injure à l'Assemblée nationale.

Ce qui m'a étonné dans cette discussion, c'est d'entendre dire à M. Lasource qu'il y avait dans le sein de l'Assemblée des hommes.....

Plusieurs membres (à gauche): Oui! oui! (Applaudissements des tribunes.)

D'autres membres (à droite): Ce sont ces cris, ce tumulte qui déshonorent l'Assemblée.

M. Beugnot..... Des membres qui la déshonorent et qu'elle regrette de ne pouvoir vomir de son sein.

Les mêmes membres (à gauche): Oui! oui!

M. Jaucourt. C'est une tactique infâme de la part de ces messieurs, de récriminer contre nous et de nous dénoncer au peuple comme les auteurs des maux qu'ils attirent sur la France. (Murmures des tribunes.)

M. Beugnot. Si tel était ce malheur; si M. Lasource a des preuves qu'il existe de pareils hommes dans le sein de l'Assemblée, je lui demande pourquoi il ne les a pas dénoncés, pourquoi il n'a pas appelé toute la sévérité des lois sur la tête des coupables. De pareilles allégations ne peuvent être indifférentes; car c'est là qu'est placé l'honneur du Corps législatif.

M. Lasource. Je vais expliquer ma pensée. M. Beugnot. Je ne l'imiterai pas; je ne demanderai point qu'il soit envoyé à l'Abbaye, mais pour terminer des débats scandaleux, je demande l'ordre du jour.

Plusieurs membres : La discussion fermée!
(L'Assemblée ferme la discussion.)

Un membre: Monsieur le président, mettez l'ordre du jour aux voix.

(L'Assemblée ne passe pas à l'ordre du jour.) (Murmures à droite.)

Un autre membre: Il n'y a pas de despotisme plus effroyable!

Un autre membre: L'Assemblée a rejeté l'ordre du jour pur et simple: je demande que l'on mette aux voix le rappel à l'ordre avec censure.

M. le Président. Je mets aux voix le rappel à l'ordre avec censure.

M. Gensonné. Monsieur le Président, vous ne pouvez pas mettre aux voix une proposition faite la dernière, à moins que vous ne prétendiez décider seul la priorité. Je demande que Vous consultiez l'Assemblée sur la priorité, que vous suiviez l'ordre des propositions. (Applaudissements.)

ou

M. le Président. J'ai mis d'abord aux voix le rappel à l'ordre avec censure, parce qu'il est d'usage, lorsqu'il s'agit d'infliger une peine, de commencer par la plus douce...

Plusieurs membres : Non: la priorité pour l'envoi à l'Abbaye!

M. le Président la met aux voix l'épreuve est douteuse.

Plusieurs membres : L'appel nominal! (Bruit.) 1 SÉRIE, T. XLVII

M. Rouyer. Je demande à faire une motion d'ordre. Deux raisons puissantes militent en faveur de l'accusé. La première, c'est que lorsqu'une épreuve est douteuse, le doute doit s'interpréter en faveur de l'accusé; la seconde, c'est que, puisqu'il y a eu du doute sur la première question, M. le président doit mettre la seconde aux voix. Par cette seconde épreuve, l'Assemblée jugera s'il y a eu du doute sur la première. Je demande donc que la seconde soit mise aux voix. (Murmures.)

Plusieurs membres : Non l'appel nominal! (L'Assemblée rejette le rappel à l'ordre avec censure.)

Plusieurs membres : Le rappel à l'ordre pur et simple!

(L'Assemblée rejette le rappel à l'ordre pur et simple.)

M. Chabot. Je fais une autre proposition. Je demande que M. Tarbé soit mis pour trois jours aux arrêts.

Plusieurs membres : Non l'appel nominal!

Un membre: Au lieu de trois jours, je demande que M. Tarbé soit envoyé aux arrêts pour huit jours.

M. Boullanger. Pour se débarrasser plus vite de la minorité, il faut l'envoyer tout entière aux arrêts.

Plusieurs membres: A l'ordre!

(L'Assemblée décrète que M. Tarbé sera tenu de garder les arrêts chez lui pendant huit jours. (Applaudissements réitérés des tribunes.)

M. le Président. On a fait la proposition de rappeler le président à l'ordre.

M. Thuriot. Je retire ma proposition.

M. Guadet fait une nouvelle lecture de sa rédaction :

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète que le juge de paix de la section des Lombards est autorisé à délivrer un mandat d'amener contre le sieur Jouneau, député, à la charge par ledit juge de paix de donner sans délai, conformément à la Constitution, connaissance au Corps législatif du mandat d'arrêt dans le cas où il y aurait eu lieu à le délivrer. »

Plusieurs membres: La division!

D'autres membres : La question préalable!
(L'Assemblée rejette la division.)

M. Boullanger. Le décret est contraire au règlement.

(L'Assemblée adopte le projet de décret de M. Guadet.)

Suit le texte définitif du décret rendu :

L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législation, décrète que le juge de paix de la section des Lombards est autorisé à délivrer un mandat d'amener contre le sieur Jouneau, député, à la charge par ledit juge de paix de donner sans délai, conformément à la Constitution, connaissance au Corps législatif du mandat d'arrêt dans le cas où il y aurait eu lieu à le délivrer. »

Un de MM. les secrétaires donne lecture des lettres et pétitions suivantes :

1° Lettre du comité permanent du conseil général de la commune de Strasbourg qui annonce à l'Assemblée la découverte d'une correspon12

dance entre quelques agents secrets du cardinal de Rohan et quelques émigrés.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité de surveillance.)

2° Lettre de la municipalité de Strasbourg, qui réclame une somme de 300,000 livres pour pourvoir aux approvisionnements nécessaires de grains, sel et charbon pour soutenir un siège de six mois au besoin.

(L'Assemblée, après avoir prolongé quelque temps la discussion sur cet objet, accorde, sur les instances de M. Rülh, les 300,000 livres et renvoie à son comité de l'extraordinaire des finances pour lui présenter le mode d'exécution du décret et les conditions à raison de cette avance.)

3o Pétition de Marguerite Guedon, femme Talvande, qui dénonce des faits de prévarications des juges qui ont condamné à mort son mari.

(L'Assemblée renvoie la pétition au pouvoir exécutif.)

Un de MM. les secrétaires annonce les dons patriotiques suivants :

1° Un ancien soldat de la Patrie, gendarme national, brigade de Vendœuvre, département de l'Aude, offre deux assignats de cent sols;

2° Jean Marie, sans-culotte et citoyen libre du département du Pas-de-Calais, offre quatre assignats de cinq sols et une paire de boucles d'argent.

(L'Assemblée accepte ces offrandes avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis aux donateurs.)

Une députation des citoyens de la section du Luxembourg est admise à la barre.

L'orateur de la députation demande, au nom de ses concitoyens, la déchéance du roi, un décret d'accusation contre La Fayette, la réélection des juges des directoires du département et du district et la destitution des états-majors de l'armée.

M. le Président répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.

(L'Assemblée renvoie la pétition à la commission extraordinaire des Douze.)

Une députation des citoyens de la section des Quatre-Nations est admise à la barre. L'orateur de la députation s'exprime ainsi (1):

Représentants du peuple,

La patrie est en danger. Ce cri de ralliement a retenti d'un bout de l'Empire à l'autre.

La patrie est en danger! La Constitution est donc en danger? Notre liberté est donc en danger? Nous avons donc à craindre un nouvel et terrible esclavage?

Qui a pu mettre la patrie en danger?

Est-ce vous, législateurs ? est-ce nous, citoyens français? est-ce notre Constitution? sont-ce les autorités constituées? Que faut-il faire pour sauver la patrie? car il faut qu'elle le soit: le peuple le veut; il est le souverain véritable, dont la volonté seule fait la loi; le peuple le veut, et la patrie sera sauvée.

(1) Bibliothèque nationale: Assemblée législative, Pétitions, tome I, no 64.

Ce n'est pas vous, législateurs, qui avez mis la patrie en danger. Tous vos décrets vous justifient; c'est dans ce qui les rend impuissants que réside la source du mal.

Ce n'est pas nous, citoyens français; depuis quatre ans nous sommes épuisés de sacrifices, de fatigues, de veilles, et plus encore de patience; mais à la voix de la patrie en danger, nous avons revêtu la triple cuirasse de la constance, de la force et de l'union. Les jours de vengeance approchent, tout s'ébranle, les tyrans frémissent; nous connaissons les coupables, chaque coup exterminera un traître, un rebelle, un tyran.

C'est donc la Constitution qui met la patrie en danger? Non..... Si c'était la Constitution : au-dessus d'elle plane la suprême loi qui l'a dictée, le salut dù peuple. Voilà la dictature qui vous est déférée; que la Constitution s'arme, le salut du peuple commande, la patrie est sauvée.

Ne nous abusons pas dans la Constitution doit se trouver le salût de la patrie; les moyens de la sauver y sont tracés en caractères ineffaçables. Le droit de sauver la Constitution est imprescriptible; l'expérience, cette reine du monde entier, ce juge incorruptible, cet arbitre choisi par le roi lui-même, dans sa lettre d'acceptation, entre le peuple et lui, l'expérience a prononcé. Ce n'est plus le cas de déférer à des avis, à des invitations: la patrie est en danger; et cette chance effrayante n'était pas une de celles que l'homme législateur pût concevoir et prévenir. La patrie est en danger! aux armes, citoyens; et vous aussi, législateurs; à celles que la nation vous a confiées. Le peuple commande, il doit être obéi.

Sont-ce les autorités constituées qui ont mis la patrie en danger? Oui..... Le roi, les ministres, les directoires coalisés, les vils agents du pouvoir exécutif, tous les traîtres mandataires du peuple, enfin tous les esclaves de la liste civile: voilà les conspirateurs.

Si le roi n'a pas aperçu dans les moyens d'exécution et d'administration que donne la Constitution toute l'énergie nécessaire pour imprimer le mouvement, et pour conserver l'unité dans un si vaste Empire, il devait trouver cette énergie dans le fond de son âme; s'il eût été citoyen, son exemple entraînait tout; tout marchait dans le sens de la Constitution et de la liberté; sa cour n'eût jamais été et ne serait pas même encore en état de conspiration ouverte contre le peuple.

Peut-on compter sur les serments des rois! Les fastes de l'histoire ont prononcé.

Depuis l'acceptation de la Constitution, comme avant, le roi a-t-il tenu sa parole? a-t-il fait agir avec cette loyauté qu'il nous avait promise, tous les moyens qui ont été remis? Non. Ecoutez le cri de la nation; le souvenir accuse hautement son premier fonctionnaire public; sa conduite envers ses frères, la journée de Varennes, la proposition de guerre avant la réunion des forces sur lesquelles le peuple devait compter, et qui n'était que le signal donné aux ennemis de se mettre en force; la lenteur combinée de l'exécution, les coalitions tenues secrètes, le traité de Pilnitz, le silence sur la Prusse, les enrôlements suspendus, les armements toujours promis et jamais exécutés, les émigrations d'officiers, les caisses militaires enlevées, la mesure des munitions et approvisionnements négligée, le dénuement de nos troupes, nos armées incomplètes, la tactique

« PreviousContinue »